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Le commerce physique n’a pas dit son dernier mot

Faut-il vraiment désespérer de la fermeture des petits commerces dans nos bourgs et villes ? Peut-on espérer une grande mutation du commerce de proximité ?


S’il existe quelque chose qui, dans la rue, attire à coup sûr notre attention, nous fait lever le nez de notre téléphone et ralentir notre allure, c’est bien une vitrine vide, surtout lorsque celle-ci semble accompagnée d’un mot sur la porte. Un mot, ou plutôt quelques mots, le minimum, pour annoncer que la boutique en question ferme définitivement ses portes. On prend alors le temps de lire, au mieux surpris, au pire attristé. Pareille scène se rejoue, dans toutes les villes de France, du plus petit village à la plus imposante métropole.

Le Colonel Moutarde va trop sur Amazon

 « Quand le commerce part, c’est la vie qui part » a déclaré Alain Di Crescenzo, président de la CCI France en novembre dernier. Sans cautionner le ton inutilement dramatique d’une telle phrase, je pense cependant qu’il met le doigt sur ce qui nous chagrine tant à ce sujet : le commerce physique est indissociable de la vie d’un centre-ville et, si les Français sont nombreux à être attachés à leurs commerces, ils le sont encore plus à l’être à leur ville ou leur quartier.

Bref, une ville sans commerces, c’est une ville qui se meurt et, comme dans une partie de Cluedo, chacun prend plaisir à chercher le coupable, fustigeant les instances politiques, blâmant la conjoncture ou scrutant d’un air accusateur le quidam, perplexe devant ce local vide, qui regarde honteusement ses pieds, persuadé d’avoir bien trop acheté sur Amazon ces derniers temps…

Usual suspects

Le premier suspect semble tout trouvé. Impossible en effet de parler commerce sans évoquer le  pouvoir d’achat et sa baisse qui sont sur toutes les lèvres. Certaines entreprises en ont même fait leur cheval de bataille, à grand coups de campagnes publicitaires, et le dos du pouvoir d’achat semble si large qu’on a bien envie de faire peser sur lui tous les maux de la terre, en tout cas, ceux du commerce. Non, l’argent ne disparaît pas ! L’économie est faite de vases communicants : quand certains s’appauvrissent, d’autres s’enrichissent, obligatoirement. L’argent, qui n’est pas dépensé dans un commerce, est dépensé ailleurs, ou épargné, mais, en aucun cas, ne disparaît, appauvrissant brutalement toute une nation, surtout lorsque celle-ci figure parmi les plus riches au monde.

Jeff Bezos, rendez l’argent !

Si ce n’est dans les commerces, où va donc l’argent des Français ? Même si ceux-ci restent champions européens de l’épargne, ils semblent également très enclins à dépenser sur le Net. L’e-commerce semble d’ailleurs cocher toutes les cases du coupable idéal, bien qu’il existe depuis plus de vingt ans et que le commerce physique n’ait pas disparu pour autant. Rares sont désormais les boutiques qui n’ont pas leur propre site d’e-commerce ou un service de click-and-collect. L’avènement du commerce digital a bouleversé le commerce physique, l’amenant à multiplier ses canaux de distribution, mais, si l’on interroge les commerçants sur leurs difficultés, comme l’a fait fin 2023 le CDCF (Conseil du Commerce de France), ils sont plus nombreux à incriminer le prix de leurs loyers ou l’injustice de leur baux commerciaux, qu’à dénoncer la concurrence du Net.

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Parlons justement des institutions locales ou nationales. Il est très rare que les politiques légifèrent  au sujet du commerce, et force est de reconnaître que, lorsqu’ils le font, cela fait parfois regretter aux commerçants l’époque où leur devenir n’était pas au cœur des préoccupations. En 2024, le projet de Loi Simplification (LSA) promettait enfin de s’attaquer aux injustices du bail commercial mais ne remet même pas en cause sa clause, tout bonnement scandaleuse, qui permet aux propriétaires de locaux d’exiger de leurs locataires commerçants le paiement de leur taxe foncière[1].

L’avènement des « commerçants engagés »

Revenons-en à notre quidam. Comment en arrive-t-il à s’émouvoir de la fermeture d’un commerce dans lequel il n’a peut-être même jamais mis les pieds, ou si rarement ? Est-il simplement conservateur, nostalgique, ou allergique au moindre changement ?  Je ne pense pas. Il faut dire qu’il est aussi un peu concerné. Si le local reste vide, son quartier a alors toutes les chances de gagner en insécurité ou, a minima, de perdre en attractivité. S’il est repris, ce sera probablement par une banque ou un fast-food, l’offre commerciale de nos villes n’étant en effet que le reflet de notre société. Procos, fédération représentative du commerce spécialisé, vient d’ailleurs d’établir un top 10 des enseignes  qui ont vu leur chiffre d’affaires exploser en 2023. Parmi elles se trouvent Amazon, Action, Vinted, Shein, Burger King ou encore Stokomani. Pas de quoi être fier.

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Si nos choix de consommation ne sont pas seuls responsables de toutes ces fermetures et faillites, ils n’en demeurent pas moins un rouage essentiel. Choisir de consommer en boutique physique ou de proximité devient de plus en plus un acte engagé, allant souvent de pair avec une quête du produit éthique, de qualité, si possible fabriqué en France ou en Europe. Le consommateur est désormais un consom’acteur qui devrait avoir pleinement conscience de pouvoir, par ses achats, changer le monde, tout du moins, celui du commerce.

Tous ceux qui veulent changer le monde…

Ne faut-il pas chercher également le coupable ailleurs que dans nos lieux communs ? Rappelons que, depuis une vingtaine d’années, les fermetures concernaient essentiellement le commerce indépendant. C’était regrettable, certes, mais, au fond, sans surprise. Chacun y allait de son petit commentaire : peut-être le commerçant aurait-il dû étendre ses horaires d’ouverture, baisser ses prix, ou, tout simplement, être plus aimable ? Cependant, depuis la crise sanitaire de 2020, l’hécatombe s’intensifie et touche désormais des grandes enseignes, que l’on croyait indéboulonnables du paysage commercial. Parmi elles Go Sport, Camaieu, Minelli, San Marina, Orcanta, Burton of London, La Grande Récré ou encore Gap : la liste est longue et malheureusement non exhaustive.

Vous souvenez-vous du fameux « Quoi qu’il en coûte » si cher à notre gouvernement durant la crise sanitaire ? Celui-ci incluait des PGE (Prêts Garantis par l’État) auxquels les grosses structures ont majoritairement souscrit. Depuis, les échéances de remboursement n’ont eu de cesse d’être repoussées, jusqu’à 2023 où il a bien fallu passer à la caisse. Certaines de ces entreprises n’ont malheureusement pas survécu à l’arrachage de ce qui était devenu, pour elles, une perfusion vitale. Le « Quoi qu’il en coûte » semble finalement avoir un prix !

Le commerce dans la peau

Quel est le point commun entre une grande enseigne d’ameublement, une marque de lingerie de luxe et une chaîne de magasins de mode masculine ? Habitat, Burton of London, Orcanta, Chantal Thomass ou encore Maison Lejaby : tous appartiennent en réalité à un seul homme, de ceux qu’on appelle « serial repreneurs » mais que certains médias n’ont pas hésité récemment à qualifier de « fossoyeurs ». Le terme est violent mais justifié car, même si l’on peut leur concéder que la conjoncture n’a pas joué en leur faveur, de récentes investigations  mettent en lumière de dramatiques fautes de gestion. Ces deux dernières années, ce sont seulement trois hommes d’affaires  qui sont responsables de la fermeture d’environ 1 000 magasins en France et de la disparition d’environ 5 000 emplois. Qui se douterait que l’incompétence de quelques dirigeants puisse avoir des répercussions aussi catastrophiques et modifier durablement le visage de nos centres-villes ? Eux aussi sont coupables et pas assez souvent désignés comme tels.

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Au milieu de tous ces protagonistes qui le mettent à mal, le commerce traditionnel a-t-il encore une chance de subsister ? L’étude du CDCF de 2023 révèle que 75% des clients des boutiques physiques y recherchent de la proximité et du contact humain et 49% d’entre eux les fréquentent dans l’espoir d’être conseillés et de vivre une expérience client personnalisée. Pour eux, aussi étonnant que cela puisse paraître, le produit, ses caractéristiques et son prix, semblent presque devenus secondaires. Dans les magasins, en 2024, on n’achète plus seulement un article mais un service, une expérience d’achat que seule une boutique physique est en mesure de nous offrir.

Que doit-on en conclure ? Le commerce évolue mais ne disparaît pas. Il mute, s’adapte, au gré de la conjoncture, tiraillé entre exigences des consommateurs et choix des politiques ou dirigeants, pour n’être, au bout de compte, que le reflet, plus ou moins triste, de notre société. Quant au commerce de proximité, dont la peau a été maintes fois trop vite vendue, il est toujours vivant et, croyez-moi : il n’a pas dit son dernier mot.


[1] https://www.causeur.fr/projet-de-loi-simplification-commercants-des-baux-pas-si-beaux-280274

Geox: une employée qui ne respirait pas la franchise

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Militante voilée chez Geox : il y a des coups de pied au derrière qui se perdent !


L’affaire du magasin Geox de Strasbourg illustre à merveille ce que le hijab représente désormais dans notre pays, et s’inscrit dans la confrontation bien plus vaste entre la société que la plupart d’entre nous considèrent « normale » et une contre-société qui, de plus en plus ouvertement, de plus en plus violemment, veut imposer sa loi.

Un mauvais coup préparé à l’avance

Résumons les faits. Une jeune intérimaire exige de pouvoir travailler voilée dans ce magasin. Notons, c’est révélateur, qu’elle y a déjà travaillé sans voile dans le passé. Le gérant du magasin refuse qu’elle reste si elle garde son hijab. La jeune femme, qui filme et a de toute évidence préparé son coup, diffuse la scène sur les réseaux sociaux (et ne manque pas ensuite de s’y féliciter du buzz provoqué). Et les voix habituelles de hurler à la « discrimination » et à « l’islamophobie », quand ce n’est pas au « racisme ». Et viennent les inévitables menaces de mort. Il faut donc désormais des patrouilles de police et des vigiles pour protéger ce magasin et surveiller ses abords.

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D’autres que moi ont déjà noté que cette affaire n’est pas un fait divers, mais un fait de société. Je l’évoquais il y a peu à propos de la mort révoltante du jeune Shamseddine, il faut citer aussi Gabriel Robin et le docteur Maurice Berger qui expliquent les tensions entre une culture de la honte et une culture de la culpabilité, les travaux du professeur Gabriel Martinez-Gros (je ne suis pas le seul à noter combien sont pertinentes et fécondes ses analyses inspirées d’Ibn Khaldoun), les réflexions de maître Thibault de Montbrial suite aux émeutes de l’été dernier, et il faut en somme regarder en face ce que Le Figaro résume ainsi : « les agressions liées au non-respect des règles religieuses musulmanes se multiplient dans le pays. »

Contre-société islamique

Car cette contre-société, et c’est sa caractéristique la plus évidente, est résolument islamique. Bien sûr, tous les musulmans vivant en France ne se reconnaissent pas en elle – mais le fait que tous les musulmans ne se reconnaissent pas en elle ne diminue en rien le rôle central de l’islam dans sa nature. La meilleure preuve en est la rage toute particulière dont elle fait preuve vis-à-vis des musulmans vivant « à la française » et plus encore vis-à-vis des apostats de l’islam, en parfaite conformité avec les préceptes non seulement de l’islamisme mais tout simplement de l’islam, du moins de l’islam « mainstream » dans notre contexte, l’islam des quatre madhhabs sunnites orthodoxes.

Remarquons également, « convergence des luttes » oblige, qu’à cette contre-société islamique s’agrège une bonne partie de ce qui aspire à la destruction de la société européenne, et ce n’est pas là seulement du clientélisme électoral. De même qu’il y a des musulmans qui soutiennent Israël, il y a des non-musulmans qui ont pris le parti du Hamas et de la théocratie des Mollahs.

La stratégie de la victimisation et du jihad judiciaire

Le cas strasbourgeois s’inscrit en outre dans une stratégie largement généralisée, dont il résume bon nombre de ressorts. Le piège. La victimisation. La désignation d’une cible à la vindicte de la contre-société islamique conquérante, c’est-à-dire surtout en son sein des groupes que l’on sait prêts à passer à l’acte. La manipulation perverse par cette contre-société qui utilise nos « valeurs » (les fameuses « vertus chrétiennes devenues folles » de Chesterton) pour nous affaiblir, nous culpabiliser, nous paralyser, mais naturellement n’a pas un seul instant l’intention de s’imposer à elle-même le respect desdites « valeurs » – car de réciprocité il n’est jamais question, il suffit de comparer les droits dont jouissent les musulmans dans les pays non-musulmans et ceux consentis aux non-musulmans dans les pays musulmans pour le comprendre… Les méthodes de nervis fascistes pour intimider, combinant menaces physiques et menaces de harcèlement procédurier – le fameux « jihad judiciaire ». Le rôle des idiots utiles et des complices. L’aveuglement de beaucoup, souvent volontaire. Et, bien sûr, la réaction en demi-teinte de l’Etat, qui déploie les forces de sécurité intérieure en réaction à la médiatisation du danger (le ministre de l’Intérieur était tout fier d’annoncer qu’il avait fallu mobiliser 13 500 policiers et gendarmes pour que les chrétiens puissent célébrer la fête de Pâques en sécurité, quel échec !), mais refuse frénétiquement de modifier quoi que ce soit de tout ce qui a conduit au face à face actuel avec une contre-société hostile et conquérante.

