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Obamania : pas de trêve des confiseurs

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Que dirait-on d’un homme d’Etat qui resterait en vacances alors qu’un événement sème l’inquiétude dans son pays ? La presse aurait vite fait de souligner son irresponsabilité ou son je-m’en-foutisme. Jean-François Mattéi a été démissionné pour moins que ça : en pleine canicule, le salaud était apparu à la télé en chemise hawaïenne. Heureusement que Barack Obama n’est pas un homme politique comme les autres. Un attentat vient d’être déjoué aux Etats-Unis, le spectre de 2001 hante à nouveau les esprits américains, mais lui choisit de rester en vacances à Hawaï, les doigts de pieds en éventail. Résultat, l’AFP titre : « Attentat manqué : Obama tenu informé. » Le cador mondial n’hésite pas à être « tenu informé » quand il est en vacances : ça mériterait vraiment un deuxième Nobel !

Benoît Duteurtre, pape d’opérette

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operette

Le samedi matin, après sa semaine de turbin, le bobo parisien s’en va généralement bruncher avec sa petite famille recomposée dans un bistrot branché d’un arrondissement tendance.

S’il savait, le pauvre, que cette coutume le prive de ce qui se fait de plus chic en matière de radiodiffusion, à savoir Etonnez-moi, Benoît tous les samedis de 10h30 à midi sur France Musique, il enverrait sa femme à l’aquagym, et ses mômes au club de poney. Une fois la maison vide, il déboucherait délicatement une bouteille de Quincy rafraîchie, mais pas glacée, disposerait quelques pistaches dans une coupelle ramenée de Lisbonne, et allumerait le poste à la demie pile de dix heures sur la fréquence FM de France-mu correspondant à son lieu de résidence. Je ne dis pas cela pour faire de la peine à l’excellent Emmanuel Davidenkoff qui officie auparavant, mais le silence qui précède du Duteurtre est déjà du Duteurtre, et il serait dommage de s’en priver.

Fernandel, Bourvil, Dranem, Suzy Delair, Marie Dubas, Marcel Amont, j’en passe, et des meilleurs, s’inviteront alors dans son salon. S’il se trouve que des victimes du tsunami yéyé des années soixante soient encore de ce monde, elles ne couperont pas à une invitation au cours de laquelle Benoît Duteurtre, le taulier, leur fera évoquer les heures de gloire de la chanson française. Cette propension à honorer compositeurs, musiciens et interprètes tombés dans un injuste oubli a même fait peser sur Duteurtre l’infâme soupçon de gérontophilie, une perversion que nos modernes Savonarole ne devraient pas tarder à ériger en fléau social majeur.

Ce Benoît-là traite avec le plus grand sérieux et une érudition sans faille les genres musicaux que d’autres, pour faire les malins, brocardent et méprisent pour afficher qu’ils sont, eux, les maîtres du bon goût. On se souvient, par exemple, de l’esclandre d’Alain Cuny, au festival de Cannes traitant de « bouffon » (au sens propre, pas zyva) Dario Moreno effectuant une prestation chantée devant le gratin du cinéma mondial. Avec le recul, le bouffon en question n’est peut-être pas celui qui fut ainsi désigné.

Mais le « cœur de métier » de Benoît Duteurtre, quand il n’écrit pas de romans, c’est l’opérette, et plus précisément l’opérette française, celle dont Camille Saint-Saëns disait :  » l’opérette est une fille de l’opéra-comique. Une fille qui a mal tourné. Mais les filles qui ont mal tourné ne sont pas toujours sans agrément ». Le livre [1. L’opérette en France (Fayard)] qu’il lui consacre est une réédition d’une première mouture parue en 1997, puissamment enrichie des études et rencontres effectuées par l’auteur pour la réalisation de son émission hebdomadaire, dont il vient de fêter le dixième anniversaire.

Et puis, pourquoi ne pas s’en glorifier, au risque de se faire traiter de franchouillard ou de laquais d’Eric Besson, l’opérette, ce genre musical populaire qui parodie l’opéra pour le pur plaisir du divertissement des foules est un genre musical qui est né, s’est développé, et hélas, étiolé en France pendant plus d’un siècle, du milieu du XIXème siècle jusqu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale. De Paris, elle migra vers Vienne (Franz Lehar), Londres (Gilbert et Sullivan), New York (Broadway et les frères Gershwin) et en bien d’autres lieux où elle remplit les salles pendant des décennies. Ce n’est pas parce qu’un genre est qualifié de mineur que ceux qui l’ont illustré sont interdit de génie : nous voilà tout droit conduit à citer Jacques Offenbach, sans lequel Paris ne serait plus Paris. Mais ce n’est pas le propos de Duteurtre que de se contenter, comme beaucoup, d’encenser Offenbach pour mieux dégommer les musiciens, librettistes et acteurs qui s’y consacrèrent sans parvenir aux sommets atteints par le  » Mozart des Champs-Elysées ».

Il rend à chacun, Hervé, Lecocq, Messager, Yvain, Planquette et bien d’autres l’hommage qui leur est dû. Leur évocation réveillera chez les plus anciens d’entre nous quelques mélodies bien enfouies dans notre mémoire depuis que nous les écoutions à la TSF pendant que maman se livrait au repassage. « Poussez, poussez l’escarpolette… »  » Nous avons fait un beau voyage (bis)… « Digue, digue, digue, digue digue don, sonne, sonne, sonne, joyeux carillon… ». C’était mon rap à moi qui en vaut bien un autre.

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Nora Berra se moque du monde !

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Devant le déficit grandissant de la branche maladie de la sécurité sociale, la destruction méthodique par le libéralisme du système de retraites par répartition et la perspective prochaine de la multiplication des centenaires, les gouvernements successifs tentent tout et n’importe quoi pour éliminer cette insupportable pression démographique. Autant on pouvait apprécier la façon efficace dont avait été gérée la canicule de 2003 (près de vingt mille vieillards au tapis) autant on peut discuter le côté amateur, voire farcesque de la secrétaire d’Etat aux Ainés, Norah Berra pour régler la question vieille. Une sexagénaire de Rochefort a en effet été gravement blessée par une balle de calibre 22 en ramassant un stylo orange devant un bar PMU où elle venait de faire son loto. Il s’agissait en effet d’une arme déguisée d’un modèle inconnu en France. Madame Berra, il ne suffit pas de quitter bruyamment une réunion de députés UMP pour se faire un nom ! Encore faudrait-il preuve d’un peu de sérieux : ces gadgets sont ridicules, et manifestement inefficaces.

Esprit de Noël, es-tu là ?

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L’esprit du sport n’est peut-être pas mort dans ce milieu gangréné qu’est le football professionnel. Est-ce l’approche de Noël qui a touché le joueur slovène de l’AJ Auxerre Valter Birsa ? Toujours est-il qu’après une faute inexistante de son adversaire ayant entraîné l’expulsion d’icelui, le joueur icaunais s’est rendu auprès de l’arbitre afin de plaider la cause du Marseillais lequel, finalement, a été rappelé sur le terrain. Alors que le commun des footeux d’aujourd’hui serait allé parader auprès de ses partenaires pour rire du bon coup infligé à l’adversaire, Valter a décidé que non, décidément, on ne pouvait pas gagner de cette manière. Précisons que le score était, à ce moment de la partie, de zéro à zéro. Comme une récompense pour ce geste rare de fair-play, son équipe l’a finalement emporté au Stade Vélodrome par deux buts à zéro.

Dieu est un fumeur de Havane, pas l’Etat

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Flickr / Bright lights from giantwheel !
Flickr / Bright lights from giantwheel !

Dans la guerre de cent ans qui opposent les états hygiénistes aux fumeurs résistants, une nouvelle étape vient d’être franchie par l’agresseur schizophrène big motherien qui ramasse les taxes d’un côté et dissuade de manière de plus en plus traumatique ses pauvres enfants de l’autre, pourtant juste d’aimables usagers de l’herbe à Nicot parfois agrémentée d’herbe tout court, et qui n’avaient rien demandé à personne.

