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Le système électoral américain: un incroyable fouillis qui favorise la fraude

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Les citoyens américains ont quelques bonnes raisons de douter de la fiabilité de leur système électoral.


Tout le monde connaît – ou croit connaître – les États-Unis. Les États-Unis, c’est le pays du Far West et des cow-boys ; le pays de la Prohibition et des gangsters ; le pays de la Statue de la liberté et du capitalisme triomphant ; le pays qui a sauvé l’Europe de l’Allemagne nazie ; le pays qui a envoyé des hommes sur la Lune ; le pays qui est à l’origine d’une grande partie des découvertes et des inventions qui font le monde moderne… Mais les États-Unis, c’est aussi le pays qui a le pire système électoral de toutes les démocraties occidentales, comme l’ex-président américain, Jimmy Carter, l’a déclaré, comme maints experts l’ont écrit, et comme l’enquête que nous avons menée le confirme.

Depuis l’élection présidentielle controversée de 2020, il est interdit de parler de ce sujet, qui était auparavant l’objet de nombreuses études universitaires. Il est temps de briser ce tabou. Dans cette série de trois articles que nous publions, nous allons étudier les aspects les plus choquants du système électoral américain. Ce voyage va nous entraîner dans les profondeurs les plus obscures de ce système électoral, fissuré par un nombre stupéfiant de failles de sécurité béantes, dont personne ne parle en France ni en Europe. Vous aurez du mal à le croire et, pourtant, tout est vrai. Bien entendu, nous fournirons toutes les preuves et toutes les références de ce que nous avançons.

Mais, avant d’entamer ce voyage dans l’enfer électoral américain, il est nécessaire de décrire les particularités de ce système, tellement différent du nôtre. (1)

L’État fédéral et ses 50 États

Les États-Unis sont un État fédéral, doté de sa propre Constitution et de ses propres élus (président, vice-président, représentants, sénateurs). (2) Il est constitué de 50 États, dont chacun possède sa Constitution et ses élus : président (appelé « gouverneur »), vice-président (dans 45 États, appelé « lieutenant-gouverneur »), représentants et sénateurs (sauf le Nebraska, qui a une législature unicamérale). (3)

Un nombre énorme de circonscriptions et de bureaux de vote

La Constitution des États-Unis et les lois fédérales sur le droit de vote accordent aux États une grande latitude dans la manière dont ils gèrent les élections fédérales, qui ont lieu tous les deux ans, début novembre, et les élections locales, qui ont lieu selon des périodicités spécifiques.

Les élections sont généralement administrées par les comtés mais, dans certains États, ce sont les villes ou les cantons (townships) qui en sont chargés. Au total, il existe plus de 10 000 juridictions électorales (circonscriptions) aux États-Unis, dont la taille varie considérablement, les plus petites ne comptant que quelques centaines d’électeurs, tandis que la plus grande en compte 5,5 millions (comté de Los Angeles). (4)

Les États sont chargés du découpage des circonscriptions utilisées pour les élections fédérales, et les juridictions locales, du découpage des circonscriptions utilisées pour les élections locales. En 2020, il y avait 175 426 bureaux de vote. (5)

Un nombre énorme de lois et de procédures électorales

Les législatures des États adoptent les lois électorales, qui diffèrent donc d’État en État, et qui évoluent constamment : rien qu’en 2024, pendant les neuf premiers mois de l’année, 1792 projets de lois électorales ont été déposés dans 44 États. (6) Comme si cela n’était pas assez compliqué, chacune des 10 000 juridictions locales possède sa propre infrastructure électorale et choisit souverainement la façon dont les élections vont s’y dérouler : types des responsables électoraux (administrateur unique ou commission), procédures pour inscrire les électeurs sur les listes électorales, taille et présentation des bulletins de vote (ordre des postes à pourvoir, ordre des noms des candidats…), modes de vote (anticipé, par correspondance, en personne…), modèles de machines électroniques utilisées (pour voter, pour vérifier les signatures, pour transmettre les résultats…), recrutement des employés électoraux, fonctionnement des bureaux de vote, règles encadrant les observateurs électoraux, procédures pour dépouiller et enregistrer les votes – bref, toutes les étapes du processus électoral.