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Et, cette fois, un coup de projecteur sur le voile, ou plutôt une femme voilée se plaçant à dessein sous les projecteurs. Les promoteurs du hijab aiment parler de « pudeur », et emploient volontiers l’euphémisme de « mode pudique » pour parler de codes vestimentaires islamiques – comme si les femmes non voilées étaient impudiques, alors qu’en réalité il n’y a rien de plus impudique que l’ostentation de la pudeur.

Ce qui s’est passé à Strasbourg n’est donc pas un cas isolé. Il y en a déjà eu beaucoup d’autres. Il y en aura encore. Et plus nous cèderons, plus il y en aura.

Laissez donc Mélenchon s’enfoncer dans l’impasse islamo-gauchiste!

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Liberté d’expression. Des élus RN, LR et Renaissance demandent l’annulation d’une conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan à Lille.


Cette polémique rappelle les heures les plus bêtes de notre histoire récente, quand des militants antiracistes de Rasl’Front ou SOS Racisme tentaient d’interdire les réunions du FN ou, encore plus récemment, quand des groupuscules gauchistes parvenaient à faire taire ceux qui leur déplaisent – de François Hollande à Alain Finkielkraut en passant par Sylviane Agacinski et Eschyle.

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Un logo problématique

Jeudi, Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan, militante franco-palestinienne qui cache mal ses sympathies pour le Hamas, doivent donner une conférence sur Gaza à l’université de Lille. Le numéro 80 et la numéro 7 de la liste LFI aux européennes sont invités par l’association étudiante « Libre Palestine ». Sur l’affiche, en bas à droite, le logo de cette association représente une carte de la Palestine de la Mer au Jourdain. C’est donc un appel clair à la disparition d’Israël.

C’est d’ailleurs raccord avec les slogans scandés dans un meeting LFI à Montpellier dimanche. « Israël, casse-toi, la Palestine n’est pas à toi » ou « Israël assassin » (la version polie du « A mort Israël » braillé au même moment par le Parlement de la République islamique), a-t-on entendu dans le public. Les images du meeting, relayées sur Twitter, ont légitimement indigné beaucoup d’observateurs et une grande partie de la classe politique qui a fait part de son écœurement. Certains demandent carrément l’interdiction de la conférence. Xavier Bertrand (LR) a écrit au président de l’université. Violette Spillebout (Renaissance), Sébastien Chenu et tous les députés RN du Nord demandent également l’annulation de l’évènement lillois.

Cette demande est-elle compréhensible ?

Maintenant qu’il est clair que la haine assumée d’Israël et la haine des juifs qu’elle charrie à plus bas bruit, ont pris leurs quartiers chez Mélenchon, la paresse intellectuelle suggère en effet d’appliquer à LFI la jurisprudence autrefois réservée au FN. Lionel Jospin parlait à l’époque de petit théâtre antifasciste pour qualifier ces imprécations morales contre-productives et ce concours de belles âmes.

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Si on veut combattre les Insoumis, il faut le faire argument contre argument, idéologie contre idéologie. Il faut démonter leurs bobards, révéler leur différentialisme forcené. Montrer à leurs électeurs, notamment musulmans, qu’ils les instrumentalisent autant que la cause palestinienne, qu’ils les entraînent dans une impasse victimaire et séparatiste. Il faut rappeler leur détestation de la police, leur appétit de chaos. Bref : il faut faire de la politique, pas de la morale.

Enfin et surtout, un principe fondamental est ici en jeu. Ces révolutionnaires de salon, amateurs d’âneries indigénistes ou décolonialistes, ne méritent pas qu’on sacrifie un des droits les plus précieux de l’homme, la liberté d’expression. Or, celle-ci n’a de sens que si elle bénéficie aux idées qui nous horrifient. Contre ces admirateurs de mollahs, soyons voltairiens. Inversons la formule de Saint-Just : liberté pour les ennemis de la liberté ! Franchement, nous aurions bonne mine pour combattre la cancel culture de gauche si nous nous inclinions devant celle de droite.

Le retour du missionnaire

Le jésuite le plus célèbre du XXe siècle revient sur le devant de la scène. Plus qu’un théologien, Pierre Teilhard de Chardin était à la fois géologue, botaniste, zoologiste, archéologue et paléontologue… Une superbe biographie lui rend hommage.


Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on pouvait faire mine de lire les 700 pages de L’être et le néant de Jean-Paul Sartre. On pouvait aussi se plonger dans Le phénomène humain de Pierre Teilhard de Chardin. Après un demi-siècle d’éclipse, l’œuvre du penseur jésuite, censurée de son vivant par l’Église, revient sur le devant de la scène et suscite un regain d’intérêt. Dans sa belle biographie, nourrie d’archives inédites, l’historienne Mercè Prats observe que l’on se réclame à nouveau de lui : « Le pape François le cite dans son Encyclique de 2015 pendant que Jean-Luc Mélenchon, au cours de sa campagne présidentielle de 2022, annonce à la télévision que la lecture de Teilhard lui a permis de « transiter facilement vers la philosophie matérialiste » »
En 2023, un centre Teilhard de Chardin a même été fondé par des physiciens sur le plateau de Saclay, au cœur de la Silicon Valley à la française, avec pour objectif de voir le Christ retrouver sa place dans la banlieue (où, dit-on, les demandes de baptême ne cessent d’augmenter). Teilhard en nouveau missionnaire sur les territoires perdus de la République ?
« C’est le plus célèbre jésuite du XXe siècle, mais on a du mal à le situer dans son temps et sa mémoire est encombrée par le phénomène de mode qui survient au lendemain de sa mort quand il suscite un engouement planétaire. Il m’a fallu creuser longuement avant de mettre à jour le personnage qui était enfoui sous des strates de commentaires », écrit Prats.

Aventurier de l’esprit

De sa naissance en Auvergne en 1881 à sa mort, à New-York, le jour de Pâques, en 1955, la biographe suit au jour-le-jour la vie de cet aventurier de l’esprit descendant de la petite noblesse qui était aussi un homme de la Terre, à la fois géologue, botaniste, zoologiste, archéologue et paléontologue… Allergique à la théologie, Teilhard est un naturaliste, à la manière d’Aristote et de Lamarck, un observateur, un homme de la matière dont il pressent, avant les découvertes de la physique quantique, qu’elle est énergie et lumière. Très tôt, il adopte une vision globale qui lui permet de voir que le Cosmos, loin de posséder la stabilité et l’éternité que lui prêtaient les philosophes grecs, est en régime d’évolution depuis des milliards d’années : une vision panthéiste qui confère à son style une beauté digne, dans certaines pages, de Terrence Malick filmant la nature avant l’intrusion de l’homme.

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Mais le plus surprenant, c’est l’homme d’action, le soldat de 14-18 rampant dans la boue pour aller chercher sur son dos les corps de ses amis tués, sous le feu des mitrailleuses allemandes. De 1923 à 1946, Teilhard se rend vingt fois en Chine où il découvre « l’homme de Pékin » qui vivait-là il y a plus de 400 000 ans. À l’époque, c’est l’un des Occidentaux qui connaît le mieux la Chine (où une biographie vient d’ailleurs de lui être consacrée !). Mercè Prats nous révèle un autre aspect du personnage : sa tendresse pour les femmes qui l’accompagnent sa vie durant, qu’il s’agisse de la journaliste Ida Treat, de l’agrégée de philosophie Léontine Zanta ou de la sculptrice américaine Lucile Swan avec qui il vit quasiment en couple… Dans sa correspondance et son journal, il s’exprime à cœur ouvert et s’interroge sur le sens de la chasteté.
Romain Gary lui a consacré un portrait magnifique qui vaut la peine d’être cité. Les deux hommes s’étant pris d’amitié l’un pour l’autre quand ils vivaient à New York : « Il était en exil, très mal vu de la Compagnie de Jésus et du Vatican, et il lui était interdit de publier ses œuvres. Je le voyais souvent. J’aimais ce grand capitaine et il m’arrive de rêver de lui, debout à la barre, avec son profil de boucanier, voguant vers l’horizon sur le pont d’un navire métaphysique dont il avait bâti à la fois la coque, la boussole… et, qu’il me pardonne ! la destination. Il avait un côté enchanteur, un rayonnement, un sourire, une tranquillité… Il me manque. Je lui ai emprunté son physique d’homme du grand large pour en faire le jésuite Tassin dans Les racines du ciel que j’écrivais alors… Teilhard évitait toujours la profondeur dans les conversations, par gentillesse. C’était le contraire de Malraux qui vous invite immédiatement à plonger avec lui au fond des choses… » La rencontre entre Teilhard et Malraux, chez Romain Gary, à New York, est un moment d’anthologie.

Le Père Teilhard à Pékin, 1940-1944

Conseil de lecture pour Elon Musk

Pour comprendre l’impact que sa pensée a exercé sur les élites de son temps (dont Robert Oppenheimer qui fut l’un de ses soutiens), il faut imaginer dans quelle atmosphère crépusculaire on était après Auschwitz, Hiroshima et Nagasaki. Quand il rentre à Paris en 1946, le père jésuite découvre une capitale tombée sous la coupe des idées de Sartre et de Heidegger. À son disciple le plus proche venu lui demander si l’humanité ne serait pas, en effet, une anomalie monstrueuse, le fruit d’un accident cosmique, Teilhard fait cette réponse dont on mesure aujourd’hui, avec le recul, et compte-tenu de ce que nous vivons nous-mêmes, toute la hauteur de vue : « Mon petit, est-ce que nous sommes dans un Cosmos, ou est-ce que nous sommes en cosmogénèse ? » Stupeur du disciple. « L’univers n’est pas terminé, l’être humain est encore à un stade embryonnaire, il vient de naître, il traverse une crise de croissance, il n’a pas encore atteint l’âge adulte. C’est dans cette perspective uniquement qu’il faut poser le problème du mal. » Contre Sartre et Heidegger, Teilhard de Chardin nous montre que l’homme n’est pas plus jeté dans l’univers que la pomme n’est jetée dans le pommier : il est le fruit d’un très lent processus de complexification de la matière et de la vie qui n’a pas encore trouvé son achèvement (le point Oméga = le Christ).
Les problématiques qui sont les nôtres (épuisement des ressources planétaires, survie de l’humanité, colonisation de l’espace), Teilhard les a anticipées avec une largeur de vue qui devrait pousser l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, à réparer notre planète, plutôt qu’à chercher à la quitter…  

Mercè Prats, Pierre Teilhard de Chardin. Biographie, Éditions Salvator, 2023.

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Malentendu conservateur

Retour sur la démission surprise du Premier ministre irlandais Leo Varadkar le mois dernier, après l’échec de son référendum appelant à la modification de la Constitution.


L’Irlande, autrefois pays des plus catholiques et conservateurs, est devenue une terre d’élection du progressisme. En 1983, son peuple approuvait à 67 % un amendement à la Constitution interdisant l’avortement. En 2018, l’électorat a approuvé l’abrogation de cet amendement à 67 % ! Entre-temps, sous la tutelle de ses élites, l’Irlande a voté pour le divorce en 1995 et le mariage gay en 2015 ; joué un rôle de pionnier dans l’introduction de restrictions sur le tabac et de l’auto-identification de genre pour les trans ; et subi des niveaux record d’immigration. Mais les élites qui croyaient diriger le peuple comme elles voulaient viennent de recevoir un camouflet humiliant. Dans deux référendums qui ont eu lieu le 8 mars (la Journée internationale des droits des femmes), les Irlandais ont rejeté de manière décisive deux modifications de la Constitution prônées par la majorité des partis politiques. Il s’agissait d’effacer du texte constitutionnel les vestiges de la politique sociale catholique inscrite dans le document fondateur du pays en 1937.

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Dans le premier article, l’État reconnaît l’importance de la famille fondée sur le mariage et garantit sa protection comme institution. La modification aurait supprimé la référence au mariage, mais le gouvernement s’est montré incapable d’expliquer si le changement conduirait à la reconnaissance de familles fondées sur la polygamie. Le deuxième article reconnaît l’importance du travail de la femme au foyer et stipule que l’État doit éviter que la femme soit obligée par la nécessité économique de prendre un autre travail « au détriment de ses devoirs au foyer ». Selon le Premier ministre, Leo Varadkar, il fallait remplacer ce « langage très démodé, très sexiste » par une référence à l’entraide que les membres d’une famille doivent les uns aux autres. Sauf que les Irlandais ont compris qu’il s’agissait d’enlever une barrière qui, jusqu’ici, protégeait les femmes désirant élever leurs enfants à la maison, mais que l’État voudrait contraindre à rejoindre le marché du travail. Varadkar avait invité ses concitoyens à avancer sur « le chemin de la liberté ». Le 20 mars, c’est lui qui a pris celui de la démission surprise.

Israël face à l’agression militaire de l’Iran: les portes de la guerre sont grandes ouvertes

Le Moyen-Orient est au bord d’une déflagration régionale dont le prélude est ancien, mais que le monde de l’expertise ne voulait plus voir. Nous voudrions croire que « la guerre de Troie n’aura pas lieu », comme l’écrivait Giraudoux. Ainsi entonnait le chœur des experts : les menaces réitérées par Téhéran de frapper le sol israélien n’étaient-elles que paroles vides de contenu pratique… Le 14 avril 2024, la guerre asymétrique conduite par le régime iranien contre l’État hébreu, et plus largement contre l’Occident, a franchi un nouveau seuil. Nonobstant les appels à la « retenue » et à la « désescalade », un gouffre s’ouvre. Prélude à l’Iliade, la pièce de Giraudoux s’achève sur la réplique suivante : « Elle aura lieu ».


