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Sahara occidental: Rabat obtient son oui

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Le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’approuver, à une large majorité (11 voix pour, 3 abstentions, Alger ne prenant pas part au vote), la résolution reconnaissant le plan marocain d’autonomie comme base privilégiée pour résoudre la question du Sahara occidental. Ce vote marque un succès diplomatique majeur pour Rabat et reconfigure l’équilibre politique autour de ce dossier qui empoisonne la région depuis un demi-siècle.


Ce vendredi à 15 h, heure de New York, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution en faveur du plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara. Une décision historique, obtenue sans le veto russe ni chinois, et qui marque une avancée diplomatique majeure après plusieurs décennies de négociations intermittentes.

Un long différend territorial prend fin

En vert la ragion concernée. Wikipedia.

Le Sahara marocain, territoire colonisé sous administration espagnole jusqu’au début des années 1970, est au centre d’un différend territorial prolongé que la politique régionale de l’Algérie a accentué et prolongé. Cette terre souverainement marocaine incluse dans l’Empire chérifien a été le théâtre de luttes d’influence internationales qui ont causé du préjudice au royaume. Enfin, une sortie de crise semble se profiler. Depuis le retrait progressif de l’Espagne, le Maroc a proposé un cadre d’autonomie destiné à offrir aux populations locales une gestion interne de leurs affaires, à travers des institutions législatives, exécutives et judiciaires propres, tout en maintenant pour l’État marocain les compétences régaliennes, notamment la défense, la diplomatie et les affaires religieuses. Parallèlement, le Front Polisario, soutenu politiquement et logistiquement par l’Algérie, revendique le droit à l’autodétermination des Sahraouis.

L’ONU a multiplié les initiatives pour tenter de résoudre ce conflit. Dès 1991, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) visait à préparer un référendum d’autodétermination, mais les divergences persistantes entre Rabat et le Polisario ont empêché la tenue de ce vote. Au fil des décennies, plusieurs résolutions du Conseil de sécurité ont réaffirmé la nécessité de négociations « sérieuses, réalistes et crédibles », sans qu’aucune solution définitive ne soit trouvée.

La résolution adoptée ce vendredi consacre une reconnaissance internationale accrue du plan d’autonomie marocain. Une victoire pour la patiente diplomatie marocaine qui a, au fil des années, gagné les soutiens francs et directs de l’Espagne, des États-Unis de Trump ou encore de la France en 2024. Les États-Unis ont joué un rôle central dans l’élaboration du texte, introduisant des aménagements essentiels : participation effective des populations locales, protection de leurs droits et engagement pour la transparence des institutions. 

Ces précautions diplomatiques ont été déterminantes pour obtenir le consensus nécessaire et éviter tout veto, notamment de la Russie et de la Chine, qui avaient parfois exprimé leurs réserves par le passé.

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La France, l’Arabie Saoudite et plusieurs États africains et européens ont également soutenu le texte, renforçant sa légitimité. Paris a souligné que la résolution représente une opportunité historique de consolider la stabilité régionale et de créer un cadre de négociation durable. 

Pour Rabat, cette décision constitue une reconnaissance diplomatique majeure, marquant un tournant dans la perception internationale du plan d’autonomie. Pour Alger et le Polisario, c’est un signal clair : le statu quo prolongé n’est plus soutenu par la communauté internationale et l’autonomie marocaine est désormais mise en avant comme cadre privilégié pour résoudre le différend.

Approche pragmatique

Le plan prévoit la création d’institutions locales élues par les Sahraouis, avec des compétences législatives, exécutives et judiciaires limitées aux affaires internes, tandis que le Maroc conserve les prérogatives stratégiques et internationales. Cette approche pragmatique, saluée par les observateurs comme un compromis réaliste, offre un cadre de négociation stable, susceptible de dépasser les blocages passés.

La résolution ouvre également la voie à un suivi rigoureux de la mise en œuvre. Les mécanismes de contrôle et d’évaluation prévus par le texte permettront de s’assurer que l’autonomie se déploie effectivement, tout en respectant les droits et la participation des populations locales. Ce suivi est crucial, car il constitue la garantie que la résolution ne restera pas lettre morte, comme cela a pu être le cas pour certaines initiatives précédentes.

Ce vote témoigne d’une diplomatie internationale en pleine maturation, capable d’articuler reconnaissance de la souveraineté marocaine et garanties pour la participation locale, dans un texte minutieusement calibré pour respecter les équilibres régionaux. Il reflète un pragmatisme rare, sur un dossier qui a longtemps été figé par des postures idéologiques et des blocages stratégiques. Cette avancée n’aurait pas été possible sans la diplomatie habile de Mohammed VI, dont l’impulsion personnelle a su accélérer le changement, mobiliser le soutien international et repositionner le Maroc comme acteur incontournable de la résolution du conflit. En définitive, cette adoption constitue un tournant historique : elle inscrit le plan d’autonomie marocain comme une solution crédible et réaliste, tout en ouvrant un cadre diplomatique propice à des négociations constructives. Les défis restent nombreux — assurer la participation effective des populations sahraouies, garantir la transparence des institutions locales, respecter pleinement les droits fondamentaux — mais la résolution offre désormais une perspective tangible de paix et de stabilité dans la région après des décennies d’incertitudes.

Le permis, c’est plus pour la vie!

L’UE impose un permis renouvelable tous les 15 ans: les seniors et les ruraux sont sur le qui-vive…


Alors que Bruxelles harmonise, les campagnes s’inquiètent. Le 25 mars 2025, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont trouvé un accord sur la révision de la directive relative aux permis de conduire. À partir de 2026, la validité administrative du précieux sésame sera limitée à quinze ans pour les voitures et motos (ou dix ans lorsqu’il sert aussi de carte d’identité). Les permis poids lourds devront, eux, être renouvelés tous les cinq ans.

Cette réforme s’inscrit dans la stratégie européenne Vision Zero, qui vise à réduire de moitié les morts et blessés graves sur les routes d’ici 2030. Elle prévoit aussi un contrôle médical ou une auto-évaluation au moment du renouvellement, ainsi que l’introduction du permis numérique dans le futur portefeuille d’identité européen à l’horizon 2030.

Présentée comme un progrès administratif et sécuritaire, cette mesure suscite déjà de vives réserves chez les seniors et les habitants des zones rurales — ceux pour qui conduire n’est pas un plaisir, mais une nécessité.

Les seniors redoutent la stigmatisation

La directive laisse aux États membres la liberté de raccourcir la validité du permis pour les conducteurs de plus de 65 ans. Une clause qui, sur le papier, relève du bon sens. Dans les faits, elle alimente la crainte d’une discrimination silencieuse.

Pour beaucoup de seniors, la voiture reste un instrument d’autonomie. Elle permet d’aller chez le médecin, de rendre visite à sa famille, de maintenir une vie sociale. Or, l’idée d’un renouvellement plus fréquent, accompagné de contrôles médicaux, est vécue comme une suspicion institutionnalisée : le conducteur âgé n’est plus présumé capable, mais potentiellement dangereux.

Les visites médicales, même facultatives, sont déjà redoutées : coûts, démarches, peur de perdre le droit de conduire pour une fatigue passagère ou une vue imparfaite. Et dans un contexte de désertification des services publics, chaque nouvelle formalité ressemble à une embûche de plus sur la route de la vieillesse.

En milieu rural, une double peine

Dans les territoires ruraux, la dépendance à la voiture est absolue. On conduit non pour le plaisir, mais pour vivre : pour se rendre au travail, au marché, à l’hôpital. Là où le bus passe deux fois par jour et la gare la plus proche se trouve à trente kilomètres, le volant n’est pas un confort, c’est un droit vital.

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Mais ce droit pourrait bien se compliquer. Le renouvellement administratif tous les quinze ans risque de tourner au casse-tête :
– démarches en ligne difficiles, voire impossibles sans connexion ;
– guichets administratifs éloignés ;
– déplacements coûteux pour un simple papier ;
– sentiment d’un contrôle injustifié.

Pensée à Bruxelles comme une modernisation, la mesure sera perçue dans les campagnes comme une contrainte de plus, imposée d’en haut sans prise en compte du réel. L’Europe « connectée » parle digitalisation et sécurité ; la France rurale, elle, entend distance et paperasse.

La lecture conservatrice : liberté, subsidiarité et bon sens

Pour un lecteur de sensibilité conservatrice, cette réforme soulève des questions fondamentales : liberté individuelle, autonomie, subsidiarité et rapport entre sécurité et responsabilité.

1. La liberté individuelle.

Renouveler un permis n’a rien de choquant. Mais faire de ce renouvellement un rituel administratif obligatoire pour tous, sans motif particulier, revient à instaurer une forme de tutelle permanente. La sécurité ne saurait justifier une méfiance généralisée envers les citoyens.

2. Le principe de subsidiarité.

L’Union européenne fixe le cadre, mais les États devront adapter la mise en œuvre. C’est là que se jouera la différence entre un texte technocratique et une réforme supportable. Une Europe respectueuse de la diversité devrait reconnaître que la vie d’un automobiliste du Cantal n’a rien à voir avec celle d’un cadre bruxellois.

3. La voiture, symbole d’émancipation.

Pour les ruraux, la voiture n’est pas un gadget mais un instrument de liberté. Restreindre ou complexifier l’accès au permis revient, pour beaucoup, à restreindre la possibilité même de vivre dignement.

4. L’argument sécuritaire.

La sécurité routière est un objectif légitime. Mais lorsqu’elle devient le paravent de nouvelles contraintes, elle alimente le sentiment d’une société de la suspicion, où l’État protecteur se transforme en tuteur permanent.

5. Le tout-numérique imposé.

Le futur permis digital illustre cette fracture : progrès pour les urbains connectés, angoisse pour les aînés et les ruraux. Dépendance au smartphone, risques de piratage, disparition du document papier : la modernité devient parfois synonyme d’exclusion…

Adapter pour ne pas fracturer

Pour éviter que cette réforme ne se transforme en double peine, plusieurs garde-fous s’imposent selon moi : Pourquoi ne pas maintenir un permis papier aux côtés du format numérique pour ceux qui le désirent ? Ne pourrait-on pas permettre les démarches en mairie ou par guichet itinérant ? Comment garantir des contrôles médicaux proportionnés et non discriminatoires ?

Il faut impérativement adapter les modalités de cette nouvelle mesure selon les réalités locales. Car l’uniformité n’est pas l’unité. Une Europe équilibrée devrait protéger la liberté des individus autant que leur sécurité.

Une réforme symptomatique

L’affaire du permis de conduire révèle la tension grandissante entre technocratie européenne et réalité du terrain. Quand Bruxelles parle sécurité et modernité, nos campagnes entendent bien souvent contrainte et méfiance. Pour les habitants des « territoires oubliés », pour les aînés attachés à leur indépendance, la voiture demeure le dernier espace de liberté concrète. Et chaque réforme qui la rend plus conditionnelle — même sous couvert de progrès — est vécue comme une atteinte à cette liberté. La question n’est donc pas de savoir si le permis doit être renouvelé tous les quinze ans, mais si nous aurons encore le droit de conduire librement.

Car lorsque la route devient un couloir administratif, c’est la société tout entière qui a le sentiment de perdre le sens de la responsabilité et de la liberté.

🎙️ Podcast: Élection à New York – grand retour du progressisme en Amérique?

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Avec Gerald Olivier et Jeremy Stubbs.


Mardi 4 novembre auront lieu les élections pour la mairie de New York. Le candidat favori est le Démocrate Zohran Mamdani. Gerald Olivier, grand expert de la vie politique outre-Atlantique et des relations internationales, nous explique qui est ce jeune progressiste qui, pour le moment, semble focaliser tous les espoirs d’un Parti démocrate en désarroi depuis la défaite sans appel infligée à Kamala Harris par Donald Trump il y a un an.

Si le courant véritablement socialiste que représente Mamdani arrive à prendre le pouvoir au sein de son Parti, le résultat risque d’être, non une dérive vers l’extrême-gauche, mais une scission qui coupe en deux cette formation politique fondée en 1828.

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Pendant tout ce temps, le grand adversaire du progressisme, Donald Trump, faisait une tournée triomphale en Asie, visitant à tour de rôle la Malaisie, le Japon et la Corée du Sud où il a rencontré brièvement Xi Jinping. Son succès montre combien avaient tort tous ces commentateurs, surtout en France, qui ont répété inlassablement – et qui continuent de le faire – que la politique étrangère du président est résolument isolationniste. Le nombre de pays qui aujourd’hui affichent leur amitié avec les États-Unis ou qui se montrent prêts à conclure un accord commercial avec Trump est la preuve que la vision de ce dernier est America first (l’Amérique d’abord) plutôt que America alone (l’Amérique seule).

Rude bataille au pays du consensus

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Pays-Bas : droite nationale et libéraux de gauche sont au coude à coude aux élections législatives anticipées. Analyse.