Le ministère de la Santé a en effet décidé d’illustrer les paquets de clous de cercueil par de jolies images chocs l’année prochaine. Il y a bien eu quelques escarmouches picrocholines entre les cigarettiers et diverses associations pour s’accorder sur la surface occupée par l’image mais toujours est-il que la danse macabre va commencer sur le tabac virginien et que ça va swinguer funèbre sur le paquet de gris : à nous les bouches dévastées, parsemées de chicots noirâtres comme les ruines d’un village afghan après le passage de l’aviation alliée ; à nous les poumons aux alvéoles asphyxiées, carbonisées, goudronnées comme les environs de Tchernobyl après un accident de Centrale. À nous encore, le visage crispé de souffrances de l’honnête homme soumis aux prodromes de l’infarctus comme un vulgaire détenteur de placements à risques ou un insouciant qui a mis sa fortune entre les mains de Bernard Madoff. Et tout ça, dès la première cigarette du matin, celle qui est la meilleure avec son petit choc nicotinique si plaisant, l’ancien fumeur que je suis s’en souvenant avec bonheur.

Ce sera évidemment, comme d’habitude totalement inefficace, et pour une raison simple : ce sont encore une fois des méthodes anglo-saxonnes infantilisantes qui ne peuvent pas fonctionner avec une psychologie latine, c’est à dire adulte. Nous caricaturons à peine. Ce que l’on demande à l’Etat, encore une fois, sous nos latitudes, ce n’est pas de nous dire comment faire l’amour, comment jouir, ce qu’il convient de manger, si nos enfants de treize ans ont le droit de rester ou non devant tel film ou telle émission. Ce qu’on lui demande n’est pas cette administration de plus en plus tatillonne de notre vie quotidienne, de ses plaisirs, de ses joies ou de ses deuils. Je veux pouvoir manger gras, boire sec et décider de ce qui est plus obscène pour un adolescent, à savoir un film de Bunuel ou un reportage sur une rafle de sans papiers avec le commentaire satisfait du journaliste de garde

Il ferait mieux, l’Etat d’empêcher le dépeçage des derniers Services publics plutôt que de s’occuper de qui est dans mon lit, de comment je m’y prends et si on fume après (je ne sais pas, je n’ai jamais regardé…). Il ferait mieux, l’Etat, de s’occuper de la sécurité dans les quartiers que de légiférer sur la teneur en sel des aliments de toute manière trafiqués par l’industrie agro-alimentaire. Il ferait mieux de nationaliser les banques pour réorienter le crédit vers l’investissement dans l’économie réelle que de fantasmer sur les conduites à risques de toute une jeunesse avec la drogue, conduites à risques dont il a par ailleurs largement sa part dans le climat dépressif qu’il a partout instauré.

Et puis, pour cette question du tabac, comme pour tant d’autres, c’est bien mal connaître les adolescents que de penser que des photos gore les empêcheront de passer à l’acte en achetant leurs premiers paquets. C’est tout le contraire : je ne parle même pas ici de cette attirance pour la transgression que l’on a tous connue mais tout banalement de l’ « effet collection », genre images Panini de l’horreur :
– Oh allez, sois sympa, je t’échange mon cancer de la mâchoire contre ton insuffisance coronarienne !
– Tu rigoles, je l’ai déjà en double. En revanche, si t’as la pyrrhole alvéolaire, je veux bien…

Quant aux fumeurs de cigares, eux, on ne viendra évidemment pas les embêter avec ces horreurs. La lutte des classes, comme le diable, se niche aussi dans ce genre de détails. Le trader amateur d’un bon Hoyo de Monterrey ne sera pas importuné par la propagande sanitaire. C’est vrai qu’en théorie, il n’avale pas la fumée.
Seulement les bonus de fin d’année.

Proche Orient : du passé faisons table rase !

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Jérusalem

De retour d’un séjour en Israël, j’ai retiré de deux semaines de tribulations chez les Hébreux l’impression que les discours tenus dans nos contrées, aussi bien par les admirateurs que par les détracteurs de l’Etat juif, n’étaient pas de nature à nous rendre plus intelligents, ni surtout à faire avancer d’un millimètre la solution du conflit en cours depuis plus d’un demi-siècle.

La fixation de toutes les chancelleries sur la solution dite « de deux Etats pour deux peuples », l’espoir de voir un Barack Obama imposer d’une main ferme, mais juste une solution de compromis aux deux parties apparaissent à l’observateur attentif que j’ai tenté d’être comme des chimères. Elles ne tiennent pas compte d’un réel aussi épais que désespérant pour les hommes et les femmes épris de paix, comme on appelait jadis les rêveurs au temps de la guerre froide.

Si l’affaire des deux Etats pour deux peuples n’a pas marché jusqu’à ce jour, c’est, explique-t-on généralement, la faute des dirigeants, sur le terrain ou à la tête des grandes puissances, qui sont soit trop faibles pour imposer à leurs peuple les compromis nécessaires, soit trop partiaux, comme George W. Bush, soit encore inexistants parce que divisés sur la question, comme ceux de l’Union européenne. Cette analyse pousse quelques bons esprits, comme l’excellent Elie Barnavi, dont on a pu lire ici un entretien à implorer des Etats-Unis une intervention diplomatiquement musclée, imposant aux Israéliens comme aux Palestiniens un partage territorial fondé sur les  » paramètres Clinton », élaboré en 2000 à Camp David, peaufinés quelques mois plus tard à Taba, et remis en chantier en 2002 lors de l’initiative de Genève. Ils prévoient la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza, sur la base des frontières existant avant juin 1967, avec quelques corrections mineures fondées sur des échanges de territoires, le partage de Jérusalem, Vieille vielle comprise, sur la base des quartiers arabes revenant à l’Etat palestinien et des quartiers juifs à Israël, d’une solution au problème des réfugiés palestiniens fondée sur la compensation matérielle et l’aide à la réinstallation dans le pays de leur choix, mais sans retour massif dans l’Etat juif.

Nourri de cartésianisme, Elie Barnavi pense qu’une solution rationnelle, mise en œuvre par des hommes d’Etat visionnaires et courageux, ne peut qu’aboutir à la fin de l’affrontement entre le mouvement national juif et le mouvement national palestinien, tous deux légitimes, même s’ils sont gangrénés par leurs « fous de Dieu » respectifs.

Dès son arrivée à la Maison Blanche, Obama et son conseiller spécial pour la région George Mitchell, ont tenté de reprendre, dans le sens souhaité par Barnavi, ce dossier laissé en déshérence par George W. Bush, et d’imposer au gouvernement israélien un gel total des constructions dans les implantations juives de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. On s’accorde aujourd’hui pour estimer que cette exigence était une erreur, car elle était impossible à accepter pour Benyamin Netanyahou, non seulement à cause de la pression politique des colons extrémistes, mais parce qu’elle remettait en cause la promesse faite à Sharon par George W. Bush, dans sa lettre de mai 2004, selon laquelle les frontières de l’Etat palestinien prévu dans le cadre de la « feuille de route » établie par son administration tiendraient compte des réalités sur le terrain, notamment de l’existence de « blocs d’implantations juives » à la limite de la « ligne verte » de 1967 et dans la périphérie de Jérusalem. S’il est possible, à la rigueur, de désespérer Elon Moreh et Kyriat Arba, implantations isolées et  » idéologiques », il est suicidaire pour tout dirigeant israélien de s’aliéner Ariel ou Maaleh Adoumim qui bénéficient du soutien de l’immense majorité de l’opinion, y compris celle de gauche.
D’où ce refus du gel des constructions dans des localités qu’ils pensent destinées à rester israéliennes dans le cadre du règlement final.

Résultat : Obama est obligé de faire plus ou moins marche arrière, au risque de gâcher son capital de confiance acquis dans le monde arabo-musulman depuis son fameux discours du Caire…
Comme au jeu d’échec, une mauvaise entame en diplomatie pèse lourdement sur la suite de la partie, même si elle n’induit pas automatiquement la défaite.

Il faut donc aller lire l’article de Robert Malley et Hussein Agha dans la dernière livraison de la New York Review of Books pour y voir un peu plus clair sur les raisons du non-fonctionnement de la belle construction diplomatique réalisée sous la direction de l’architecte américain, avec la collaboration des petites mains européennes et russes réunies au sein du « Quartette ». Ces deux auteurs ne sont pas réputés pour être des pro-sionistes rabiques, ce serait même plutôt le contraire : Robert Malley fut l’un des conseillers de Bill Clinton sur le dossier israélo-palestinien, et parmi eux, le seul à avoir fait porter à Israël et à Ehud Barak la responsabilité de l’échec de Camp David en octobre 2000. Hussein Agha, professeur à Oxford, écrit régulièrement dans The Guardian des articles très critiques sur la politique israélienne et américaine. Ils estiment, dans leur article très charpenté et écrit avec un style inhabituellement allègre pour ce genre de littérature, que la solution des deux Etats, telle qu’elle est actuellement présentée est un obstacle pour l’évolution de la situation vers non pas une paix définitive jugée inaccessible, mais même vers un état durable de non-belligérance.

