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Une certaine idée de la gauche

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Lénine
Lénine.

L’hypostase toujours menace la pensée et rien, sinon la raison elle-même, ne nous en prémunit. Prendre ses idées pour la réalité, le relatif pour l’absolu ou l’historique pour l’immuable : Marx en faisait déjà le grief à Feuerbach lorsqu’il critiquait, en 1845, son Essence du christianisme. Le problème est que l’hypostase hante toujours la gauche française et que le phénomène ne date pas d’hier : il y a cinquante ans, lorsqu’il publiait L’Opium des intellectuels, Raymond Aron dénonçait déjà cette gauche qui, s’affranchissant des déterminations historiques, s’érigeait en un mouvement quasi-messianique, éternel défendeur du Juste, du Vrai et du Bien.

Être de gauche, lorsqu’on est de gauche, c’est se situer toujours du côté moral du manche. En 1998, Lionel Jospin a donné une parfaite illustration de cette conception en proclamant à l’Assemblée nationale que la gauche avait été « dreyfusarde et anti-esclavagiste », contrairement à la droite évidemment. Camarade, choisis ton camp ! Longtemps occupé à faire le pitre chez Trotski, l’ancien premier ministre a certainement séché des cours d’histoire : il se serait aperçu que Pierre Laval avait fait toute sa carrière depuis 1905 en s’acquittant consciencieusement de ses cotisations à la SFIO. Pas à gauche, la SFIO ?

[access capability= »lire_inedits »]L’histoire n’est jamais simple, les idées le sont toujours. Voilà le hiatus : non seulement la gauche se prend pour une idée, mais elle prend l’idée qu’elle se fait d’elle-même pour une réalité absolue. Or, l’existence de la gauche, comme celle de la droite, n’est pas ontologique : elle est historique. La bipolarisation n’est pas une condition sine qua non du politique : l’humanité a, jusqu’à présent, passé le plus clair de son temps à gérer ses affaires sans se poser la question de la droite ou de la gauche. Peut-être a-t-on commencé à distinguer l’une de l’autre au moment de la Révolution française, lorsque les partisans du droit de veto royal se sont rangés à main droite du président de la Constituante tandis que ses opposants se regroupaient à gauche. Encore l’a-t-on échappé belle puisque, si l’on s’en était tenu à la distinction entre la Gironde et la Montagne, la gauche s’appellerait aujourd’hui la « haute » et la droite serait en dessous de tout, dans la « plaine » ou le « marais ». Le fait est qu’en France, ce sont les XIXe et XXe siècles, sous le mouvement conjoint de la Sociale et du communisme, qui ont vu la classe politique se répartir en deux hémisphères. Seulement, la ligne de démarcation entre gauche et droite semble aujourd’hui plus floue que jamais.

Le dernier gouvernement socialiste en France, celui de Lionel Jospin, a deux fois plus privatisé que Jacques Chirac dans ses plus belles années reaganiennes… Quant aux choix de société, ceux qui, paraît-il, restent pour faire la différence, les marges de manœuvre sont tellement réduites qu’ils ne pèsent pas bien lourd pour séparer la gauche de la droite.

Que reste-t-il donc ? Une appartenance presque héréditaire, sur le modèle clanique autrichien : père de gauche, fils de gauche. Des valeurs, peut-être, dont il reste à démontrer qu’elles représentent un véritable clivage dans l’électorat. Des références aussi : un élu socialiste sera plus enclin à citer Blum, tandis qu’un élu UMP inclinera naturellement vers de Gaulle. Et s’il est vraiment sarkozyste, il citera les deux, si possible dans la même phrase, étant bien entendu que le général de Gaulle disait, en décembre 1965 : « La France, c’est tous les Français… C’est pas la gauche, la France… C’est pas la droite, la France… »

L’appartenance, les valeurs, les références. Et puis il y a Martine Aubry qui, dans sa tribune publiée par Le Monde, le 28 août, balaie d’un revers de la main la crise interne que traverse le Parti socialiste pour s’attaquer à la crise, la vraie, celle que connaît notre civilisation. Le Parti est confronté aux mêmes affres que celles du RPR après la défaite de Chirac en 1988 (primaires, rénovateurs, repli sur les bastions locaux, juppéistes droits dans leurs bottes) et la première secrétaire navigue à vue dans le Ciel des idées, sans jamais regarder autour d’elle. Peut-être y rencontrera-t-elle l’idée de la Gauche… Peut-être pas.[/access]

Où sont les femmes ?

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Homer Simpson
Homer Simpson.

Nos relations téléphoniques avec les divers services nécessaires à la bonne marche de nos petites affaires quotidiennes – banque, impôts, prestataires de services divers et variés se sont peu à peu convertis à l’aiguillage automatique de nos demandes par des voix qui nous guident dans les méandres de leur organigramme.

Et que constate-t-on ? Les voix qui nous invitent à taper « un », « dièse » ou « étoile » pour parvenir à la personne compétente (ou qui se prétend telle) sont exclusivement féminines et, de plus, formatées pour n’avoir aucune aspérité susceptible d’accrocher nos fantasmes. Pas le moindre accent de terroir permettant de rêver à une piquante brunette méridionale, ni de fond de gorge rauque laissant imaginer ce à quoi la demoiselle du téléphone occupe ses loisirs en dehors du service.

[access capability= »lire_inedits »]Nous vivons dans une sorte d’aéroport extensible à l’infini, où le son d’une voix féminine désexualisée est censé calmer le stress engendré par l’anxiété générée par une confrontation avec une technologie qui nous dépasse.

Par exemple, lorsque je veux procéder à un transfert d’appel de mon téléphone fixe vers mon portable, voici ce qui se passe :

(Petite musique supposée relaxante) Elle : « Ici le 3000. Cet appel est gratuit. Que désirez-vous ? »

Cette sollicitation de mon désir me laisse perplexe, car tout est fait pour qu’il se limite à prononcer quelques phrases rituelles comprises par la machine qui parle, et qui a le culot de dire « je » quand elle vous fait savoir qu’elle a réalisé votre vœu.

Un jour, un plaisantin responsable des annonces sonores à la gare de Lyon a eu l’idée, validée par sa direction, de remplacer pendant quelques heures la voix formatée informant les voyageurs sur les numéros de quai et autres aléas de la vie ferroviaire par celle de Homer Simpson (version française). On sentit alors une onde jubilatoire se répandre dans la foule triste.[/access]

Yes, we can’t !

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Gazoduc

Un grand philosophe trop tôt disparu, Robert, dit « Bobby », Lapointe nous raconte, dans une parabole mammaire, qu’une certaine Françoise, que l’on appelait Framboise, était parvenue à augmenter le volume de sa poitrine grâce à « un institut d’Angers, qui peut presque tout changer, excepté ce qu’on ne peut pas ».

À l’heure du « Yes, we can ! » et du ressassement à l’infini de la possibilité d’un autre monde conçu et réalisé par des hommes meilleurs, il n’est pas inutile de rappeler cet « excepté ce qu’on ne peut pas ». Celui-ci distingue la pensée lapointienne des idéologies post-modernes de la volonté proclamant la toute-puissance de l’homme sur son destin individuel et collectif. Lapointe ne stigmatise pas le progrès des sciences et des techniques, mais il en marque la limite.

[access capability= »lire_inedits »]En quelques décennies, on est passé de l’utopie d’un homme nouveau bâtissant une société idéale, prospère et solidaire, à une eschatologie du sauvetage en catastrophe d’une planète menacée par l’homme ancien, bousilleur impénitent de son environnement.

Il faut changer de comportement, au nom du respect que l’on doit aux générations futures : tel est l’impératif catégorique des instances dirigeantes morales et politiques qui ont trouvé là un moyen fort commode de gestion de la foule. Un citoyen culpabilisé, renvoyé sans cesse à la trace carbone qu’il laisse dans son sillage d’homo economicus, sera moins enclin à faire porter aux détenteurs du pouvoir la responsabilité de ses misères quotidiennes.