Suspense électoral aux Pays-Bas, où la droite radicale de Geert Wilders se retrouve au coude-à-coude avec les libéraux progressistes du D66. Mercredi soir, le premier sondage sortie des urnes donnait l’avantage aux libéraux, menés par Rob Jetten, avec 27 sièges contre 25 pour le Parti de la liberté (PVV) de M. Wilders. Mais, à l’aube jeudi, renversement de situation : après le dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, les deux rivaux se retrouvaient soudain à égalité, chacun crédité de 26 sièges.

C’est la lutte finale

Celui qui aura obtenu le plus de voix pourra le premier tenter de former une coalition gouvernementale, comme le veut la tradition. Le duel final se joue donc à quelques milliers de voix. Celles des Néerlandais de l’étranger, jugées cruciales, ne seront peut-être connues que lundi prochain.

Mais, il est peu probable que M. Wilders, dont le parti perd onze sièges, soit invité à former un gouvernement. M. Jetten, qui en gagne 17, semble mieux placé. Après son triomphe électoral de 2023, quand le PVV obtint 37 des 150 sièges au Parlement, Wilders mit sur pied une coalition quadripartite qu’il dynamita l’été dernier. Depuis, aucun parti sérieux ne veut s’allier à lui, comme nous l’expliquions hier.  

La liesse de Rob Jetten aura finalement été un peu prématurée. Mercredi soir, devant des partisans euphoriques, il s’était réjoui : « Des millions de Néerlandais ont tourné la page de tant d’années de négativité et de haine. » Sans le citer, le chef de file du D66, 38 ans, visait clairement Geert Wilders, qu’il accuse de polluer le climat politique du pays depuis près de vingt ans.

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Selon les analystes, Geert Wilders a vu une partie de son électorat se tourner vers un autre parti de la droite dure, JA21, jugé plus disposé à collaborer avec d’éventuels partenaires sans les humilier. À l’inverse, M. Wilders continue d’adopter une ligne inflexible, tout en conservant un noyau dur de partisans farouchement fidèles. « Nous espérions un autre résultat, mais nous sommes restés fidèles à nous-mêmes », a-t-il déclaré, la mine renfrognée, avant que les résultats ne commencent à basculer en sa faveur.

Dans d’autres partis, de telles pertes auraient eu des conséquences pour le dirigeant. Mais, le PVV n’a pas de membres, M. Wilders, âgé de 62 ans, est seul maître à bord et les rarissimes velléités de rébellion sont immédiatement sanctionnées.

Rob Jetten, qui a du sang indonésien dans les veines, comme M. Wilders, a convaincu bien des électeurs par son approche optimiste et volontaire. C’est un pro-européen convaincu, qui fut brièvement ministre du Climat et de l’Energie, vice Premier ministre et fervent défenseur des droits LGBT. Il est fiancé avec un jeune homme argentin, joueur de hockey sur gazon dans l’équipe nationale de son pays et d’une équipe de La Haye. M. Jetten envisage de fonder une famille avec son amoureux et d’avoir des enfants, mais ces projets sont encore au stade d’étude.

Les bobos aux portes du pouvoir ?

Son parti D(émocraten)66, d’après l’année de sa fondation au siècle dernier, ne s’est que très récemment converti à l’idée qu’il était temps de limiter le nombre de demandeurs d’asile et des migrants. Le sujet intéresse peu ses électeurs, préoccupés surtout par le changement climatique, l’environnement, la pénurie de logements et l’état de l’enseignement national où ils sont nombreux à travailler. Sous M. Jetten, D66 tente de se défaire de son image bobo et soixante-huitarde. Il est vrai qu’on voit ses affiches électorales surtout dans les beaux quartiers, alors que celles du PVV prédominent dans les quartiers populaires. Durant sa campagne, Rob Jetten, issu de la classe moyenne, avait cherché à se rapprocher du « peuple » en imposant davantage de drapeaux rouge-blanc-bleu lors de ses meetings. « Notre drapeau ne doit plus être l’apanage de l’extrême droite », proclamait-il. Message reçu : la soirée électorale, hier, en était couverte, et l’atmosphère est restée festive tant que le parti apparaissait en tête.

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Aux Pays-Bas, la droite raille souvent les « juges D66 », un refrain comparable aux critiques françaises contre la supposée « République des juges » : les magistrats seraient, selon elle, trop indulgents envers les criminels et trop alignés sur les idées progressistes.

M. Jetten lorgne vers le centre-gauche, dont le principal parti, GroenLinks/PvdA, perd cinq sièges et en conserve vingt. Grande déception pour son dirigeant Frans Timmermans, qui a démissionné. Les chrétiens-démocrates, qui ont fait de bons scores, et les libéraux conservateurs, qui enregistrent une légère perte, sont également prêts à gouverner. Tous disent fuir M. Wilders, qui termine quand même ex-aequo avec l’homme qu’il estime être un immigrationniste pur sucre. Wilders assure qu’il veut et peut gouverner le pays. Y croit-il vraiment, après sa demi-victoire quelque peu tristounette et solitaire?

Silence dans les rangs!

Le 14 octobre, à Washington, plusieurs médias ont refusé de signer les nouvelles directives proposées par le Pentagone. Celles-ci prévoyaient notamment que les journalistes accrédités ne puissent plus publier certaines informations sans l’autorisation explicite du ministère de la Défense…


Le département de la Défense des États-Unis vient d’édicter de nouvelles règles pour les correspondants de presse qui ont provoqué un mouvement de révolte dans tous les médias, même les plus MAGA. 

Désormais, selon un nouveau document de 21 pages (à la différence de l’ancien règlement qui tenait en une seule page), un journaliste ne pourra divulguer même des informations non-confidentielles sans avoir la permission des autorités, sous peine de perdre son accréditation. Une autre règle stipule qu’« il y a une différence entre le fait de poser des questions licites à un responsable du département, et le fait de pousser un responsable à livrer des informations qui dépassent les limites de la discrétion nécessaire ». Les porte-paroles militaires seraient-ils donc si faciles à désarmer ? De manière générale, c’est tout comme si les journalistes ne devaient désormais diffuser que l’information que le département de la Défense a décidé de diffuser. C’est un véritable système de censure qui fait son apparition. À partir de maintenant, les journalistes auront besoin d’escortes pour circuler entre les différentes zones du Pentagone. Certes, en France, les journalistes accrédités défense ne se promènent pas non plus sans escorte dans les allées de l’Hexagone Balard qui abrite l’État-major des Forces armées. Cependant, l’idée de policer les écrits d’informations non-confidentielles n’existe heureusement pas en France.

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La raison de cette annonce outre-Atlantique n’est pas très claire. Dans le domaine de la défense, les journalistes sont normalement assez dociles. Rares sont ceux accrédités à être en bisbilles avec le bureau du porte-parole du département, par exemple. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a motivé la décision de l’exécutif américain en se référant à des situations impliquant la « divulgation non autorisée d’informations classifiées, susceptible de mettre en danger la vie des militaires américains ». Or une telle logique peut s’appliquer dans un nombre infini de cas. Faut-il que la presse se focalise uniquement sur des déclarations comme celle que le secrétaire à la Défense a faite en septembre, devant des centaines de hauts responsables militaires, en dénonçant publiquement des troupes et des généraux en surpoids ? Fini les gros, bienvenue les guerriers.

La chose étonnante, voire réconfortante, dans cet énième bras-de-fer entre la presse et l’administration Trump vient de la presse républicaine, conservatrice, populiste. Fox News et Newsmax, deux chaînes qui soutiennent fortement Donald Trump et son mouvement, sont autant indignés par cette nouvelle réglementation que les autres médias. C’est ainsi que, mardi 14 octobre, leurs correspondants étaient parmi les centaines de reporters qui ont pris leurs affaires et ont évacué les locaux, en formant un cortège qui ressemblait à une évacuation. Le directeur du très pro-trumpien Newsmax a même expliqué à la BBC que la liberté de la presse était distincte de la ligne éditoriale d’un journal, et qu’il était totalement solidaire des médias représentant une ligne anti-MAGA. 

Le département à la Défense a répliqué à ce mouvement de protestation sur un ton moqueur : « Vous ne nous manquerez pas. Une nouvelle génération de reporters de défense arrivera. Des jours meilleurs sont devant nous ». Des jours meilleurs pour les gouvernants, faudrait-il comprendre… Mais si les vrais correspondants sont remplacés par des influenceurs en ligne, d’où proviendront les informations critiques et fiables qui ont fait la force de la presse américaine ?

Pour Boualem Sansal

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Ni la France, ni l’Europe, ni le CICR, ni l’ONU n’agissent, se désole Elisabeth Lévy dans sa chronique matinale sur Sud Radio. Nous vous proposons de l’écouter.


Cela fait 349 jours qu’un écrivain français dont le seul crime est de penser librement est détenu en Algérie – en réalité retenu en otage. À l’isolement. Se dit-il que la France l’a abandonné ?

Très peu d’informations (et conditionnelles) nous parviennent. Hier, nouvelles alarmantes de son comité de soutien. L’écrivain de 81 ans a un cancer. Il vit dans des conditions très dures. Il aurait demandé à être hospitalisé.

La gauche indifférente

L’indifférence des pétitionnaires professionnels et de la gauche en général est stupéfiante. Les milieux culturels sont aux abonnés absents. L’Académie française a refusé de l’élire (l’Académie royale de Belgique, elle, l’a fait). Les artistes qui dénoncent un génocide en boucle ne se soucient pas plus de Sansal que des supposés collabos palestiniens exécutés publiquement par le Hamas. Si Sansal était dans une prison israélienne, ils seraient déchaînés. Mais comme son crime est de dénoncer l’islam politique là-bas et ici, on vous dit qu’il est d’extrême droite. D’ailleurs, le Rassemblement national le défend.

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Est-ce qu’au moins la France officielle agit véritablement ? Ni la France, ni l’Europe, ni le CICR, ni l’ONU. On rêve d’une opération des forces spéciales à l’israélienne ou d’un coup d’éclat à la Trump. Mais non : nous devons nous contenter de l’Elysée qui prétend depuis des mois que c’est une priorité. Nous ne cessons de nous humilier. Il n’y a eu aucune rétorsion ou presque. Jean-Noël Barrot est allé baiser toutes les babouches qu’il pouvait. Pour en conclure que les relations étaient désormais apaisées, tu parles. Un signe parmi d’autres : le record des visas étudiants délivrés aux Algériens cette années. Macron adjure tout le monde de ne pas faire trop de bruit. Il promet que le dossier avance avec des airs entendus. Mais ni Boualem Sansal, ni Christophe Gleizes, journaliste retenu pour raisons politiques, ne l’ont convaincu de taper du poing sur la table. Notre diplomatie est en réalité dictée par la peur et par la culpabilité coloniale.

La France ne fait pas peur

Hier soir, la présidente du comité de soutien Noëlle Lenoir affichait un optimisme mesuré et diplomatique. Elle espère un déblocage lors du prochain voyage de Laurent Nuñez. Il est plus réaliste de s’en remettre au Pape qui va faire également un voyage en Algérie sur les traces d’Augustin.

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Hier, je voulais être Allemande. Et aujourd’hui, j’aimerais être Américaine. Un pays qu’on respecte aurait déjà obtenu le retour de nos deux compatriotes Sansal et Gleizes. Par la diplomatie ou par la force. Avec des rétorsions disproportionnées. Genre confiscations des biens, expulsions, arrêt de tout visa… Ça aurait duré deux jours. Mais non, vous comprenez on ne peut pas. Nous on a des bonnes manières. Ce n’est pas la diplomatie de la canonnière mais la diplomatie de la courbette.

Retrouvez Elisabeth dans la matinale de Sud Radio.

Trump sort sa pioche et démolit tout… sauf les fake news

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Aile Est de la Maison Blanche: et Trump conduit le bal…


Si vous ne suivez l’information que d’un œil et d’une oreille, vous avez peut-être vu et entendu ces derniers jours une nouvelle proprement effrayante concernant les Etats-Unis: « Donald Trump est en train de détruire la Maison Blanche » !

Ah, quel boulet !

Jay Scarborough le présentateur matinal de MSNBC a dénoncé une « destruction grotesque »! Les présentatrices de l’émission « The View » sur ABC (une table ronde quotidienne exclusivement féminine) ont hurlé de colère : « Il n’a pas le droit de la détruire ce n’est pas sa maison, c’est la maison du peuple ». Hillary Clinton, une autre femme féministe, a dit exactement la même chose sur X « ce n’est pas sa maison, c’est la vôtre et il est en train de la détruire. » Et le très sérieux New York Times s’est lamenté que Trump ait utilisé un « boulet de démolition contre la Maison Blanche».