Nous voudrions croire que « la guerre de Troie n’aura pas lieu ». À toutes fins utiles, rappelons que la pièce de Giraudoux mêle l’ironie et le tragique ; le titre ne doit pas être lu de façon littérale. Ainsi l’avant-dernière réplique est la suivante : « Elle aura lieu ». Dans la présente configuration guerrière entre Téhéran et Jérusalem, nombreux auront été ceux refusant d’anticiper la décision iranienne de frapper massivement le territoire israélien, par vain espoir.

Leur argumentaire ? « Cela ne s’est pas produit jusqu’alors et ce ne serait pas dans l’intérêt de l’Iran ». Fermez le ban. Pourtant, l’impensable (à leurs yeux) advient dans la nuit du 13 au 14 avril dernier. Plus de 300 drones, missiles de croisière et engins balistiques sont lancés depuis le territoire iranien en direction d’Israël. Le Hezbollah, les Houthis et autres affidés du régime iranien apportent leur contribution. Heureusement, l’important système anti-missile israélien (« Dôme de fer »), l’intervention des moyens américains et ceux des alliés européens (de la Jordanie aussi) ont permis d’éviter le pire. L’immense majorité des vecteurs iraniens (99%) aura été interceptée en vol par ce « cercle de feu », limitant les dommages au strict minimum.

Avertissements

Il n’empêche. D’aucuns soulignent depuis des années la menace des programmes balistiques, missiliers et militaires de Téhéran, avec en toile de fond la métamorphose de l’Iran en une puissance nucléaire. Même l’usage massif par la Russie de drones iraniens dans la guerre d’Ukraine n’aura pas suffi à appeler suffisamment l’attention. En dépit des alliances et des liens entre les théâtres géopolitiques, chaque question devait être abordée séparément, explique-t-on.

Mais qu’importe ! La machine à rassurer est de nouveau en marche. La décision iranienne de frapper directement le territoire israélien, c’est-à-dire de passer d’une guerre couverte (une guerre indirecte) à une guerre ouverte, serait strictement « calibrée ». Sous un certain angle, il s’agirait même d’un geste théâtral, les dirigeants iraniens sachant par avance que tous leurs engins seraient interceptés en vol. Toujours le même pattern, celui du faux tragique : « C’est grave mais ce n’est pas si grave que cela ».

Pire. Aux yeux de certains experts, le « geste » est à demi-excusé. Tout aurait commencé le 1er avril, lors d’une frappe sur un bâtiment consulaire iranien, à Damas (Syrie). Alors qu’ils se livraient à leurs activités consulaires, deux généraux de la Force Al-Qods et quelques Pasdarans périrent (sept individus au total). Le point zéro pour ces experts. Dès lors la « riposte » de l’Iran – les Pasdarans et leurs affidés (Hezbollah, Houthistes, milices chiites irakiennes, Hamas, Jihad islamique) n’ont jamais attaqué personne (pas même une représentation diplomatique), cela va de soi –, serait compréhensible, voire légitime. Oubliés le programme nucléaire clandestin et la volonté évidente d’acquérir l’arme nucléaire, le développement de missiles et de drones à longue portée, la déstabilisation des pays environnants, l’alliance avec la Russie et le soutien actif à cette dernière dans la guerre d’Ukraine.

Sur toutes les lèvres : « désescalade »

Un double impératif : « désescalade » et « retenue ». Après avoir affronté des centaines d’engins iraniens, Israël devrait faire le gros dos et s’abstenir de toute riposte. « Un point partout, la balle au centre ! » Exit la doctrine de dissuasion et de représailles en cas d’échec, pourtant au fondement de la politique de défense des puissances occidentales.

Aussi est-il nécessaire de revenir sur les conceptions géopolitiques et le schéma général qui sous-tendent la grande stratégie iranienne. Téhéran considère que le Moyen-Orient doit passer sous sa domination directe ou indirecte. L’accès au nucléaire militaire permettra de sanctuariser l’Iran, lui donnant une plus grande marge de manœuvre pour déstabiliser la région (une stratégie de « sanctuarisation agressive »).

Pour atteindre ses objectifs, le régime iranien, parallèlement à un programme nucléaire clandestin, révélé en 2002, mobilise les minorités chiites du Moyen-Orient (l’« arc chiite »), contre les régimes arabes sunnites de la région. Toutefois, il n’a pas renoncé au discours panislamique et tiers-mondiste, qui avait marqué les débuts du khomeynisme (la révolution islamique de 1979). Ainsi la référence à l’islam et la dénonciation féroce du « sionisme » permettent-elles d’outrepasser les limites du nationalisme persan et du particularisme chiite.

Ouvertes en 2003, les négociations sur le nucléaire, longtemps ensablées, ont abouti en 2015 à un accord incomplet, dont les clauses limitatives (les « sunset clauses »), devaient s’éteindre entre 2025 et 2030. Dénoncé par Donald Trump trois ans plus tard, cet accord n’aura fait que ralentir la marche de l’Iran vers l’atome guerrier : l’objectif est désormais à portée.

Dans l’intervalle, l’Iran n’a jamais cessé de déstabiliser ses voisins. Le fallacieux « Printemps arabe » (2011) et la guerre en Syrie ont accéléré le rythme. Alors que l’accord nucléaire n’était pas encore signé, Téhéran négociait avec Moscou les modalités d’une intervention militaire combinée, en fait d’une alliance dont la réalité fut longtemps niée par bien des experts («C’est plus compliqué »). Il aura fallu l’utilisation de drones iraniens en Ukraine pour que le terme d’alliance finisse par s’imposer.

Des proxys un peu partout

Depuis, Téhéran a considérablement renforcé ses positions régionales. Les forces terrestres irano-chiites se sont enracinées en Syrie, jetant un « pont terrestre » du golfe Arabo-Persique au bassin Levantin, avec des prétentions dans l’ensemble de la Méditerranée. Avec les houthistes au Yémen, le régime iranien dispose également d’un levier de pouvoir dans le sud de la péninsule Arabique, en mer Rouge et dans la Corne de l’Afrique. A plusieurs reprises, Téhéran n’a pas hésité à frapper le sol de l’Arabie saoudite. Aujourd’hui, les houthistes coupent la route de la mer Rouge.

L’ensemble de ce dispositif géopolitique est derrière l’action du Hamas au Proche-Orient. Plutôt que d’affronter directement Israël, le régime iranien a jusqu’alors préféré actionner ces différents leviers, tout en protestant de ses intentions pacifiques. Prisonniers de leurs catégories, bien des experts continuent à parler de « déni plausible », et ce quand les faits sont patents et documentés. Triste conformisme ou volonté de justifier l’inaction ?

A l’évidence, le Moyen-Orient est au bord d’une déflagration régionale dont le prélude est ancien, mais que le monde de l’expertise ne voulait pas voir (« Nul n’y aurait intérêt »). La seule réponse correcte serait d’épiloguer sur la « solution à deux États » et de nier le droit de légitime défense d’Israël, dans l’espoir de gagner un peu de temps encore. Quant aux interconnexions et répercussions entre les différentes guerres et foyers de conflit (Moyen-Orient, Ukraine/Europe, Asie de l’Est et du Sud-Est), elles demeurent sous-évaluées.

En somme, pour revenir à la pièce de Giraudoux, « les portes de la guerre sont grandes ouvertes ». L’inaction ou les demi-mesures des dernières années auront accéléré le processus historique, les puissances révisionnistes (l’axe Moscou-Téhéran-Pékin, flanqué de Pyongyang) se voyant encouragées dans leurs vues, leurs ambitions et leurs stratégies. Les audaces et succès de l’un encouragent l’autre. La situation fait songer à un célèbre discours : « Qu’y a-t-il là ? Stupidité ou trahison ? » (Milioukov, 13 novembre 1916). Plus sûrement, il se pourrait que l’ontologie plate des post-modernes interdise la pleine compréhension des forces profondes, des passions obscures et des puissances qui transcendent les intentions déclarées.

Cela renvoie au Destin que Cassandre, campée par Giraudoux, définit comme « la forme accélérée du temps ». De fait, déni, irrésolution et inintelligence des situations stratégiques nous ont conduits au bord du gouffre. Le vertige des abymes menace. Il est urgent de déciller les yeux, de se reprendre et de faire front, d’une extrémité à l’autre de la masse euro-asiatique et sur son « boulevard » moyen-oriental. La simple conservation de l’être entre en jeu.

Sécurité: le gravage des vitres de voitures à l’épreuve des faits

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Les vols de voiture sont en augmentation ces dernières années, c’est du moins ce qui ressort des études menées par l’Observatoire 2024 des vols et de la récupération après-vol de Coyote. Ainsi, 140 400 vols ont eu lieu en 2023, soit un toutes les cinq minutes en France. Des chiffres colossaux et surprenants au vu du niveau de sécurité des véhicules actuels. Ils invitent naturellement les acquéreurs à se doter de systèmes permettant de retrouver leurs voitures en cas de vol. Sont-ils pour autant tous efficaces et nécessaires ? Souvent proposé dans des « packs de services » au moment de l’achat d’un véhicule, le gravage des vitres de voitures constitue ainsi un dispositif inutile contre le vol. Un procédé de vente dénoncé à la fois par les acheteurs et par la répression des fraudes. Explications.


Au moment de signer, les acheteurs de véhicules particuliers ne sont souvent pas au fait de leurs droits. Une lacune qui n’a pas échappé aux vendeurs de véhicules – neufs ou d’occasion – qui proposent systématiquement à leurs clients des « packs de services », plus ou moins utiles et souvent non-obligatoires. L’exemple du gravage des vitres de voitures – avancé comme une bonne solution face au vol – constitue certainement le meilleur exemple.

Les textes de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont l’avantage de la clarté, sur l’obligatoire comme sur le facultatif : les vendeurs de véhicules ont des obligations, telles que l’étiquetage des véhicules ou la fourniture des documents de vente et les garanties. Viennent ensuite les « frais accessoires », non obligatoires donc… comme le gravage des vitres.

La sécurité, vrai faux argument

Au printemps 2023, la DGCCRF a rendu publics les résultats d’une campagne de contrôles sur les pratiques commerciales des vendeurs de véhicules en France. Selon elle, deux tiers des concessionnaires automobiles contrôlés seraient en porte-à-faux avec la règlementation sur l’information des consommateurs. En particulier concernant « la facturation de frais facultatifs (gravage du numéro de série et assurance associée, fourniture du tapis de sol, d’ampoules de rechange ou plein de carburant) au consommateur sans information préalable ou en indiquant que ces frais facultatifs sont obligatoires ». En tout, quelque 320 procès-verbaux pénaux et 170 procès-verbaux d’amendes administratives ont été dressés à l’attention des contrevenants au cours de cette campagne de contrôle d’un an.

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Pour vendre le « service » du gravage des vitres au moment de l’acquisition d’un véhicule, l’argument des vendeurs tient en un mot : la sécurité. Selon eux, le gravage des vitres limiterait les tentatives de vol et de recel. Un argument qui ne tient pas longtemps face aux pratiques de voleurs de plus en plus organisés en filières et qui exportent les véhicules vers d’autres pays. Six trafiquants ont notamment été interpellés à Créteil, comme l’indiquait Le Parisien le 29 mars. Auteurs d’une vingtaine de vols, dont deux concernaient des voitures banalisées de la police, ils revendaient ensuite leurs larcins sur internet après avoir maquillé les véhicules.

Le gravage permet d’identifier un véhicule volé, mais n’augmente pas les probabilités de retrouver ce dernier. C’est d’ailleurs pour cette raison que les automobilistes se tournent de plus en plus vers des dispositifs de tracking pour pouvoir localiser à coup sûr leur véhicule en cas de vol. Quant aux voitures haut de gamme, ces dernières ne sont en règle générale jamais retrouvées et partent vers le pays de l’Est ou le Maghreb. Souvent dépouillées de leur numéro de châssis… et de leurs fenêtres d’origine.

Vente forcée ?

Pourtant, malgré son inefficacité et son caractère « accessoire » comme le précise la DGCCRF, le gravage des vitres est souvent imposé aux acheteurs. Et le problème n’est pas nouveau : déjà en 2006, la direction générale de répression des fraudes pointait du doigt cette pratique, à la suite de plaintes en série reçues de la part de particuliers, au moment du « renouvellement des garanties complémentaires souscrites avec la prestation de gravage ». Une pratique qui reste donc encore aujourd’hui ancrée dans les mœurs d’un système de vente, bien en place, et qui passe donc encore trop souvent sous les radars. Même la très sérieuse Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans son dernier rapport concernant les assurances affinitaires, listait différentes pratiques litigieuses… et oubliait celle de la vente contrainte du service non obligatoire du gravage des vitres, qui y aurait eu pourtant sa place.

Assez répandu dans l’Hexagone – environ 800 000 véhicules chaque année –, le dispositif du gravage n’est donc pas obligatoire, mais figure très souvent dans les packages proposés par les concessionnaires automobiles. Une pratique que dénoncent de très nombreux particuliers sur les forums en ligne réunissant des automobilistes mécontents. Les exemples pullulent sur la toile, comme celui-ci : « J’ai acheté un véhicule et, à la signature, on m’a fait signer parmi les nombreux documents, bien sûr sans explication donc abusivement, le marquage antivol sur les vitres du véhicule. Je reçois un mois après un contrat d’abonnement. Je n’ai pas fait attention à la facture, mais on m’a facturé 2 années à l’avance soit une somme de 195€ ! » Une somme qui, une fois multipliée par le nombre d’achats annuels en France, s’avère conséquente, ce marché était estimé à quelque 320 millions d’euros. Une véritable manne à laquelle les vendeurs de voitures proposant ce service facultatif n’ont logiquement pas envie de renoncer.

Que le peuple français fasse silence!