C’est ainsi que s’est imposée l’escroquerie consistant à faire croire qu’une mortification individuelle – une privation consentie des commodités liées à l’utilisation des énergies fossiles – fera de vous, le petit, le sans-grade, un sauveur de notre planète et un bienfaiteur de l’humanité à venir. Le schéma, reconnaissons-le, est loin d’être nouveau, puisqu’il a fonctionné à la satisfaction générale pendant deux millénaires : les souffrances subies en ce bas monde seraient la meilleure garantie d’une éternelle félicité dans l’autre.

La version nouvelle de la rédemption individuelle confère de surcroît aux mortels que nous sommes une illusion de puissance qui nous rapproche de ce ou ces dieux réputés morts : si je suis capable, par ma seule volonté, de faire baisser la température moyenne de la Terre d’un degré, je dépasse mon humanité pour accéder à la surhumanité. Je ne subis plus mon destin, je détermine celui de mon espèce.

On n’entrera pas ici dans les querelles entre « réchauffistes » et « anti-réchauffistes ». Admettons que les prévisions apocalyptiques des premiers soient pertinentes. Même dans cette hypothèse, qui fait la part belle aux origines anthropiques du réchauffement climatique planétaire, il reste que l’on peut tout changer, « excepté ce qu’on ne peut pas ». On ne peut pas taxer les taches solaires, les courants marins, les volcans, qui n’ont aucune compassion pour le sort des générations humaines à venir. À supposer, ce qui n’est pas gagné, que les populations des pays émergents acceptent de renoncer à rattraper les vieilles puissances industrielles en matière de consommation, on est encore loin du compte pour que chacun d’entre nous puisse se considérer comme le maître du climat. « Mais, au moins, on aura fait quelque chose ! », se défendent les promoteurs de l’ascèse écolo, quand on les confronte au caractère dérisoire des effets attendus de programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre aux coûts ophtalmocéphaliques.

Il est en effet difficilement supportable, pour un être doté d’un minimum de cette common decency chère à George Orwell, de se rendre sans combattre, même si l’issue du combat semble raisonnablement désespérée.

Cette attitude, qui paraît au premier abord relever d’une saine approche éthique des problèmes auxquels nous sommes confrontés, se révèle à l’examen méprisante pour nos descendants et stérilisante pour la pensée de nos contemporains.

Dans la longue durée de l’histoire de l’humanité, on a pu constater que l’espèce homo sapiens s’était adaptée avec succès à des variations climatiques de son environnement beaucoup plus importantes que celle prévue pour notre siècle par les experts de la tendance alarmiste.

C’est même une caractéristique de l’espèce de pouvoir survivre aussi bien dans les régions arctiques qu’aux alentours de l’équateur. On ne voit pas ce qui pourrait empêcher ces fameuses générations futures de déployer leur génie dans un contexte géoclimatique quelque peu modifié. Ils seront tout à fait capables de créer des stations balnéaires au Groenland si le temps le permet et d’édifier, là où cela se révélera nécessaire, les ouvrages d’art capable de protéger les côtes contre l’élévation du niveau des océans. Les Hollandais ont, dans ce domaine, une expérience qui peut être utile. Et il n’est pas interdit de penser qu’ils élaboreront de nouveaux concepts et de nouveaux produits adaptés à leur environnement car, jusqu’à preuve du contraire, l’élévation de la température ne produit pas l’abaissement concomitant du Q.I. moyen des populations.

D’autre part, la domination de la pensée apocalyptique étouffe le débat sur la politique à mettre en œuvre aujourd’hui pour parer à l’éventualité du réchauffement climatique, une fois reconnue son inévitabilité et notre impuissance relative à l’enrayer. Imaginons une pensée positive et joyeuse du réchauffement, qui en soulignerait un certain nombre de bienfaits et qui stimulerait les énergies pour trouver des solutions aux désagréments qu’il provoque. Cela nous reposerait des jérémiades et injonctions comminatoires des flics de la pensée verte.[/access]

À tout prix ?

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Berlusconi et Kadhafi
Faire du commerce avec des gangsters a un prix. Après les Italiens et les Suisses, à qui le tour de s'humilier devant le Guide ?

Oui, on a honte pour la Suisse, et on partage la colère d’Alain Campiotti, citoyen helvète humilié et journaliste avisé[1. L’un des meilleurs que je connaisse et l’un de mes maîtres dans ce domaine.]. C’est qu’au championnat du monde de léchage de bottes, la Confédération obtient sans conteste la médaille d’or. Le colonel Kadhafi n’était peut-être pas content que la justice suisse ait embêté l’un de ses rejetons – lequel n’avait jamais fait que tabasser son petit personnel dans un palace genevois. Mais le président Merz était-il obligé de courir se prosterner devant le gangster de Tripoli ? Il y a là quelque chose d’embarrassant. Et même de glaçant. C’est que cette épopée révèle peut-être un monde dans lequel nous sommes et serons de plus en plus dépendants de cliques corrompues, de satrapes sanguinaires et d’intégristes délirants. Pas parce qu’ils ont du pétrole. Parce que ce sont nos clients, donc nos emplois. Et on ne choisit pas ses clients.

[access capability= »lire_inedits »]Pas ça, pas nous. Il est vrai qu’avec nous, on met les formes. Nous ne sommes pas n’importe qui. Nous pesons (encore ?) assez économiquement, donc politiquement, pour qu’on ait quelques égards. Il nous est bien arrivé d’exfiltrer quelques terroristes et de mettre sous le boisseau des enquêtes fâcheuses. De l’histoire ancienne. Bien sûr, récemment, on a dû dresser des tentes dans les jardins de Marigny pour que le zozo libyen ne soit pas trop dépaysé. Mais enfin, quand on lui a envoyé Guéant et Cécilia Sarkozy, il les a reçus bien poliment et leur a remis les infirmières bulgares. Et puis, il a renoncé à sa bombinette et, pour ça, même les Américains ont trouvé qu’il méritait une petite sucrerie. Eux aussi ont des trucs à vendre.

Kadhafi s’en prend à la Suisse parce que c’est facile et, d’ailleurs, par les temps qui courent, personne ne s’en prive ; avec son or, son secret bancaire et sa neutralité, la Suisse est le bouc-émissaire idéal. Nous sommes révoltés par la résignation avec laquelle ses citoyens acceptent voire encouragent l’indignité de leurs dirigeants. En matière diplomatique, il est assez rare que les gouvernants aux yeux rivés sur les sondages prennent leur opinion à rebrousse-poil. Bref, on a la politique étrangère qu’on mérite.

Nous sommes convaincus d’être meilleurs que les Suisses – et que les Italiens qui se sont excusés sur tous les tons pour leurs crimes passés. On imagine mal Sarkozy se comporter comme Merz, d’abord parce qu’on ne le voit pas dans le rôle (enfin moi, je ne l’y vois pas) et ensuite parce que le barouf médiatique serait tel qu’il ne s’y risquerait pas. La démocratie d’opinion a parfois du bon. Cela dit, nous ignorons tout des contorsions de nos entreprises, toujours prêtes à cirer les pompes des régimes qui les accueillent, à jurer aux pays arabes qu’elles boycottent Israël, à engueuler les journalistes qui donnent une vision caricaturale de la réalité (il arrive que ce soit faux et que la réalité soit plus caricaturale encore). Nous oublions les commissions colossales versées pour vendre nos excellents matériels militaires. Bref, nous ne savons rien des mille petites et grandes bassesses commises pour notre bien. Ce qui nous amène aux contradictions internes du peuple évoquées dans ce numéro par Marc Cohen et Aimée Joubert ou, pour le dire autrement, à la question des causes et des conséquences. Les mêmes qui manifestent un jour pour protester contre le voyage de Sarkozy à Pékin seront tout prêts à défiler le lendemain pour protester contre les suppressions d’emplois à Alsthom ou Areva. Or, c’est déplaisant mais c’est ainsi : si on énerve trop les Chinois, ils ne nous achèteront pas de centrales nucléaires ni de TGV. Et ils iront les acheter à nos alliés à l’échine plus souple. Et les Chinois ne sont pas les pires. Le libre-échange frénétique et la concurrence acharnée qui en résulte nous condamnent à vendre toujours plus et donc à avoir toujours plus de clients, notamment dans cette vaste zone qu’on appelle le « Sud » où se trouvent précisément les régimes les moins fréquentables. S’il faut sauver nos emplois à tout prix, il n’y a qu’à s’écraser. Devant les Chinois et devant tous les autres.