Qu’on se rassure, la Maison Blanche est toujours debout ! Ces informations étaient erronées. C’étaient encore des fausses nouvelles (« fake news ») vendues par la clique de journalistes américains qui détestent Trump et détournent les faits – ou racontent carrément n’importe quoi – depuis dix ans, avec l’espoir de monter l’opinion publique contre lui. Espoir totalement vain, cela dit au passage. Tout au plus, ces journalistes ont-ils réussi à tuer leur propre crédibilité et à provoquer une crise de confiance sans précédent envers les médias « officiels »…

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Trump n’est pas en train de détruire la Maison Blanche et n’a aucune intention de le faire. Au contraire il vient d’y engager un projet de rénovation majeur : la construction d’une grande salle de bal (8 000 m²) en place et lieu de l’actuelle « aile est ». Les travaux d’excavation ont commencé avec inévitablement la démolition d’une partie de la structure actuelle… D’où les élucubrations de la gauche américaine. Imaginez qu’en 1985,  Le Monde ait accusé François Mitterrand de « détruire le Louvre » lorsque les travaux de la future pyramide ont commencé dans la Cour Carrée !

Au-delà de la fausse polémique, le projet mérite quelques éclaircissements, ne serait-ce que pour rappeler que de nombreux présidents avant Trump ont laissé leur marque sur cette demeure, et ont en général été vivement critiqués par leurs contemporains pour cela.

Trop étroit pour Théodore Roosevelt

La Maison Blanche est le lieu de vie et de travail du président des Etats-Unis. Elle sert aux réceptions protocolaires. Elle est aussi ouverte au public et reçoit un demi-million de visiteurs chaque année. Elle fut construite à partir de 1792 sur un site choisi par le président Washington. C’est une demeure néo-classique de style géorgien, avec un fronton palladien et une rotonde à l’arrière, due à l’architecte James Hoban, également maître d’œuvre du Capitole, le bâtiment qui abrite le Congrès.

Le fronton et la rotonde sont toujours là, ornant respectivement les façades nord et sud, mais le bâtiment n’est plus l’original. Car cette première Maison Blanche fut brulée par les Anglais lors de la prise de Washington durant la guerre de 1812-1814 et le bâtiment reconstruit ensuite à l’identique.

Aujourd’hui ce que les médias appellent « la Maison Blanche » est en fait un complexe de plusieurs bâtiments qui abritent les principaux services de l’appareil exécutif américain. Le bâtiment central est appelé en anglais la « executive mansion » ou « executive residence ». C’est cette bâtisse qui abrite les appartements présidentiels – au premier étage – et les principaux bureaux de l’exécutif – au rez-de-chaussée et dans les sous-sols.

La bâtisse avec ses deux étages extérieurs et ses onze fenêtres a conservé un même aspect extérieur depuis sa reconstruction en 1817. Chaque président a effectué des aménagements mineurs et changé le mobilier, sans toucher à l’édifice.

En 1802, Thomas Jefferson fit ajouter des colonnades de chaque côté, longues allées couvertes permettant de se rendre dans des bureaux à l’extérieur, prémices des futures « aile est » et « aile ouest ».  Andrew Jackson agrémenta le fronton d’un portique majestueux et fit installer la plomberie et le chauffage en 1830. James Polk ajouta l’éclairage au gaz en 1848.  Abraham Lincoln fit construire une verrière sur le toit, malgré la guerre de Sécession en 1862. Il fit aussi installer un poste de télégraphe. En 1878 Rutherford B. Hayes fit installer le téléphone, et en 1891 Benjamin Harrison, l’électricité.

En 1882 le président Chester Arthur effectua une grande rénovation intérieure en faisant appel à l’artiste Louis Tiffany, qui fit entrer l’art nouveau et des vitraux colorés dans la demeure présidentielle.

Mais la première modification majeure du bâtiment fut l’œuvre de Théodore Roosevelt à partir de 1902. A l’aube du 20e siècle le bâtiment que Thomas Jefferson avait appelé une « agréable résidence de campagne » était devenu trop étroit pour une administration qui n’avait cessé d’étendre ses compétences et le nombre de ses employés.

Roosevelt fit donc aménager « l’aile ouest » pour y loger une partie de son administration. La presse de l’époque fut unanime pour condamner ces travaux. Roosevelt avait privé le bâtiment de « sa valeur historique », dit-elle. Sans parler de la serre qu’il fallut détruire et des plantes qu’il fallut déplacer…

L’aile ouest devint néanmoins le nouveau centre névralgique de la présidence américaine. Le président Taft y fit même aménager son bureau, de forme ovale, en 1909. Franklin Roosevelt, élu en 1932, fit déplacer le bureau ovale à l’emplacement qu’il occupe toujours aujourd’hui, le coin sud-est de l’aile, ouvrant sur la pelouse sud.

Fantasmes

En 1942,  le même  Franklin Roosevelt fit construire « l’aile est ». Toujours pour accommoder une administration de plus en plus pléthorique. Temps de guerre oblige, un bunker fut aménagé dans le sous-sol. Et sécurité nationale oblige, sa construction fut gardée secrète. Ce qui alimenta tous les fantasmes, ainsi que la colère du Congrès, vexé de ne pas être informé.

Certains des nouveaux bureaux de l’aile est furent aussi destinés à la Première Dame et son entourage. Une première dans l’histoire américaine.

Ces aménagements, ainsi qu’un aménagement des combles dans les années 1920 finirent pas imposer un stress excessif à la structure originale alors âgée de 130 ans. Les planchers du 1er étage étaient particulièrement fragiles. Le pied du piano de Madame Truman finit par passer à travers et une baignoire du premier faillit se retrouver au rez-de-chaussée. La Maison Blanche tout entière menaçait de s’écrouler. « Elle ne tient debout que par la force de l’habitude » dit un ingénieur venu inspecter son état.

Une rénovation totale fut alors ordonnée et le président Harry Truman et son épouse durent emménager dans la Blair House, habituellement réservées aux hôtes étrangers, le temps des travaux. Seule la carcasse extérieure fut conservée. Comme un décor de cinéma. Pour ne pas effrayer les Américains. La Maison Blanche fut ramenée à l’état de coquille vide. L’intérieur de la demeure fut entièrement rasé puis reconstruit à l’identique. Les travaux durèrent trois ans, jusqu’en 1951.

A l’occasion, la vieille ossature de bois fut renforcée par une structure en acier et la climatisation installée, ce qui, vue la chaleur humide et étouffante de Washington l’été, a changé la vie des employés de la Maison Blanche.

En 1960 Jacqueline Kennedy, supervisa une nouvelle rénovation intérieure, avec l’aide d’un designer français, Stéphane Boudin. Elle fut la première à piocher dans l’immense stock de mobiliers et œuvres d’art accumulés par les différents occupants au cours des décennies passées et remisés dans des entrepôts de stockage. Une fois les travaux terminés, elle invita les caméras de télévision et fit éditer un guide de la Maison Blanche dont la vente permit de rembourser une partie du coût des travaux.

Jackie Kennedy fit également planter une roseraie dans la pelouse du sud, le « rose garden ». Elle existe toujours et tient lieu de décor à certaines cérémonies et conférences de presse pendant les beaux jours. Jackie Kennedy fut la seule personne à être jamais félicitée par les médias pour ses transformations apportées à la Maison Blanche. Peut-être parce qu’elle n’était que la première dame, et non pas le président, et parce qu’elle personnifiait l’élégance et le bon goût. Son mari, le président John Kennedy, aimait nager dans la piscine aménagée dans le sous-sol. Elle datait de 1933 et avait été construite pour le président Roosevelt qui souffrait de la polio et l’utilisait à des fins thérapeutiques. Kennedy en faisait, pour sa part, un usage strictement récréatif, invitant dit-on les jeunes secrétaires de la Maison Blanche à le rejoindre dans le plus simple appareil…

Nixon fit couvrir la piscine et installa à la place la salle de presse. Toujours utilisée aujourd’hui. L’essor de la télévision et de l’information en images et en direct avaient généré une demande pour un espace dédié aux « briefings » où l’on puisse installer des caméras et une salle de presse.

Toutefois, la Maison Blanche dispose toujours d’une piscine, mais en extérieur. Elle fut construite sous Gerald Ford, à partir de donations privées et est réservée à l’usage de la famille et de leurs invités. Ford était un avide nageur. Nixon préférait jouer au bowling et en fit bâtir un au sous-sol. Barack Obama préférait le basket-ball et fit recouvrir le court de tennis pour y installer des paniers de basket…

Bill et Hillary Clinton firent à nouveau changer la décoration intérieure. Avec l’aide d’une décoratrice de l’Arkansas, l’Etat de Bill Clinton. Bill prit quelques libertés avec les lieux, faisant de l’alcôve menant au bureau ovale le lieu de ses ébats sexuels avec une jeune stagiaire, Monica Lewinski. En quittant les lieux, le couple Clinton emporta la vaisselle et l’argenterie. Ils furent rattrapés par la patrouille et durent tout restituer, ces biens étant ceux du peuple américain, et non des occupants de la Maison Blanche…

En 2003 George W. Bush, bien qu’originaire de l’Etat pétrolier du Texas, fit installer des panneaux solaires pour chauffer l’eau de la piscine extérieure et alimenter certains ateliers techniques. Dix ans plus tard Barack Obama installera des panneaux solaires directement sur le toit de la résidence principale, pour alimenter les appartements présidentiels. Quant à Michelle Obama, elle plantera un potager « bio » et installera des ruches pour produire un miel de la Maison Blanche.

Jusqu’à récemment, le seul apport de Donald Trump était des mâts de trente mètres de haut de part et d’autre du bâtiment principal pour hisser les couleurs américaines plus haut que jamais.

Scandale !

Et puis il y eut la salle de bal ! Le lieu de tous les enjeux. La pièce à l’origine du scandale. Contrairement à ce que beaucoup de médias ont affirmé ce projet n’est ni soudain, ni  nouveau. Il trotte dans la tête de Donald Trump depuis des années. Régulièrement invité à des diners à la Maison Blanche, Trump avait constaté que la Maison Blanche ne dispose pas d’un salon digne de la puissance et de la richesse des Etats-Unis. La « East Room » ne peut accueillir que deux cents personnes. Pour toute capacité supérieure, il faut dresser des tentes sur la pelouse, monter un faux parquet et installer des toilettes portatives ! Indigne de la première puissance mondiale.

En  2010, le citoyen Trump avait proposé à David Axelrod, principal conseiller de Barack Obama, de leur construire une salle de bal pour cent millions de dollars. Proposition non retenue. Lors de son premier mandat, le temps avait manqué pour lancer le projet. Cette fois et parce qu’il sait qu’il ne fera pas de « troisième mandat » (même s’il aime provoquer les démocrates sur cette question), Trump a décidé d’agir et d’agir vite.

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L’annonce officielle du projet remonte au 31 juillet dernier ! Il s’agissait d’une salle de bal venant se greffer sur l’aile-est, sans nécessiter sa démolition totale. La dimension annoncée était de 8 000 m². De quoi accommoder jusqu’à mille invités. Clark Construction, firme immobilière très reconnue de Washington, fut retenue pour le projet, contre un budget de 200 millions de dollars. En septembre ce budget fut révisé à 250 millions de dollars. Il apparut aussi que l’aile est devrait être entièrement détruite. Avec son propre argent et le soutien de donateurs privés et pour financer le projet, Donald Trump donna l’ordre de préparer le terrain, c’est-à-dire de démolir l’aile est.

En dépit de cris d’orfraies de la gauche américaine, Trump n’a rien fait d’illégal. La preuve, aucune action judiciaire n’a été engagée contre lui. Il existe bien une loi aux Etats-Unis sur la gestion des monuments historiques, mais la Maison Blanche et le Capitole ne sont pas concernés. Il existe aussi la National Historical Planning Commission (NCPC), chargée de superviser les projets fédéraux, mais ses compétences se limitent à la « construction » du nouveau bâtiment, pas à la destruction de l’ancien ! Les fonds finançant le projet étant privés, Trump n’avait besoin d’aucune autorisation du Congrès et n’a donc pas consulté les législateurs… D’autant que le gouvernement est actuellement « fermé » pour cause d’impasse budgétaire.

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Moralité, ayant les mains libres Trump en a profité pour agir vite. Comme à son habitude. L’aile est n’est plus et le retour en arrière n’est pas possible, sauf à la reconstruire à l’identique ce qui serait une perte totale d’argent et de temps. Trump aurait pu présenter les plans de la future salle de bal à la NCPC, mais il n’en avait pas l’obligation. Ces plans peuvent donc encore évoluer et avec eux le budget du projet. Pour l’heure, Trump a levé pas moins de 350 millions de dollars. Plus que nécessaire. Et les plus grandes entreprises américaines sont derrière lui, de Google à Microsoft en passant par Apple et Amazon ou Lockheed Martin et d’autres.