Ces étapes sont codifiées dans les Codes électoraux des juridictions, composés de centaines de pages, divisées en milliers de sections, sous-sections, paragraphes, sous-paragraphes, qui détaillent avec une minutie de bureaucrate tous les cas possibles. Cet incroyable fouillis de lois, de réglementations et de modes de fonctionnement, qui varient d’une juridiction à l’autre, d’une année à l’autre, d’un type de scrutin à l’autre, complique la lutte contre les fraudes électorales et explique l’absence de confiance des Américains dans la fiabilité et la sécurité de leur système électoral.

Un nombre énorme d’élections et de référendums

Dans son célèbre livre sur la démocratie américaine, Alexis de Tocqueville notait que « les Américains sont habitués à procéder à toutes sortes d’élections. » (7) En effet, les électeurs américains élisent 535 législateurs fédéraux (435 représentants, 100 sénateurs), 7383 législateurs d’État (représentants, sénateurs) et, en comptant tous les élus locaux, plus de 500.000 responsables qui servent dans 80.000 institutions. (8)

Voici une liste non exhaustive des postes pourvus par des élections aux États-Unis.

Au niveau de l’État fédéral : le président (et son vice-président), les représentants, les sénateurs.

Au niveau de l’État : le gouverneur, le lieutenant-gouverneur, les représentants, les sénateurs, de nombreux membres du gouvernement de l’État, comme le secrétaire d’État (Secretary of State), le ministre de la Justice (Attorney General), le trésorier (Treasurer), parfois aussi le contrôleur financier (Auditor, Controller, Comptroller, Chief Financial Officer), le ministre de l’Éducation (Superintendent of Public Instruction, Commissioner of Education, Commissioner of Schools), le ministre du Travail (Commissioner of Labor), le ministre des Impôts (Tax Commissioner), le ministre des Terres publiques (Commissioner of Public Lands), voire les administrateurs de l’université d’État (State University governors, regents, trustees).

Au niveau du comté ou de la ville : les dirigeants du comté (sherif, superintendant), les membres du conseil du comté (county commissioner), les dirigeants de la ville (mayor, town supervisor), les membres du conseil municipal (city commissioner, city councilor, councilman), le responsable des élections (supervisor of elections), le responsable des listes électorales (assessor), le percepteur des impôts locaux (tax collector), le commissaire aux comptes (auditor), le chef de la police du comté (constable), le chef de la police municipale (police commissioner), le chef des pompiers (fire chief), les membres des conseils scolaires (school board members), parfois aussi le médecin légiste (coroner), les membres de la commission de la santé (Healthcare District Board directors, Health Service Board members), le responsable de la voirie (road commissioner), le responsable des chemins de fer (railroad commissioner), le responsable du port (port commisioner), l’arpenteur-géomètre (surveyor), le responsable des ressources naturelles (Soil and Water Conservation District director), le responsable des égouts (sewer commissioner), voire le responsable des arbres publics (tree warden).

A lire aussi, Harold Hyman: États-Unis: une campagne entre cris et chuchotements

Dans la majorité des États, les citoyens élisent aussi les juges (municipal court judges, family court judges, district court judges, criminal court judges, court of criminal appeals judges), les procureurs (prosecutors, solicitors), et les juges de la Cour suprême de leur État (justices).

Enfin, les citoyens doivent voter pour des référendums d’initiative populaire (à l’échelon de l’État, du comté ou de la ville), pour des propositions d’amendements à la Constitution de leur État, pour révoquer un élu (recall), parfois aussi pour approuver les comptes de leur ville ou comté, un nouvel emprunt de leur ville ou comté, les budgets des écoles locales, les budgets des travaux de voirie, etc.

Les bulletins de vote américains sont donc très longs. Par exemple, à Houston (Texas), pour les élections de mi-mandat de 2018, le bulletin de vote faisait 16 pages ; pour les élections du 5 novembre 2024, les électeurs de cette ville ont 61 choix à faire pour 61 postes à pourvoir.