Il ne s’agit pas de prôner un angélisme absurde ou d’exiger un certificat de bonne conduite des gens qui achètent nos produits mais, au moins, de refuser de se laisser marcher sur les pieds. Reste à savoir quel prix nos sociétés repues, et qui entendent bien le rester, sont prêtes à payer pour leur honneur – pour notre honneur. Je ne suis pas sûre de vouloir connaître la réponse.[/access]

Nous nous sommes tant aimés

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ecole

Une femme aux allures de SDF mais dont on devine qu’elle fut très belle autrefois entre dans un bureau luxueux. Un vieux beau, élégant, est assis dans un fauteuil club. Il lit un livre d’Alain Minc à moins que ce ne soit de Jacques Attali. Au mur, un portrait de Jaurès est décroché par un employé qui le remplace par un portrait de Tony Blair.

– Bonjour, Socialisme…
– Bonjour, Madame.
– Tu ne me reconnais même plus, c’est bien ce que je pensais…
– Je suis désolé, mais…
– Nous nous sommes tellement aimés autrefois, et depuis tellement longtemps. Vraiment tu ne me reconnais pas ?
– Je ne… Ah si, j’y suis, vous êtes Culture ! C’est vrai que ces derniers temps, j’ai moins fait attention à toi mais Jack Lang est vieux, maintenant, et puis il flirte de manière indécente avec Sarko… Mais, mais tu pleures !
– Je le savais que tu m’avais oublié, que tu ne m’aimais plus… J’ai pourtant été ton grand amour, ton seul amour même, à une époque. Nous étions si heureux. Tu comptais sur moi pour émanciper le peuple, et parfois gagner les élections. Et moi, je te donnais ce que j’avais de meilleur. On a eu ensemble de beaux enfants, on s’est même souvent battu pour une de nos plus jolies filles : Laïcité. Tu l’as aussi oublié, elle ?
– Oh, je t’en prie, pardonne-moi, tu es Ecole. Mais…
– …mais j’ai vieilli, c’est ça ? J’ai une sale gueule…
– Non, tu as l’air peut-être un peu fatiguée mais tu as encore de beaux restes…
– Tu as vu comment tu parles ? Tu crois faire mode, comme tes jeunes loups, ces fils que tu as faits à force de me tromper avec Economie de marché. Entre nous soit dit, méfie-toi du petit Valls. Il en est à renier ton nom, à trouver que ça fait vieux jeu. Economie de marché, la gourgandine, dire que j’ai accepté des plans à trois avec toi et elle en espérant te garder. Les partenariats écoles-entreprises, les établissements scolaires gérés par des chefs d’établissements qui ont suivi des cours de management participatif et confondent leur collège avec une PME. Oui, j’ai accepté ça, pour toi…
– Il le fallait, c’est ça la modernité… Tu ne vas pas écouter Debray et Finkielkraut ? Me ressortir les hussards noirs de Péguy ?
– Et pourquoi pas ? Tu as vu tout ce que tu m’as fait subir depuis vingt ans ? Jospin, Allègre, Meirieu, tous les pédagogistes. Les gifles que j’ai reçues, les humiliations. Il m’a même traitée de mammouth, ton Allègre. Il t’a bien trahi aussi, lui. Bien fait pour toi. Sans compter la Royal qui voulait faire bosser les profs de collège sur le lieu de travail trente-cinq heures en les traitant de feignasses.
– Mais qu’est-ce que tu me veux, à la fin…
– Que tu t’occupes un peu de moi, que tu te souviennes que sans moi tu perds une bonne partie de ce qui faisait ton identité. Tu as vu comment on me traite, sous Sarkozy ? J’ai perdu plus de trente mille postes en deux ans, on voit mes os sous la peau. On veut transformer mes lycées et collèges en bunkers sécurisés où l’on ferait de l’animation et surtout pas de transmission, on bousille la carte scolaire histoire de ghettoïser encore un peu plus nos villes, ce qui est en train d’achever ma vieille copine, Mixité Sociale, qui meurt au service des soins palliatifs de la République.

A ce moment, une jeune fille arrive. C’est Ecologie. Elle est jeune et arrogante, elle est habillée comme une bobo branchée avec des fringues ethniques de luxe. La dominante est verte. Elle n’a pas un œil pour Ecole.

– Alors, Socialisme, tu te dépêches, on sort ce soir. Grouille toi, sinon j’accepte l’invitation de Modem. (Elle désigne Ecole.) C’est qui cette pouffe ?
– Ne t’inquiète pas, Ecologie. Une vieille dame. Elle radote des problèmes sans intérêts. Ce n’est pas comme toi, ma belle, avec tes pistes cyclables, tes énergies renouvelables, ta décroissance.

Ils s’en vont bras dessus bras dessous. L’Ecole reste seule dans le bureau. Elle voit le portrait de Jaurès laissé par terre. Elle pleure.

Ségolène n’est plus au zénith

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Pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir assister à la seconde Fête de la fraternitude organisée ce week-end à Montpellier, sachez que Ségolène Royal y a appelé au « dépassement » du Parti socialiste et à la constitution d’un « mouvement puissant et accueillant que le pays attend ». Mais le clou du spectacle, c’était incontestablement sa grande scène du III où l’oratrice a répondu vertement aux critiques dont elle est l’objet à l’intérieur même du PS, et plus spécialement celles de ses anciens amis. Valls, Peillon, Bergé et autres traîtres ne vont pas en dormir la nuit : quand Ségo dégaine la métaphore, c’est du lourd. « Le microcosme parisien a entamé la mise en accusation répétitive et obsessionnelle de la solitude, comme si quelques notables de la politique en attente de jours meilleurs et allant faire leur marché ailleurs comptaient davantage que vous tous, qui donnez généreusement votre temps, vos déplacements, vos énergies. » On espère sincèrement que le charlot qui a écrit ce discours ne l’a pas facturé 40 000 € à Désirs d’avenir…

La médecine douce, une drogue dure

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pilules

Il m’arrive quand j’ai trop de travail, trop de clients, trop de charges de ne plus savoir où donner de la tête. Ce surmenage ne menace pas mes méninges, car j’ai une santé mentale à l’épreuve des balles, mais mon corps a ses limites et c’est lui qui morfle. Quand j’en ai plein le dos, j’ai souvent mal au dos.

En refusant de croire aux maladies, je parviens à décourager les plus bénignes, mais il y en a toujours qui se moquent de mon stratagème et viennent me faire payer le prix fort mon goût pour le blasphème. C’est alors que je tombe malade.

Quand l’idée d’affronter une salle d’attente pleine de gosses souffreteux et braillards ne suffit pas à me guérir, je déguste et ça se voit. Autour de moi, quelqu’un finit toujours par s’en apercevoir et, animé par ce sentiment étrange qu’on nomme « compassion », tente de me porter assistance. Rongé par le mal, je ne perds pas une minute pour tenter de percer les mystères de la psychologie chez les autres humains et je saisis la main charitable que d’ordinaire j’ignore.

C’est alors que le désenchantement commence. Les gens les plus intéressés par la chose médicale sont souvent victimes des modes les plus fumeuses et, bien souvent, on m’invite à accorder toute ma confiance à ce qu’on appelle la médecine douce.