Moralité, la salle de bal verra le jour. La question est de savoir si les travaux seront finis pour fin 2028 comme le projet le prévoit. Sinon, Trump pourrait bien être tenté de rester au-delà de son mandat pour être toujours président au moment de l’inauguration de « sa » salle de bal… Que les anti-Trump se rassurent, la salle ne sera pas nommée la « salle de bal Donald J. Trump». Donald Trump a lui-même modestement suggéré « la salle de bal présidentielle ».


Ce texte a été publié sur le blog de Gerald Olivier.

Sur la route de la Maison Blanche

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La charia fait sa loi


Depuis septembre, le Congrès américain débat d’un projet de loi ayant pour objectif d’interdire toute application éventuelle de la charia, qualifiée d’« antiaméricaine ».

Le No Sharia Act a été déposé à la Chambre des représentants par deux élus républicains. Au Sénat, un projet de loi parallèle a suivi en octobre. Outre-Atlantique, certains États ont déjà promulgué des lois similaires, mais en réalité cette législation est superflue: la Constitution interdit tout recours à des principes de loi étrangers. Il s’agit surtout d’envoyer un message à toute communauté issue de l’immigration qui soit tentée par une forme de séparatisme: n’y pensez même pas ! Ce besoin se ressent depuis la controverse entourant un projet de développement immobilier au Texas initié par une mosquée qui a été accusée de vouloir créer une zone régie par la charia. Les défenseurs du projet de loi citent l’exemple de l’Europe qu’ils considèrent comme déjà perdue. A Londres en septembre, Donald Trump avait dit des Anglais : « Ils veulent aller vers la charia ».

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Les Américains ont-ils tort ? Au mois d’août, un tribunal civil à Vienne a statué que certains principes de la charia n’étaient pas incompatibles avec la loi autrichienne. Deux hommes ayant un différend au sujet d’une propriété immobilière s’étaient engagés à respecter la décision d’un conseil arbitral mis en place par une communauté sunnite. Quand la décision a donné tort à l’un des deux en lui ordonnant de payer 320 000 euros à l’autre, le perdant a porté l’affaire devant un tribunal, maintenant que la charia était susceptible d’interprétations différentes et incompatible avec la loi autrichienne… Le tribunal lui a donné tort aussi : le principe motivant la décision du conseil ne contrevenait pas à la loi, mais le refus de l’homme de respecter le contrat qu’il avait signé l’était. Des élus de droite ont dénoncé cette conclusion comme ouvrant la porte à la création d’une société parallèle islamique.

Nous n’en sommes pas encore là, mais il se peut que la reconnaissance d’instances d’arbitrage et de médiation islamiques soit une pente glissante. 

L’amitié entre les lignes


« Je dis juste que je ne comprends pas qu’on lise de la romance. Il y a des genres bien plus intéressants à découvrir », déclare un personnage du présent ouvrage. « Chacun lit ce qui lui fait plaisir et on n’a pas à juger les autres. Chacun ses goûts, non ? », lui répond un autre. « La romance est un genre à part entière et beaucoup des classiques que tu adores en font partie, en vérité. » La seconde réponse est pleine de bon sens. La romance est un genre à part entière ; c’est vrai. Et dans ce genre, il y a du bon et du moins bon. Du pertinent, de l’intelligent, et du mièvre parfois.

Le roman de Julien Rampin, C’est pas marqué dans les livres, s’inscrit dans ce courant, sans aucun doute. Et son opus est à la fois intelligent et pertinent. Bien écrit, bien construit, il parvient à tenir le lecteur en haleine. C’est déjà beaucoup.

 « (…) aimer à s’en faire péter le cœur. » 

L’auteur nous invite à suivre pas à pas les membres d’un club de lecture d’une médiathèque de Toulouse, ville où il a grandi. Il y a là Colette, quittée par son époux après 40 ans de mariage. Elle cherche à briser la solitude qui l’étouffe et finit par rejoindre le fameux club. Il y a aussi Lucie, étudiante repliée sur elle-même que l’on sent mal dans sa peau. A leurs côtés : Sacha, un trentenaire haut de deux mètres, élégant et beau garçon, en couple avec Romuald ; Caroline et Pétronille, collègues de Pauline, bibliothécaire et animatrice du groupe, qui ne cessent de se disputer ; Mme Germaine, vieille dame sous narcoleptique qui s’endort souvent avant la fin des séances.

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Une sacrée équipe hétéroclite. Parviendront-ils à s’entendre, à communiquer, à s’apprécier ? Julien Rampin, non sans talent, entretient le suspens. Au fil des pages, au fil des échanges littéraires, les uns et les autres se confient et se comprennent mieux. Ils fraternisent. Sacha confie que tout n’est pas rose avec Romuald ; Lucie fait savoir, en larmes, que sa sœur s’est suicidée après avoir été harcelée sur les réseaux sociaux ; Mme Germaine avoue qu’elle a fait de la prison…

Vers la fin du roman, Colette s’adresse à l’assemblée en ces termes : « Ecoutez bien ce que je vous dis, les enfants. Les mots d’amour, les gestes tendres, les sourires délicats, ces effusions que l’on croit superflues, il ne faut pas les économiser. Il s’agit de les offrir par poignées, par brassées, que dis-je, par camions. L’amour, ça se dépense sans compter. A une seule personne ou à la multitude. On ne sait jamais quand il sera trop tard. Il faut aimer à s’en faire péter le coeur. »

Ça peut paraître banal, mais c’est si vrai. Vrai comme se roman qui sonne si… vrai.

C’est pas marqué dans les livres, Julien Rampin ; Charleston ; 252 pages

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La dhimmitude pour les nuls

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Se demander dans quelle mesure la notion discutée de “dhimmitude” (statut social du dhimmi, en terre d’islam) deviendrait aujourd’hui en Occident un comportement pré-adapté avant même d’être un statut est une question très provocatrice, mais qui ne peut plus totalement être balayée. Analyse.


Le terme de dhimmitude a été popularisé il y a trente ans par Gisèle Littman dans un livre intitulé La chrétienté d’Orient entre djihad et dhimmitude. C’est peu dire qu’il a été critiqué, provenant d’une historienne non académique publiant parmi des spécialistes de l’islam qui, à cette époque où la Shoah s’imposait dans la mémoire de l’Occident, soulignaient en général que l’islam par contraste avait laissé une place à ses minorités et pour qui l’Andalousie du Moyen Âge était l’exemple continuellement cité d’un glorieux «vivre ensemble», une image que les historiens d’aujourd’hui ont beaucoup nuancée.

Gisèle Littman, qui avait pris le surnom de Bat Ye’or, la fille du Nil, était née en Égypte, en avait été chassée comme la totalité de la communauté juive de ce pays et suspectait que l’argument de lutte contre le sionisme, appliqué à une communauté entière, cachait en réalité une hostilité plus diffuse à l’égard du judaïsme.

Si dhimmitude sent le soufre, le terme de dhimmi est bien connu

Si Bat Ye’or forgea le mot et le concept de dhimmitude, le terme dhimmi était déjà largement employé. Il est celui dont le statut relève de la dhimma, un pacte d’alliance. Ce mot apparaît dans la neuvième sourate, dite Tawba, une des toutes dernières, à une époque où Mahomet avait assuré son pouvoir. Il est écrit dans le Coran lui-même que les dernières révélations peuvent corriger des révélations plus anciennes. C’est dire l’importance de la sourate Tawba, le repentir, techouva en hébreu. Mais, contrairement à ce qu’on en dit, le mot de dhimma n’y vise ni les juifs, ni les chrétiens, mais les «hypocrites» ces soi-disant alliés de Mahomet qui ne l’ayant pas soutenu lors d’une expédition contre les byzantins, avaient brisé le pacte qui les liait à lui.

C’est plus loin dans la même sourate, mais sans le mot dhimma, qu’apparait l’obligation pour les «gens du Livre» de verser un impôt spécifique, la jaziya, attestant le caractère dominant de l’islam sur les autres monothéismes, une mesure plus douce que l’alternative réservée aux polythéistes, la conversion ou la mort. Un siècle plus tard un calife peu connu mais s’appelant Omar et hostile aux chrétiens et aux juifs, donna le nom de dhimma à cette obligation spécifique aux non-musulmans vivant en terre d’islam, accompagnée de diverses interdictions. Il fut prétendu que c’était là un pacte de protection.

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La dhimma a été appliquée avec une rigueur variable suivant les lieux et les époques dans l’immense espace islamique. Beaucoup d’historiens soulignent que la jaziya a été souvent légère, que la protection des minorités a été réelle, notamment dans l’empire ottoman où ces communautés s’administraient elles-mêmes sur le plan civil, et que, au fond, l’impôt de la dhimma remplaçait une obligation de combattre qui n’incombait qu’aux musulmans. ll y a en fait beaucoup à dire sur cette vision irénique de la domination de l’islam, comme en témoignent les conversions forcées, les restrictions religieuses, les persécutions des Almohades ou celles des Safavides d’Iran. Bat Ye’or, qui a utilisé des sources peu exploitées avant elle, a montré une situation des minorités en terre d’islam loin d’être idyllique.

Au cours du XIXe siècle, dans une série de réformes juridiques et administratives qu’on appelle les Tanzimats, les sultans ont aboli la pratique de la dhimma dans l’empire turc, une mesure qui a théoriquement transformé les non-musulmans en citoyens comme les autres. Théoriquement….

Comme on le sait, il n’y a aujourd’hui presque plus de juifs en terres musulmanes et les représailles exercées contre les juifs iraniens à la suite de la guerre des Douze jours montrent comme leur situation est fragile. Des minorités chrétiennes ont fait et font  aujourd’hui encore l’objet de persécutions dans plusieurs pays  musulmans, dans un silence général. La revendication de la supériorité intrinsèque de l’islam sur les autres religions, est indiscutablement un des moteurs les plus faciles à activer dans l’extension de ces violences.

Dans la neuvième sourate, il est précisé que lorsque les monothéistes paieront leur impôt, ils devront le faire en état d’humiliation. Le terme utilisé est ṣāghirūn. Beaucoup de ce que représente la dhimma provient de l’interprétation de ce mot. L’adjectif saghir, très courant, renvoie au champ sémantique de la petitesse. La plupart des exégètes musulmans d’aujourd’hui, y compris Qaradawi ou la mosquée el-Azhar écrivent que la dhimma, originellement liée à la rupture du pacte d’alliance par les hypocrites, fait référence à une situation de guerre qui était celle de l’islam des origines et n’a plus lieu d’être aujourd’hui. 

Ambiguïté

Mais il y a une ambiguïté à ce sujet: ce qui fut la dhimma dans l’histoire provient d’une situation différente, celle de domination qui fut pendant de nombreux siècles celle de l’islam par rapport à ses minorités, qui l’est encore dans certains endroits du monde et que certains islamistes rêvent de rétablir. Une telle situation laisse des traces dans les mentalités. Après la disparition officielle de la dhimma dans l’empire turc, il y eut beaucoup de réactions de mécontentement qui furent reprises et amplifiées par les réformateurs religieux du XXe siècle tels Rashid Rida puis son disciple Hassan el-Banna, créateur des Frères Musulmans.

La mise en cause d’un sentiment de supériorité considéré comme naturel et légitime est très difficile à accepter et est souvent vécue elle-même comme une humiliation, alors que dans le livre sacré, c’est le privilège du musulman que d’infliger une humiliation à autrui. Quand s’y ajoutent le succès de celui qui devrait être un inférieur et plus encore la défaite au combat face à lui, le ressentiment devient très fort. 

Ces réactions émotionnelles, qui ne se limitent d’ailleurs nullement à l’islam, laissent peu de traces dans les archives. Elles jouent un grand rôle dans l’histoire des hommes.

Quant à la dhimmitude, état de résignation devant une situation qu’on ne pouvait pas modifier, ce fut longtemps le lot des populations juives en terre chrétienne comme en terre d’islam. Cette résignation était une stratégie de survie efficace mais elle se payait par l’humiliation intériorisée. Le sionisme fut en quelque sorte une révolte contre la dhimmitude en milieu chrétien. Cette révolte fut réussie et rares sont les juifs qui voudraient revenir à l’état antérieur. Quant à l’attitude de soumission résignée que l’on peut voir ici et là dans un monde d’origine chrétienne essayant de ne pas voir la guerre qui lui est menée, je ne suis pas surpris que le terme de dhimmitude lui soit souvent attribué, même si les explications en sont évidemment bien plus complexes…

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Sahara occidental: Rabat obtient son oui

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Le roi du Maroc Mohamed VI. DR.

Le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’approuver, à une large majorité (11 voix pour, 3 abstentions, Alger ne prenant pas part au vote), la résolution reconnaissant le plan marocain d’autonomie comme base privilégiée pour résoudre la question du Sahara occidental. Ce vote marque un succès diplomatique majeur pour Rabat et reconfigure l’équilibre politique autour de ce dossier qui empoisonne la région depuis un demi-siècle.