La liste conduite par François-Xavier Bellamy pour LR aux élections européennes ne parvient pas à décoller dans les sondages; elle pourrait être devancée par celle de Marion Maréchal. Pendant ce temps, le Conseil constitutionnel rejette l’organisation d’un référendum d’initiative partagée sur l’immigration, souhaitée par LR. Pour se venger, la droite classique pourrait œuvrer à une motion de censure du gouvernement à l’automne…


On a vraiment l’impression que tout est fait pour que rien ne bouge, ni en France ni en Europe. Peut-être la liste socialiste va-t-elle rejoindre et dépasser la liste macroniste aux élections européennes du 9 juin mais, pour l’instant, Jordan Bardella domine largement celle conduite par Valérie Hayer. Si la suite confirme cette avance, nous aurons une liste victorieuse qui n’aura guère d’influence sur le terrain européen et la liste inspirée par le président de la République continuant à cultiver un rêve européiste totalement détaché des réalités nationales. La supériorité du RN n’aura pas été la conséquence d’un travail acharné et persévérant à Bruxelles puisque tout a démontré au contraire que ce parti s’est inscrit plus volontiers dans une confortable dénonciation extrême plutôt que dans un pragmatisme intelligent.

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Bellamy distancé dans les sondages

Aussi on ne peut qu’être déçu : la liste LR de François-Xavier Bellamy (la deuxième place est occupée par Céline Imart dont les interventions publiques et médiatiques sont remarquables) est très largement distancée, oscillant entre 6 et 8%. Alors qu’elle dispose malgré tout d’un espace entre un RN démagogue et un macronisme irénique. À croire que M. Bellamy – qui, lui, s’est dépensé sans compter à Bruxelles -, malgré la manière convaincante dont il articule le souci de la France avec sa conception réaliste de l’Union européenne, a du mal à persuader nos concitoyens que sa cause est la plus juste et la plus équilibrée. Je relève ce paradoxe qui n’est pas pour rien dans cette sous-estimation : cette personnalité de qualité est encore trop fine, trop courtoise pour des débats médiatiques où il convient d’asséner pour démontrer.

Le Conseil constitutionnel rejette la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP) sur l’immigration initiée par Les Républicains.

La bureaucratie européenne confisque la parole des peuples.
Celle du peuple français d’abord.
Pire, on lui enjoint de faire silence.
On aura beau nous opposer, tel un mantra de plus en plus discutable, qu’il est inconvenant de mettre en cause les décisions du Conseil constitutionnel, cette abstention, pour être acceptée, devrait concerner un Conseil respecté parce que respectable, constant dans son interprétation de la Constitution, ne se soumettant pas subtilement à des influences élyséennes, ne battant pas en brèche systématiquement, par ses décrets, des initiatives qui, pour être fidèles à l’esprit de la Constitution, seraient contraires à l’humanisme de conseillers politisés plutôt qu’impartiaux.

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Déjà, pour le texte sur l’immigration, le Conseil constitutionnel, comme le président Gérard Larcher l’a souligné dans le JDD, avait donné une interprétation trop restrictive de l’article 45 restreignant le droit d’amendement. C’était une première alerte. La seconde, avec l’aval du gouvernement ayant tout fait pour que la demande des Républicains d’un référendum d’initiative partagée soit rejetée, a consisté pour le Conseil à dénier la validité d’une politique de préférence nationale. Elle consiste pourtant dans cette évidence de donner plus de droits aux nationaux qu’aux non nationaux. Imposer comme un principe l’obligation de ne faire aucune différence entre citoyens et étrangers, y compris pour les droits sociaux, revient injustement, absurdement, à favoriser des étrangers entrés parfois illégalement en France au détriment de Français ayant cotisé toute leur vie.

On aboutirait à cette incongruité juridique et sociale que les premiers bénéficieraient de plus d’aides que les seconds. C’est ce que François-Xavier Bellamy dénonce à juste titre en soulignant « que nos institutions sont bloquées par le gouvernement »[1].

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Derrière ces péripéties qui paraissent se rapporter à des analyses juridiques et à des contradictions de spécialistes, se cache en vérité un dessein qui concerne au premier chef le commun des citoyens. Il s’agit au fond de se servir de la Constitution non pas pour le peuple mais contre ses intérêts. Le peuple n’est acceptable, dans cette démocratie sous l’empire de ce pouvoir macronien et de ce Conseil constitutionnel, que s’il fait silence. On le fait taire en l’étouffant délicatement dans les formes. Quand il pourra libérer sa parole, il hurlera.


[1] La Tribune Dimanche

Marion Maréchal : « La solidarité n’est pas le suicide »

Pour la tête de liste de Reconquête !, la France doit apporter une aide légitime à l’Ukraine sans participer à une escalade guerrière. Elle refuse une adhésion de Kiev à l’UE et prône une sortie du commandement intégré de l’OTAN préservant l’autonomie de la voix française.


Causeur. La France doit-elle essayer d’empêcher la Russie de gagner cette guerre ?

Marion Maréchal. Dans cette guerre, je soutiens le droit de l’Ukraine à défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté face à l’attaque de la Russie. Il est donc légitime d’apporter une aide financière, une aide humanitaire et une aide logistique pour la reconstruction, afin d’aider les Ukrainiens à résister au mieux. Néanmoins, souhaiter la victoire de l’Ukraine ne doit pas pour autant induire de faire la guerre à sa place. Bien que je comprenne l’inquiétude de nos amis polonais ou des pays baltes, ce n’est pas la France qui est en guerre avec la Russie. Toute la difficulté est là : trouver l’équilibre entre une aide légitime à l’Ukraine sans participer à une escalade guerrière avec une puissance nucléaire.

L’éventualité d’une entrée en conflit de notre pays doit-elle être exclue ?

J’ai réaffirmé mon opposition à toute forme d’envoi de troupes françaises sur le sol ukrainien. Quand on évoque une entrée en guerre de la France, il faut mesurer les implications. La guerre en Ukraine, ce n’est pas Munich en 1938, c’est Verdun en 1916, c’est-à-dire une guerre de tranchées avec des drones. Ce sont des combats d’une violence inouïe, qui ont déjà causé la mort de 70 000 soldats ukrainiens et blessé 120 000 autres. Les dernières déclarations du président de la République sur l’envoi de troupes au sol sont à la fois irresponsables et dangereuses : irresponsables, car elles ont isolé la voix de la France en Europe en montrant qu’aucun autre pays ne souhaitait participer à cette fuite en avant ; dangereuses, car quand on veut s’engager dans une guerre, il faut être sûr de pouvoir la gagner. Or, nous n’avons plus les capacités opérationnelles de faire face à un conflit de haute intensité. Les envolées bellicistes du camp présidentiel et de la gauche morale me font sourire, car ceux-là même qui dénoncent l’esprit munichois sont responsables depuis des décennies du plus grand sabordage de nos armées que la France ait jamais connu. Notre force opérationnelle terrestre est réduite à la portion congrue de 77 000 hommes, soit la capacité d’accueil du stade de France, nous avons seulement trois jours de réserve de munitions et la production annuelle d’obus français ne représente qu’une seule heure de tir pour l’ensemble des 75 canons Caesar livrés à l’Ukraine. Commençons déjà par muscler considérablement nos lois de programmation militaire et par augmenter annuellement le budget de la défense jusqu’à 70 milliards d’euros d’ici à 2030. Rappelons que la dernière LPM du 1er août 2023 ne prévoit aucune augmentation substantielle des effectifs militaires.

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Vladimir Poutine représente-t-il une menace existentielle pour notre pays ?

Il est inexact aujourd’hui de dire que la France serait directement menacée dans ses frontières et sa souveraineté par la Russie. Bien sûr, la Russie est à l’origine de nombreuses cyberattaques et elle s’en prend directement à nos intérêts français, notamment en Afrique, mais d’une part elle n’est pas la seule et d’autre part, en cas de conflit ouvert avec les forces de l’OTAN, elle n’aurait vraisemblablement pas les moyens de pousser plus loin son avantage territorial pour des raisons liées notamment à sa démographie vieillissante, aux limites de son armée ainsi qu’à son économie, certes résiliente mais très dépendante de la Chine.

© Hannah Assouline

Souhaitez-vous l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne ?

Je ne suis pas favorable à l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne, ni à aucun autre élargissement à l’heure actuelle. L’entrée de l’Ukraine dans le marché commun serait le tombeau de l’agriculture française. Je rappelle que l’Ukraine, c’est 25 % des terres agricoles du continent européen et que le salaire minimum y est inférieur à 200 euros par mois. En cas d’adhésion à l’UE, ce pays toucherait près de 186 milliards d’euros de subventions européennes et deviendrait ainsi le plus grand bénéficiaire de la politique agricole commune, devant la France. Nous voyons déjà les conséquences désastreuses des accords de libre-échange décidés par la Commission européenne : l’explosion des importations de sucre, de blé, d’œufs et de volailles ukrainiens sur le marché européen provoque une concurrence déloyale gravement préjudiciable à nos agriculteurs. Si nous devons tout faire pour aider l’Ukraine à contourner les tentatives de blocus russes en mer Noire, en facilitant, par exemple, le transit des denrées agricoles ukrainiennes exportées en Chine, en Asie ou en Afrique, nos agriculteurs ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel du financement de l’économie de guerre ukrainienne. La solidarité, ce n’est pas le suicide.

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La France doit-elle rester dans le commandement intégré de l’OTAN ?

Si nous sommes favorables au maintien de la France dans l’alliance militaire atlantique, nous tenons néanmoins à préserver non seulement l’autonomie de notre dissuasion nucléaire, mais aussi l’indépendance diplomatique et militaire française. Bien que la guerre actuelle ne rende pas cette décision urgente, une sortie non pas de l’OTAN, mais du commandement intégré, serait une façon symbolique de marquer l’autonomie de la voix française, si chère au général de Gaulle, vis-à-vis de la politique étrangère américaine. Cette autonomie nous donne une influence singulière dans le monde et nous permet notamment d’exporter notre industrie d’armement à des pays soucieux d’avoir des interlocuteurs « non alignés ». Je pense par exemple notamment à l’Inde ou au Brésil. Il est indispensable en revanche que la France et les pays européens investissent chacun davantage dans leur industrie de défense. De ce point de vue, la menace de Donald Trump de baisser les crédits américains à l’OTAN peut être une aubaine pour l’Union européenne en forçant le continent à se prendre davantage en main au lieu de déléguer sa sécurité aux États-Unis. Le vrai sujet est d’abord de réfléchir à la façon d’installer une véritable solidarité européenne dans l’achat d’armement entre pays membres. Par exemple, les crédits européens, comme ceux débloqués pour la guerre en Ukraine, ne devraient pouvoir être dépensés que pour des achats à l’industrie de défense européenne.

Moi, Sofiane, «rebeu distingué» assumé

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Pour une certaine jeunesse, sur le réseau social TikTok, se cultiver, bien parler, bien se comporter en société ou adopter les bonnes manières, ce serait un truc de « blancs ».


« Rebeu distingué », vous avez sûrement vu, vous ou vos enfants, cette tendance sur les réseaux sociaux.
Dans un monde où les étiquettes sont jetées comme autant de dards, le terme « Rebeu distingué » s’élève, sordide dans son usage, porté par les vents tumultueux des réseaux sociaux, principalement TikTok.
C’est une épine blessante, plantée parfois par ceux qui partagent nos origines, pour nous rappeler notre appartenance. On accable souvent les Français de « souche » pour leur discrimination, mais les flèches viennent parfois de ceux qui partagent notre héritage, nous reprochant nos comportements qu’ils jugent assimilés à ceux des « Blancs ». Ils nous accablent de l’épithète « gawri« , insulte raciste, comme si notre identité française et nos origines nous imposaient un mode de vie, un code de conduite.
Et que dire de ceux qui nous traitent de « harki » comme si c’était une insulte ? Comme si le simple fait de s’assimiler était une trahison, une marque à effacer. Ils semblent incapables d’accepter notre civisme, comme si nous étions condamnés à renier la République, à insulter notre drapeau. Oui, ce même drapeau que l’imam Mahjoub Mahjoubi a blasphémé, le traitant de « drapeau satanique ».
Cette haine envers la France me dépasse. M. Mahjoubi n’est pas le seul à l’exprimer, et TikTok est un miroir déformant de cette animosité. J’y ai vu des jeunes glorifiant le terrorisme, sous des vidéos anodines. Des « nasheeds », hymnes de l’État islamique, y résonnent à des fins de propagande. Notre jeunesse court un danger imminent, comme en témoigne l’atroce meurtre de Samuel Paty, le 16 octobre 2020. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment un jeune peut-il commettre un tel acte ?
Je me souviens aussi des émeutes après la mort de Nahel. Interrogés, ces jeunes crachent leur haine pour ce pays. Leur regard me défie, comme si j’avais manqué à leur appel à la violence, à la vengeance du passé colonial. Comme si la France leur devait une dette. Mais moi, je refuse. Je refuse de cracher sur le drapeau tricolore qui m’a nourri, de défier ceux qui nous protègent, de voir nos quartiers sombrer dans le communautarisme et le racisme anti-blanc. Je refuse la violence gratuite, les insultes contre la France. Je refuse d’être complice d’une propagande anti-française. Car j’aime ce pays, et je ne veux pas le voir disparaître. Je sais que je ne suis pas seul, mais nous devons être plus nombreux à le clamer haut et fort. Oui, je suis peut-être un « rebeu distingué », et je ne crache pas dans la soupe.

Le commerce physique n’a pas dit son dernier mot

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Collioure (66), 2021. DR.

Faut-il vraiment désespérer de la fermeture des petits commerces dans nos bourgs et villes ? Peut-on espérer une grande mutation du commerce de proximité ?