Je veux bien croire à l’efficacité de ces remèdes de bonnes femmes qui ont traversé les siècles, mais qu’on m’épargne les remèdes de femmelettes.

Il y a dans les termes « médecine douce » quelque chose qui me rappelle cette phrase de Chirac qui me mit en colère et me fit tant honte : « Il faut désarmer Saddam Hussein pacifiquement. »

Je vous prie de m’excuser, mais je refuse qu’on prenne le mal qui me plie en deux par les bons sentiments, j’exige une riposte totalement disproportionnée. Je ne peux pas croire que la fièvre qui me cloue au lit puisse être terrassée par des plantes et je veux toute la puissance industrielle au service de mes muscles, mes nerfs ou mes os.

Qu’on me lâche avec les essences de ceci ou les évanescences de cela, autant brûler un encens pour l’âme des ongles réincarnés. Je préfère avaler du missile chimique intelligent chargé de têtes nucléaires. Qu’on s’abstienne de me passer de la pommade pour retrouver ma santé, pas d’huiles essentielles, du napalm.

Au cœur de l’Occident rationnel et scientifique, qu’on ne vienne pas me gonfler avec des foutaises ayurvédiques, qu’on laisse où ils sont et pour ce qu’ils sont gourous, vaudous et marabouts. Qu’on me répare, c’est tout.

J’accepte à la limite qu’on parle à mon cul quand ma tête est malade, c’est toujours ça de pris, mais je ne laisserai personne me planter des épines dans les pieds quand j’ai la migraine.

Pas de paix négociée avec les saloperies qui m’infectent, ma thérapie, je la veux au laser et radioactive. Qu’on ne me parle surtout pas de mon horloge biologique et des cent gouttes à ne prendre que le matin. Je veux de la blitzkrieg sur ordonnance qui se fout de l’heure qu’il est, de la solution finale pour les ennemis de mes forces vitales, de l’apocalypse programmée pour les envahisseurs microbiens.

Je laisse à d’autres les doses homéopathiques. Qu’on m’apporte des pilules de destructions massives, de la bombe à fragmentation par plaquettes de douze, du suppositoire de combat longue portée.

Gardez vos soins qui caressent dans le sens du poil, donnez-moi de la science exacte et foudroyante, aux effets aussi attendus que l’ongle qui noircit sous le coup du marteau.

Que la douceur reste le monopole des femmes et de l’amour, et que la médecine reste guerrière. Tant pis pour les dommages collatéraux, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, alors faites-moi de la médecine sans me casser les noix. Promettez-moi du sang, de la sueur et des larmes, je vous suis. Autrement, allez-vous faire foutre, ok ?

C’est dit et ça fait du bien ! Un bon coup de sang matin et soir contre les charlatans, rien de tel pour rester en forme pendant longtemps. Finalement, ça a du bon cette médecine de gonzesse, je retire tout ce que j’ai dit.

Ne me pique pas (Disco Remix)

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Romell Broom vient de passer un sale quart d’heure. Cet Américain de 53 ans, condamné à mort pour viol et meurtre, devait être exécuté, mardi dernier, par injection létale, comme le prévoient les lois de l’Ohio. Manque de bol, ses bourreaux n’ont jamais réussi à trouver les veines ad hoc et donc à mener leur tâche à bien. Deux heures durant, ils ont tâtonné, piquouillé, injecté. En vain : c’est vivant mais hurlant de douleur que Romell a été ramené dans sa cellule. Le gouverneur de l’Etat a annoncé qu’on procéderait à une nouvelle tentative dans dix jours, le temps, sans doute, que ses dizaines d’hématomes se résorbent. Un drame comme on ne risque pas d’en voir chez nous, la peine de mort ayant été abolie, et la vaccination antigrippe n’étant pas encore obligatoire

Borloo : un scoop à l’eau

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Jean-Louis Borloo ne trébuche pas dans les escaliers.
Jean-Louis Borloo ne trébuche pas dans les escaliers.

Quelles leçons tirer, avec un peu de recul (trois jours) et beaucoup d’aléas collatéraux, de la retentissante affaire de ministre pochtron débusquée par le Canard Enchaîné et des événements qui l’ont suivie ?

Tout d’abord le rappel des faits : dans leur édition de mercredi dernier, nos confrères palmés affirment que Jean-Louis Borloo était fin bourré jeudi 3 septembre, dans la cour de l’Elysée, où il venait de rencontrer, au côté du Président, Cécile Duflot, des Verts, pour causer taxe carbone. C’est après cette entrevue qu’on aurait vu le ministre de l’Ecologie trébucher à maintes reprises dans les escaliers et bafouiller quelques propos incompréhensibles en lieu et place de sa déclaration officielle sur ledit entretien. Circonstance aggravante, des images de cette virée diurne aurait été captées par un intrépide caméraman de France 2, pour être détruites aussitôt par des responsables de la chaîne publique.

Tous les ingrédients d’une bien bonne poilade étaient donc réunis, à ceci près que tous les témoins de l’après-midi en question se sont accordés pour dire que Borloo était parfaitement sobre, à commencer par Cécile Duflot. Même capilotade côté France 2 où la thèse des images « détruites » s’écroule lamentablement en 24 heures chrono. Tant pis pour la belle affaire, donc, mais le pire n’est pas là. Car comme dirait Marc Lévy : « Et si c’était vrai ? » Eh bien, à mon humble avis, il n’y avait pas non plus de quoi en faire toute une histoire (un conseil que Marc Lévy aurait dû suivre aussi, mais, justement, c’est une autre histoire).

Honnêtement, je ne vois pas bien le drame s’il avait, ce jour-là, abusé de Chassagne-Montrachet ou de Glenlivet. Parce qu’entre nous, même s’il est beurré comme un petit Lu, le Borloo, il va se passer quoi ? Il n’a pas accès au bouton rouge de la force de frappe tactique. Il n’est pas habilité à déclarer la guerre à un pays voisin, fut-il pollueur. Enfermé toute la journée dans un ministère qui ne sert à rien, son pouvoir de nuisance est par conséquence réduit à néant. Qu’il se bourre la gueule aurait été très excusable, qu’il soit de fait resté abstinent ce jeudi-là est carrément héroïque, personnellement je serais totalement incapable capable, à jeun, de supporter sans moufter les âneries de la Duflot

Deuxio, l’article du Canard contient de graves erreurs scientifiques sur l’alcoolisme, un trait de caractère qu’on impute souvent au ministre en question. Quand il a picolé, l’alcoolo ne bafouille, ni ne trébuche. Ça n’arrive, au contraire, que quand il s’est mis à la San Pé ou au Coca Zéro.

Tertio, ce même article, affirme, sans avancer la moindre preuve scientifique, que l’efficacité au travail est forcément affectée par le taux d’alcoolémie. Là encore, il s’agit d’une contrevérité flagrante. Car si tel était le cas, il y a longtemps que le Canard aurait déposé le bilan…

Ne me pique pas

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Jusqu’à mardi soir, Roselyne Bachelot m’était plutôt sympathique. Et j’ai regardé le Grand Journal de Canal +1. Elle y était invitée pour nous parler de la fameuse grippe A, et nous rassurer, comme elle l’a dit elle-même.
Denisot l’a interrogée sur les projets de vaccination, massive, et sur la méfiance qui s’emparait des Français vis-à-vis du futur vaccin. Je ne vous le cache pas, je fais partie de ces méfiants. Et je le suis d’autant plus quand je sais qu’un-tiers des personnels de santé, pourtant cibles prioritaires, ne souhaite pas se faire vacciner alors que cette profession figure parmi les plus exposées. Lire la suite.

Une certaine idée de la gauche

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Lénine
Lénine.
Lénine
Lénine.