Ce vendredi à 15 h, heure de New York, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution en faveur du plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara. Une décision historique, obtenue sans le veto russe ni chinois, et qui marque une avancée diplomatique majeure après plusieurs décennies de négociations intermittentes.

Un long différend territorial prend fin

En vert la ragion concernée. Wikipedia.

Le Sahara marocain, territoire colonisé sous administration espagnole jusqu’au début des années 1970, est au centre d’un différend territorial prolongé que la politique régionale de l’Algérie a accentué et prolongé. Cette terre souverainement marocaine incluse dans l’Empire chérifien a été le théâtre de luttes d’influence internationales qui ont causé du préjudice au royaume. Enfin, une sortie de crise semble se profiler. Depuis le retrait progressif de l’Espagne, le Maroc a proposé un cadre d’autonomie destiné à offrir aux populations locales une gestion interne de leurs affaires, à travers des institutions législatives, exécutives et judiciaires propres, tout en maintenant pour l’État marocain les compétences régaliennes, notamment la défense, la diplomatie et les affaires religieuses. Parallèlement, le Front Polisario, soutenu politiquement et logistiquement par l’Algérie, revendique le droit à l’autodétermination des Sahraouis.

L’ONU a multiplié les initiatives pour tenter de résoudre ce conflit. Dès 1991, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) visait à préparer un référendum d’autodétermination, mais les divergences persistantes entre Rabat et le Polisario ont empêché la tenue de ce vote. Au fil des décennies, plusieurs résolutions du Conseil de sécurité ont réaffirmé la nécessité de négociations « sérieuses, réalistes et crédibles », sans qu’aucune solution définitive ne soit trouvée.

La résolution adoptée ce vendredi consacre une reconnaissance internationale accrue du plan d’autonomie marocain. Une victoire pour la patiente diplomatie marocaine qui a, au fil des années, gagné les soutiens francs et directs de l’Espagne, des États-Unis de Trump ou encore de la France en 2024. Les États-Unis ont joué un rôle central dans l’élaboration du texte, introduisant des aménagements essentiels : participation effective des populations locales, protection de leurs droits et engagement pour la transparence des institutions. 

Ces précautions diplomatiques ont été déterminantes pour obtenir le consensus nécessaire et éviter tout veto, notamment de la Russie et de la Chine, qui avaient parfois exprimé leurs réserves par le passé.

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La France, l’Arabie Saoudite et plusieurs États africains et européens ont également soutenu le texte, renforçant sa légitimité. Paris a souligné que la résolution représente une opportunité historique de consolider la stabilité régionale et de créer un cadre de négociation durable. 

Pour Rabat, cette décision constitue une reconnaissance diplomatique majeure, marquant un tournant dans la perception internationale du plan d’autonomie. Pour Alger et le Polisario, c’est un signal clair : le statu quo prolongé n’est plus soutenu par la communauté internationale et l’autonomie marocaine est désormais mise en avant comme cadre privilégié pour résoudre le différend.

Approche pragmatique

Le plan prévoit la création d’institutions locales élues par les Sahraouis, avec des compétences législatives, exécutives et judiciaires limitées aux affaires internes, tandis que le Maroc conserve les prérogatives stratégiques et internationales. Cette approche pragmatique, saluée par les observateurs comme un compromis réaliste, offre un cadre de négociation stable, susceptible de dépasser les blocages passés.

La résolution ouvre également la voie à un suivi rigoureux de la mise en œuvre. Les mécanismes de contrôle et d’évaluation prévus par le texte permettront de s’assurer que l’autonomie se déploie effectivement, tout en respectant les droits et la participation des populations locales. Ce suivi est crucial, car il constitue la garantie que la résolution ne restera pas lettre morte, comme cela a pu être le cas pour certaines initiatives précédentes.

Ce vote témoigne d’une diplomatie internationale en pleine maturation, capable d’articuler reconnaissance de la souveraineté marocaine et garanties pour la participation locale, dans un texte minutieusement calibré pour respecter les équilibres régionaux. Il reflète un pragmatisme rare, sur un dossier qui a longtemps été figé par des postures idéologiques et des blocages stratégiques. Cette avancée n’aurait pas été possible sans la diplomatie habile de Mohammed VI, dont l’impulsion personnelle a su accélérer le changement, mobiliser le soutien international et repositionner le Maroc comme acteur incontournable de la résolution du conflit. En définitive, cette adoption constitue un tournant historique : elle inscrit le plan d’autonomie marocain comme une solution crédible et réaliste, tout en ouvrant un cadre diplomatique propice à des négociations constructives. Les défis restent nombreux — assurer la participation effective des populations sahraouies, garantir la transparence des institutions locales, respecter pleinement les droits fondamentaux — mais la résolution offre désormais une perspective tangible de paix et de stabilité dans la région après des décennies d’incertitudes.

Le permis, c’est plus pour la vie!

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Louis de Funès et Bourvil dans "Le Corniaud" - 1964 © NANA PRODUCTIONS/SIPA

L’UE impose un permis renouvelable tous les 15 ans: les seniors et les ruraux sont sur le qui-vive…


Alors que Bruxelles harmonise, les campagnes s’inquiètent. Le 25 mars 2025, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont trouvé un accord sur la révision de la directive relative aux permis de conduire. À partir de 2026, la validité administrative du précieux sésame sera limitée à quinze ans pour les voitures et motos (ou dix ans lorsqu’il sert aussi de carte d’identité). Les permis poids lourds devront, eux, être renouvelés tous les cinq ans.

Cette réforme s’inscrit dans la stratégie européenne Vision Zero, qui vise à réduire de moitié les morts et blessés graves sur les routes d’ici 2030. Elle prévoit aussi un contrôle médical ou une auto-évaluation au moment du renouvellement, ainsi que l’introduction du permis numérique dans le futur portefeuille d’identité européen à l’horizon 2030.

Présentée comme un progrès administratif et sécuritaire, cette mesure suscite déjà de vives réserves chez les seniors et les habitants des zones rurales — ceux pour qui conduire n’est pas un plaisir, mais une nécessité.

Les seniors redoutent la stigmatisation

La directive laisse aux États membres la liberté de raccourcir la validité du permis pour les conducteurs de plus de 65 ans. Une clause qui, sur le papier, relève du bon sens. Dans les faits, elle alimente la crainte d’une discrimination silencieuse.

Pour beaucoup de seniors, la voiture reste un instrument d’autonomie. Elle permet d’aller chez le médecin, de rendre visite à sa famille, de maintenir une vie sociale. Or, l’idée d’un renouvellement plus fréquent, accompagné de contrôles médicaux, est vécue comme une suspicion institutionnalisée : le conducteur âgé n’est plus présumé capable, mais potentiellement dangereux.

Les visites médicales, même facultatives, sont déjà redoutées : coûts, démarches, peur de perdre le droit de conduire pour une fatigue passagère ou une vue imparfaite. Et dans un contexte de désertification des services publics, chaque nouvelle formalité ressemble à une embûche de plus sur la route de la vieillesse.

En milieu rural, une double peine

Dans les territoires ruraux, la dépendance à la voiture est absolue. On conduit non pour le plaisir, mais pour vivre : pour se rendre au travail, au marché, à l’hôpital. Là où le bus passe deux fois par jour et la gare la plus proche se trouve à trente kilomètres, le volant n’est pas un confort, c’est un droit vital.

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Mais ce droit pourrait bien se compliquer. Le renouvellement administratif tous les quinze ans risque de tourner au casse-tête :
– démarches en ligne difficiles, voire impossibles sans connexion ;
– guichets administratifs éloignés ;
– déplacements coûteux pour un simple papier ;
– sentiment d’un contrôle injustifié.

Pensée à Bruxelles comme une modernisation, la mesure sera perçue dans les campagnes comme une contrainte de plus, imposée d’en haut sans prise en compte du réel. L’Europe « connectée » parle digitalisation et sécurité ; la France rurale, elle, entend distance et paperasse.

La lecture conservatrice : liberté, subsidiarité et bon sens

Pour un lecteur de sensibilité conservatrice, cette réforme soulève des questions fondamentales : liberté individuelle, autonomie, subsidiarité et rapport entre sécurité et responsabilité.

1. La liberté individuelle.

Renouveler un permis n’a rien de choquant. Mais faire de ce renouvellement un rituel administratif obligatoire pour tous, sans motif particulier, revient à instaurer une forme de tutelle permanente. La sécurité ne saurait justifier une méfiance généralisée envers les citoyens.

2. Le principe de subsidiarité.

L’Union européenne fixe le cadre, mais les États devront adapter la mise en œuvre. C’est là que se jouera la différence entre un texte technocratique et une réforme supportable. Une Europe respectueuse de la diversité devrait reconnaître que la vie d’un automobiliste du Cantal n’a rien à voir avec celle d’un cadre bruxellois.

3. La voiture, symbole d’émancipation.

Pour les ruraux, la voiture n’est pas un gadget mais un instrument de liberté. Restreindre ou complexifier l’accès au permis revient, pour beaucoup, à restreindre la possibilité même de vivre dignement.

4. L’argument sécuritaire.

La sécurité routière est un objectif légitime. Mais lorsqu’elle devient le paravent de nouvelles contraintes, elle alimente le sentiment d’une société de la suspicion, où l’État protecteur se transforme en tuteur permanent.

5. Le tout-numérique imposé.

Le futur permis digital illustre cette fracture : progrès pour les urbains connectés, angoisse pour les aînés et les ruraux. Dépendance au smartphone, risques de piratage, disparition du document papier : la modernité devient parfois synonyme d’exclusion…

Adapter pour ne pas fracturer

Pour éviter que cette réforme ne se transforme en double peine, plusieurs garde-fous s’imposent selon moi : Pourquoi ne pas maintenir un permis papier aux côtés du format numérique pour ceux qui le désirent ? Ne pourrait-on pas permettre les démarches en mairie ou par guichet itinérant ? Comment garantir des contrôles médicaux proportionnés et non discriminatoires ?

Il faut impérativement adapter les modalités de cette nouvelle mesure selon les réalités locales. Car l’uniformité n’est pas l’unité. Une Europe équilibrée devrait protéger la liberté des individus autant que leur sécurité.

Une réforme symptomatique

L’affaire du permis de conduire révèle la tension grandissante entre technocratie européenne et réalité du terrain. Quand Bruxelles parle sécurité et modernité, nos campagnes entendent bien souvent contrainte et méfiance. Pour les habitants des « territoires oubliés », pour les aînés attachés à leur indépendance, la voiture demeure le dernier espace de liberté concrète. Et chaque réforme qui la rend plus conditionnelle — même sous couvert de progrès — est vécue comme une atteinte à cette liberté. La question n’est donc pas de savoir si le permis doit être renouvelé tous les quinze ans, mais si nous aurons encore le droit de conduire librement.

Car lorsque la route devient un couloir administratif, c’est la société tout entière qui a le sentiment de perdre le sens de la responsabilité et de la liberté.

🎙️ Podcast: Élection à New York – grand retour du progressisme en Amérique?

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Le candidat démocrate à la mairie de New York salue les électeurs du Upper East Side, New York City, le 27 octobre 2025. Steve Sanchez/Sipa USA/SIPA

Avec Gerald Olivier et Jeremy Stubbs.


Mardi 4 novembre auront lieu les élections pour la mairie de New York. Le candidat favori est le Démocrate Zohran Mamdani. Gerald Olivier, grand expert de la vie politique outre-Atlantique et des relations internationales, nous explique qui est ce jeune progressiste qui, pour le moment, semble focaliser tous les espoirs d’un Parti démocrate en désarroi depuis la défaite sans appel infligée à Kamala Harris par Donald Trump il y a un an.

Si le courant véritablement socialiste que représente Mamdani arrive à prendre le pouvoir au sein de son Parti, le résultat risque d’être, non une dérive vers l’extrême-gauche, mais une scission qui coupe en deux cette formation politique fondée en 1828.

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Pendant tout ce temps, le grand adversaire du progressisme, Donald Trump, faisait une tournée triomphale en Asie, visitant à tour de rôle la Malaisie, le Japon et la Corée du Sud où il a rencontré brièvement Xi Jinping. Son succès montre combien avaient tort tous ces commentateurs, surtout en France, qui ont répété inlassablement – et qui continuent de le faire – que la politique étrangère du président est résolument isolationniste. Le nombre de pays qui aujourd’hui affichent leur amitié avec les États-Unis ou qui se montrent prêts à conclure un accord commercial avec Trump est la preuve que la vision de ce dernier est America first (l’Amérique d’abord) plutôt que America alone (l’Amérique seule).

Rude bataille au pays du consensus

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Rob Jetten à la Haye, hier, Pays-Bas © Robin Utrecht/SIPA

Pays-Bas : droite nationale et libéraux de gauche sont au coude à coude aux élections législatives anticipées. Analyse.