Dans ce pays, où 500 000 responsables publics sont élus, la sécurité des élections est donc encore plus importante que dans les autres démocraties de la planète, et les fraudes éventuelles peuvent influencer des dizaines d’élections dans chaque circonscription. Cela est d’autant plus vrai que les élections locales se jouent souvent à quelques voix près. Par exemple, dans l’Ohio, en seulement 15 mois, 70 élections se sont achevées par une victoire d’une voix ou par une égalité parfaite. Un seul fraudeur peut donc inverser le résultat d’une élection, voire de plusieurs. (9)

Le pouvoir du système judiciaire américain

Dans une décision historique de 1803, la Cour suprême des États-Unis a formulé le principe du contrôle juridictionnel, selon lequel les tribunaux américains ont le pouvoir d’annuler les lois et les statuts qu’ils jugent contraires à la Constitution des États-Unis. (10) Les tribunaux ont donc le pouvoir d’annuler les lois électorales, ce qui leur confère un rôle aussi important que méconnu dans la saga des élections américaines. Voilà pourquoi il est nécessaire de décrire aussi succinctement le système judiciaire des États-Unis. Bien que chaque État possède sa propre organisation judiciaire, elle comporte toujours deux échelons : les tribunaux de l’État et les tribunaux fédéraux.

Chaque État dispose de ses tribunaux de première instance (Trial Courts), de ses tribunaux d’appel (Courts of Appeal, State Appellate Courts), et de sa Cour suprême. (11) L’échelon fédéral ressemble à celui des États : tribunaux de première instance fédéraux (U.S. District Courts), puis tribunaux d’appel fédéraux (U.S. Courts of Appeals), puis Cour suprême des États-Unis (U.S. Supreme Court). Chaque plainte peut donc, en théorie, être examinée par six niveaux différents de tribunaux. Des astuces de procédures permettent, dans certains cas, de sauter une ou plusieurs étapes et de déposer directement un recours devant la Cour suprême de l’État, voire devant la Cour suprême des États-Unis.

Comme nous l’avons déjà dit, dans la plupart des États, les juges et les procureurs sont élus par le peuple. Il en découle que, dans les États majoritairement Démocrates et dans les grandes villes américaines (toutes gérées par les Démocrates), les juges et les procureurs sont quasiment tous des Démocrates. Cela permet aux Démocrates de mener une incessante guérilla judiciaire contre l’adoption de lois visant à sécuriser les élections, comme nous le verrons bientôt…

Dans notre prochain article, nous passerons en revue les avis des experts sur le système électoral américain.

>> A suivre <<


Notes

1) Pour des informations sur la Constitution, le fédéralisme, les branches législatives, exécutives, judiciaires, et les élections des États-Unis, voir :

The Book of the States, Council of State Governments.

https://bookofthestates.org

2) Les représentants sont l’équivalent de nos députés.

3) La capitale des États-Unis, Washington, est située en dehors de ces 50 États, dans le district fédéral de Columbia. Le rôle de ce district dans les élections étant négligeable, nous n’en parlerons pas dans nos articles.

4) « Election Administration at State and Local Levels », National Conference of State Legislatures, Updated December 22, 2023.

https://www.ncsl.org/elections-and-campaigns/election-administration-at-state-and-local-levels

5) Brian Amos, Steve Gerontakis and Michael McDonald, « Changing Precinct Boundaries: Who Is Affected and Electoral Consequences », Prepared for 2023 Election Science, Reform, and Administration annual meeting, Athens, Georgia, May 31 – June 2, 2023, p. 11.

https://esra-conference.org/files/election-science-conference/files/changing_precinct_boundaries_esra-brianamos.pdf

6) Le site du Voting Rights Lab permet de suivre en direct les projets de lois électorales débattus dans les 50 États américains :

https://tracker.votingrightslab.org

7) Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Livre I, 1835, Chapitre 8, « Crise de l’élection ».

8) Steven J. Brams and Peter C. Fishburn, Approval Voting, Second Edition, Springer, 2007, p. 171.