L’hypostase toujours menace la pensée et rien, sinon la raison elle-même, ne nous en prémunit. Prendre ses idées pour la réalité, le relatif pour l’absolu ou l’historique pour l’immuable : Marx en faisait déjà le grief à Feuerbach lorsqu’il critiquait, en 1845, son Essence du christianisme. Le problème est que l’hypostase hante toujours la gauche française et que le phénomène ne date pas d’hier : il y a cinquante ans, lorsqu’il publiait L’Opium des intellectuels, Raymond Aron dénonçait déjà cette gauche qui, s’affranchissant des déterminations historiques, s’érigeait en un mouvement quasi-messianique, éternel défendeur du Juste, du Vrai et du Bien.

Être de gauche, lorsqu’on est de gauche, c’est se situer toujours du côté moral du manche. En 1998, Lionel Jospin a donné une parfaite illustration de cette conception en proclamant à l’Assemblée nationale que la gauche avait été « dreyfusarde et anti-esclavagiste », contrairement à la droite évidemment. Camarade, choisis ton camp ! Longtemps occupé à faire le pitre chez Trotski, l’ancien premier ministre a certainement séché des cours d’histoire : il se serait aperçu que Pierre Laval avait fait toute sa carrière depuis 1905 en s’acquittant consciencieusement de ses cotisations à la SFIO. Pas à gauche, la SFIO ?

[access capability= »lire_inedits »]L’histoire n’est jamais simple, les idées le sont toujours. Voilà le hiatus : non seulement la gauche se prend pour une idée, mais elle prend l’idée qu’elle se fait d’elle-même pour une réalité absolue. Or, l’existence de la gauche, comme celle de la droite, n’est pas ontologique : elle est historique. La bipolarisation n’est pas une condition sine qua non du politique : l’humanité a, jusqu’à présent, passé le plus clair de son temps à gérer ses affaires sans se poser la question de la droite ou de la gauche. Peut-être a-t-on commencé à distinguer l’une de l’autre au moment de la Révolution française, lorsque les partisans du droit de veto royal se sont rangés à main droite du président de la Constituante tandis que ses opposants se regroupaient à gauche. Encore l’a-t-on échappé belle puisque, si l’on s’en était tenu à la distinction entre la Gironde et la Montagne, la gauche s’appellerait aujourd’hui la « haute » et la droite serait en dessous de tout, dans la « plaine » ou le « marais ». Le fait est qu’en France, ce sont les XIXe et XXe siècles, sous le mouvement conjoint de la Sociale et du communisme, qui ont vu la classe politique se répartir en deux hémisphères. Seulement, la ligne de démarcation entre gauche et droite semble aujourd’hui plus floue que jamais.

Le dernier gouvernement socialiste en France, celui de Lionel Jospin, a deux fois plus privatisé que Jacques Chirac dans ses plus belles années reaganiennes… Quant aux choix de société, ceux qui, paraît-il, restent pour faire la différence, les marges de manœuvre sont tellement réduites qu’ils ne pèsent pas bien lourd pour séparer la gauche de la droite.

Que reste-t-il donc ? Une appartenance presque héréditaire, sur le modèle clanique autrichien : père de gauche, fils de gauche. Des valeurs, peut-être, dont il reste à démontrer qu’elles représentent un véritable clivage dans l’électorat. Des références aussi : un élu socialiste sera plus enclin à citer Blum, tandis qu’un élu UMP inclinera naturellement vers de Gaulle. Et s’il est vraiment sarkozyste, il citera les deux, si possible dans la même phrase, étant bien entendu que le général de Gaulle disait, en décembre 1965 : « La France, c’est tous les Français… C’est pas la gauche, la France… C’est pas la droite, la France… »

L’appartenance, les valeurs, les références. Et puis il y a Martine Aubry qui, dans sa tribune publiée par Le Monde, le 28 août, balaie d’un revers de la main la crise interne que traverse le Parti socialiste pour s’attaquer à la crise, la vraie, celle que connaît notre civilisation. Le Parti est confronté aux mêmes affres que celles du RPR après la défaite de Chirac en 1988 (primaires, rénovateurs, repli sur les bastions locaux, juppéistes droits dans leurs bottes) et la première secrétaire navigue à vue dans le Ciel des idées, sans jamais regarder autour d’elle. Peut-être y rencontrera-t-elle l’idée de la Gauche… Peut-être pas.[/access]

Où sont les femmes ?

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Homer Simpson
Homer Simpson.
Homer Simpson
Homer Simpson.

Nos relations téléphoniques avec les divers services nécessaires à la bonne marche de nos petites affaires quotidiennes – banque, impôts, prestataires de services divers et variés se sont peu à peu convertis à l’aiguillage automatique de nos demandes par des voix qui nous guident dans les méandres de leur organigramme.

Et que constate-t-on ? Les voix qui nous invitent à taper « un », « dièse » ou « étoile » pour parvenir à la personne compétente (ou qui se prétend telle) sont exclusivement féminines et, de plus, formatées pour n’avoir aucune aspérité susceptible d’accrocher nos fantasmes. Pas le moindre accent de terroir permettant de rêver à une piquante brunette méridionale, ni de fond de gorge rauque laissant imaginer ce à quoi la demoiselle du téléphone occupe ses loisirs en dehors du service.

[access capability= »lire_inedits »]Nous vivons dans une sorte d’aéroport extensible à l’infini, où le son d’une voix féminine désexualisée est censé calmer le stress engendré par l’anxiété générée par une confrontation avec une technologie qui nous dépasse.

Par exemple, lorsque je veux procéder à un transfert d’appel de mon téléphone fixe vers mon portable, voici ce qui se passe :

(Petite musique supposée relaxante) Elle : « Ici le 3000. Cet appel est gratuit. Que désirez-vous ? »

Cette sollicitation de mon désir me laisse perplexe, car tout est fait pour qu’il se limite à prononcer quelques phrases rituelles comprises par la machine qui parle, et qui a le culot de dire « je » quand elle vous fait savoir qu’elle a réalisé votre vœu.

Un jour, un plaisantin responsable des annonces sonores à la gare de Lyon a eu l’idée, validée par sa direction, de remplacer pendant quelques heures la voix formatée informant les voyageurs sur les numéros de quai et autres aléas de la vie ferroviaire par celle de Homer Simpson (version française). On sentit alors une onde jubilatoire se répandre dans la foule triste.[/access]

Yes, we can’t !

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Gazoduc

Gazoduc

Un grand philosophe trop tôt disparu, Robert, dit « Bobby », Lapointe nous raconte, dans une parabole mammaire, qu’une certaine Françoise, que l’on appelait Framboise, était parvenue à augmenter le volume de sa poitrine grâce à « un institut d’Angers, qui peut presque tout changer, excepté ce qu’on ne peut pas ».

À l’heure du « Yes, we can ! » et du ressassement à l’infini de la possibilité d’un autre monde conçu et réalisé par des hommes meilleurs, il n’est pas inutile de rappeler cet « excepté ce qu’on ne peut pas ». Celui-ci distingue la pensée lapointienne des idéologies post-modernes de la volonté proclamant la toute-puissance de l’homme sur son destin individuel et collectif. Lapointe ne stigmatise pas le progrès des sciences et des techniques, mais il en marque la limite.

[access capability= »lire_inedits »]En quelques décennies, on est passé de l’utopie d’un homme nouveau bâtissant une société idéale, prospère et solidaire, à une eschatologie du sauvetage en catastrophe d’une planète menacée par l’homme ancien, bousilleur impénitent de son environnement.

Il faut changer de comportement, au nom du respect que l’on doit aux générations futures : tel est l’impératif catégorique des instances dirigeantes morales et politiques qui ont trouvé là un moyen fort commode de gestion de la foule. Un citoyen culpabilisé, renvoyé sans cesse à la trace carbone qu’il laisse dans son sillage d’homo economicus, sera moins enclin à faire porter aux détenteurs du pouvoir la responsabilité de ses misères quotidiennes.