Suspense électoral aux Pays-Bas, où la droite radicale de Geert Wilders se retrouve au coude-à-coude avec les libéraux progressistes du D66. Mercredi soir, le premier sondage sortie des urnes donnait l’avantage aux libéraux, menés par Rob Jetten, avec 27 sièges contre 25 pour le Parti de la liberté (PVV) de M. Wilders. Mais, à l’aube jeudi, renversement de situation : après le dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, les deux rivaux se retrouvaient soudain à égalité, chacun crédité de 26 sièges.

C’est la lutte finale

Celui qui aura obtenu le plus de voix pourra le premier tenter de former une coalition gouvernementale, comme le veut la tradition. Le duel final se joue donc à quelques milliers de voix. Celles des Néerlandais de l’étranger, jugées cruciales, ne seront peut-être connues que lundi prochain.

Mais, il est peu probable que M. Wilders, dont le parti perd onze sièges, soit invité à former un gouvernement. M. Jetten, qui en gagne 17, semble mieux placé. Après son triomphe électoral de 2023, quand le PVV obtint 37 des 150 sièges au Parlement, Wilders mit sur pied une coalition quadripartite qu’il dynamita l’été dernier. Depuis, aucun parti sérieux ne veut s’allier à lui, comme nous l’expliquions hier.  

La liesse de Rob Jetten aura finalement été un peu prématurée. Mercredi soir, devant des partisans euphoriques, il s’était réjoui : « Des millions de Néerlandais ont tourné la page de tant d’années de négativité et de haine. » Sans le citer, le chef de file du D66, 38 ans, visait clairement Geert Wilders, qu’il accuse de polluer le climat politique du pays depuis près de vingt ans.

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Selon les analystes, Geert Wilders a vu une partie de son électorat se tourner vers un autre parti de la droite dure, JA21, jugé plus disposé à collaborer avec d’éventuels partenaires sans les humilier. À l’inverse, M. Wilders continue d’adopter une ligne inflexible, tout en conservant un noyau dur de partisans farouchement fidèles. « Nous espérions un autre résultat, mais nous sommes restés fidèles à nous-mêmes », a-t-il déclaré, la mine renfrognée, avant que les résultats ne commencent à basculer en sa faveur.

Dans d’autres partis, de telles pertes auraient eu des conséquences pour le dirigeant. Mais, le PVV n’a pas de membres, M. Wilders, âgé de 62 ans, est seul maître à bord et les rarissimes velléités de rébellion sont immédiatement sanctionnées.

Rob Jetten, qui a du sang indonésien dans les veines, comme M. Wilders, a convaincu bien des électeurs par son approche optimiste et volontaire. C’est un pro-européen convaincu, qui fut brièvement ministre du Climat et de l’Energie, vice Premier ministre et fervent défenseur des droits LGBT. Il est fiancé avec un jeune homme argentin, joueur de hockey sur gazon dans l’équipe nationale de son pays et d’une équipe de La Haye. M. Jetten envisage de fonder une famille avec son amoureux et d’avoir des enfants, mais ces projets sont encore au stade d’étude.

Les bobos aux portes du pouvoir ?

Son parti D(émocraten)66, d’après l’année de sa fondation au siècle dernier, ne s’est que très récemment converti à l’idée qu’il était temps de limiter le nombre de demandeurs d’asile et des migrants. Le sujet intéresse peu ses électeurs, préoccupés surtout par le changement climatique, l’environnement, la pénurie de logements et l’état de l’enseignement national où ils sont nombreux à travailler. Sous M. Jetten, D66 tente de se défaire de son image bobo et soixante-huitarde. Il est vrai qu’on voit ses affiches électorales surtout dans les beaux quartiers, alors que celles du PVV prédominent dans les quartiers populaires. Durant sa campagne, Rob Jetten, issu de la classe moyenne, avait cherché à se rapprocher du « peuple » en imposant davantage de drapeaux rouge-blanc-bleu lors de ses meetings. « Notre drapeau ne doit plus être l’apanage de l’extrême droite », proclamait-il. Message reçu : la soirée électorale, hier, en était couverte, et l’atmosphère est restée festive tant que le parti apparaissait en tête.

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Aux Pays-Bas, la droite raille souvent les « juges D66 », un refrain comparable aux critiques françaises contre la supposée « République des juges » : les magistrats seraient, selon elle, trop indulgents envers les criminels et trop alignés sur les idées progressistes.

M. Jetten lorgne vers le centre-gauche, dont le principal parti, GroenLinks/PvdA, perd cinq sièges et en conserve vingt. Grande déception pour son dirigeant Frans Timmermans, qui a démissionné. Les chrétiens-démocrates, qui ont fait de bons scores, et les libéraux conservateurs, qui enregistrent une légère perte, sont également prêts à gouverner. Tous disent fuir M. Wilders, qui termine quand même ex-aequo avec l’homme qu’il estime être un immigrationniste pur sucre. Wilders assure qu’il veut et peut gouverner le pays. Y croit-il vraiment, après sa demi-victoire quelque peu tristounette et solitaire?

Silence dans les rangs!

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Le Secrétaire à la Défense des États-Unis Pete Hegseth avec Donald Trump à la Maison-Blanche, Washington, 25 septembre 2025 © Evan Vucci/AP/SIPA

Le 14 octobre, à Washington, plusieurs médias ont refusé de signer les nouvelles directives proposées par le Pentagone. Celles-ci prévoyaient notamment que les journalistes accrédités ne puissent plus publier certaines informations sans l’autorisation explicite du ministère de la Défense…


Le département de la Défense des États-Unis vient d’édicter de nouvelles règles pour les correspondants de presse qui ont provoqué un mouvement de révolte dans tous les médias, même les plus MAGA. 

Désormais, selon un nouveau document de 21 pages (à la différence de l’ancien règlement qui tenait en une seule page), un journaliste ne pourra divulguer même des informations non-confidentielles sans avoir la permission des autorités, sous peine de perdre son accréditation. Une autre règle stipule qu’« il y a une différence entre le fait de poser des questions licites à un responsable du département, et le fait de pousser un responsable à livrer des informations qui dépassent les limites de la discrétion nécessaire ». Les porte-paroles militaires seraient-ils donc si faciles à désarmer ? De manière générale, c’est tout comme si les journalistes ne devaient désormais diffuser que l’information que le département de la Défense a décidé de diffuser. C’est un véritable système de censure qui fait son apparition. À partir de maintenant, les journalistes auront besoin d’escortes pour circuler entre les différentes zones du Pentagone. Certes, en France, les journalistes accrédités défense ne se promènent pas non plus sans escorte dans les allées de l’Hexagone Balard qui abrite l’État-major des Forces armées. Cependant, l’idée de policer les écrits d’informations non-confidentielles n’existe heureusement pas en France.

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La raison de cette annonce outre-Atlantique n’est pas très claire. Dans le domaine de la défense, les journalistes sont normalement assez dociles. Rares sont ceux accrédités à être en bisbilles avec le bureau du porte-parole du département, par exemple. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a motivé la décision de l’exécutif américain en se référant à des situations impliquant la « divulgation non autorisée d’informations classifiées, susceptible de mettre en danger la vie des militaires américains ». Or une telle logique peut s’appliquer dans un nombre infini de cas. Faut-il que la presse se focalise uniquement sur des déclarations comme celle que le secrétaire à la Défense a faite en septembre, devant des centaines de hauts responsables militaires, en dénonçant publiquement des troupes et des généraux en surpoids ? Fini les gros, bienvenue les guerriers.

La chose étonnante, voire réconfortante, dans cet énième bras-de-fer entre la presse et l’administration Trump vient de la presse républicaine, conservatrice, populiste. Fox News et Newsmax, deux chaînes qui soutiennent fortement Donald Trump et son mouvement, sont autant indignés par cette nouvelle réglementation que les autres médias. C’est ainsi que, mardi 14 octobre, leurs correspondants étaient parmi les centaines de reporters qui ont pris leurs affaires et ont évacué les locaux, en formant un cortège qui ressemblait à une évacuation. Le directeur du très pro-trumpien Newsmax a même expliqué à la BBC que la liberté de la presse était distincte de la ligne éditoriale d’un journal, et qu’il était totalement solidaire des médias représentant une ligne anti-MAGA. 

Le département à la Défense a répliqué à ce mouvement de protestation sur un ton moqueur : « Vous ne nous manquerez pas. Une nouvelle génération de reporters de défense arrivera. Des jours meilleurs sont devant nous ». Des jours meilleurs pour les gouvernants, faudrait-il comprendre… Mais si les vrais correspondants sont remplacés par des influenceurs en ligne, d’où proviendront les informations critiques et fiables qui ont fait la force de la presse américaine ?

Pour Boualem Sansal

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Boualem Sansal © Hannah Assouline

Ni la France, ni l’Europe, ni le CICR, ni l’ONU n’agissent, se désole Elisabeth Lévy dans sa chronique matinale sur Sud Radio. Nous vous proposons de l’écouter.


Cela fait 349 jours qu’un écrivain français dont le seul crime est de penser librement est détenu en Algérie – en réalité retenu en otage. À l’isolement. Se dit-il que la France l’a abandonné ?

Très peu d’informations (et conditionnelles) nous parviennent. Hier, nouvelles alarmantes de son comité de soutien. L’écrivain de 81 ans a un cancer. Il vit dans des conditions très dures. Il aurait demandé à être hospitalisé.

La gauche indifférente

L’indifférence des pétitionnaires professionnels et de la gauche en général est stupéfiante. Les milieux culturels sont aux abonnés absents. L’Académie française a refusé de l’élire (l’Académie royale de Belgique, elle, l’a fait). Les artistes qui dénoncent un génocide en boucle ne se soucient pas plus de Sansal que des supposés collabos palestiniens exécutés publiquement par le Hamas. Si Sansal était dans une prison israélienne, ils seraient déchaînés. Mais comme son crime est de dénoncer l’islam politique là-bas et ici, on vous dit qu’il est d’extrême droite. D’ailleurs, le Rassemblement national le défend.

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Est-ce qu’au moins la France officielle agit véritablement ? Ni la France, ni l’Europe, ni le CICR, ni l’ONU. On rêve d’une opération des forces spéciales à l’israélienne ou d’un coup d’éclat à la Trump. Mais non : nous devons nous contenter de l’Elysée qui prétend depuis des mois que c’est une priorité. Nous ne cessons de nous humilier. Il n’y a eu aucune rétorsion ou presque. Jean-Noël Barrot est allé baiser toutes les babouches qu’il pouvait. Pour en conclure que les relations étaient désormais apaisées, tu parles. Un signe parmi d’autres : le record des visas étudiants délivrés aux Algériens cette années. Macron adjure tout le monde de ne pas faire trop de bruit. Il promet que le dossier avance avec des airs entendus. Mais ni Boualem Sansal, ni Christophe Gleizes, journaliste retenu pour raisons politiques, ne l’ont convaincu de taper du poing sur la table. Notre diplomatie est en réalité dictée par la peur et par la culpabilité coloniale.

La France ne fait pas peur

Hier soir, la présidente du comité de soutien Noëlle Lenoir affichait un optimisme mesuré et diplomatique. Elle espère un déblocage lors du prochain voyage de Laurent Nuñez. Il est plus réaliste de s’en remettre au Pape qui va faire également un voyage en Algérie sur les traces d’Augustin.

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Hier, je voulais être Allemande. Et aujourd’hui, j’aimerais être Américaine. Un pays qu’on respecte aurait déjà obtenu le retour de nos deux compatriotes Sansal et Gleizes. Par la diplomatie ou par la force. Avec des rétorsions disproportionnées. Genre confiscations des biens, expulsions, arrêt de tout visa… Ça aurait duré deux jours. Mais non, vous comprenez on ne peut pas. Nous on a des bonnes manières. Ce n’est pas la diplomatie de la canonnière mais la diplomatie de la courbette.

Retrouvez Elisabeth dans la matinale de Sud Radio.

Trump sort sa pioche et démolit tout… sauf les fake news

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Washington, 23 octobre 2025 © Andrew Leyden/ZUMA/SIPA

Aile Est de la Maison Blanche: et Trump conduit le bal…


Si vous ne suivez l’information que d’un œil et d’une oreille, vous avez peut-être vu et entendu ces derniers jours une nouvelle proprement effrayante concernant les Etats-Unis: « Donald Trump est en train de détruire la Maison Blanche » !

Ah, quel boulet !

Jay Scarborough le présentateur matinal de MSNBC a dénoncé une « destruction grotesque »! Les présentatrices de l’émission « The View » sur ABC (une table ronde quotidienne exclusivement féminine) ont hurlé de colère : « Il n’a pas le droit de la détruire ce n’est pas sa maison, c’est la maison du peuple ». Hillary Clinton, une autre femme féministe, a dit exactement la même chose sur X « ce n’est pas sa maison, c’est la vôtre et il est en train de la détruire. » Et le très sérieux New York Times s’est lamenté que Trump ait utilisé un « boulet de démolition contre la Maison Blanche».