9) « Statement Of Jon A. Husted, Ohio Secretary Of State, On The President’s Executive Actions On Immigration And Their Impact On Federal And State Elections », U.S. House Of Representatives Subcommittees On National Security And Healthcare, Benefits & Administrative Rules, February 12, 2015.

https://oversight.house.gov/wp-content/uploads/2015/02/Secretary-Husted-Statement-2-12-Immigration.pdf

10) Marbury v. Madison, 5 U.S. 137 (1803).

11) Dans certains États, il n’y a pas de tribunaux d’appel, et c’est la Cour suprême qui traite directement les appels.

Gags tragiques à Matignon

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Dette, école, ministres… De mal en Pisa, la dégringolade continue.


Au fond de la vallée, en la nuit étoilée, le nouveau gouvernement est né. C’est la panique sur France Culture, au Nouvel Obs, chez LFI, Les Verts. Les avions renifleurs d’extrême-droite sont en alerte maximale. « Au voleur ! Au voleur ! A l’assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel… » La lutte les dépasse. Canon bleu ne répond plus, Mission dernière chance pour Michel (Tanguy) Barnier.

Lignes rouges sur pistes bleues

« Le racisme est l’une des valeurs clés du gouvernement » (Marine Tondelier) le plus conservateur depuis Nicolas Sarkozy, Gengis Khan, Attila… Les Compagnons de la chanson progressiste, cloches de l’indignation prudhommesque, sonnent, sonnent l’alarme et font les poubelles. Sandrine Rousseau vibrionne dans le mépris de classe, déconstruit les bourgeoises Maniatis de la nouvelle équipe. « La femme est une grande réalité, comme la guerre » (Larbaud). Bruno Retailleau, hétéro et catho, défend les chrétiens d’Orient. A Auray, une bisaïeule de sa trisaïeule, Marie-Constance Retailleau de Pontcallec, a « liké » plusieurs posts Instagram de Cadoudal en 1799…

François Hollande raille un gouvernement de « Restauration ». Marat Marais du plateau de Millevaches, Louis XVIII du grand peuple de Gauche, fosse tranquille, il sait de quoi il parle. Incroyable & Merveilleux macroniste, Gabriel Attal confesse qu’il a « une histoire à écrire avec les Français ». Il demande des garanties sur l’IVG et la PMA, cabriole dans l’écume, le buzz, multiplie les saltos dans les cerceaux. Oum le Dauphin se prend pour Moby-Dick. Rien n’est trop beau lorsqu’il s’agit de grandeur. Nous avons échappé au pire, un gouvernement Castets : Mathilde Panot au ministère de la rééducation, Thomas Piketty à Bercy, l’impôt sur les os, une faillite vénézuélienne en trois mois. Pour combien de temps ? L’épée dans les reins, le gouvernement Barnier n’a aucune marge de manœuvre, économique, financière, politique.

Dénis d’initiés

Loin des sentiers obliques, à la justice enclin, bon maître, généreux quoiqu’il fût économe, le Premier ministre n’a pas de fange en l’eau de son moulin, pas d’enfer dans le feu de sa forge. Le problème, c’est l’oseille, les champs de blés et d’orge, les sacs de grains qui semblent des fontaines publiques… La caisse est cramée.

Nous n’échapperons pas à une kyrielle de rodomontades, chocs d’autorité, de savoirs, de mémoires… Une consultation citoyenne sur la simplification de la transformation de l’action publique, un grand Grenelle anti-gredins, un big bang de l’anti-gang bang, un plan Marshall d’éclairage du bois de Boulogne. Le GIGN, Louis de Funès et Bourvil vont être positionnés au poste frontière de Menton. Le taux d’application des OQTF pourrait passer de 8% à 11%.  