Pour eux, l’équation est simple : Netanyahou ne peut accepter plus de concessions que son prédécesseur Olmert dans ses ultimes négociations avec Mahmoud Abbas en 2008, et Mahmoud Abbas ne peut pas céder plus que ce qu’Arafat avait consenti à Camp David…Mais on voit mal comment un Mahmoud Abbas affaibli serait capable d’imposer à ses partisans, sans parler du Hamas, la carte proposée par Olmert aux Palestiniens la veille de sa démission qui comporte l’annexion des  » blocs d’implantations » en échange d’une surface équivalente de terres israéliennes contiguës à la Cisjordanie et à Gaza.

Pour Malley et Agha, l’imposition d’une solution territoriale par la communauté internationale n’est pas de nature à mettre un terme définitif au conflit, puisqu’elle serait contestée sur le terrain par les deux parties, y compris par des moyens militaires. D’autre part, l’arrière-plan psychologique de ce conflit dans les populations est un obstacle insurmontable à sa solution : les auteurs estiment que jamais, à vue humaine, les Palestiniens n’accepteront la légitimité de l’Etat juif établi sur un sol qu’ils estiment leur appartenir pour l’éternité, et que les Israéliens ne font aucune confiance à la signature des Palestiniens au bas d’un traité.

D’autre part, un élément non mentionné dans l’article de la New York Review of Books mais évident pour tous ceux qui fréquentent la région constitue un autre obstacle à une paix du type de celle qui s’est instaurée, par exemple entre la France et l’Allemagne. Israël est un pays développé alors que tous les pays de son entourage immédiat sont des pays du Tiers Monde, où règnent la misère, la corruption et l’arbitraire, quand ce n’est pas la terreur verte comme à Gaza. On comprend que l’existence tout près de chez eux d’un pays prospère et libre énerve quelque peu les populations avoisinantes…

La solution d’un seul Etat entre le Jourdain et la Méditerranée, où cohabiteraient deux nations dans le cadre d’une démocratie égalitaire ne paraît pas, non plus réaliste à Malley et Agha, car elle ne pas prend en compte la force du mouvement national juif dont l’objectif est toujours de faire exister et prospérer un état fondé sur une majorité juive de la population, et sur les principes politiques et moraux issus du judaïsme et des Lumières européennes.

Alors que faire ? Les deux auteurs proposent aux décideurs en la matière de réduire leurs ambitions : l’objectif n’est plus la fin du conflit mais la réduction de son intensité au minimum possible dans le cadre d’une trêve de longue durée. Celle-ci permettrait à la confiance réciproque de revenir petit à petit, et de changer la donne psychologique pour les générations à venir. Malley et Agha vont même – sacrilège pour la vulgate palestinienne !- jusqu’à évoquer la solution d’un retour des territoires palestiniens dans le giron du Royaume hachémite de Jordanie, qui permettrait à l’armée du roi Abdallah, dont les relations avec Tsahal sont depuis des années placées sous le signe d’une coopération fructueuse, de garantir la sécurité d’Israël. Les troupes de Bédouins héritiers de la Légion arabe de Glubb Pacha ont montré leur efficacité à empêcher les infiltrations de terroristes le long de la frontière jordano-israélienne.

À la différence de ceux qui se croient autorisés à pontifier sur la situation au Proche-Orient, Malley et Agha ne sont ni des militants, ni des idéologues. C’est pourquoi ils devraient être écoutés par tous ceux qui manquent d’imagination en dépit de leurs prétentions à intervenir de manière décisive dans la solution du conflit. Ils se reconnaîtront.

Trotsk, c’est trostk !

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« Trotskiste un jour, trotskiste toujours ! » Même lorsqu’ils ont migré vers des partis réformistes, les émules de Lev Davidovitch gardent leurs vieux réflexes. Notamment celui de tirer en priorité sur les adeptes de la chapelle concurrente issue d’une des innombrables scissions intervenues au sein de la IVe internationale. Ainsi le « frankiste » Julien Dray, tout juste réveillé de son coma judiciaire, n’a pas raté l’occasion de flinguer le « lambertiste » Jean-Christophe Cambadélis, qui n’avait pas hésité à comparer Eric Besson à Pierre Laval. Juju met sur le compte de la mauvaise éducation reçue par Camba à l’OCI ce dérapage condamnable. Dans le même ordre d’idée, il faut être aussi naïve que la préposée du Monde à la couverture de la gauche de la gauche pour s’étonner que Lionel Jospin ait préféré faire entrer Jean-Luc Mélenchon plutôt que Julien Dray dans son gouvernement. Ceux qui auront trouvé avec quelle chapelle trotskiste avait jadis fricoté Lionel Jospin ont gagné un piolet.

Et j’ai crié, crié… Staline, pour qu’il revienne !

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Alors que le 130ème anniversaire du petit père des peuples sera fêté dans quelques jours, un sondage paru dans la presse russe vendredi indique que 54% des personnes interrogées ont une opinion favorable de Staline contre seulement 8% qui pensent le contraire. La même semaine, une lettre autographe a été adjugée à 12500 dollars par Sotheby’s alors que le vernissage d’une exposition originale vient d’avoir lieu à Moscou. Son sujet, les notes écrites par Staline lui-même sur des dessins reproduisant des nus du XIXème siècle et qui concernent la plupart du temps des observations peu amènes sur ses adversaires. Comme cet étrange violon d’Ingres est appliqué pour l’essentiel à des nus masculins, cela a fait naitre le soupçon, chez certains observateurs avisés, d’une homosexualité refoulée. Il est vrai que de la part d’un dictateur sanguinaire ayant tué des millions de personnes, plus rien ne saurait surprendre, même le pire.

Dati victime d’une écoute téléphonique sauvage

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Rachida Dati, Flickr / Ammar Abd Rabbo
Rachida Dati, Flickr / Ammar Abd Rabbo

Quand elle tient une proie facile, la confrérie des fins limiers n’est pas du genre à renoncer. Et depuis qu’elle est arrivée comme un météore dans le ciel sarkozyste, il faut dire que Rachida Dati a tout fait pour nourrir les confrères en extravagances, gaffes ou faux-pas, commentées en boucle avec une absence totale et revendiquée d’indulgence. Ce sont peut-être les robes Dior qui ne passent pas – bien qu’elle les porte terriblement bien. Après tout, le genre « Parisienne écervelée », comme dit Zemmour, ne manque pas de charme, la Comédie humaine est pleine d’hommes qui n’y résistent pas.

La Dati a donc encore fait parler d’elle la semaine dernière. Si vous avez échappé à la diffusion de sa conversation téléphonique avec une copine, vous êtes très fort. En dix jours, elle aura fait le tour des médias, passant des bulletins d’information aux émissions politiques avant de rebondir dans les incontournables rubriques « buzz » et d’alimenter les innombrables créneaux « médias » où les uns racontent ce que font les autres et réciproquement. Pour ceux qui auraient néanmoins raté la scène, plantons le décor : Rachida Dati se trouve au Parlement européen où doit avoir lieu l’élection de Barroso. Et elle parle avec une amie. L’ennui, c’est qu’elle a oublié le micro-cravate épinglé sur sa veste par une équipe de M6 qui la suit depuis plusieurs jours. Et voilà ce qu’elle confie à son amie – dont curieusement, personne, dans cette atmosphère de goujaterie généralisée n’est allé jusqu’à divulguer le nom. « Je n’en peux plus, je n’en peux plus ! Je pense qu’il va y avoir un drame avant que je finisse mon mandat (…) Je suis obligée de rester là, de faire la maligne, parce qu’il y a un peu de presse et, d’autre part, il y a l’élection de Barroso (…) Quand tu es à Strasbourg, on voit si tu votes ou pas. Sinon, ça veut dire que tu n’es pas là ».