S’il existe quelque chose qui, dans la rue, attire à coup sûr notre attention, nous fait lever le nez de notre téléphone et ralentir notre allure, c’est bien une vitrine vide, surtout lorsque celle-ci semble accompagnée d’un mot sur la porte. Un mot, ou plutôt quelques mots, le minimum, pour annoncer que la boutique en question ferme définitivement ses portes. On prend alors le temps de lire, au mieux surpris, au pire attristé. Pareille scène se rejoue, dans toutes les villes de France, du plus petit village à la plus imposante métropole.

Le Colonel Moutarde va trop sur Amazon

 « Quand le commerce part, c’est la vie qui part » a déclaré Alain Di Crescenzo, président de la CCI France en novembre dernier. Sans cautionner le ton inutilement dramatique d’une telle phrase, je pense cependant qu’il met le doigt sur ce qui nous chagrine tant à ce sujet : le commerce physique est indissociable de la vie d’un centre-ville et, si les Français sont nombreux à être attachés à leurs commerces, ils le sont encore plus à l’être à leur ville ou leur quartier.

Bref, une ville sans commerces, c’est une ville qui se meurt et, comme dans une partie de Cluedo, chacun prend plaisir à chercher le coupable, fustigeant les instances politiques, blâmant la conjoncture ou scrutant d’un air accusateur le quidam, perplexe devant ce local vide, qui regarde honteusement ses pieds, persuadé d’avoir bien trop acheté sur Amazon ces derniers temps…

Usual suspects

Le premier suspect semble tout trouvé. Impossible en effet de parler commerce sans évoquer le  pouvoir d’achat et sa baisse qui sont sur toutes les lèvres. Certaines entreprises en ont même fait leur cheval de bataille, à grand coups de campagnes publicitaires, et le dos du pouvoir d’achat semble si large qu’on a bien envie de faire peser sur lui tous les maux de la terre, en tout cas, ceux du commerce. Non, l’argent ne disparaît pas ! L’économie est faite de vases communicants : quand certains s’appauvrissent, d’autres s’enrichissent, obligatoirement. L’argent, qui n’est pas dépensé dans un commerce, est dépensé ailleurs, ou épargné, mais, en aucun cas, ne disparaît, appauvrissant brutalement toute une nation, surtout lorsque celle-ci figure parmi les plus riches au monde.

Jeff Bezos, rendez l’argent !

Si ce n’est dans les commerces, où va donc l’argent des Français ? Même si ceux-ci restent champions européens de l’épargne, ils semblent également très enclins à dépenser sur le Net. L’e-commerce semble d’ailleurs cocher toutes les cases du coupable idéal, bien qu’il existe depuis plus de vingt ans et que le commerce physique n’ait pas disparu pour autant. Rares sont désormais les boutiques qui n’ont pas leur propre site d’e-commerce ou un service de click-and-collect. L’avènement du commerce digital a bouleversé le commerce physique, l’amenant à multiplier ses canaux de distribution, mais, si l’on interroge les commerçants sur leurs difficultés, comme l’a fait fin 2023 le CDCF (Conseil du Commerce de France), ils sont plus nombreux à incriminer le prix de leurs loyers ou l’injustice de leur baux commerciaux, qu’à dénoncer la concurrence du Net.

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Parlons justement des institutions locales ou nationales. Il est très rare que les politiques légifèrent  au sujet du commerce, et force est de reconnaître que, lorsqu’ils le font, cela fait parfois regretter aux commerçants l’époque où leur devenir n’était pas au cœur des préoccupations. En 2024, le projet de Loi Simplification (LSA) promettait enfin de s’attaquer aux injustices du bail commercial mais ne remet même pas en cause sa clause, tout bonnement scandaleuse, qui permet aux propriétaires de locaux d’exiger de leurs locataires commerçants le paiement de leur taxe foncière[1].

L’avènement des « commerçants engagés »

Revenons-en à notre quidam. Comment en arrive-t-il à s’émouvoir de la fermeture d’un commerce dans lequel il n’a peut-être même jamais mis les pieds, ou si rarement ? Est-il simplement conservateur, nostalgique, ou allergique au moindre changement ?  Je ne pense pas. Il faut dire qu’il est aussi un peu concerné. Si le local reste vide, son quartier a alors toutes les chances de gagner en insécurité ou, a minima, de perdre en attractivité. S’il est repris, ce sera probablement par une banque ou un fast-food, l’offre commerciale de nos villes n’étant en effet que le reflet de notre société. Procos, fédération représentative du commerce spécialisé, vient d’ailleurs d’établir un top 10 des enseignes  qui ont vu leur chiffre d’affaires exploser en 2023. Parmi elles se trouvent Amazon, Action, Vinted, Shein, Burger King ou encore Stokomani. Pas de quoi être fier.

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Si nos choix de consommation ne sont pas seuls responsables de toutes ces fermetures et faillites, ils n’en demeurent pas moins un rouage essentiel. Choisir de consommer en boutique physique ou de proximité devient de plus en plus un acte engagé, allant souvent de pair avec une quête du produit éthique, de qualité, si possible fabriqué en France ou en Europe. Le consommateur est désormais un consom’acteur qui devrait avoir pleinement conscience de pouvoir, par ses achats, changer le monde, tout du moins, celui du commerce.

Tous ceux qui veulent changer le monde…

Ne faut-il pas chercher également le coupable ailleurs que dans nos lieux communs ? Rappelons que, depuis une vingtaine d’années, les fermetures concernaient essentiellement le commerce indépendant. C’était regrettable, certes, mais, au fond, sans surprise. Chacun y allait de son petit commentaire : peut-être le commerçant aurait-il dû étendre ses horaires d’ouverture, baisser ses prix, ou, tout simplement, être plus aimable ? Cependant, depuis la crise sanitaire de 2020, l’hécatombe s’intensifie et touche désormais des grandes enseignes, que l’on croyait indéboulonnables du paysage commercial. Parmi elles Go Sport, Camaieu, Minelli, San Marina, Orcanta, Burton of London, La Grande Récré ou encore Gap : la liste est longue et malheureusement non exhaustive.

Vous souvenez-vous du fameux « Quoi qu’il en coûte » si cher à notre gouvernement durant la crise sanitaire ? Celui-ci incluait des PGE (Prêts Garantis par l’État) auxquels les grosses structures ont majoritairement souscrit. Depuis, les échéances de remboursement n’ont eu de cesse d’être repoussées, jusqu’à 2023 où il a bien fallu passer à la caisse. Certaines de ces entreprises n’ont malheureusement pas survécu à l’arrachage de ce qui était devenu, pour elles, une perfusion vitale. Le « Quoi qu’il en coûte » semble finalement avoir un prix !

Le commerce dans la peau

Quel est le point commun entre une grande enseigne d’ameublement, une marque de lingerie de luxe et une chaîne de magasins de mode masculine ? Habitat, Burton of London, Orcanta, Chantal Thomass ou encore Maison Lejaby : tous appartiennent en réalité à un seul homme, de ceux qu’on appelle « serial repreneurs » mais que certains médias n’ont pas hésité récemment à qualifier de « fossoyeurs ». Le terme est violent mais justifié car, même si l’on peut leur concéder que la conjoncture n’a pas joué en leur faveur, de récentes investigations  mettent en lumière de dramatiques fautes de gestion. Ces deux dernières années, ce sont seulement trois hommes d’affaires  qui sont responsables de la fermeture d’environ 1 000 magasins en France et de la disparition d’environ 5 000 emplois. Qui se douterait que l’incompétence de quelques dirigeants puisse avoir des répercussions aussi catastrophiques et modifier durablement le visage de nos centres-villes ? Eux aussi sont coupables et pas assez souvent désignés comme tels.

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Au milieu de tous ces protagonistes qui le mettent à mal, le commerce traditionnel a-t-il encore une chance de subsister ? L’étude du CDCF de 2023 révèle que 75% des clients des boutiques physiques y recherchent de la proximité et du contact humain et 49% d’entre eux les fréquentent dans l’espoir d’être conseillés et de vivre une expérience client personnalisée. Pour eux, aussi étonnant que cela puisse paraître, le produit, ses caractéristiques et son prix, semblent presque devenus secondaires. Dans les magasins, en 2024, on n’achète plus seulement un article mais un service, une expérience d’achat que seule une boutique physique est en mesure de nous offrir.

Que doit-on en conclure ? Le commerce évolue mais ne disparaît pas. Il mute, s’adapte, au gré de la conjoncture, tiraillé entre exigences des consommateurs et choix des politiques ou dirigeants, pour n’être, au bout de compte, que le reflet, plus ou moins triste, de notre société. Quant au commerce de proximité, dont la peau a été maintes fois trop vite vendue, il est toujours vivant et, croyez-moi : il n’a pas dit son dernier mot.


[1] https://www.causeur.fr/projet-de-loi-simplification-commercants-des-baux-pas-si-beaux-280274

Geox: une employée qui ne respirait pas la franchise

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Réseaux sociaux

Militante voilée chez Geox : il y a des coups de pied au derrière qui se perdent !


L’affaire du magasin Geox de Strasbourg illustre à merveille ce que le hijab représente désormais dans notre pays, et s’inscrit dans la confrontation bien plus vaste entre la société que la plupart d’entre nous considèrent « normale » et une contre-société qui, de plus en plus ouvertement, de plus en plus violemment, veut imposer sa loi.

Un mauvais coup préparé à l’avance

Résumons les faits. Une jeune intérimaire exige de pouvoir travailler voilée dans ce magasin. Notons, c’est révélateur, qu’elle y a déjà travaillé sans voile dans le passé. Le gérant du magasin refuse qu’elle reste si elle garde son hijab. La jeune femme, qui filme et a de toute évidence préparé son coup, diffuse la scène sur les réseaux sociaux (et ne manque pas ensuite de s’y féliciter du buzz provoqué). Et les voix habituelles de hurler à la « discrimination » et à « l’islamophobie », quand ce n’est pas au « racisme ». Et viennent les inévitables menaces de mort. Il faut donc désormais des patrouilles de police et des vigiles pour protéger ce magasin et surveiller ses abords.

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D’autres que moi ont déjà noté que cette affaire n’est pas un fait divers, mais un fait de société. Je l’évoquais il y a peu à propos de la mort révoltante du jeune Shamseddine, il faut citer aussi Gabriel Robin et le docteur Maurice Berger qui expliquent les tensions entre une culture de la honte et une culture de la culpabilité, les travaux du professeur Gabriel Martinez-Gros (je ne suis pas le seul à noter combien sont pertinentes et fécondes ses analyses inspirées d’Ibn Khaldoun), les réflexions de maître Thibault de Montbrial suite aux émeutes de l’été dernier, et il faut en somme regarder en face ce que Le Figaro résume ainsi : « les agressions liées au non-respect des règles religieuses musulmanes se multiplient dans le pays. »

Contre-société islamique

Car cette contre-société, et c’est sa caractéristique la plus évidente, est résolument islamique. Bien sûr, tous les musulmans vivant en France ne se reconnaissent pas en elle – mais le fait que tous les musulmans ne se reconnaissent pas en elle ne diminue en rien le rôle central de l’islam dans sa nature. La meilleure preuve en est la rage toute particulière dont elle fait preuve vis-à-vis des musulmans vivant « à la française » et plus encore vis-à-vis des apostats de l’islam, en parfaite conformité avec les préceptes non seulement de l’islamisme mais tout simplement de l’islam, du moins de l’islam « mainstream » dans notre contexte, l’islam des quatre madhhabs sunnites orthodoxes.

Remarquons également, « convergence des luttes » oblige, qu’à cette contre-société islamique s’agrège une bonne partie de ce qui aspire à la destruction de la société européenne, et ce n’est pas là seulement du clientélisme électoral. De même qu’il y a des musulmans qui soutiennent Israël, il y a des non-musulmans qui ont pris le parti du Hamas et de la théocratie des Mollahs.

La stratégie de la victimisation et du jihad judiciaire

Le cas strasbourgeois s’inscrit en outre dans une stratégie largement généralisée, dont il résume bon nombre de ressorts. Le piège. La victimisation. La désignation d’une cible à la vindicte de la contre-société islamique conquérante, c’est-à-dire surtout en son sein des groupes que l’on sait prêts à passer à l’acte. La manipulation perverse par cette contre-société qui utilise nos « valeurs » (les fameuses « vertus chrétiennes devenues folles » de Chesterton) pour nous affaiblir, nous culpabiliser, nous paralyser, mais naturellement n’a pas un seul instant l’intention de s’imposer à elle-même le respect desdites « valeurs » – car de réciprocité il n’est jamais question, il suffit de comparer les droits dont jouissent les musulmans dans les pays non-musulmans et ceux consentis aux non-musulmans dans les pays musulmans pour le comprendre… Les méthodes de nervis fascistes pour intimider, combinant menaces physiques et menaces de harcèlement procédurier – le fameux « jihad judiciaire ». Le rôle des idiots utiles et des complices. L’aveuglement de beaucoup, souvent volontaire. Et, bien sûr, la réaction en demi-teinte de l’Etat, qui déploie les forces de sécurité intérieure en réaction à la médiatisation du danger (le ministre de l’Intérieur était tout fier d’annoncer qu’il avait fallu mobiliser 13 500 policiers et gendarmes pour que les chrétiens puissent célébrer la fête de Pâques en sécurité, quel échec !), mais refuse frénétiquement de modifier quoi que ce soit de tout ce qui a conduit au face à face actuel avec une contre-société hostile et conquérante.

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Et, cette fois, un coup de projecteur sur le voile, ou plutôt une femme voilée se plaçant à dessein sous les projecteurs. Les promoteurs du hijab aiment parler de « pudeur », et emploient volontiers l’euphémisme de « mode pudique » pour parler de codes vestimentaires islamiques – comme si les femmes non voilées étaient impudiques, alors qu’en réalité il n’y a rien de plus impudique que l’ostentation de la pudeur.