A lire aussi, Stéphane Germain: Le pouvoir d’achat, ce paresseux mantra

Anne Genetet, nouveau cornac du mammouth, est rassurante : l’éducation reste la mère de toute les batailles : « Le navire ne changera pas de cap ». La Hougue, les Cardinaux, les Saintes ? Six ministres en deux ans. Le cap Carnaval des connétables du déclin, la rue de Grenelle, Salamine. Ni savoirs, ni transmission. Depuis deux générations, du Primaire au Supérieur, la même bouillabaisse de bons sentiments, acronymes abscons, notes gonflées aux hormones pour endormir les parents, préserver l’omerta. Sur Teams, EcoleDirecte, la foire aux PowerPoints, copiés-collés, tutos, vidéos, enseignants Fée Clochette-coach, bat son plein. L’acmé de la tartufferie, c’est la « spécialité » HGGSP (Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences politiques), un poke bowl d’ersatz d’Humanités qui piège un quart des élèves de Terminale. Theatrum Maudit, Mer de toutes les histoires (à dormir debout), folie des glandeurs, les six thèmes transverses du programme surpassent l’« Arbor scientiae » de Lulle et les « 900 Conclusions (philosophiques, cabalistiques et théologiques) » de Pic de la Mirandole… « De nouveaux espaces de conquête ; Faire la guerre, faire la paix ; Histoire et mémoires ; Identifier, protéger et valoriser le patrimoine ; L’environnement, entre exploitation et protection ; L’enjeu de la connaissance ». Six heures hebdomadaires de gloubi-boulga, axes, jalons, démarches réflexives, pour un vernis de culture générale et préparer un « grand oral » sans enjeu, car postérieur au dépôt des dossiers d’inscription dans le Supérieur.

Une blouse, deux dictées, trois fables de La Fontaine, ne changeront rien à l’affaire. Les pédago-gauchistes font la loi, les programmes, coupent ce qui dépasse, le latin, le mérite, l’excellence. LFI adore les analphabètes autodidactes, élèves Ducobu, Delogu, Jeune Garde en section « fichier S ». De mal en Pisa, la dégringolade continue. Pour échapper à la loterie ParcoursSup, aux Bourdieuseries des Facultés en faillite, les premiers de cordée exfiltrent leurs enfants, avant le Bac, direction Montréal, Milan, McGill, la Bocconi.

À Bercy, Antoine Armand s’interroge : « Face à la gravité de la situation budgétaire, comment chacun peut contribuer intelligemment » ? Un rapport évalue à 13 milliards d’euros le montant annuel de la fraude sociale. Pour les fins limiers du Haut Conseil du financement de la protection sociale, les normes sont « fraudogènes », « le tout-contrôle est stigmatisant, pas pleinement efficace ». Afin d’éponger les 3228 milliards d’euros de dette publique, surgissant hors de la nuit vers l’aventure au galop, il nous reste Zorro, le Comte de Monte-Cristo et l’or des Templiers. Le nouveau garde des Sceaux, Didier Migaud, veut « rendre la justice plus proche des citoyens, plus juste, plus rapide ». Stabilité et bonne nouvelle rue de Valois : « La Culture est fille du plaisir et non pas du travail » (Ortega y Gasset). Aux Armées, au Quai d’Orsay, rien. À l’étranger, la France ne pèse plus rien. La remontada ne sera pas une partie de plaisir. Les mots ne sont jamais les mêmes pour exprimer ce qu’est le buzz, le blues, le Booz.

Michel Barnier, Booz endormi

Pendant qu’il sommeillait, Marianne, une moabite, s’était couchée aux pieds de Michel Barnier, le sein nu, espérant on ne sait quel rayon inconnu, quand viendrait du réveil la lumière subite…

« Marianne méditait, Michel broyait du noir ;
Des zozos aux infos, piapiataient vaguement ;
Les ennuis immenses, tombaient du firmament ;
L’heure était difficile ; les Français n’osaient croire.

Tout reposait dans l’urne et quand gérer la dette ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
La croissance évanouie parmi ces fleurs de l’ombre
Brillait dans le néant, Marianne se demandait,

Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
La France hébétée hors du champ des étoiles. »

(d’après Victor Hugo, Booz endormi).

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Une distinction à abattre

Nos concitoyens sont de plus en plus fâchés avec le travail car, dans un pays où l’égalitarisme a pris le pouvoir, l’effort leur inspire davantage de ressentiment que de fierté. Vouloir en finir avec cette ultime distinction qu’est la réussite par le talent et l’exigence, c’est promettre la société à la médiocrité et à l’assistanat.