C’est ainsi que s’est imposée l’escroquerie consistant à faire croire qu’une mortification individuelle – une privation consentie des commodités liées à l’utilisation des énergies fossiles – fera de vous, le petit, le sans-grade, un sauveur de notre planète et un bienfaiteur de l’humanité à venir. Le schéma, reconnaissons-le, est loin d’être nouveau, puisqu’il a fonctionné à la satisfaction générale pendant deux millénaires : les souffrances subies en ce bas monde seraient la meilleure garantie d’une éternelle félicité dans l’autre.

La version nouvelle de la rédemption individuelle confère de surcroît aux mortels que nous sommes une illusion de puissance qui nous rapproche de ce ou ces dieux réputés morts : si je suis capable, par ma seule volonté, de faire baisser la température moyenne de la Terre d’un degré, je dépasse mon humanité pour accéder à la surhumanité. Je ne subis plus mon destin, je détermine celui de mon espèce.

On n’entrera pas ici dans les querelles entre « réchauffistes » et « anti-réchauffistes ». Admettons que les prévisions apocalyptiques des premiers soient pertinentes. Même dans cette hypothèse, qui fait la part belle aux origines anthropiques du réchauffement climatique planétaire, il reste que l’on peut tout changer, « excepté ce qu’on ne peut pas ». On ne peut pas taxer les taches solaires, les courants marins, les volcans, qui n’ont aucune compassion pour le sort des générations humaines à venir. À supposer, ce qui n’est pas gagné, que les populations des pays émergents acceptent de renoncer à rattraper les vieilles puissances industrielles en matière de consommation, on est encore loin du compte pour que chacun d’entre nous puisse se considérer comme le maître du climat. « Mais, au moins, on aura fait quelque chose ! », se défendent les promoteurs de l’ascèse écolo, quand on les confronte au caractère dérisoire des effets attendus de programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre aux coûts ophtalmocéphaliques.

Il est en effet difficilement supportable, pour un être doté d’un minimum de cette common decency chère à George Orwell, de se rendre sans combattre, même si l’issue du combat semble raisonnablement désespérée.

Cette attitude, qui paraît au premier abord relever d’une saine approche éthique des problèmes auxquels nous sommes confrontés, se révèle à l’examen méprisante pour nos descendants et stérilisante pour la pensée de nos contemporains.

Dans la longue durée de l’histoire de l’humanité, on a pu constater que l’espèce homo sapiens s’était adaptée avec succès à des variations climatiques de son environnement beaucoup plus importantes que celle prévue pour notre siècle par les experts de la tendance alarmiste.

C’est même une caractéristique de l’espèce de pouvoir survivre aussi bien dans les régions arctiques qu’aux alentours de l’équateur. On ne voit pas ce qui pourrait empêcher ces fameuses générations futures de déployer leur génie dans un contexte géoclimatique quelque peu modifié. Ils seront tout à fait capables de créer des stations balnéaires au Groenland si le temps le permet et d’édifier, là où cela se révélera nécessaire, les ouvrages d’art capable de protéger les côtes contre l’élévation du niveau des océans. Les Hollandais ont, dans ce domaine, une expérience qui peut être utile. Et il n’est pas interdit de penser qu’ils élaboreront de nouveaux concepts et de nouveaux produits adaptés à leur environnement car, jusqu’à preuve du contraire, l’élévation de la température ne produit pas l’abaissement concomitant du Q.I. moyen des populations.

D’autre part, la domination de la pensée apocalyptique étouffe le débat sur la politique à mettre en œuvre aujourd’hui pour parer à l’éventualité du réchauffement climatique, une fois reconnue son inévitabilité et notre impuissance relative à l’enrayer. Imaginons une pensée positive et joyeuse du réchauffement, qui en soulignerait un certain nombre de bienfaits et qui stimulerait les énergies pour trouver des solutions aux désagréments qu’il provoque. Cela nous reposerait des jérémiades et injonctions comminatoires des flics de la pensée verte.[/access]

À tout prix ?

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Berlusconi et Kadhafi
Faire du commerce avec des gangsters a un prix. Après les Italiens et les Suisses, à qui le tour de s"humilier devant le "Guide" ?
Berlusconi et Kadhafi
Faire du commerce avec des gangsters a un prix. Après les Italiens et les Suisses, à qui le tour de s'humilier devant le Guide ?

Oui, on a honte pour la Suisse, et on partage la colère d’Alain Campiotti, citoyen helvète humilié et journaliste avisé[1. L’un des meilleurs que je connaisse et l’un de mes maîtres dans ce domaine.]. C’est qu’au championnat du monde de léchage de bottes, la Confédération obtient sans conteste la médaille d’or. Le colonel Kadhafi n’était peut-être pas content que la justice suisse ait embêté l’un de ses rejetons – lequel n’avait jamais fait que tabasser son petit personnel dans un palace genevois. Mais le président Merz était-il obligé de courir se prosterner devant le gangster de Tripoli ? Il y a là quelque chose d’embarrassant. Et même de glaçant. C’est que cette épopée révèle peut-être un monde dans lequel nous sommes et serons de plus en plus dépendants de cliques corrompues, de satrapes sanguinaires et d’intégristes délirants. Pas parce qu’ils ont du pétrole. Parce que ce sont nos clients, donc nos emplois. Et on ne choisit pas ses clients.

[access capability= »lire_inedits »]Pas ça, pas nous. Il est vrai qu’avec nous, on met les formes. Nous ne sommes pas n’importe qui. Nous pesons (encore ?) assez économiquement, donc politiquement, pour qu’on ait quelques égards. Il nous est bien arrivé d’exfiltrer quelques terroristes et de mettre sous le boisseau des enquêtes fâcheuses. De l’histoire ancienne. Bien sûr, récemment, on a dû dresser des tentes dans les jardins de Marigny pour que le zozo libyen ne soit pas trop dépaysé. Mais enfin, quand on lui a envoyé Guéant et Cécilia Sarkozy, il les a reçus bien poliment et leur a remis les infirmières bulgares. Et puis, il a renoncé à sa bombinette et, pour ça, même les Américains ont trouvé qu’il méritait une petite sucrerie. Eux aussi ont des trucs à vendre.

Kadhafi s’en prend à la Suisse parce que c’est facile et, d’ailleurs, par les temps qui courent, personne ne s’en prive ; avec son or, son secret bancaire et sa neutralité, la Suisse est le bouc-émissaire idéal. Nous sommes révoltés par la résignation avec laquelle ses citoyens acceptent voire encouragent l’indignité de leurs dirigeants. En matière diplomatique, il est assez rare que les gouvernants aux yeux rivés sur les sondages prennent leur opinion à rebrousse-poil. Bref, on a la politique étrangère qu’on mérite.

Nous sommes convaincus d’être meilleurs que les Suisses – et que les Italiens qui se sont excusés sur tous les tons pour leurs crimes passés. On imagine mal Sarkozy se comporter comme Merz, d’abord parce qu’on ne le voit pas dans le rôle (enfin moi, je ne l’y vois pas) et ensuite parce que le barouf médiatique serait tel qu’il ne s’y risquerait pas. La démocratie d’opinion a parfois du bon. Cela dit, nous ignorons tout des contorsions de nos entreprises, toujours prêtes à cirer les pompes des régimes qui les accueillent, à jurer aux pays arabes qu’elles boycottent Israël, à engueuler les journalistes qui donnent une vision caricaturale de la réalité (il arrive que ce soit faux et que la réalité soit plus caricaturale encore). Nous oublions les commissions colossales versées pour vendre nos excellents matériels militaires. Bref, nous ne savons rien des mille petites et grandes bassesses commises pour notre bien. Ce qui nous amène aux contradictions internes du peuple évoquées dans ce numéro par Marc Cohen et Aimée Joubert ou, pour le dire autrement, à la question des causes et des conséquences. Les mêmes qui manifestent un jour pour protester contre le voyage de Sarkozy à Pékin seront tout prêts à défiler le lendemain pour protester contre les suppressions d’emplois à Alsthom ou Areva. Or, c’est déplaisant mais c’est ainsi : si on énerve trop les Chinois, ils ne nous achèteront pas de centrales nucléaires ni de TGV. Et ils iront les acheter à nos alliés à l’échine plus souple. Et les Chinois ne sont pas les pires. Le libre-échange frénétique et la concurrence acharnée qui en résulte nous condamnent à vendre toujours plus et donc à avoir toujours plus de clients, notamment dans cette vaste zone qu’on appelle le « Sud » où se trouvent précisément les régimes les moins fréquentables. S’il faut sauver nos emplois à tout prix, il n’y a qu’à s’écraser. Devant les Chinois et devant tous les autres.