Ce qui s’est passé à Strasbourg n’est donc pas un cas isolé. Il y en a déjà eu beaucoup d’autres. Il y en aura encore. Et plus nous cèderons, plus il y en aura.

Laissez donc Mélenchon s’enfoncer dans l’impasse islamo-gauchiste!

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Jean-Luc Mélenchon, Manon Aubry et Rima Hassan, Paris, 9 mars 2024 © SEVGI/SIPA

Liberté d’expression. Des élus RN, LR et Renaissance demandent l’annulation d’une conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan à Lille.


Cette polémique rappelle les heures les plus bêtes de notre histoire récente, quand des militants antiracistes de Rasl’Front ou SOS Racisme tentaient d’interdire les réunions du FN ou, encore plus récemment, quand des groupuscules gauchistes parvenaient à faire taire ceux qui leur déplaisent – de François Hollande à Alain Finkielkraut en passant par Sylviane Agacinski et Eschyle.

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Un logo problématique

Jeudi, Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan, militante franco-palestinienne qui cache mal ses sympathies pour le Hamas, doivent donner une conférence sur Gaza à l’université de Lille. Le numéro 80 et la numéro 7 de la liste LFI aux européennes sont invités par l’association étudiante « Libre Palestine ». Sur l’affiche, en bas à droite, le logo de cette association représente une carte de la Palestine de la Mer au Jourdain. C’est donc un appel clair à la disparition d’Israël.

C’est d’ailleurs raccord avec les slogans scandés dans un meeting LFI à Montpellier dimanche. « Israël, casse-toi, la Palestine n’est pas à toi » ou « Israël assassin » (la version polie du « A mort Israël » braillé au même moment par le Parlement de la République islamique), a-t-on entendu dans le public. Les images du meeting, relayées sur Twitter, ont légitimement indigné beaucoup d’observateurs et une grande partie de la classe politique qui a fait part de son écœurement. Certains demandent carrément l’interdiction de la conférence. Xavier Bertrand (LR) a écrit au président de l’université. Violette Spillebout (Renaissance), Sébastien Chenu et tous les députés RN du Nord demandent également l’annulation de l’évènement lillois.

Cette demande est-elle compréhensible ?

Maintenant qu’il est clair que la haine assumée d’Israël et la haine des juifs qu’elle charrie à plus bas bruit, ont pris leurs quartiers chez Mélenchon, la paresse intellectuelle suggère en effet d’appliquer à LFI la jurisprudence autrefois réservée au FN. Lionel Jospin parlait à l’époque de petit théâtre antifasciste pour qualifier ces imprécations morales contre-productives et ce concours de belles âmes.

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Si on veut combattre les Insoumis, il faut le faire argument contre argument, idéologie contre idéologie. Il faut démonter leurs bobards, révéler leur différentialisme forcené. Montrer à leurs électeurs, notamment musulmans, qu’ils les instrumentalisent autant que la cause palestinienne, qu’ils les entraînent dans une impasse victimaire et séparatiste. Il faut rappeler leur détestation de la police, leur appétit de chaos. Bref : il faut faire de la politique, pas de la morale.

Enfin et surtout, un principe fondamental est ici en jeu. Ces révolutionnaires de salon, amateurs d’âneries indigénistes ou décolonialistes, ne méritent pas qu’on sacrifie un des droits les plus précieux de l’homme, la liberté d’expression. Or, celle-ci n’a de sens que si elle bénéficie aux idées qui nous horrifient. Contre ces admirateurs de mollahs, soyons voltairiens. Inversons la formule de Saint-Just : liberté pour les ennemis de la liberté ! Franchement, nous aurions bonne mine pour combattre la cancel culture de gauche si nous nous inclinions devant celle de droite.

Le retour du missionnaire

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Pierre Teilhard de Chardin, Philadelphie, 1937 ©AP/SIPA

Le jésuite le plus célèbre du XXe siècle revient sur le devant de la scène. Plus qu’un théologien, Pierre Teilhard de Chardin était à la fois géologue, botaniste, zoologiste, archéologue et paléontologue… Une superbe biographie lui rend hommage.


Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on pouvait faire mine de lire les 700 pages de L’être et le néant de Jean-Paul Sartre. On pouvait aussi se plonger dans Le phénomène humain de Pierre Teilhard de Chardin. Après un demi-siècle d’éclipse, l’œuvre du penseur jésuite, censurée de son vivant par l’Église, revient sur le devant de la scène et suscite un regain d’intérêt. Dans sa belle biographie, nourrie d’archives inédites, l’historienne Mercè Prats observe que l’on se réclame à nouveau de lui : « Le pape François le cite dans son Encyclique de 2015 pendant que Jean-Luc Mélenchon, au cours de sa campagne présidentielle de 2022, annonce à la télévision que la lecture de Teilhard lui a permis de « transiter facilement vers la philosophie matérialiste » »
En 2023, un centre Teilhard de Chardin a même été fondé par des physiciens sur le plateau de Saclay, au cœur de la Silicon Valley à la française, avec pour objectif de voir le Christ retrouver sa place dans la banlieue (où, dit-on, les demandes de baptême ne cessent d’augmenter). Teilhard en nouveau missionnaire sur les territoires perdus de la République ?
« C’est le plus célèbre jésuite du XXe siècle, mais on a du mal à le situer dans son temps et sa mémoire est encombrée par le phénomène de mode qui survient au lendemain de sa mort quand il suscite un engouement planétaire. Il m’a fallu creuser longuement avant de mettre à jour le personnage qui était enfoui sous des strates de commentaires », écrit Prats.

Aventurier de l’esprit

De sa naissance en Auvergne en 1881 à sa mort, à New-York, le jour de Pâques, en 1955, la biographe suit au jour-le-jour la vie de cet aventurier de l’esprit descendant de la petite noblesse qui était aussi un homme de la Terre, à la fois géologue, botaniste, zoologiste, archéologue et paléontologue… Allergique à la théologie, Teilhard est un naturaliste, à la manière d’Aristote et de Lamarck, un observateur, un homme de la matière dont il pressent, avant les découvertes de la physique quantique, qu’elle est énergie et lumière. Très tôt, il adopte une vision globale qui lui permet de voir que le Cosmos, loin de posséder la stabilité et l’éternité que lui prêtaient les philosophes grecs, est en régime d’évolution depuis des milliards d’années : une vision panthéiste qui confère à son style une beauté digne, dans certaines pages, de Terrence Malick filmant la nature avant l’intrusion de l’homme.

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Mais le plus surprenant, c’est l’homme d’action, le soldat de 14-18 rampant dans la boue pour aller chercher sur son dos les corps de ses amis tués, sous le feu des mitrailleuses allemandes. De 1923 à 1946, Teilhard se rend vingt fois en Chine où il découvre « l’homme de Pékin » qui vivait-là il y a plus de 400 000 ans. À l’époque, c’est l’un des Occidentaux qui connaît le mieux la Chine (où une biographie vient d’ailleurs de lui être consacrée !). Mercè Prats nous révèle un autre aspect du personnage : sa tendresse pour les femmes qui l’accompagnent sa vie durant, qu’il s’agisse de la journaliste Ida Treat, de l’agrégée de philosophie Léontine Zanta ou de la sculptrice américaine Lucile Swan avec qui il vit quasiment en couple… Dans sa correspondance et son journal, il s’exprime à cœur ouvert et s’interroge sur le sens de la chasteté.
Romain Gary lui a consacré un portrait magnifique qui vaut la peine d’être cité. Les deux hommes s’étant pris d’amitié l’un pour l’autre quand ils vivaient à New York : « Il était en exil, très mal vu de la Compagnie de Jésus et du Vatican, et il lui était interdit de publier ses œuvres. Je le voyais souvent. J’aimais ce grand capitaine et il m’arrive de rêver de lui, debout à la barre, avec son profil de boucanier, voguant vers l’horizon sur le pont d’un navire métaphysique dont il avait bâti à la fois la coque, la boussole… et, qu’il me pardonne ! la destination. Il avait un côté enchanteur, un rayonnement, un sourire, une tranquillité… Il me manque. Je lui ai emprunté son physique d’homme du grand large pour en faire le jésuite Tassin dans Les racines du ciel que j’écrivais alors… Teilhard évitait toujours la profondeur dans les conversations, par gentillesse. C’était le contraire de Malraux qui vous invite immédiatement à plonger avec lui au fond des choses… » La rencontre entre Teilhard et Malraux, chez Romain Gary, à New York, est un moment d’anthologie.

Le Père Teilhard à Pékin, 1940-1944

Conseil de lecture pour Elon Musk

Pour comprendre l’impact que sa pensée a exercé sur les élites de son temps (dont Robert Oppenheimer qui fut l’un de ses soutiens), il faut imaginer dans quelle atmosphère crépusculaire on était après Auschwitz, Hiroshima et Nagasaki. Quand il rentre à Paris en 1946, le père jésuite découvre une capitale tombée sous la coupe des idées de Sartre et de Heidegger. À son disciple le plus proche venu lui demander si l’humanité ne serait pas, en effet, une anomalie monstrueuse, le fruit d’un accident cosmique, Teilhard fait cette réponse dont on mesure aujourd’hui, avec le recul, et compte-tenu de ce que nous vivons nous-mêmes, toute la hauteur de vue : « Mon petit, est-ce que nous sommes dans un Cosmos, ou est-ce que nous sommes en cosmogénèse ? » Stupeur du disciple. « L’univers n’est pas terminé, l’être humain est encore à un stade embryonnaire, il vient de naître, il traverse une crise de croissance, il n’a pas encore atteint l’âge adulte. C’est dans cette perspective uniquement qu’il faut poser le problème du mal. » Contre Sartre et Heidegger, Teilhard de Chardin nous montre que l’homme n’est pas plus jeté dans l’univers que la pomme n’est jetée dans le pommier : il est le fruit d’un très lent processus de complexification de la matière et de la vie qui n’a pas encore trouvé son achèvement (le point Oméga = le Christ).
Les problématiques qui sont les nôtres (épuisement des ressources planétaires, survie de l’humanité, colonisation de l’espace), Teilhard les a anticipées avec une largeur de vue qui devrait pousser l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, à réparer notre planète, plutôt qu’à chercher à la quitter…  

Mercè Prats, Pierre Teilhard de Chardin. Biographie, Éditions Salvator, 2023.

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Malentendu conservateur

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Leo Varadkar, a annoncé quitter ces fonctions le mercredi 20 mars 2024. D.R

Retour sur la démission surprise du Premier ministre irlandais Leo Varadkar le mois dernier, après l’échec de son référendum appelant à la modification de la Constitution.


L’Irlande, autrefois pays des plus catholiques et conservateurs, est devenue une terre d’élection du progressisme. En 1983, son peuple approuvait à 67 % un amendement à la Constitution interdisant l’avortement. En 2018, l’électorat a approuvé l’abrogation de cet amendement à 67 % ! Entre-temps, sous la tutelle de ses élites, l’Irlande a voté pour le divorce en 1995 et le mariage gay en 2015 ; joué un rôle de pionnier dans l’introduction de restrictions sur le tabac et de l’auto-identification de genre pour les trans ; et subi des niveaux record d’immigration. Mais les élites qui croyaient diriger le peuple comme elles voulaient viennent de recevoir un camouflet humiliant. Dans deux référendums qui ont eu lieu le 8 mars (la Journée internationale des droits des femmes), les Irlandais ont rejeté de manière décisive deux modifications de la Constitution prônées par la majorité des partis politiques. Il s’agissait d’effacer du texte constitutionnel les vestiges de la politique sociale catholique inscrite dans le document fondateur du pays en 1937.

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Dans le premier article, l’État reconnaît l’importance de la famille fondée sur le mariage et garantit sa protection comme institution. La modification aurait supprimé la référence au mariage, mais le gouvernement s’est montré incapable d’expliquer si le changement conduirait à la reconnaissance de familles fondées sur la polygamie. Le deuxième article reconnaît l’importance du travail de la femme au foyer et stipule que l’État doit éviter que la femme soit obligée par la nécessité économique de prendre un autre travail « au détriment de ses devoirs au foyer ». Selon le Premier ministre, Leo Varadkar, il fallait remplacer ce « langage très démodé, très sexiste » par une référence à l’entraide que les membres d’une famille doivent les uns aux autres. Sauf que les Irlandais ont compris qu’il s’agissait d’enlever une barrière qui, jusqu’ici, protégeait les femmes désirant élever leurs enfants à la maison, mais que l’État voudrait contraindre à rejoindre le marché du travail. Varadkar avait invité ses concitoyens à avancer sur « le chemin de la liberté ». Le 20 mars, c’est lui qui a pris celui de la démission surprise.

Israël face à l’agression militaire de l’Iran: les portes de la guerre sont grandes ouvertes

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Le chef d'état-major d'Israël Herzi Halevi sur la base aérienne Nevatim, 16 avril 2024 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Le Moyen-Orient est au bord d’une déflagration régionale dont le prélude est ancien, mais que le monde de l’expertise ne voulait plus voir. Nous voudrions croire que « la guerre de Troie n’aura pas lieu », comme l’écrivait Giraudoux. Ainsi entonnait le chœur des experts : les menaces réitérées par Téhéran de frapper le sol israélien n’étaient-elles que paroles vides de contenu pratique… Le 14 avril 2024, la guerre asymétrique conduite par le régime iranien contre l’État hébreu, et plus largement contre l’Occident, a franchi un nouveau seuil. Nonobstant les appels à la « retenue » et à la « désescalade », un gouffre s’ouvre. Prélude à l’Iliade, la pièce de Giraudoux s’achève sur la réplique suivante : « Elle aura lieu ».