Qu’on se rassure, la Maison Blanche est toujours debout ! Ces informations étaient erronées. C’étaient encore des fausses nouvelles (« fake news ») vendues par la clique de journalistes américains qui détestent Trump et détournent les faits – ou racontent carrément n’importe quoi – depuis dix ans, avec l’espoir de monter l’opinion publique contre lui. Espoir totalement vain, cela dit au passage. Tout au plus, ces journalistes ont-ils réussi à tuer leur propre crédibilité et à provoquer une crise de confiance sans précédent envers les médias « officiels »…

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Trump n’est pas en train de détruire la Maison Blanche et n’a aucune intention de le faire. Au contraire il vient d’y engager un projet de rénovation majeur : la construction d’une grande salle de bal (8 000 m²) en place et lieu de l’actuelle « aile est ». Les travaux d’excavation ont commencé avec inévitablement la démolition d’une partie de la structure actuelle… D’où les élucubrations de la gauche américaine. Imaginez qu’en 1985,  Le Monde ait accusé François Mitterrand de « détruire le Louvre » lorsque les travaux de la future pyramide ont commencé dans la Cour Carrée !

Au-delà de la fausse polémique, le projet mérite quelques éclaircissements, ne serait-ce que pour rappeler que de nombreux présidents avant Trump ont laissé leur marque sur cette demeure, et ont en général été vivement critiqués par leurs contemporains pour cela.

Trop étroit pour Théodore Roosevelt

La Maison Blanche est le lieu de vie et de travail du président des Etats-Unis. Elle sert aux réceptions protocolaires. Elle est aussi ouverte au public et reçoit un demi-million de visiteurs chaque année. Elle fut construite à partir de 1792 sur un site choisi par le président Washington. C’est une demeure néo-classique de style géorgien, avec un fronton palladien et une rotonde à l’arrière, due à l’architecte James Hoban, également maître d’œuvre du Capitole, le bâtiment qui abrite le Congrès.

Le fronton et la rotonde sont toujours là, ornant respectivement les façades nord et sud, mais le bâtiment n’est plus l’original. Car cette première Maison Blanche fut brulée par les Anglais lors de la prise de Washington durant la guerre de 1812-1814 et le bâtiment reconstruit ensuite à l’identique.

Aujourd’hui ce que les médias appellent « la Maison Blanche » est en fait un complexe de plusieurs bâtiments qui abritent les principaux services de l’appareil exécutif américain. Le bâtiment central est appelé en anglais la « executive mansion » ou « executive residence ». C’est cette bâtisse qui abrite les appartements présidentiels – au premier étage – et les principaux bureaux de l’exécutif – au rez-de-chaussée et dans les sous-sols.

La bâtisse avec ses deux étages extérieurs et ses onze fenêtres a conservé un même aspect extérieur depuis sa reconstruction en 1817. Chaque président a effectué des aménagements mineurs et changé le mobilier, sans toucher à l’édifice.

En 1802, Thomas Jefferson fit ajouter des colonnades de chaque côté, longues allées couvertes permettant de se rendre dans des bureaux à l’extérieur, prémices des futures « aile est » et « aile ouest ».  Andrew Jackson agrémenta le fronton d’un portique majestueux et fit installer la plomberie et le chauffage en 1830. James Polk ajouta l’éclairage au gaz en 1848.  Abraham Lincoln fit construire une verrière sur le toit, malgré la guerre de Sécession en 1862. Il fit aussi installer un poste de télégraphe. En 1878 Rutherford B. Hayes fit installer le téléphone, et en 1891 Benjamin Harrison, l’électricité.

En 1882 le président Chester Arthur effectua une grande rénovation intérieure en faisant appel à l’artiste Louis Tiffany, qui fit entrer l’art nouveau et des vitraux colorés dans la demeure présidentielle.

Mais la première modification majeure du bâtiment fut l’œuvre de Théodore Roosevelt à partir de 1902. A l’aube du 20e siècle le bâtiment que Thomas Jefferson avait appelé une « agréable résidence de campagne » était devenu trop étroit pour une administration qui n’avait cessé d’étendre ses compétences et le nombre de ses employés.

Roosevelt fit donc aménager « l’aile ouest » pour y loger une partie de son administration. La presse de l’époque fut unanime pour condamner ces travaux. Roosevelt avait privé le bâtiment de « sa valeur historique », dit-elle. Sans parler de la serre qu’il fallut détruire et des plantes qu’il fallut déplacer…

L’aile ouest devint néanmoins le nouveau centre névralgique de la présidence américaine. Le président Taft y fit même aménager son bureau, de forme ovale, en 1909. Franklin Roosevelt, élu en 1932, fit déplacer le bureau ovale à l’emplacement qu’il occupe toujours aujourd’hui, le coin sud-est de l’aile, ouvrant sur la pelouse sud.

Fantasmes

En 1942,  le même  Franklin Roosevelt fit construire « l’aile est ». Toujours pour accommoder une administration de plus en plus pléthorique. Temps de guerre oblige, un bunker fut aménagé dans le sous-sol. Et sécurité nationale oblige, sa construction fut gardée secrète. Ce qui alimenta tous les fantasmes, ainsi que la colère du Congrès, vexé de ne pas être informé.

Certains des nouveaux bureaux de l’aile est furent aussi destinés à la Première Dame et son entourage. Une première dans l’histoire américaine.

Ces aménagements, ainsi qu’un aménagement des combles dans les années 1920 finirent pas imposer un stress excessif à la structure originale alors âgée de 130 ans. Les planchers du 1er étage étaient particulièrement fragiles. Le pied du piano de Madame Truman finit par passer à travers et une baignoire du premier faillit se retrouver au rez-de-chaussée. La Maison Blanche tout entière menaçait de s’écrouler. « Elle ne tient debout que par la force de l’habitude » dit un ingénieur venu inspecter son état.

Une rénovation totale fut alors ordonnée et le président Harry Truman et son épouse durent emménager dans la Blair House, habituellement réservées aux hôtes étrangers, le temps des travaux. Seule la carcasse extérieure fut conservée. Comme un décor de cinéma. Pour ne pas effrayer les Américains. La Maison Blanche fut ramenée à l’état de coquille vide. L’intérieur de la demeure fut entièrement rasé puis reconstruit à l’identique. Les travaux durèrent trois ans, jusqu’en 1951.

A l’occasion, la vieille ossature de bois fut renforcée par une structure en acier et la climatisation installée, ce qui, vue la chaleur humide et étouffante de Washington l’été, a changé la vie des employés de la Maison Blanche.

En 1960 Jacqueline Kennedy, supervisa une nouvelle rénovation intérieure, avec l’aide d’un designer français, Stéphane Boudin. Elle fut la première à piocher dans l’immense stock de mobiliers et œuvres d’art accumulés par les différents occupants au cours des décennies passées et remisés dans des entrepôts de stockage. Une fois les travaux terminés, elle invita les caméras de télévision et fit éditer un guide de la Maison Blanche dont la vente permit de rembourser une partie du coût des travaux.

Jackie Kennedy fit également planter une roseraie dans la pelouse du sud, le « rose garden ». Elle existe toujours et tient lieu de décor à certaines cérémonies et conférences de presse pendant les beaux jours. Jackie Kennedy fut la seule personne à être jamais félicitée par les médias pour ses transformations apportées à la Maison Blanche. Peut-être parce qu’elle n’était que la première dame, et non pas le président, et parce qu’elle personnifiait l’élégance et le bon goût. Son mari, le président John Kennedy, aimait nager dans la piscine aménagée dans le sous-sol. Elle datait de 1933 et avait été construite pour le président Roosevelt qui souffrait de la polio et l’utilisait à des fins thérapeutiques. Kennedy en faisait, pour sa part, un usage strictement récréatif, invitant dit-on les jeunes secrétaires de la Maison Blanche à le rejoindre dans le plus simple appareil…

Nixon fit couvrir la piscine et installa à la place la salle de presse. Toujours utilisée aujourd’hui. L’essor de la télévision et de l’information en images et en direct avaient généré une demande pour un espace dédié aux « briefings » où l’on puisse installer des caméras et une salle de presse.

Toutefois, la Maison Blanche dispose toujours d’une piscine, mais en extérieur. Elle fut construite sous Gerald Ford, à partir de donations privées et est réservée à l’usage de la famille et de leurs invités. Ford était un avide nageur. Nixon préférait jouer au bowling et en fit bâtir un au sous-sol. Barack Obama préférait le basket-ball et fit recouvrir le court de tennis pour y installer des paniers de basket…

Bill et Hillary Clinton firent à nouveau changer la décoration intérieure. Avec l’aide d’une décoratrice de l’Arkansas, l’Etat de Bill Clinton. Bill prit quelques libertés avec les lieux, faisant de l’alcôve menant au bureau ovale le lieu de ses ébats sexuels avec une jeune stagiaire, Monica Lewinski. En quittant les lieux, le couple Clinton emporta la vaisselle et l’argenterie. Ils furent rattrapés par la patrouille et durent tout restituer, ces biens étant ceux du peuple américain, et non des occupants de la Maison Blanche…

En 2003 George W. Bush, bien qu’originaire de l’Etat pétrolier du Texas, fit installer des panneaux solaires pour chauffer l’eau de la piscine extérieure et alimenter certains ateliers techniques. Dix ans plus tard Barack Obama installera des panneaux solaires directement sur le toit de la résidence principale, pour alimenter les appartements présidentiels. Quant à Michelle Obama, elle plantera un potager « bio » et installera des ruches pour produire un miel de la Maison Blanche.

Jusqu’à récemment, le seul apport de Donald Trump était des mâts de trente mètres de haut de part et d’autre du bâtiment principal pour hisser les couleurs américaines plus haut que jamais.

Scandale !

Et puis il y eut la salle de bal ! Le lieu de tous les enjeux. La pièce à l’origine du scandale. Contrairement à ce que beaucoup de médias ont affirmé ce projet n’est ni soudain, ni  nouveau. Il trotte dans la tête de Donald Trump depuis des années. Régulièrement invité à des diners à la Maison Blanche, Trump avait constaté que la Maison Blanche ne dispose pas d’un salon digne de la puissance et de la richesse des Etats-Unis. La « East Room » ne peut accueillir que deux cents personnes. Pour toute capacité supérieure, il faut dresser des tentes sur la pelouse, monter un faux parquet et installer des toilettes portatives ! Indigne de la première puissance mondiale.

En  2010, le citoyen Trump avait proposé à David Axelrod, principal conseiller de Barack Obama, de leur construire une salle de bal pour cent millions de dollars. Proposition non retenue. Lors de son premier mandat, le temps avait manqué pour lancer le projet. Cette fois et parce qu’il sait qu’il ne fera pas de « troisième mandat » (même s’il aime provoquer les démocrates sur cette question), Trump a décidé d’agir et d’agir vite.

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L’annonce officielle du projet remonte au 31 juillet dernier ! Il s’agissait d’une salle de bal venant se greffer sur l’aile-est, sans nécessiter sa démolition totale. La dimension annoncée était de 8 000 m². De quoi accommoder jusqu’à mille invités. Clark Construction, firme immobilière très reconnue de Washington, fut retenue pour le projet, contre un budget de 200 millions de dollars. En septembre ce budget fut révisé à 250 millions de dollars. Il apparut aussi que l’aile est devrait être entièrement détruite. Avec son propre argent et le soutien de donateurs privés et pour financer le projet, Donald Trump donna l’ordre de préparer le terrain, c’est-à-dire de démolir l’aile est.

En dépit de cris d’orfraies de la gauche américaine, Trump n’a rien fait d’illégal. La preuve, aucune action judiciaire n’a été engagée contre lui. Il existe bien une loi aux Etats-Unis sur la gestion des monuments historiques, mais la Maison Blanche et le Capitole ne sont pas concernés. Il existe aussi la National Historical Planning Commission (NCPC), chargée de superviser les projets fédéraux, mais ses compétences se limitent à la « construction » du nouveau bâtiment, pas à la destruction de l’ancien ! Les fonds finançant le projet étant privés, Trump n’avait besoin d’aucune autorisation du Congrès et n’a donc pas consulté les législateurs… D’autant que le gouvernement est actuellement « fermé » pour cause d’impasse budgétaire.

DR

Moralité, ayant les mains libres Trump en a profité pour agir vite. Comme à son habitude. L’aile est n’est plus et le retour en arrière n’est pas possible, sauf à la reconstruire à l’identique ce qui serait une perte totale d’argent et de temps. Trump aurait pu présenter les plans de la future salle de bal à la NCPC, mais il n’en avait pas l’obligation. Ces plans peuvent donc encore évoluer et avec eux le budget du projet. Pour l’heure, Trump a levé pas moins de 350 millions de dollars. Plus que nécessaire. Et les plus grandes entreprises américaines sont derrière lui, de Google à Microsoft en passant par Apple et Amazon ou Lockheed Martin et d’autres.