Examinons le crime de Rachida. Elle est au boulot, elle s’ennuie et elle téléphone à une copine, activité pratiquée par la France entière et en particulier par sa moitié féminine. Et elle lui dit qu’elle est là pour se montrer et parce qu’elle doit pointer sous peine de ne pas être payée. Et tout le monde lui tombe dessus à commencer par ses collègues qui montent sur leur petits poneys en brandissant le respect dû à l’institution et aux peuples qu’elle est censée représenter – à la notable exception de Jean-Luc Mélenchon qui a pris sa défense avec panache. Il y a dans cette vertu civique une bonne dose d’hypocrisie. Dati s’emmerde à Strasbourg et à mon avis, elle n’est pas la seule. Et pour tout vous dire, certains de ses collègues m’ont déjà dit des horreurs bien plus grandes. De plus, beaucoup sont là exactement pour les mêmes raisons qu’elles : les indemnités et l’espoir de se montrer. Le jour où on supprimera la règle qui impose de voter personnellement pour être enregistré comme présent et être indemnisée, on verra si les professeurs de vertu publique sont aussi assidus.

En vérité, le scandale n’est pas celui dont se sont régalés les confrères mais justement dans le fait qu’ils se soient régalés. Car, il s’agit purement et simplement d’un viol d’intimité. Et au lieu de condamner ce viol, la presse applaudit et s’en fait la complice ! Tout cela au nom d’une prétendue transparence et obligatoire dont seuls les journalistes seraient dispensés – rappelez vous le barouf fait par certains et à juste titre d’ailleurs à propos de leurs « écoutes téléphoniques ». Les écoutes sauvages seraient-elles plus légales quand elles sont pratiquées par des journalistes ? Non seulement, la journaliste profite d’une distraction de l’ex-ministre mais elle trahit sa promesse de ne pas utiliser cette conversation : elle a la déontologie chevillée au corps, la consœur. En tout cas la confrérie des moralistes ne voit là rien à redire. Dati aurait tenu ses propos sur un plateau de télé, on comprendrait qu’ils aient déclenché un tollé, mais au nom de quoi exigerait-on d’elle qu’elle mente en privé ? Doit-on la juger pour ennui dans un lieu qui semble passablement ennuyeux. En quoi ses confidences à une amie peuvent-elles offenser les parlementaires de Strasbourg ?

On peut reprocher à des ministres qui devraient avoir compris qu’ils étaient sous surveillance de tenir à proximité des micros et caméras des blagues qu’ils devraient réserver à leurs déjeuners familiaux. Mais que, dans toute la presse, il ne se soit trouvé personne ou presque pour condamner sans ambiguïté ces méthodes de voyou en dit long sur l’esprit de lynchage qui sévit dans le métier. Peu importe la méthode pourvu qu’on ait laisse du sang sur les murs. Dans le joli monde que nous préparent ces journalistes qui se prennent pour des flics, chacun sera le surveillant de son frère. Et quand chacun aura compris que tout ce qu’il dira pourra être retenu contre lui, plus personne ne dira rien.

Vous avez dit Zardi ? Comme c’est Zardi !

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zardi

Comme on ne se précipite pas, à Causeur, pour faire office de croque-mort allant porter en terre ceux de nos contemporains ayant eu l’idée saugrenue de quitter récemment ce bas monde, je m’y colle. Cela me procure l’avantage de sélectionner mes clients, de faire l’impasse, par exemple, sur un Lévi-Strauss qui a eu droit à un bataillon, que dis-je, une division de pleureuses et de pleureurs salariés. C’est loin d’être le cas de Dominique Zardi, mort le 13 décembre dernier à 79 ans.

Hormis le petit monde des cinéphiles, qui a donné à cette disparition l’écho qu’elle méritait, il n’a eu droit qu’à quelques entrefilets dans des journaux où les secrétaires de rédaction avaient besoin de boucher un trou dans une page. Pourtant, tout le monde le connait de vue, même si la plus grande partie de ce tout le monde est incapable de mettre un nom sur ce visage familier. Il faudrait en effet avoir vécu en ermite dans un désert non-francophone pendant plus d’un demi-siècle pour ne pas avoir aperçu ce type à la silhouette trapue et à la tronche de gangster au coin de l’un des quelques 600 films dans lesquels, à partir de 1943 il a tourné de face, plus une trentaine où on ne le voit que de dos, mais où il figure tout de même au générique. Des grands films de Melville, Chabrol ou Mocky jusqu’au plus ringard nanard de la comédie française en noir et blanc, il est difficile d’échapper à sa minute de Zardi dont l’emploi, se situe généralement à mi-chemin entre celui de l’acteur de complément et celui de figurant.

Souvent, il apparaît en couple avec Henri Attal, un juif pied-noir né à Paris, comme lui, son meilleur ami jusqu’à sa disparition en 2004. Le duo était, paraît-il[1. Merci à l’excellent site web Le coin du cinéphage pour avoir rassemblé, dans les fragments d’un « dictionnaire amoureux du cinéma », quelques informations et anedoctes concernant Henri Attal et Dominique Zardi… On trouvera dans l’article de wikipédia consacré à ce dernier la filmographie la plus complète établie a ce jour de l’acteur.], redouté des producteurs et des metteurs en scène, car il était réputé pour casser la figure à ceux qui refusaient de les engager dans leur films. Cela me paraît tout à fait vraisemblable, car j’ai pu observer, au début des années 1970, rue des Rosiers à Paris, Dominique Zardi vendre à la criée son essai Le scandale juif, réédité trente ans plus tard sous le titre plus classe : Le génie du judaïsme. Lorsque Zardi vous fourrait son bouquin sous le nez et vous regardait d’un air mauvais, on avait tendance à obtempérer et à passer la monnaie. Cette réputation de brute a, certes, contribué à faire de la filmographie d’Attal et Zardi une des plus fournie du cinéma français, voire mondial, mais cela n’aurait pas suffi à les faire repérer par des réalisateurs de talent.

Claude Chabrol, qui ne se laisse pas intimider par ce genre de menaces, a tout de suite saisi le parti qu’il pouvait tirer de ces deux acteurs déjantés. D’abord, ça le faisait marrer que leurs noms commencent par un A pour Henri et un Z pour Dominique, lui permettant d’encadrer le générique du film. Il les sortit de ces rôles de truands et d’affreux où on les avait confinés : « On m’a donné les pires rôles dans le cinéma français : j’ai joué des psychopathes, des tordus, des tarés, des violeurs d’enfants, des assassins, des pourris, des tueurs aux abattoirs, j’ai fait des choses ignobles, j’ai tué des chiens, des cochons, des poules, des petites filles, des vieillards, j’ai fait des choses abominables… Jamais personne ne m’en a tenu rigueur », confiait récemment Zardi à une revue de cinéma. Avec Attal, ils formeront dans Les biches le duo de pseudo-artistes et vrai bouffons parasites nommé avec un humour tout chabrolien Robègue (Attal) et Riais (Zardi), une allusion toute en finesse à Alain Robbe-Grillet, alors gourou de la scène littéraire et cinématographique française.

Cela se passe dans une villa de Saint-Trop’ dont ils se feront virer sans ménagement par Stéphane Audran, une scène tellement réussie que l’on se demande si la compagne de l’époque de Chabrol n’en avait pas ras-le-bol pour de vrai de ces deux zigotos.

Jean-Pierre Mocky qui reconnut en Zardi un frère en marginalité débridée et créative, et Pierre Granier-Deferre, qualifié de « vieille demoiselle » par Zardi en raison des bonnes manières très vieille France dont il faisait montre, lui donnèrent des rôles brefs, mais marquant l’esprit des spectateurs.

Et il eut droit, suprême consécration, à une réplique culte signée Michel Audiard dans Le cave se rebiffe. Blier : « J’ai bon caractère mais j’ai le glaive vengeur et le bras séculier. L’aigle va fondre sur la vieille buse. » Zardi : « C’est pas une métaphore, c’est une périphrase. » Un comparse : « Ah, fais pas chier ! »,  Zardi : « Ça, c’est une métaphore ! »

Après cela on peut mourir serein, regretté au-delà du cercle de la famille (dont fait partie sa nièce Agnès Jaoui) et de ses amis, qui étaient fort nombreux et de qualité.