Nous voudrions croire que « la guerre de Troie n’aura pas lieu ». À toutes fins utiles, rappelons que la pièce de Giraudoux mêle l’ironie et le tragique ; le titre ne doit pas être lu de façon littérale. Ainsi l’avant-dernière réplique est la suivante : « Elle aura lieu ». Dans la présente configuration guerrière entre Téhéran et Jérusalem, nombreux auront été ceux refusant d’anticiper la décision iranienne de frapper massivement le territoire israélien, par vain espoir.

Leur argumentaire ? « Cela ne s’est pas produit jusqu’alors et ce ne serait pas dans l’intérêt de l’Iran ». Fermez le ban. Pourtant, l’impensable (à leurs yeux) advient dans la nuit du 13 au 14 avril dernier. Plus de 300 drones, missiles de croisière et engins balistiques sont lancés depuis le territoire iranien en direction d’Israël. Le Hezbollah, les Houthis et autres affidés du régime iranien apportent leur contribution. Heureusement, l’important système anti-missile israélien (« Dôme de fer »), l’intervention des moyens américains et ceux des alliés européens (de la Jordanie aussi) ont permis d’éviter le pire. L’immense majorité des vecteurs iraniens (99%) aura été interceptée en vol par ce « cercle de feu », limitant les dommages au strict minimum.

Avertissements

Il n’empêche. D’aucuns soulignent depuis des années la menace des programmes balistiques, missiliers et militaires de Téhéran, avec en toile de fond la métamorphose de l’Iran en une puissance nucléaire. Même l’usage massif par la Russie de drones iraniens dans la guerre d’Ukraine n’aura pas suffi à appeler suffisamment l’attention. En dépit des alliances et des liens entre les théâtres géopolitiques, chaque question devait être abordée séparément, explique-t-on.

Mais qu’importe ! La machine à rassurer est de nouveau en marche. La décision iranienne de frapper directement le territoire israélien, c’est-à-dire de passer d’une guerre couverte (une guerre indirecte) à une guerre ouverte, serait strictement « calibrée ». Sous un certain angle, il s’agirait même d’un geste théâtral, les dirigeants iraniens sachant par avance que tous leurs engins seraient interceptés en vol. Toujours le même pattern, celui du faux tragique : « C’est grave mais ce n’est pas si grave que cela ».

Pire. Aux yeux de certains experts, le « geste » est à demi-excusé. Tout aurait commencé le 1er avril, lors d’une frappe sur un bâtiment consulaire iranien, à Damas (Syrie). Alors qu’ils se livraient à leurs activités consulaires, deux généraux de la Force Al-Qods et quelques Pasdarans périrent (sept individus au total). Le point zéro pour ces experts. Dès lors la « riposte » de l’Iran – les Pasdarans et leurs affidés (Hezbollah, Houthistes, milices chiites irakiennes, Hamas, Jihad islamique) n’ont jamais attaqué personne (pas même une représentation diplomatique), cela va de soi –, serait compréhensible, voire légitime. Oubliés le programme nucléaire clandestin et la volonté évidente d’acquérir l’arme nucléaire, le développement de missiles et de drones à longue portée, la déstabilisation des pays environnants, l’alliance avec la Russie et le soutien actif à cette dernière dans la guerre d’Ukraine.

Sur toutes les lèvres : « désescalade »

Un double impératif : « désescalade » et « retenue ». Après avoir affronté des centaines d’engins iraniens, Israël devrait faire le gros dos et s’abstenir de toute riposte. « Un point partout, la balle au centre ! » Exit la doctrine de dissuasion et de représailles en cas d’échec, pourtant au fondement de la politique de défense des puissances occidentales.

Aussi est-il nécessaire de revenir sur les conceptions géopolitiques et le schéma général qui sous-tendent la grande stratégie iranienne. Téhéran considère que le Moyen-Orient doit passer sous sa domination directe ou indirecte. L’accès au nucléaire militaire permettra de sanctuariser l’Iran, lui donnant une plus grande marge de manœuvre pour déstabiliser la région (une stratégie de « sanctuarisation agressive »).

Pour atteindre ses objectifs, le régime iranien, parallèlement à un programme nucléaire clandestin, révélé en 2002, mobilise les minorités chiites du Moyen-Orient (l’« arc chiite »), contre les régimes arabes sunnites de la région. Toutefois, il n’a pas renoncé au discours panislamique et tiers-mondiste, qui avait marqué les débuts du khomeynisme (la révolution islamique de 1979). Ainsi la référence à l’islam et la dénonciation féroce du « sionisme » permettent-elles d’outrepasser les limites du nationalisme persan et du particularisme chiite.

Ouvertes en 2003, les négociations sur le nucléaire, longtemps ensablées, ont abouti en 2015 à un accord incomplet, dont les clauses limitatives (les « sunset clauses »), devaient s’éteindre entre 2025 et 2030. Dénoncé par Donald Trump trois ans plus tard, cet accord n’aura fait que ralentir la marche de l’Iran vers l’atome guerrier : l’objectif est désormais à portée.

Dans l’intervalle, l’Iran n’a jamais cessé de déstabiliser ses voisins. Le fallacieux « Printemps arabe » (2011) et la guerre en Syrie ont accéléré le rythme. Alors que l’accord nucléaire n’était pas encore signé, Téhéran négociait avec Moscou les modalités d’une intervention militaire combinée, en fait d’une alliance dont la réalité fut longtemps niée par bien des experts («C’est plus compliqué »). Il aura fallu l’utilisation de drones iraniens en Ukraine pour que le terme d’alliance finisse par s’imposer.

Des proxys un peu partout

Depuis, Téhéran a considérablement renforcé ses positions régionales. Les forces terrestres irano-chiites se sont enracinées en Syrie, jetant un « pont terrestre » du golfe Arabo-Persique au bassin Levantin, avec des prétentions dans l’ensemble de la Méditerranée. Avec les houthistes au Yémen, le régime iranien dispose également d’un levier de pouvoir dans le sud de la péninsule Arabique, en mer Rouge et dans la Corne de l’Afrique. A plusieurs reprises, Téhéran n’a pas hésité à frapper le sol de l’Arabie saoudite. Aujourd’hui, les houthistes coupent la route de la mer Rouge.

L’ensemble de ce dispositif géopolitique est derrière l’action du Hamas au Proche-Orient. Plutôt que d’affronter directement Israël, le régime iranien a jusqu’alors préféré actionner ces différents leviers, tout en protestant de ses intentions pacifiques. Prisonniers de leurs catégories, bien des experts continuent à parler de « déni plausible », et ce quand les faits sont patents et documentés. Triste conformisme ou volonté de justifier l’inaction ?

A l’évidence, le Moyen-Orient est au bord d’une déflagration régionale dont le prélude est ancien, mais que le monde de l’expertise ne voulait pas voir (« Nul n’y aurait intérêt »). La seule réponse correcte serait d’épiloguer sur la « solution à deux États » et de nier le droit de légitime défense d’Israël, dans l’espoir de gagner un peu de temps encore. Quant aux interconnexions et répercussions entre les différentes guerres et foyers de conflit (Moyen-Orient, Ukraine/Europe, Asie de l’Est et du Sud-Est), elles demeurent sous-évaluées.

En somme, pour revenir à la pièce de Giraudoux, « les portes de la guerre sont grandes ouvertes ». L’inaction ou les demi-mesures des dernières années auront accéléré le processus historique, les puissances révisionnistes (l’axe Moscou-Téhéran-Pékin, flanqué de Pyongyang) se voyant encouragées dans leurs vues, leurs ambitions et leurs stratégies. Les audaces et succès de l’un encouragent l’autre. La situation fait songer à un célèbre discours : « Qu’y a-t-il là ? Stupidité ou trahison ? » (Milioukov, 13 novembre 1916). Plus sûrement, il se pourrait que l’ontologie plate des post-modernes interdise la pleine compréhension des forces profondes, des passions obscures et des puissances qui transcendent les intentions déclarées.

Cela renvoie au Destin que Cassandre, campée par Giraudoux, définit comme « la forme accélérée du temps ». De fait, déni, irrésolution et inintelligence des situations stratégiques nous ont conduits au bord du gouffre. Le vertige des abymes menace. Il est urgent de déciller les yeux, de se reprendre et de faire front, d’une extrémité à l’autre de la masse euro-asiatique et sur son « boulevard » moyen-oriental. La simple conservation de l’être entre en jeu.

Sécurité: le gravage des vitres de voitures à l’épreuve des faits

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DR.

Les vols de voiture sont en augmentation ces dernières années, c’est du moins ce qui ressort des études menées par l’Observatoire 2024 des vols et de la récupération après-vol de Coyote. Ainsi, 140 400 vols ont eu lieu en 2023, soit un toutes les cinq minutes en France. Des chiffres colossaux et surprenants au vu du niveau de sécurité des véhicules actuels. Ils invitent naturellement les acquéreurs à se doter de systèmes permettant de retrouver leurs voitures en cas de vol. Sont-ils pour autant tous efficaces et nécessaires ? Souvent proposé dans des « packs de services » au moment de l’achat d’un véhicule, le gravage des vitres de voitures constitue ainsi un dispositif inutile contre le vol. Un procédé de vente dénoncé à la fois par les acheteurs et par la répression des fraudes. Explications.


Au moment de signer, les acheteurs de véhicules particuliers ne sont souvent pas au fait de leurs droits. Une lacune qui n’a pas échappé aux vendeurs de véhicules – neufs ou d’occasion – qui proposent systématiquement à leurs clients des « packs de services », plus ou moins utiles et souvent non-obligatoires. L’exemple du gravage des vitres de voitures – avancé comme une bonne solution face au vol – constitue certainement le meilleur exemple.

Les textes de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont l’avantage de la clarté, sur l’obligatoire comme sur le facultatif : les vendeurs de véhicules ont des obligations, telles que l’étiquetage des véhicules ou la fourniture des documents de vente et les garanties. Viennent ensuite les « frais accessoires », non obligatoires donc… comme le gravage des vitres.

La sécurité, vrai faux argument

Au printemps 2023, la DGCCRF a rendu publics les résultats d’une campagne de contrôles sur les pratiques commerciales des vendeurs de véhicules en France. Selon elle, deux tiers des concessionnaires automobiles contrôlés seraient en porte-à-faux avec la règlementation sur l’information des consommateurs. En particulier concernant « la facturation de frais facultatifs (gravage du numéro de série et assurance associée, fourniture du tapis de sol, d’ampoules de rechange ou plein de carburant) au consommateur sans information préalable ou en indiquant que ces frais facultatifs sont obligatoires ». En tout, quelque 320 procès-verbaux pénaux et 170 procès-verbaux d’amendes administratives ont été dressés à l’attention des contrevenants au cours de cette campagne de contrôle d’un an.

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Pour vendre le « service » du gravage des vitres au moment de l’acquisition d’un véhicule, l’argument des vendeurs tient en un mot : la sécurité. Selon eux, le gravage des vitres limiterait les tentatives de vol et de recel. Un argument qui ne tient pas longtemps face aux pratiques de voleurs de plus en plus organisés en filières et qui exportent les véhicules vers d’autres pays. Six trafiquants ont notamment été interpellés à Créteil, comme l’indiquait Le Parisien le 29 mars. Auteurs d’une vingtaine de vols, dont deux concernaient des voitures banalisées de la police, ils revendaient ensuite leurs larcins sur internet après avoir maquillé les véhicules.

Le gravage permet d’identifier un véhicule volé, mais n’augmente pas les probabilités de retrouver ce dernier. C’est d’ailleurs pour cette raison que les automobilistes se tournent de plus en plus vers des dispositifs de tracking pour pouvoir localiser à coup sûr leur véhicule en cas de vol. Quant aux voitures haut de gamme, ces dernières ne sont en règle générale jamais retrouvées et partent vers le pays de l’Est ou le Maghreb. Souvent dépouillées de leur numéro de châssis… et de leurs fenêtres d’origine.

Vente forcée ?

Pourtant, malgré son inefficacité et son caractère « accessoire » comme le précise la DGCCRF, le gravage des vitres est souvent imposé aux acheteurs. Et le problème n’est pas nouveau : déjà en 2006, la direction générale de répression des fraudes pointait du doigt cette pratique, à la suite de plaintes en série reçues de la part de particuliers, au moment du « renouvellement des garanties complémentaires souscrites avec la prestation de gravage ». Une pratique qui reste donc encore aujourd’hui ancrée dans les mœurs d’un système de vente, bien en place, et qui passe donc encore trop souvent sous les radars. Même la très sérieuse Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans son dernier rapport concernant les assurances affinitaires, listait différentes pratiques litigieuses… et oubliait celle de la vente contrainte du service non obligatoire du gravage des vitres, qui y aurait eu pourtant sa place.

Assez répandu dans l’Hexagone – environ 800 000 véhicules chaque année –, le dispositif du gravage n’est donc pas obligatoire, mais figure très souvent dans les packages proposés par les concessionnaires automobiles. Une pratique que dénoncent de très nombreux particuliers sur les forums en ligne réunissant des automobilistes mécontents. Les exemples pullulent sur la toile, comme celui-ci : « J’ai acheté un véhicule et, à la signature, on m’a fait signer parmi les nombreux documents, bien sûr sans explication donc abusivement, le marquage antivol sur les vitres du véhicule. Je reçois un mois après un contrat d’abonnement. Je n’ai pas fait attention à la facture, mais on m’a facturé 2 années à l’avance soit une somme de 195€ ! » Une somme qui, une fois multipliée par le nombre d’achats annuels en France, s’avère conséquente, ce marché était estimé à quelque 320 millions d’euros. Une véritable manne à laquelle les vendeurs de voitures proposant ce service facultatif n’ont logiquement pas envie de renoncer.