Il ne s’agit pas de prôner un angélisme absurde ou d’exiger un certificat de bonne conduite des gens qui achètent nos produits mais, au moins, de refuser de se laisser marcher sur les pieds. Reste à savoir quel prix nos sociétés repues, et qui entendent bien le rester, sont prêtes à payer pour leur honneur – pour notre honneur. Je ne suis pas sûre de vouloir connaître la réponse.[/access]

Nous nous sommes tant aimés

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ecole

Une femme aux allures de SDF mais dont on devine qu’elle fut très belle autrefois entre dans un bureau luxueux. Un vieux beau, élégant, est assis dans un fauteuil club. Il lit un livre d’Alain Minc à moins que ce ne soit de Jacques Attali. Au mur, un portrait de Jaurès est décroché par un employé qui le remplace par un portrait de Tony Blair.

– Bonjour, Socialisme…
– Bonjour, Madame.
– Tu ne me reconnais même plus, c’est bien ce que je pensais…
– Je suis désolé, mais…
– Nous nous sommes tellement aimés autrefois, et depuis tellement longtemps. Vraiment tu ne me reconnais pas ?
– Je ne… Ah si, j’y suis, vous êtes Culture ! C’est vrai que ces derniers temps, j’ai moins fait attention à toi mais Jack Lang est vieux, maintenant, et puis il flirte de manière indécente avec Sarko… Mais, mais tu pleures !
– Je le savais que tu m’avais oublié, que tu ne m’aimais plus… J’ai pourtant été ton grand amour, ton seul amour même, à une époque. Nous étions si heureux. Tu comptais sur moi pour émanciper le peuple, et parfois gagner les élections. Et moi, je te donnais ce que j’avais de meilleur. On a eu ensemble de beaux enfants, on s’est même souvent battu pour une de nos plus jolies filles : Laïcité. Tu l’as aussi oublié, elle ?
– Oh, je t’en prie, pardonne-moi, tu es Ecole. Mais…
– …mais j’ai vieilli, c’est ça ? J’ai une sale gueule…
– Non, tu as l’air peut-être un peu fatiguée mais tu as encore de beaux restes…
– Tu as vu comment tu parles ? Tu crois faire mode, comme tes jeunes loups, ces fils que tu as faits à force de me tromper avec Economie de marché. Entre nous soit dit, méfie-toi du petit Valls. Il en est à renier ton nom, à trouver que ça fait vieux jeu. Economie de marché, la gourgandine, dire que j’ai accepté des plans à trois avec toi et elle en espérant te garder. Les partenariats écoles-entreprises, les établissements scolaires gérés par des chefs d’établissements qui ont suivi des cours de management participatif et confondent leur collège avec une PME. Oui, j’ai accepté ça, pour toi…
– Il le fallait, c’est ça la modernité… Tu ne vas pas écouter Debray et Finkielkraut ? Me ressortir les hussards noirs de Péguy ?
– Et pourquoi pas ? Tu as vu tout ce que tu m’as fait subir depuis vingt ans ? Jospin, Allègre, Meirieu, tous les pédagogistes. Les gifles que j’ai reçues, les humiliations. Il m’a même traitée de mammouth, ton Allègre. Il t’a bien trahi aussi, lui. Bien fait pour toi. Sans compter la Royal qui voulait faire bosser les profs de collège sur le lieu de travail trente-cinq heures en les traitant de feignasses.
– Mais qu’est-ce que tu me veux, à la fin…
– Que tu t’occupes un peu de moi, que tu te souviennes que sans moi tu perds une bonne partie de ce qui faisait ton identité. Tu as vu comment on me traite, sous Sarkozy ? J’ai perdu plus de trente mille postes en deux ans, on voit mes os sous la peau. On veut transformer mes lycées et collèges en bunkers sécurisés où l’on ferait de l’animation et surtout pas de transmission, on bousille la carte scolaire histoire de ghettoïser encore un peu plus nos villes, ce qui est en train d’achever ma vieille copine, Mixité Sociale, qui meurt au service des soins palliatifs de la République.

A ce moment, une jeune fille arrive. C’est Ecologie. Elle est jeune et arrogante, elle est habillée comme une bobo branchée avec des fringues ethniques de luxe. La dominante est verte. Elle n’a pas un œil pour Ecole.

– Alors, Socialisme, tu te dépêches, on sort ce soir. Grouille toi, sinon j’accepte l’invitation de Modem. (Elle désigne Ecole.) C’est qui cette pouffe ?
– Ne t’inquiète pas, Ecologie. Une vieille dame. Elle radote des problèmes sans intérêts. Ce n’est pas comme toi, ma belle, avec tes pistes cyclables, tes énergies renouvelables, ta décroissance.

Ils s’en vont bras dessus bras dessous. L’Ecole reste seule dans le bureau. Elle voit le portrait de Jaurès laissé par terre. Elle pleure.

Ségolène n’est plus au zénith

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Pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir assister à la seconde Fête de la fraternitude organisée ce week-end à Montpellier, sachez que Ségolène Royal y a appelé au « dépassement » du Parti socialiste et à la constitution d’un « mouvement puissant et accueillant que le pays attend ». Mais le clou du spectacle, c’était incontestablement sa grande scène du III où l’oratrice a répondu vertement aux critiques dont elle est l’objet à l’intérieur même du PS, et plus spécialement celles de ses anciens amis. Valls, Peillon, Bergé et autres traîtres ne vont pas en dormir la nuit : quand Ségo dégaine la métaphore, c’est du lourd. « Le microcosme parisien a entamé la mise en accusation répétitive et obsessionnelle de la solitude, comme si quelques notables de la politique en attente de jours meilleurs et allant faire leur marché ailleurs comptaient davantage que vous tous, qui donnez généreusement votre temps, vos déplacements, vos énergies. » On espère sincèrement que le charlot qui a écrit ce discours ne l’a pas facturé 40 000 € à Désirs d’avenir…

La médecine douce, une drogue dure

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pilules

Il m’arrive quand j’ai trop de travail, trop de clients, trop de charges de ne plus savoir où donner de la tête. Ce surmenage ne menace pas mes méninges, car j’ai une santé mentale à l’épreuve des balles, mais mon corps a ses limites et c’est lui qui morfle. Quand j’en ai plein le dos, j’ai souvent mal au dos.

En refusant de croire aux maladies, je parviens à décourager les plus bénignes, mais il y en a toujours qui se moquent de mon stratagème et viennent me faire payer le prix fort mon goût pour le blasphème. C’est alors que je tombe malade.

Quand l’idée d’affronter une salle d’attente pleine de gosses souffreteux et braillards ne suffit pas à me guérir, je déguste et ça se voit. Autour de moi, quelqu’un finit toujours par s’en apercevoir et, animé par ce sentiment étrange qu’on nomme « compassion », tente de me porter assistance. Rongé par le mal, je ne perds pas une minute pour tenter de percer les mystères de la psychologie chez les autres humains et je saisis la main charitable que d’ordinaire j’ignore.