Obamania : pas de trêve des confiseurs

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Que dirait-on d’un homme d’Etat qui resterait en vacances alors qu’un événement sème l’inquiétude dans son pays ? La presse aurait vite fait de souligner son irresponsabilité ou son je-m’en-foutisme. Jean-François Mattéi a été démissionné pour moins que ça : en pleine canicule, le salaud était apparu à la télé en chemise hawaïenne. Heureusement que Barack Obama n’est pas un homme politique comme les autres. Un attentat vient d’être déjoué aux Etats-Unis, le spectre de 2001 hante à nouveau les esprits américains, mais lui choisit de rester en vacances à Hawaï, les doigts de pieds en éventail. Résultat, l’AFP titre : « Attentat manqué : Obama tenu informé. » Le cador mondial n’hésite pas à être « tenu informé » quand il est en vacances : ça mériterait vraiment un deuxième Nobel !

Benoît Duteurtre, pape d’opérette

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operette

Le samedi matin, après sa semaine de turbin, le bobo parisien s’en va généralement bruncher avec sa petite famille recomposée dans un bistrot branché d’un arrondissement tendance.

S’il savait, le pauvre, que cette coutume le prive de ce qui se fait de plus chic en matière de radiodiffusion, à savoir Etonnez-moi, Benoît tous les samedis de 10h30 à midi sur France Musique, il enverrait sa femme à l’aquagym, et ses mômes au club de poney. Une fois la maison vide, il déboucherait délicatement une bouteille de Quincy rafraîchie, mais pas glacée, disposerait quelques pistaches dans une coupelle ramenée de Lisbonne, et allumerait le poste à la demie pile de dix heures sur la fréquence FM de France-mu correspondant à son lieu de résidence. Je ne dis pas cela pour faire de la peine à l’excellent Emmanuel Davidenkoff qui officie auparavant, mais le silence qui précède du Duteurtre est déjà du Duteurtre, et il serait dommage de s’en priver.

Fernandel, Bourvil, Dranem, Suzy Delair, Marie Dubas, Marcel Amont, j’en passe, et des meilleurs, s’inviteront alors dans son salon. S’il se trouve que des victimes du tsunami yéyé des années soixante soient encore de ce monde, elles ne couperont pas à une invitation au cours de laquelle Benoît Duteurtre, le taulier, leur fera évoquer les heures de gloire de la chanson française. Cette propension à honorer compositeurs, musiciens et interprètes tombés dans un injuste oubli a même fait peser sur Duteurtre l’infâme soupçon de gérontophilie, une perversion que nos modernes Savonarole ne devraient pas tarder à ériger en fléau social majeur.

Ce Benoît-là traite avec le plus grand sérieux et une érudition sans faille les genres musicaux que d’autres, pour faire les malins, brocardent et méprisent pour afficher qu’ils sont, eux, les maîtres du bon goût. On se souvient, par exemple, de l’esclandre d’Alain Cuny, au festival de Cannes traitant de « bouffon » (au sens propre, pas zyva) Dario Moreno effectuant une prestation chantée devant le gratin du cinéma mondial. Avec le recul, le bouffon en question n’est peut-être pas celui qui fut ainsi désigné.

Mais le « cœur de métier » de Benoît Duteurtre, quand il n’écrit pas de romans, c’est l’opérette, et plus précisément l’opérette française, celle dont Camille Saint-Saëns disait :  » l’opérette est une fille de l’opéra-comique. Une fille qui a mal tourné. Mais les filles qui ont mal tourné ne sont pas toujours sans agrément ». Le livre [1. L’opérette en France (Fayard)] qu’il lui consacre est une réédition d’une première mouture parue en 1997, puissamment enrichie des études et rencontres effectuées par l’auteur pour la réalisation de son émission hebdomadaire, dont il vient de fêter le dixième anniversaire.

Et puis, pourquoi ne pas s’en glorifier, au risque de se faire traiter de franchouillard ou de laquais d’Eric Besson, l’opérette, ce genre musical populaire qui parodie l’opéra pour le pur plaisir du divertissement des foules est un genre musical qui est né, s’est développé, et hélas, étiolé en France pendant plus d’un siècle, du milieu du XIXème siècle jusqu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale. De Paris, elle migra vers Vienne (Franz Lehar), Londres (Gilbert et Sullivan), New York (Broadway et les frères Gershwin) et en bien d’autres lieux où elle remplit les salles pendant des décennies. Ce n’est pas parce qu’un genre est qualifié de mineur que ceux qui l’ont illustré sont interdit de génie : nous voilà tout droit conduit à citer Jacques Offenbach, sans lequel Paris ne serait plus Paris. Mais ce n’est pas le propos de Duteurtre que de se contenter, comme beaucoup, d’encenser Offenbach pour mieux dégommer les musiciens, librettistes et acteurs qui s’y consacrèrent sans parvenir aux sommets atteints par le  » Mozart des Champs-Elysées ».

Il rend à chacun, Hervé, Lecocq, Messager, Yvain, Planquette et bien d’autres l’hommage qui leur est dû. Leur évocation réveillera chez les plus anciens d’entre nous quelques mélodies bien enfouies dans notre mémoire depuis que nous les écoutions à la TSF pendant que maman se livrait au repassage. « Poussez, poussez l’escarpolette… »  » Nous avons fait un beau voyage (bis)… « Digue, digue, digue, digue digue don, sonne, sonne, sonne, joyeux carillon… ». C’était mon rap à moi qui en vaut bien un autre.

L'opérette en France

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Nora Berra se moque du monde !

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Devant le déficit grandissant de la branche maladie de la sécurité sociale, la destruction méthodique par le libéralisme du système de retraites par répartition et la perspective prochaine de la multiplication des centenaires, les gouvernements successifs tentent tout et n’importe quoi pour éliminer cette insupportable pression démographique. Autant on pouvait apprécier la façon efficace dont avait été gérée la canicule de 2003 (près de vingt mille vieillards au tapis) autant on peut discuter le côté amateur, voire farcesque de la secrétaire d’Etat aux Ainés, Norah Berra pour régler la question vieille. Une sexagénaire de Rochefort a en effet été gravement blessée par une balle de calibre 22 en ramassant un stylo orange devant un bar PMU où elle venait de faire son loto. Il s’agissait en effet d’une arme déguisée d’un modèle inconnu en France. Madame Berra, il ne suffit pas de quitter bruyamment une réunion de députés UMP pour se faire un nom ! Encore faudrait-il preuve d’un peu de sérieux : ces gadgets sont ridicules, et manifestement inefficaces.

Esprit de Noël, es-tu là ?

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L’esprit du sport n’est peut-être pas mort dans ce milieu gangréné qu’est le football professionnel. Est-ce l’approche de Noël qui a touché le joueur slovène de l’AJ Auxerre Valter Birsa ? Toujours est-il qu’après une faute inexistante de son adversaire ayant entraîné l’expulsion d’icelui, le joueur icaunais s’est rendu auprès de l’arbitre afin de plaider la cause du Marseillais lequel, finalement, a été rappelé sur le terrain. Alors que le commun des footeux d’aujourd’hui serait allé parader auprès de ses partenaires pour rire du bon coup infligé à l’adversaire, Valter a décidé que non, décidément, on ne pouvait pas gagner de cette manière. Précisons que le score était, à ce moment de la partie, de zéro à zéro. Comme une récompense pour ce geste rare de fair-play, son équipe l’a finalement emporté au Stade Vélodrome par deux buts à zéro.

Dieu est un fumeur de Havane, pas l’Etat

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Flickr / Tristan Nitot
Flickr / Bright lights from giantwheel !
Flickr / Bright lights from giantwheel !

Dans la guerre de cent ans qui opposent les états hygiénistes aux fumeurs résistants, une nouvelle étape vient d’être franchie par l’agresseur schizophrène big motherien qui ramasse les taxes d’un côté et dissuade de manière de plus en plus traumatique ses pauvres enfants de l’autre, pourtant juste d’aimables usagers de l’herbe à Nicot parfois agrémentée d’herbe tout court, et qui n’avaient rien demandé à personne.