Que le peuple français fasse silence!

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L'eurodéputé LR François-Xavier Bellamy invité de RTL, 14 avril 2024. Capture d'écran.

La liste conduite par François-Xavier Bellamy pour LR aux élections européennes ne parvient pas à décoller dans les sondages; elle pourrait être devancée par celle de Marion Maréchal. Pendant ce temps, le Conseil constitutionnel rejette l’organisation d’un référendum d’initiative partagée sur l’immigration, souhaitée par LR. Pour se venger, la droite classique pourrait œuvrer à une motion de censure du gouvernement à l’automne…


On a vraiment l’impression que tout est fait pour que rien ne bouge, ni en France ni en Europe. Peut-être la liste socialiste va-t-elle rejoindre et dépasser la liste macroniste aux élections européennes du 9 juin mais, pour l’instant, Jordan Bardella domine largement celle conduite par Valérie Hayer. Si la suite confirme cette avance, nous aurons une liste victorieuse qui n’aura guère d’influence sur le terrain européen et la liste inspirée par le président de la République continuant à cultiver un rêve européiste totalement détaché des réalités nationales. La supériorité du RN n’aura pas été la conséquence d’un travail acharné et persévérant à Bruxelles puisque tout a démontré au contraire que ce parti s’est inscrit plus volontiers dans une confortable dénonciation extrême plutôt que dans un pragmatisme intelligent.

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Bellamy distancé dans les sondages

Aussi on ne peut qu’être déçu : la liste LR de François-Xavier Bellamy (la deuxième place est occupée par Céline Imart dont les interventions publiques et médiatiques sont remarquables) est très largement distancée, oscillant entre 6 et 8%. Alors qu’elle dispose malgré tout d’un espace entre un RN démagogue et un macronisme irénique. À croire que M. Bellamy – qui, lui, s’est dépensé sans compter à Bruxelles -, malgré la manière convaincante dont il articule le souci de la France avec sa conception réaliste de l’Union européenne, a du mal à persuader nos concitoyens que sa cause est la plus juste et la plus équilibrée. Je relève ce paradoxe qui n’est pas pour rien dans cette sous-estimation : cette personnalité de qualité est encore trop fine, trop courtoise pour des débats médiatiques où il convient d’asséner pour démontrer.

Le Conseil constitutionnel rejette la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP) sur l’immigration initiée par Les Républicains.

La bureaucratie européenne confisque la parole des peuples.
Celle du peuple français d’abord.
Pire, on lui enjoint de faire silence.
On aura beau nous opposer, tel un mantra de plus en plus discutable, qu’il est inconvenant de mettre en cause les décisions du Conseil constitutionnel, cette abstention, pour être acceptée, devrait concerner un Conseil respecté parce que respectable, constant dans son interprétation de la Constitution, ne se soumettant pas subtilement à des influences élyséennes, ne battant pas en brèche systématiquement, par ses décrets, des initiatives qui, pour être fidèles à l’esprit de la Constitution, seraient contraires à l’humanisme de conseillers politisés plutôt qu’impartiaux.

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Déjà, pour le texte sur l’immigration, le Conseil constitutionnel, comme le président Gérard Larcher l’a souligné dans le JDD, avait donné une interprétation trop restrictive de l’article 45 restreignant le droit d’amendement. C’était une première alerte. La seconde, avec l’aval du gouvernement ayant tout fait pour que la demande des Républicains d’un référendum d’initiative partagée soit rejetée, a consisté pour le Conseil à dénier la validité d’une politique de préférence nationale. Elle consiste pourtant dans cette évidence de donner plus de droits aux nationaux qu’aux non nationaux. Imposer comme un principe l’obligation de ne faire aucune différence entre citoyens et étrangers, y compris pour les droits sociaux, revient injustement, absurdement, à favoriser des étrangers entrés parfois illégalement en France au détriment de Français ayant cotisé toute leur vie.

On aboutirait à cette incongruité juridique et sociale que les premiers bénéficieraient de plus d’aides que les seconds. C’est ce que François-Xavier Bellamy dénonce à juste titre en soulignant « que nos institutions sont bloquées par le gouvernement »[1].

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Derrière ces péripéties qui paraissent se rapporter à des analyses juridiques et à des contradictions de spécialistes, se cache en vérité un dessein qui concerne au premier chef le commun des citoyens. Il s’agit au fond de se servir de la Constitution non pas pour le peuple mais contre ses intérêts. Le peuple n’est acceptable, dans cette démocratie sous l’empire de ce pouvoir macronien et de ce Conseil constitutionnel, que s’il fait silence. On le fait taire en l’étouffant délicatement dans les formes. Quand il pourra libérer sa parole, il hurlera.


[1] La Tribune Dimanche

Marion Maréchal : « La solidarité n’est pas le suicide »

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Marion Maréchal © Hannah Assouline

Pour la tête de liste de Reconquête !, la France doit apporter une aide légitime à l’Ukraine sans participer à une escalade guerrière. Elle refuse une adhésion de Kiev à l’UE et prône une sortie du commandement intégré de l’OTAN préservant l’autonomie de la voix française.


Causeur. La France doit-elle essayer d’empêcher la Russie de gagner cette guerre ?

Marion Maréchal. Dans cette guerre, je soutiens le droit de l’Ukraine à défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté face à l’attaque de la Russie. Il est donc légitime d’apporter une aide financière, une aide humanitaire et une aide logistique pour la reconstruction, afin d’aider les Ukrainiens à résister au mieux. Néanmoins, souhaiter la victoire de l’Ukraine ne doit pas pour autant induire de faire la guerre à sa place. Bien que je comprenne l’inquiétude de nos amis polonais ou des pays baltes, ce n’est pas la France qui est en guerre avec la Russie. Toute la difficulté est là : trouver l’équilibre entre une aide légitime à l’Ukraine sans participer à une escalade guerrière avec une puissance nucléaire.

L’éventualité d’une entrée en conflit de notre pays doit-elle être exclue ?

J’ai réaffirmé mon opposition à toute forme d’envoi de troupes françaises sur le sol ukrainien. Quand on évoque une entrée en guerre de la France, il faut mesurer les implications. La guerre en Ukraine, ce n’est pas Munich en 1938, c’est Verdun en 1916, c’est-à-dire une guerre de tranchées avec des drones. Ce sont des combats d’une violence inouïe, qui ont déjà causé la mort de 70 000 soldats ukrainiens et blessé 120 000 autres. Les dernières déclarations du président de la République sur l’envoi de troupes au sol sont à la fois irresponsables et dangereuses : irresponsables, car elles ont isolé la voix de la France en Europe en montrant qu’aucun autre pays ne souhaitait participer à cette fuite en avant ; dangereuses, car quand on veut s’engager dans une guerre, il faut être sûr de pouvoir la gagner. Or, nous n’avons plus les capacités opérationnelles de faire face à un conflit de haute intensité. Les envolées bellicistes du camp présidentiel et de la gauche morale me font sourire, car ceux-là même qui dénoncent l’esprit munichois sont responsables depuis des décennies du plus grand sabordage de nos armées que la France ait jamais connu. Notre force opérationnelle terrestre est réduite à la portion congrue de 77 000 hommes, soit la capacité d’accueil du stade de France, nous avons seulement trois jours de réserve de munitions et la production annuelle d’obus français ne représente qu’une seule heure de tir pour l’ensemble des 75 canons Caesar livrés à l’Ukraine. Commençons déjà par muscler considérablement nos lois de programmation militaire et par augmenter annuellement le budget de la défense jusqu’à 70 milliards d’euros d’ici à 2030. Rappelons que la dernière LPM du 1er août 2023 ne prévoit aucune augmentation substantielle des effectifs militaires.

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Vladimir Poutine représente-t-il une menace existentielle pour notre pays ?

Il est inexact aujourd’hui de dire que la France serait directement menacée dans ses frontières et sa souveraineté par la Russie. Bien sûr, la Russie est à l’origine de nombreuses cyberattaques et elle s’en prend directement à nos intérêts français, notamment en Afrique, mais d’une part elle n’est pas la seule et d’autre part, en cas de conflit ouvert avec les forces de l’OTAN, elle n’aurait vraisemblablement pas les moyens de pousser plus loin son avantage territorial pour des raisons liées notamment à sa démographie vieillissante, aux limites de son armée ainsi qu’à son économie, certes résiliente mais très dépendante de la Chine.

© Hannah Assouline

Souhaitez-vous l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne ?

Je ne suis pas favorable à l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne, ni à aucun autre élargissement à l’heure actuelle. L’entrée de l’Ukraine dans le marché commun serait le tombeau de l’agriculture française. Je rappelle que l’Ukraine, c’est 25 % des terres agricoles du continent européen et que le salaire minimum y est inférieur à 200 euros par mois. En cas d’adhésion à l’UE, ce pays toucherait près de 186 milliards d’euros de subventions européennes et deviendrait ainsi le plus grand bénéficiaire de la politique agricole commune, devant la France. Nous voyons déjà les conséquences désastreuses des accords de libre-échange décidés par la Commission européenne : l’explosion des importations de sucre, de blé, d’œufs et de volailles ukrainiens sur le marché européen provoque une concurrence déloyale gravement préjudiciable à nos agriculteurs. Si nous devons tout faire pour aider l’Ukraine à contourner les tentatives de blocus russes en mer Noire, en facilitant, par exemple, le transit des denrées agricoles ukrainiennes exportées en Chine, en Asie ou en Afrique, nos agriculteurs ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel du financement de l’économie de guerre ukrainienne. La solidarité, ce n’est pas le suicide.

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La France doit-elle rester dans le commandement intégré de l’OTAN ?

Si nous sommes favorables au maintien de la France dans l’alliance militaire atlantique, nous tenons néanmoins à préserver non seulement l’autonomie de notre dissuasion nucléaire, mais aussi l’indépendance diplomatique et militaire française. Bien que la guerre actuelle ne rende pas cette décision urgente, une sortie non pas de l’OTAN, mais du commandement intégré, serait une façon symbolique de marquer l’autonomie de la voix française, si chère au général de Gaulle, vis-à-vis de la politique étrangère américaine. Cette autonomie nous donne une influence singulière dans le monde et nous permet notamment d’exporter notre industrie d’armement à des pays soucieux d’avoir des interlocuteurs « non alignés ». Je pense par exemple notamment à l’Inde ou au Brésil. Il est indispensable en revanche que la France et les pays européens investissent chacun davantage dans leur industrie de défense. De ce point de vue, la menace de Donald Trump de baisser les crédits américains à l’OTAN peut être une aubaine pour l’Union européenne en forçant le continent à se prendre davantage en main au lieu de déléguer sa sécurité aux États-Unis. Le vrai sujet est d’abord de réfléchir à la façon d’installer une véritable solidarité européenne dans l’achat d’armement entre pays membres. Par exemple, les crédits européens, comme ceux débloqués pour la guerre en Ukraine, ne devraient pouvoir être dépensés que pour des achats à l’industrie de défense européenne.

Moi, Sofiane, «rebeu distingué» assumé

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Sofiane Dahmani. DR.

Pour une certaine jeunesse, sur le réseau social TikTok, se cultiver, bien parler, bien se comporter en société ou adopter les bonnes manières, ce serait un truc de « blancs ».


« Rebeu distingué », vous avez sûrement vu, vous ou vos enfants, cette tendance sur les réseaux sociaux.
Dans un monde où les étiquettes sont jetées comme autant de dards, le terme « Rebeu distingué » s’élève, sordide dans son usage, porté par les vents tumultueux des réseaux sociaux, principalement TikTok.
C’est une épine blessante, plantée parfois par ceux qui partagent nos origines, pour nous rappeler notre appartenance. On accable souvent les Français de « souche » pour leur discrimination, mais les flèches viennent parfois de ceux qui partagent notre héritage, nous reprochant nos comportements qu’ils jugent assimilés à ceux des « Blancs ». Ils nous accablent de l’épithète « gawri« , insulte raciste, comme si notre identité française et nos origines nous imposaient un mode de vie, un code de conduite.
Et que dire de ceux qui nous traitent de « harki » comme si c’était une insulte ? Comme si le simple fait de s’assimiler était une trahison, une marque à effacer. Ils semblent incapables d’accepter notre civisme, comme si nous étions condamnés à renier la République, à insulter notre drapeau. Oui, ce même drapeau que l’imam Mahjoub Mahjoubi a blasphémé, le traitant de « drapeau satanique ».
Cette haine envers la France me dépasse. M. Mahjoubi n’est pas le seul à l’exprimer, et TikTok est un miroir déformant de cette animosité. J’y ai vu des jeunes glorifiant le terrorisme, sous des vidéos anodines. Des « nasheeds », hymnes de l’État islamique, y résonnent à des fins de propagande. Notre jeunesse court un danger imminent, comme en témoigne l’atroce meurtre de Samuel Paty, le 16 octobre 2020. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment un jeune peut-il commettre un tel acte ?
Je me souviens aussi des émeutes après la mort de Nahel. Interrogés, ces jeunes crachent leur haine pour ce pays. Leur regard me défie, comme si j’avais manqué à leur appel à la violence, à la vengeance du passé colonial. Comme si la France leur devait une dette. Mais moi, je refuse. Je refuse de cracher sur le drapeau tricolore qui m’a nourri, de défier ceux qui nous protègent, de voir nos quartiers sombrer dans le communautarisme et le racisme anti-blanc. Je refuse la violence gratuite, les insultes contre la France. Je refuse d’être complice d’une propagande anti-française. Car j’aime ce pays, et je ne veux pas le voir disparaître. Je sais que je ne suis pas seul, mais nous devons être plus nombreux à le clamer haut et fort. Oui, je suis peut-être un « rebeu distingué », et je ne crache pas dans la soupe.