C’est alors que le désenchantement commence. Les gens les plus intéressés par la chose médicale sont souvent victimes des modes les plus fumeuses et, bien souvent, on m’invite à accorder toute ma confiance à ce qu’on appelle la médecine douce.

Je veux bien croire à l’efficacité de ces remèdes de bonnes femmes qui ont traversé les siècles, mais qu’on m’épargne les remèdes de femmelettes.

Il y a dans les termes « médecine douce » quelque chose qui me rappelle cette phrase de Chirac qui me mit en colère et me fit tant honte : « Il faut désarmer Saddam Hussein pacifiquement. »

Je vous prie de m’excuser, mais je refuse qu’on prenne le mal qui me plie en deux par les bons sentiments, j’exige une riposte totalement disproportionnée. Je ne peux pas croire que la fièvre qui me cloue au lit puisse être terrassée par des plantes et je veux toute la puissance industrielle au service de mes muscles, mes nerfs ou mes os.

Qu’on me lâche avec les essences de ceci ou les évanescences de cela, autant brûler un encens pour l’âme des ongles réincarnés. Je préfère avaler du missile chimique intelligent chargé de têtes nucléaires. Qu’on s’abstienne de me passer de la pommade pour retrouver ma santé, pas d’huiles essentielles, du napalm.

Au cœur de l’Occident rationnel et scientifique, qu’on ne vienne pas me gonfler avec des foutaises ayurvédiques, qu’on laisse où ils sont et pour ce qu’ils sont gourous, vaudous et marabouts. Qu’on me répare, c’est tout.

J’accepte à la limite qu’on parle à mon cul quand ma tête est malade, c’est toujours ça de pris, mais je ne laisserai personne me planter des épines dans les pieds quand j’ai la migraine.

Pas de paix négociée avec les saloperies qui m’infectent, ma thérapie, je la veux au laser et radioactive. Qu’on ne me parle surtout pas de mon horloge biologique et des cent gouttes à ne prendre que le matin. Je veux de la blitzkrieg sur ordonnance qui se fout de l’heure qu’il est, de la solution finale pour les ennemis de mes forces vitales, de l’apocalypse programmée pour les envahisseurs microbiens.

Je laisse à d’autres les doses homéopathiques. Qu’on m’apporte des pilules de destructions massives, de la bombe à fragmentation par plaquettes de douze, du suppositoire de combat longue portée.

Gardez vos soins qui caressent dans le sens du poil, donnez-moi de la science exacte et foudroyante, aux effets aussi attendus que l’ongle qui noircit sous le coup du marteau.

Que la douceur reste le monopole des femmes et de l’amour, et que la médecine reste guerrière. Tant pis pour les dommages collatéraux, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, alors faites-moi de la médecine sans me casser les noix. Promettez-moi du sang, de la sueur et des larmes, je vous suis. Autrement, allez-vous faire foutre, ok ?

C’est dit et ça fait du bien ! Un bon coup de sang matin et soir contre les charlatans, rien de tel pour rester en forme pendant longtemps. Finalement, ça a du bon cette médecine de gonzesse, je retire tout ce que j’ai dit.

Ne me pique pas (Disco Remix)

34

Romell Broom vient de passer un sale quart d’heure. Cet Américain de 53 ans, condamné à mort pour viol et meurtre, devait être exécuté, mardi dernier, par injection létale, comme le prévoient les lois de l’Ohio. Manque de bol, ses bourreaux n’ont jamais réussi à trouver les veines ad hoc et donc à mener leur tâche à bien. Deux heures durant, ils ont tâtonné, piquouillé, injecté. En vain : c’est vivant mais hurlant de douleur que Romell a été ramené dans sa cellule. Le gouverneur de l’Etat a annoncé qu’on procéderait à une nouvelle tentative dans dix jours, le temps, sans doute, que ses dizaines d’hématomes se résorbent. Un drame comme on ne risque pas d’en voir chez nous, la peine de mort ayant été abolie, et la vaccination antigrippe n’étant pas encore obligatoire

Borloo : un scoop à l’eau

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Jean-Louis Borloo ne trébuche pas dans les escaliers.
Jean-Louis Borloo ne trébuche pas dans les escaliers.
Jean-Louis Borloo ne trébuche pas dans les escaliers.

Quelles leçons tirer, avec un peu de recul (trois jours) et beaucoup d’aléas collatéraux, de la retentissante affaire de ministre pochtron débusquée par le Canard Enchaîné et des événements qui l’ont suivie ?

Tout d’abord le rappel des faits : dans leur édition de mercredi dernier, nos confrères palmés affirment que Jean-Louis Borloo était fin bourré jeudi 3 septembre, dans la cour de l’Elysée, où il venait de rencontrer, au côté du Président, Cécile Duflot, des Verts, pour causer taxe carbone. C’est après cette entrevue qu’on aurait vu le ministre de l’Ecologie trébucher à maintes reprises dans les escaliers et bafouiller quelques propos incompréhensibles en lieu et place de sa déclaration officielle sur ledit entretien. Circonstance aggravante, des images de cette virée diurne aurait été captées par un intrépide caméraman de France 2, pour être détruites aussitôt par des responsables de la chaîne publique.

Tous les ingrédients d’une bien bonne poilade étaient donc réunis, à ceci près que tous les témoins de l’après-midi en question se sont accordés pour dire que Borloo était parfaitement sobre, à commencer par Cécile Duflot. Même capilotade côté France 2 où la thèse des images « détruites » s’écroule lamentablement en 24 heures chrono. Tant pis pour la belle affaire, donc, mais le pire n’est pas là. Car comme dirait Marc Lévy : « Et si c’était vrai ? » Eh bien, à mon humble avis, il n’y avait pas non plus de quoi en faire toute une histoire (un conseil que Marc Lévy aurait dû suivre aussi, mais, justement, c’est une autre histoire).

Honnêtement, je ne vois pas bien le drame s’il avait, ce jour-là, abusé de Chassagne-Montrachet ou de Glenlivet. Parce qu’entre nous, même s’il est beurré comme un petit Lu, le Borloo, il va se passer quoi ? Il n’a pas accès au bouton rouge de la force de frappe tactique. Il n’est pas habilité à déclarer la guerre à un pays voisin, fut-il pollueur. Enfermé toute la journée dans un ministère qui ne sert à rien, son pouvoir de nuisance est par conséquence réduit à néant. Qu’il se bourre la gueule aurait été très excusable, qu’il soit de fait resté abstinent ce jeudi-là est carrément héroïque, personnellement je serais totalement incapable capable, à jeun, de supporter sans moufter les âneries de la Duflot

Deuxio, l’article du Canard contient de graves erreurs scientifiques sur l’alcoolisme, un trait de caractère qu’on impute souvent au ministre en question. Quand il a picolé, l’alcoolo ne bafouille, ni ne trébuche. Ça n’arrive, au contraire, que quand il s’est mis à la San Pé ou au Coca Zéro.

Tertio, ce même article, affirme, sans avancer la moindre preuve scientifique, que l’efficacité au travail est forcément affectée par le taux d’alcoolémie. Là encore, il s’agit d’une contrevérité flagrante. Car si tel était le cas, il y a longtemps que le Canard aurait déposé le bilan…

Ne me pique pas

19

Jusqu’à mardi soir, Roselyne Bachelot m’était plutôt sympathique. Et j’ai regardé le Grand Journal de Canal +1. Elle y était invitée pour nous parler de la fameuse grippe A, et nous rassurer, comme elle l’a dit elle-même.
Denisot l’a interrogée sur les projets de vaccination, massive, et sur la méfiance qui s’emparait des Français vis-à-vis du futur vaccin. Je ne vous le cache pas, je fais partie de ces méfiants. Et je le suis d’autant plus quand je sais qu’un-tiers des personnels de santé, pourtant cibles prioritaires, ne souhaite pas se faire vacciner alors que cette profession figure parmi les plus exposées. Lire la suite.