Le ministère de la Santé a en effet décidé d’illustrer les paquets de clous de cercueil par de jolies images chocs l’année prochaine. Il y a bien eu quelques escarmouches picrocholines entre les cigarettiers et diverses associations pour s’accorder sur la surface occupée par l’image mais toujours est-il que la danse macabre va commencer sur le tabac virginien et que ça va swinguer funèbre sur le paquet de gris : à nous les bouches dévastées, parsemées de chicots noirâtres comme les ruines d’un village afghan après le passage de l’aviation alliée ; à nous les poumons aux alvéoles asphyxiées, carbonisées, goudronnées comme les environs de Tchernobyl après un accident de Centrale. À nous encore, le visage crispé de souffrances de l’honnête homme soumis aux prodromes de l’infarctus comme un vulgaire détenteur de placements à risques ou un insouciant qui a mis sa fortune entre les mains de Bernard Madoff. Et tout ça, dès la première cigarette du matin, celle qui est la meilleure avec son petit choc nicotinique si plaisant, l’ancien fumeur que je suis s’en souvenant avec bonheur.

Ce sera évidemment, comme d’habitude totalement inefficace, et pour une raison simple : ce sont encore une fois des méthodes anglo-saxonnes infantilisantes qui ne peuvent pas fonctionner avec une psychologie latine, c’est à dire adulte. Nous caricaturons à peine. Ce que l’on demande à l’Etat, encore une fois, sous nos latitudes, ce n’est pas de nous dire comment faire l’amour, comment jouir, ce qu’il convient de manger, si nos enfants de treize ans ont le droit de rester ou non devant tel film ou telle émission. Ce qu’on lui demande n’est pas cette administration de plus en plus tatillonne de notre vie quotidienne, de ses plaisirs, de ses joies ou de ses deuils. Je veux pouvoir manger gras, boire sec et décider de ce qui est plus obscène pour un adolescent, à savoir un film de Bunuel ou un reportage sur une rafle de sans papiers avec le commentaire satisfait du journaliste de garde

Il ferait mieux, l’Etat d’empêcher le dépeçage des derniers Services publics plutôt que de s’occuper de qui est dans mon lit, de comment je m’y prends et si on fume après (je ne sais pas, je n’ai jamais regardé…). Il ferait mieux, l’Etat, de s’occuper de la sécurité dans les quartiers que de légiférer sur la teneur en sel des aliments de toute manière trafiqués par l’industrie agro-alimentaire. Il ferait mieux de nationaliser les banques pour réorienter le crédit vers l’investissement dans l’économie réelle que de fantasmer sur les conduites à risques de toute une jeunesse avec la drogue, conduites à risques dont il a par ailleurs largement sa part dans le climat dépressif qu’il a partout instauré.

Et puis, pour cette question du tabac, comme pour tant d’autres, c’est bien mal connaître les adolescents que de penser que des photos gore les empêcheront de passer à l’acte en achetant leurs premiers paquets. C’est tout le contraire : je ne parle même pas ici de cette attirance pour la transgression que l’on a tous connue mais tout banalement de l’ « effet collection », genre images Panini de l’horreur :
– Oh allez, sois sympa, je t’échange mon cancer de la mâchoire contre ton insuffisance coronarienne !
– Tu rigoles, je l’ai déjà en double. En revanche, si t’as la pyrrhole alvéolaire, je veux bien…

Quant aux fumeurs de cigares, eux, on ne viendra évidemment pas les embêter avec ces horreurs. La lutte des classes, comme le diable, se niche aussi dans ce genre de détails. Le trader amateur d’un bon Hoyo de Monterrey ne sera pas importuné par la propagande sanitaire. C’est vrai qu’en théorie, il n’avale pas la fumée.
Seulement les bonus de fin d’année.

Proche Orient : du passé faisons table rase !

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Jérusalem

De retour d’un séjour en Israël, j’ai retiré de deux semaines de tribulations chez les Hébreux l’impression que les discours tenus dans nos contrées, aussi bien par les admirateurs que par les détracteurs de l’Etat juif, n’étaient pas de nature à nous rendre plus intelligents, ni surtout à faire avancer d’un millimètre la solution du conflit en cours depuis plus d’un demi-siècle.

La fixation de toutes les chancelleries sur la solution dite « de deux Etats pour deux peuples », l’espoir de voir un Barack Obama imposer d’une main ferme, mais juste une solution de compromis aux deux parties apparaissent à l’observateur attentif que j’ai tenté d’être comme des chimères. Elles ne tiennent pas compte d’un réel aussi épais que désespérant pour les hommes et les femmes épris de paix, comme on appelait jadis les rêveurs au temps de la guerre froide.

Si l’affaire des deux Etats pour deux peuples n’a pas marché jusqu’à ce jour, c’est, explique-t-on généralement, la faute des dirigeants, sur le terrain ou à la tête des grandes puissances, qui sont soit trop faibles pour imposer à leurs peuple les compromis nécessaires, soit trop partiaux, comme George W. Bush, soit encore inexistants parce que divisés sur la question, comme ceux de l’Union européenne. Cette analyse pousse quelques bons esprits, comme l’excellent Elie Barnavi, dont on a pu lire ici un entretien à implorer des Etats-Unis une intervention diplomatiquement musclée, imposant aux Israéliens comme aux Palestiniens un partage territorial fondé sur les  » paramètres Clinton », élaboré en 2000 à Camp David, peaufinés quelques mois plus tard à Taba, et remis en chantier en 2002 lors de l’initiative de Genève. Ils prévoient la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza, sur la base des frontières existant avant juin 1967, avec quelques corrections mineures fondées sur des échanges de territoires, le partage de Jérusalem, Vieille vielle comprise, sur la base des quartiers arabes revenant à l’Etat palestinien et des quartiers juifs à Israël, d’une solution au problème des réfugiés palestiniens fondée sur la compensation matérielle et l’aide à la réinstallation dans le pays de leur choix, mais sans retour massif dans l’Etat juif.

Nourri de cartésianisme, Elie Barnavi pense qu’une solution rationnelle, mise en œuvre par des hommes d’Etat visionnaires et courageux, ne peut qu’aboutir à la fin de l’affrontement entre le mouvement national juif et le mouvement national palestinien, tous deux légitimes, même s’ils sont gangrénés par leurs « fous de Dieu » respectifs.

Dès son arrivée à la Maison Blanche, Obama et son conseiller spécial pour la région George Mitchell, ont tenté de reprendre, dans le sens souhaité par Barnavi, ce dossier laissé en déshérence par George W. Bush, et d’imposer au gouvernement israélien un gel total des constructions dans les implantations juives de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. On s’accorde aujourd’hui pour estimer que cette exigence était une erreur, car elle était impossible à accepter pour Benyamin Netanyahou, non seulement à cause de la pression politique des colons extrémistes, mais parce qu’elle remettait en cause la promesse faite à Sharon par George W. Bush, dans sa lettre de mai 2004, selon laquelle les frontières de l’Etat palestinien prévu dans le cadre de la « feuille de route » établie par son administration tiendraient compte des réalités sur le terrain, notamment de l’existence de « blocs d’implantations juives » à la limite de la « ligne verte » de 1967 et dans la périphérie de Jérusalem. S’il est possible, à la rigueur, de désespérer Elon Moreh et Kyriat Arba, implantations isolées et  » idéologiques », il est suicidaire pour tout dirigeant israélien de s’aliéner Ariel ou Maaleh Adoumim qui bénéficient du soutien de l’immense majorité de l’opinion, y compris celle de gauche.
D’où ce refus du gel des constructions dans des localités qu’ils pensent destinées à rester israéliennes dans le cadre du règlement final.

Résultat : Obama est obligé de faire plus ou moins marche arrière, au risque de gâcher son capital de confiance acquis dans le monde arabo-musulman depuis son fameux discours du Caire…
Comme au jeu d’échec, une mauvaise entame en diplomatie pèse lourdement sur la suite de la partie, même si elle n’induit pas automatiquement la défaite.

Il faut donc aller lire l’article de Robert Malley et Hussein Agha dans la dernière livraison de la New York Review of Books pour y voir un peu plus clair sur les raisons du non-fonctionnement de la belle construction diplomatique réalisée sous la direction de l’architecte américain, avec la collaboration des petites mains européennes et russes réunies au sein du « Quartette ». Ces deux auteurs ne sont pas réputés pour être des pro-sionistes rabiques, ce serait même plutôt le contraire : Robert Malley fut l’un des conseillers de Bill Clinton sur le dossier israélo-palestinien, et parmi eux, le seul à avoir fait porter à Israël et à Ehud Barak la responsabilité de l’échec de Camp David en octobre 2000. Hussein Agha, professeur à Oxford, écrit régulièrement dans The Guardian des articles très critiques sur la politique israélienne et américaine. Ils estiment, dans leur article très charpenté et écrit avec un style inhabituellement allègre pour ce genre de littérature, que la solution des deux Etats, telle qu’elle est actuellement présentée est un obstacle pour l’évolution de la situation vers non pas une paix définitive jugée inaccessible, mais même vers un état durable de non-belligérance.