Moralité, la salle de bal verra le jour. La question est de savoir si les travaux seront finis pour fin 2028 comme le projet le prévoit. Sinon, Trump pourrait bien être tenté de rester au-delà de son mandat pour être toujours président au moment de l’inauguration de « sa » salle de bal… Que les anti-Trump se rassurent, la salle ne sera pas nommée la « salle de bal Donald J. Trump». Donald Trump a lui-même modestement suggéré « la salle de bal présidentielle ».


Ce texte a été publié sur le blog de Gerald Olivier.

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La charia fait sa loi

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Londres, septembre 2013 © PEAA/ZDS/WENN.COM/SIPA

Depuis septembre, le Congrès américain débat d’un projet de loi ayant pour objectif d’interdire toute application éventuelle de la charia, qualifiée d’« antiaméricaine ».

Le No Sharia Act a été déposé à la Chambre des représentants par deux élus républicains. Au Sénat, un projet de loi parallèle a suivi en octobre. Outre-Atlantique, certains États ont déjà promulgué des lois similaires, mais en réalité cette législation est superflue: la Constitution interdit tout recours à des principes de loi étrangers. Il s’agit surtout d’envoyer un message à toute communauté issue de l’immigration qui soit tentée par une forme de séparatisme: n’y pensez même pas ! Ce besoin se ressent depuis la controverse entourant un projet de développement immobilier au Texas initié par une mosquée qui a été accusée de vouloir créer une zone régie par la charia. Les défenseurs du projet de loi citent l’exemple de l’Europe qu’ils considèrent comme déjà perdue. A Londres en septembre, Donald Trump avait dit des Anglais : « Ils veulent aller vers la charia ».

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Les Américains ont-ils tort ? Au mois d’août, un tribunal civil à Vienne a statué que certains principes de la charia n’étaient pas incompatibles avec la loi autrichienne. Deux hommes ayant un différend au sujet d’une propriété immobilière s’étaient engagés à respecter la décision d’un conseil arbitral mis en place par une communauté sunnite. Quand la décision a donné tort à l’un des deux en lui ordonnant de payer 320 000 euros à l’autre, le perdant a porté l’affaire devant un tribunal, maintenant que la charia était susceptible d’interprétations différentes et incompatible avec la loi autrichienne… Le tribunal lui a donné tort aussi : le principe motivant la décision du conseil ne contrevenait pas à la loi, mais le refus de l’homme de respecter le contrat qu’il avait signé l’était. Des élus de droite ont dénoncé cette conclusion comme ouvrant la porte à la création d’une société parallèle islamique.

Nous n’en sommes pas encore là, mais il se peut que la reconnaissance d’instances d’arbitrage et de médiation islamiques soit une pente glissante. 

L’amitié entre les lignes

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Le romancier Julien Rampin photographié en 2025 © Catherine Delahaye

« Je dis juste que je ne comprends pas qu’on lise de la romance. Il y a des genres bien plus intéressants à découvrir », déclare un personnage du présent ouvrage. « Chacun lit ce qui lui fait plaisir et on n’a pas à juger les autres. Chacun ses goûts, non ? », lui répond un autre. « La romance est un genre à part entière et beaucoup des classiques que tu adores en font partie, en vérité. » La seconde réponse est pleine de bon sens. La romance est un genre à part entière ; c’est vrai. Et dans ce genre, il y a du bon et du moins bon. Du pertinent, de l’intelligent, et du mièvre parfois.

Le roman de Julien Rampin, C’est pas marqué dans les livres, s’inscrit dans ce courant, sans aucun doute. Et son opus est à la fois intelligent et pertinent. Bien écrit, bien construit, il parvient à tenir le lecteur en haleine. C’est déjà beaucoup.

 « (…) aimer à s’en faire péter le cœur. » 

L’auteur nous invite à suivre pas à pas les membres d’un club de lecture d’une médiathèque de Toulouse, ville où il a grandi. Il y a là Colette, quittée par son époux après 40 ans de mariage. Elle cherche à briser la solitude qui l’étouffe et finit par rejoindre le fameux club. Il y a aussi Lucie, étudiante repliée sur elle-même que l’on sent mal dans sa peau. A leurs côtés : Sacha, un trentenaire haut de deux mètres, élégant et beau garçon, en couple avec Romuald ; Caroline et Pétronille, collègues de Pauline, bibliothécaire et animatrice du groupe, qui ne cessent de se disputer ; Mme Germaine, vieille dame sous narcoleptique qui s’endort souvent avant la fin des séances.

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Une sacrée équipe hétéroclite. Parviendront-ils à s’entendre, à communiquer, à s’apprécier ? Julien Rampin, non sans talent, entretient le suspens. Au fil des pages, au fil des échanges littéraires, les uns et les autres se confient et se comprennent mieux. Ils fraternisent. Sacha confie que tout n’est pas rose avec Romuald ; Lucie fait savoir, en larmes, que sa sœur s’est suicidée après avoir été harcelée sur les réseaux sociaux ; Mme Germaine avoue qu’elle a fait de la prison…

Vers la fin du roman, Colette s’adresse à l’assemblée en ces termes : « Ecoutez bien ce que je vous dis, les enfants. Les mots d’amour, les gestes tendres, les sourires délicats, ces effusions que l’on croit superflues, il ne faut pas les économiser. Il s’agit de les offrir par poignées, par brassées, que dis-je, par camions. L’amour, ça se dépense sans compter. A une seule personne ou à la multitude. On ne sait jamais quand il sera trop tard. Il faut aimer à s’en faire péter le coeur. »

Ça peut paraître banal, mais c’est si vrai. Vrai comme se roman qui sonne si… vrai.

C’est pas marqué dans les livres, Julien Rampin ; Charleston ; 252 pages

C'est pas marqué dans les livres

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La dhimmitude pour les nuls

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Image d'illustration.

Se demander dans quelle mesure la notion discutée de “dhimmitude” (statut social du dhimmi, en terre d’islam) deviendrait aujourd’hui en Occident un comportement pré-adapté avant même d’être un statut est une question très provocatrice, mais qui ne peut plus totalement être balayée. Analyse.


Le terme de dhimmitude a été popularisé il y a trente ans par Gisèle Littman dans un livre intitulé La chrétienté d’Orient entre djihad et dhimmitude. C’est peu dire qu’il a été critiqué, provenant d’une historienne non académique publiant parmi des spécialistes de l’islam qui, à cette époque où la Shoah s’imposait dans la mémoire de l’Occident, soulignaient en général que l’islam par contraste avait laissé une place à ses minorités et pour qui l’Andalousie du Moyen Âge était l’exemple continuellement cité d’un glorieux «vivre ensemble», une image que les historiens d’aujourd’hui ont beaucoup nuancée.

Gisèle Littman, qui avait pris le surnom de Bat Ye’or, la fille du Nil, était née en Égypte, en avait été chassée comme la totalité de la communauté juive de ce pays et suspectait que l’argument de lutte contre le sionisme, appliqué à une communauté entière, cachait en réalité une hostilité plus diffuse à l’égard du judaïsme.

Si dhimmitude sent le soufre, le terme de dhimmi est bien connu

Si Bat Ye’or forgea le mot et le concept de dhimmitude, le terme dhimmi était déjà largement employé. Il est celui dont le statut relève de la dhimma, un pacte d’alliance. Ce mot apparaît dans la neuvième sourate, dite Tawba, une des toutes dernières, à une époque où Mahomet avait assuré son pouvoir. Il est écrit dans le Coran lui-même que les dernières révélations peuvent corriger des révélations plus anciennes. C’est dire l’importance de la sourate Tawba, le repentir, techouva en hébreu. Mais, contrairement à ce qu’on en dit, le mot de dhimma n’y vise ni les juifs, ni les chrétiens, mais les «hypocrites» ces soi-disant alliés de Mahomet qui ne l’ayant pas soutenu lors d’une expédition contre les byzantins, avaient brisé le pacte qui les liait à lui.

C’est plus loin dans la même sourate, mais sans le mot dhimma, qu’apparait l’obligation pour les «gens du Livre» de verser un impôt spécifique, la jaziya, attestant le caractère dominant de l’islam sur les autres monothéismes, une mesure plus douce que l’alternative réservée aux polythéistes, la conversion ou la mort. Un siècle plus tard un calife peu connu mais s’appelant Omar et hostile aux chrétiens et aux juifs, donna le nom de dhimma à cette obligation spécifique aux non-musulmans vivant en terre d’islam, accompagnée de diverses interdictions. Il fut prétendu que c’était là un pacte de protection.

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La dhimma a été appliquée avec une rigueur variable suivant les lieux et les époques dans l’immense espace islamique. Beaucoup d’historiens soulignent que la jaziya a été souvent légère, que la protection des minorités a été réelle, notamment dans l’empire ottoman où ces communautés s’administraient elles-mêmes sur le plan civil, et que, au fond, l’impôt de la dhimma remplaçait une obligation de combattre qui n’incombait qu’aux musulmans. ll y a en fait beaucoup à dire sur cette vision irénique de la domination de l’islam, comme en témoignent les conversions forcées, les restrictions religieuses, les persécutions des Almohades ou celles des Safavides d’Iran. Bat Ye’or, qui a utilisé des sources peu exploitées avant elle, a montré une situation des minorités en terre d’islam loin d’être idyllique.

Au cours du XIXe siècle, dans une série de réformes juridiques et administratives qu’on appelle les Tanzimats, les sultans ont aboli la pratique de la dhimma dans l’empire turc, une mesure qui a théoriquement transformé les non-musulmans en citoyens comme les autres. Théoriquement….

Comme on le sait, il n’y a aujourd’hui presque plus de juifs en terres musulmanes et les représailles exercées contre les juifs iraniens à la suite de la guerre des Douze jours montrent comme leur situation est fragile. Des minorités chrétiennes ont fait et font  aujourd’hui encore l’objet de persécutions dans plusieurs pays  musulmans, dans un silence général. La revendication de la supériorité intrinsèque de l’islam sur les autres religions, est indiscutablement un des moteurs les plus faciles à activer dans l’extension de ces violences.

Dans la neuvième sourate, il est précisé que lorsque les monothéistes paieront leur impôt, ils devront le faire en état d’humiliation. Le terme utilisé est ṣāghirūn. Beaucoup de ce que représente la dhimma provient de l’interprétation de ce mot. L’adjectif saghir, très courant, renvoie au champ sémantique de la petitesse. La plupart des exégètes musulmans d’aujourd’hui, y compris Qaradawi ou la mosquée el-Azhar écrivent que la dhimma, originellement liée à la rupture du pacte d’alliance par les hypocrites, fait référence à une situation de guerre qui était celle de l’islam des origines et n’a plus lieu d’être aujourd’hui. 

Ambiguïté

Mais il y a une ambiguïté à ce sujet: ce qui fut la dhimma dans l’histoire provient d’une situation différente, celle de domination qui fut pendant de nombreux siècles celle de l’islam par rapport à ses minorités, qui l’est encore dans certains endroits du monde et que certains islamistes rêvent de rétablir. Une telle situation laisse des traces dans les mentalités. Après la disparition officielle de la dhimma dans l’empire turc, il y eut beaucoup de réactions de mécontentement qui furent reprises et amplifiées par les réformateurs religieux du XXe siècle tels Rashid Rida puis son disciple Hassan el-Banna, créateur des Frères Musulmans.

La mise en cause d’un sentiment de supériorité considéré comme naturel et légitime est très difficile à accepter et est souvent vécue elle-même comme une humiliation, alors que dans le livre sacré, c’est le privilège du musulman que d’infliger une humiliation à autrui. Quand s’y ajoutent le succès de celui qui devrait être un inférieur et plus encore la défaite au combat face à lui, le ressentiment devient très fort. 

Ces réactions émotionnelles, qui ne se limitent d’ailleurs nullement à l’islam, laissent peu de traces dans les archives. Elles jouent un grand rôle dans l’histoire des hommes.

Quant à la dhimmitude, état de résignation devant une situation qu’on ne pouvait pas modifier, ce fut longtemps le lot des populations juives en terre chrétienne comme en terre d’islam. Cette résignation était une stratégie de survie efficace mais elle se payait par l’humiliation intériorisée. Le sionisme fut en quelque sorte une révolte contre la dhimmitude en milieu chrétien. Cette révolte fut réussie et rares sont les juifs qui voudraient revenir à l’état antérieur. Quant à l’attitude de soumission résignée que l’on peut voir ici et là dans un monde d’origine chrétienne essayant de ne pas voir la guerre qui lui est menée, je ne suis pas surpris que le terme de dhimmitude lui soit souvent attribué, même si les explications en sont évidemment bien plus complexes…

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