Pour eux, l’équation est simple : Netanyahou ne peut accepter plus de concessions que son prédécesseur Olmert dans ses ultimes négociations avec Mahmoud Abbas en 2008, et Mahmoud Abbas ne peut pas céder plus que ce qu’Arafat avait consenti à Camp David…Mais on voit mal comment un Mahmoud Abbas affaibli serait capable d’imposer à ses partisans, sans parler du Hamas, la carte proposée par Olmert aux Palestiniens la veille de sa démission qui comporte l’annexion des  » blocs d’implantations » en échange d’une surface équivalente de terres israéliennes contiguës à la Cisjordanie et à Gaza.

Pour Malley et Agha, l’imposition d’une solution territoriale par la communauté internationale n’est pas de nature à mettre un terme définitif au conflit, puisqu’elle serait contestée sur le terrain par les deux parties, y compris par des moyens militaires. D’autre part, l’arrière-plan psychologique de ce conflit dans les populations est un obstacle insurmontable à sa solution : les auteurs estiment que jamais, à vue humaine, les Palestiniens n’accepteront la légitimité de l’Etat juif établi sur un sol qu’ils estiment leur appartenir pour l’éternité, et que les Israéliens ne font aucune confiance à la signature des Palestiniens au bas d’un traité.

D’autre part, un élément non mentionné dans l’article de la New York Review of Books mais évident pour tous ceux qui fréquentent la région constitue un autre obstacle à une paix du type de celle qui s’est instaurée, par exemple entre la France et l’Allemagne. Israël est un pays développé alors que tous les pays de son entourage immédiat sont des pays du Tiers Monde, où règnent la misère, la corruption et l’arbitraire, quand ce n’est pas la terreur verte comme à Gaza. On comprend que l’existence tout près de chez eux d’un pays prospère et libre énerve quelque peu les populations avoisinantes…

La solution d’un seul Etat entre le Jourdain et la Méditerranée, où cohabiteraient deux nations dans le cadre d’une démocratie égalitaire ne paraît pas, non plus réaliste à Malley et Agha, car elle ne pas prend en compte la force du mouvement national juif dont l’objectif est toujours de faire exister et prospérer un état fondé sur une majorité juive de la population, et sur les principes politiques et moraux issus du judaïsme et des Lumières européennes.

Alors que faire ? Les deux auteurs proposent aux décideurs en la matière de réduire leurs ambitions : l’objectif n’est plus la fin du conflit mais la réduction de son intensité au minimum possible dans le cadre d’une trêve de longue durée. Celle-ci permettrait à la confiance réciproque de revenir petit à petit, et de changer la donne psychologique pour les générations à venir. Malley et Agha vont même – sacrilège pour la vulgate palestinienne !- jusqu’à évoquer la solution d’un retour des territoires palestiniens dans le giron du Royaume hachémite de Jordanie, qui permettrait à l’armée du roi Abdallah, dont les relations avec Tsahal sont depuis des années placées sous le signe d’une coopération fructueuse, de garantir la sécurité d’Israël. Les troupes de Bédouins héritiers de la Légion arabe de Glubb Pacha ont montré leur efficacité à empêcher les infiltrations de terroristes le long de la frontière jordano-israélienne.

À la différence de ceux qui se croient autorisés à pontifier sur la situation au Proche-Orient, Malley et Agha ne sont ni des militants, ni des idéologues. C’est pourquoi ils devraient être écoutés par tous ceux qui manquent d’imagination en dépit de leurs prétentions à intervenir de manière décisive dans la solution du conflit. Ils se reconnaîtront.

Trotsk, c’est trostk !

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« Trotskiste un jour, trotskiste toujours ! » Même lorsqu’ils ont migré vers des partis réformistes, les émules de Lev Davidovitch gardent leurs vieux réflexes. Notamment celui de tirer en priorité sur les adeptes de la chapelle concurrente issue d’une des innombrables scissions intervenues au sein de la IVe internationale. Ainsi le « frankiste » Julien Dray, tout juste réveillé de son coma judiciaire, n’a pas raté l’occasion de flinguer le « lambertiste » Jean-Christophe Cambadélis, qui n’avait pas hésité à comparer Eric Besson à Pierre Laval. Juju met sur le compte de la mauvaise éducation reçue par Camba à l’OCI ce dérapage condamnable. Dans le même ordre d’idée, il faut être aussi naïve que la préposée du Monde à la couverture de la gauche de la gauche pour s’étonner que Lionel Jospin ait préféré faire entrer Jean-Luc Mélenchon plutôt que Julien Dray dans son gouvernement. Ceux qui auront trouvé avec quelle chapelle trotskiste avait jadis fricoté Lionel Jospin ont gagné un piolet.

Et j’ai crié, crié… Staline, pour qu’il revienne !

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Alors que le 130ème anniversaire du petit père des peuples sera fêté dans quelques jours, un sondage paru dans la presse russe vendredi indique que 54% des personnes interrogées ont une opinion favorable de Staline contre seulement 8% qui pensent le contraire. La même semaine, une lettre autographe a été adjugée à 12500 dollars par Sotheby’s alors que le vernissage d’une exposition originale vient d’avoir lieu à Moscou. Son sujet, les notes écrites par Staline lui-même sur des dessins reproduisant des nus du XIXème siècle et qui concernent la plupart du temps des observations peu amènes sur ses adversaires. Comme cet étrange violon d’Ingres est appliqué pour l’essentiel à des nus masculins, cela a fait naitre le soupçon, chez certains observateurs avisés, d’une homosexualité refoulée. Il est vrai que de la part d’un dictateur sanguinaire ayant tué des millions de personnes, plus rien ne saurait surprendre, même le pire.

Dati victime d’une écoute téléphonique sauvage

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Rachida Dati, Flickr / Ammar Abd Rabbo
Rachida Dati, Flickr / Ammar Abd Rabbo
Rachida Dati, Flickr / Ammar Abd Rabbo

Quand elle tient une proie facile, la confrérie des fins limiers n’est pas du genre à renoncer. Et depuis qu’elle est arrivée comme un météore dans le ciel sarkozyste, il faut dire que Rachida Dati a tout fait pour nourrir les confrères en extravagances, gaffes ou faux-pas, commentées en boucle avec une absence totale et revendiquée d’indulgence. Ce sont peut-être les robes Dior qui ne passent pas – bien qu’elle les porte terriblement bien. Après tout, le genre « Parisienne écervelée », comme dit Zemmour, ne manque pas de charme, la Comédie humaine est pleine d’hommes qui n’y résistent pas.

La Dati a donc encore fait parler d’elle la semaine dernière. Si vous avez échappé à la diffusion de sa conversation téléphonique avec une copine, vous êtes très fort. En dix jours, elle aura fait le tour des médias, passant des bulletins d’information aux émissions politiques avant de rebondir dans les incontournables rubriques « buzz » et d’alimenter les innombrables créneaux « médias » où les uns racontent ce que font les autres et réciproquement. Pour ceux qui auraient néanmoins raté la scène, plantons le décor : Rachida Dati se trouve au Parlement européen où doit avoir lieu l’élection de Barroso. Et elle parle avec une amie. L’ennui, c’est qu’elle a oublié le micro-cravate épinglé sur sa veste par une équipe de M6 qui la suit depuis plusieurs jours. Et voilà ce qu’elle confie à son amie – dont curieusement, personne, dans cette atmosphère de goujaterie généralisée n’est allé jusqu’à divulguer le nom. « Je n’en peux plus, je n’en peux plus ! Je pense qu’il va y avoir un drame avant que je finisse mon mandat (…) Je suis obligée de rester là, de faire la maligne, parce qu’il y a un peu de presse et, d’autre part, il y a l’élection de Barroso (…) Quand tu es à Strasbourg, on voit si tu votes ou pas. Sinon, ça veut dire que tu n’es pas là ».

Examinons le crime de Rachida. Elle est au boulot, elle s’ennuie et elle téléphone à une copine, activité pratiquée par la France entière et en particulier par sa moitié féminine. Et elle lui dit qu’elle est là pour se montrer et parce qu’elle doit pointer sous peine de ne pas être payée. Et tout le monde lui tombe dessus à commencer par ses collègues qui montent sur leur petits poneys en brandissant le respect dû à l’institution et aux peuples qu’elle est censée représenter – à la notable exception de Jean-Luc Mélenchon qui a pris sa défense avec panache. Il y a dans cette vertu civique une bonne dose d’hypocrisie. Dati s’emmerde à Strasbourg et à mon avis, elle n’est pas la seule. Et pour tout vous dire, certains de ses collègues m’ont déjà dit des horreurs bien plus grandes. De plus, beaucoup sont là exactement pour les mêmes raisons qu’elles : les indemnités et l’espoir de se montrer. Le jour où on supprimera la règle qui impose de voter personnellement pour être enregistré comme présent et être indemnisée, on verra si les professeurs de vertu publique sont aussi assidus.

En vérité, le scandale n’est pas celui dont se sont régalés les confrères mais justement dans le fait qu’ils se soient régalés. Car, il s’agit purement et simplement d’un viol d’intimité. Et au lieu de condamner ce viol, la presse applaudit et s’en fait la complice ! Tout cela au nom d’une prétendue transparence et obligatoire dont seuls les journalistes seraient dispensés – rappelez vous le barouf fait par certains et à juste titre d’ailleurs à propos de leurs « écoutes téléphoniques ». Les écoutes sauvages seraient-elles plus légales quand elles sont pratiquées par des journalistes ? Non seulement, la journaliste profite d’une distraction de l’ex-ministre mais elle trahit sa promesse de ne pas utiliser cette conversation : elle a la déontologie chevillée au corps, la consœur. En tout cas la confrérie des moralistes ne voit là rien à redire. Dati aurait tenu ses propos sur un plateau de télé, on comprendrait qu’ils aient déclenché un tollé, mais au nom de quoi exigerait-on d’elle qu’elle mente en privé ? Doit-on la juger pour ennui dans un lieu qui semble passablement ennuyeux. En quoi ses confidences à une amie peuvent-elles offenser les parlementaires de Strasbourg ?

On peut reprocher à des ministres qui devraient avoir compris qu’ils étaient sous surveillance de tenir à proximité des micros et caméras des blagues qu’ils devraient réserver à leurs déjeuners familiaux. Mais que, dans toute la presse, il ne se soit trouvé personne ou presque pour condamner sans ambiguïté ces méthodes de voyou en dit long sur l’esprit de lynchage qui sévit dans le métier. Peu importe la méthode pourvu qu’on ait laisse du sang sur les murs. Dans le joli monde que nous préparent ces journalistes qui se prennent pour des flics, chacun sera le surveillant de son frère. Et quand chacun aura compris que tout ce qu’il dira pourra être retenu contre lui, plus personne ne dira rien.

Vous avez dit Zardi ? Comme c’est Zardi !

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zardi

Comme on ne se précipite pas, à Causeur, pour faire office de croque-mort allant porter en terre ceux de nos contemporains ayant eu l’idée saugrenue de quitter récemment ce bas monde, je m’y colle. Cela me procure l’avantage de sélectionner mes clients, de faire l’impasse, par exemple, sur un Lévi-Strauss qui a eu droit à un bataillon, que dis-je, une division de pleureuses et de pleureurs salariés. C’est loin d’être le cas de Dominique Zardi, mort le 13 décembre dernier à 79 ans.

Hormis le petit monde des cinéphiles, qui a donné à cette disparition l’écho qu’elle méritait, il n’a eu droit qu’à quelques entrefilets dans des journaux où les secrétaires de rédaction avaient besoin de boucher un trou dans une page. Pourtant, tout le monde le connait de vue, même si la plus grande partie de ce tout le monde est incapable de mettre un nom sur ce visage familier. Il faudrait en effet avoir vécu en ermite dans un désert non-francophone pendant plus d’un demi-siècle pour ne pas avoir aperçu ce type à la silhouette trapue et à la tronche de gangster au coin de l’un des quelques 600 films dans lesquels, à partir de 1943 il a tourné de face, plus une trentaine où on ne le voit que de dos, mais où il figure tout de même au générique. Des grands films de Melville, Chabrol ou Mocky jusqu’au plus ringard nanard de la comédie française en noir et blanc, il est difficile d’échapper à sa minute de Zardi dont l’emploi, se situe généralement à mi-chemin entre celui de l’acteur de complément et celui de figurant.

Souvent, il apparaît en couple avec Henri Attal, un juif pied-noir né à Paris, comme lui, son meilleur ami jusqu’à sa disparition en 2004. Le duo était, paraît-il[1. Merci à l’excellent site web Le coin du cinéphage pour avoir rassemblé, dans les fragments d’un « dictionnaire amoureux du cinéma », quelques informations et anedoctes concernant Henri Attal et Dominique Zardi… On trouvera dans l’article de wikipédia consacré à ce dernier la filmographie la plus complète établie a ce jour de l’acteur.], redouté des producteurs et des metteurs en scène, car il était réputé pour casser la figure à ceux qui refusaient de les engager dans leur films. Cela me paraît tout à fait vraisemblable, car j’ai pu observer, au début des années 1970, rue des Rosiers à Paris, Dominique Zardi vendre à la criée son essai Le scandale juif, réédité trente ans plus tard sous le titre plus classe : Le génie du judaïsme. Lorsque Zardi vous fourrait son bouquin sous le nez et vous regardait d’un air mauvais, on avait tendance à obtempérer et à passer la monnaie. Cette réputation de brute a, certes, contribué à faire de la filmographie d’Attal et Zardi une des plus fournie du cinéma français, voire mondial, mais cela n’aurait pas suffi à les faire repérer par des réalisateurs de talent.

Claude Chabrol, qui ne se laisse pas intimider par ce genre de menaces, a tout de suite saisi le parti qu’il pouvait tirer de ces deux acteurs déjantés. D’abord, ça le faisait marrer que leurs noms commencent par un A pour Henri et un Z pour Dominique, lui permettant d’encadrer le générique du film. Il les sortit de ces rôles de truands et d’affreux où on les avait confinés : « On m’a donné les pires rôles dans le cinéma français : j’ai joué des psychopathes, des tordus, des tarés, des violeurs d’enfants, des assassins, des pourris, des tueurs aux abattoirs, j’ai fait des choses ignobles, j’ai tué des chiens, des cochons, des poules, des petites filles, des vieillards, j’ai fait des choses abominables… Jamais personne ne m’en a tenu rigueur », confiait récemment Zardi à une revue de cinéma. Avec Attal, ils formeront dans Les biches le duo de pseudo-artistes et vrai bouffons parasites nommé avec un humour tout chabrolien Robègue (Attal) et Riais (Zardi), une allusion toute en finesse à Alain Robbe-Grillet, alors gourou de la scène littéraire et cinématographique française.

Cela se passe dans une villa de Saint-Trop’ dont ils se feront virer sans ménagement par Stéphane Audran, une scène tellement réussie que l’on se demande si la compagne de l’époque de Chabrol n’en avait pas ras-le-bol pour de vrai de ces deux zigotos.

Jean-Pierre Mocky qui reconnut en Zardi un frère en marginalité débridée et créative, et Pierre Granier-Deferre, qualifié de « vieille demoiselle » par Zardi en raison des bonnes manières très vieille France dont il faisait montre, lui donnèrent des rôles brefs, mais marquant l’esprit des spectateurs.

Et il eut droit, suprême consécration, à une réplique culte signée Michel Audiard dans Le cave se rebiffe. Blier : « J’ai bon caractère mais j’ai le glaive vengeur et le bras séculier. L’aigle va fondre sur la vieille buse. » Zardi : « C’est pas une métaphore, c’est une périphrase. » Un comparse : « Ah, fais pas chier ! »,  Zardi : « Ça, c’est une métaphore ! »

Après cela on peut mourir serein, regretté au-delà du cercle de la famille (dont fait partie sa nièce Agnès Jaoui) et de ses amis, qui étaient fort nombreux et de qualité.