Le large refus des Français de retarder leur départ en retraite, alors qu’ils la prennent beaucoup plus tôt que dans la plupart des autres pays européens, et la stagnation de la productivité du travail, affectant la richesse par habitant, étonnent. Quand on pense à l’époque des « Trente Glorieuses » avec le souvenir d’un grand engagement dans le travail, on s’interroge sur les sources de cette mutation. Elle trouve ses racines dans une évolution beaucoup plus large de la société française.

Un temps de fierté du travail dans une société restée aristocratique

Lors de la Révolution française, la hiérarchie du « sang » a été mise à bas, mais nullement la logique d’une société de « rangs », avec les devoirs que le travail impose à chacun de remplir sous peine de déchoir. Les sources légitimes de distinction sont devenues, dans les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les « capacités » les « vertus » et les « talents »(Article VI : « Tous les citoyens sont admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talent. ») Si cette vision exigeante n’a jamais fait l’unanimité, elle a été particulièrement mise à l’honneur après la Seconde Guerre mondiale, dans un rejet de l’esprit de défaite, des compromissions de la collaboration, du jeu des petits intérêts qui avaient marqué la période de l’Occupation. Il s’est alors agi de retrouver, individuellement et collectivement, la grandeur perdue.

Cette vision exigeante a marqué un système d’enseignement donnant une grande place à l’« élitisme républicain ». Encore, en 1944, le programme du Conseil national de la Résistance exigeait « la possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires ». La réussite dans les études, couronnée par un succès au certificat d’études, au baccalauréat, comme aux diplômes du supérieur, était une grande source de fierté.

Cette référence à une société de rangs s’est retrouvée dans le monde du travail. Une « aristocratie ouvrière » a pris forme au xixe siècle. La catégorie des « cadres », s’affirmant bien distincts des « simples employés », a émergé dans les années 1930. La défense par chaque catégorie professionnelle de son statut est allée de pair, pour ceux qui avaient un « vrai métier », avec une grande fierté professionnelle et un vif engagement dans leur travail.

L’avènement d’un monde « inclusif »

À partir des années 1960, l’attachement à la hiérarchie des rangs et à l’exigence d’être à la hauteur de la place que l’on occupe, a été radicalement dénoncé au nom d’un impératif d’égalité. Les ci-devant « élites » ont été requalifiées en « dominants ». Toute volonté de « distinction » a été réprouvée. La récompense du mérite a été déclarée source de « discrimination » envers ceux qui échouaient et de « stigmatisation » de ceux-ci.

Cette mutation a affecté en profondeur le système éducatif. Le culte de l’excellence a été largement abandonné au profit de celui de la réussite pour tous. Conditionner les récompenses scolaires, les notes, les passages à la classe supérieure, l’obtention des diplômes à la réalisation de performances a été vu comme incompatible avec un traitement égal de tous les élèves. L’incitation à l’effort, l’exigence ont été dénoncées comme mortifères, dans la ligne des théories plus ou moins bien comprises de Françoise Dolto. Le « pédagogisme » a prôné l’attention au plaisir de l’élève aux dépens du « dressage ». La discipline durant le temps de classe a été déclarée attentatoire à la liberté. Le « collège unique » a été mis en place en 1975, puis l’objectif de 80 % de bacheliers énoncé en 1985. Le taux de réussite au baccalauréat s’est envolé et la mention « très bien », jusqu’alors apanage d’une étroite minorité, s’est banalisée. Le nombre de diplômés du supérieur a connu une croissance vertigineuse. Les voies d’accès parallèles aux formations d’élite ont été multipliées. L’enseignement professionnel a été revu en profondeur en mettant en cause l’acquisition d’une vraie compétence professionnelle dans un domaine « étroit » au profit d’une formation générale. Le désir de faire advenir une société « inclusive » a conduit à un cercle vicieux : un abaissement du niveau d’exigence dans la formation pour n’exclure personne ; un faible niveau des sortants du système éducatif et l’effondrement de la France dans les comparaisons internationales sur ce niveau ; un nouvel abaissement du niveau d’exigence pour maintenir l’exigence d’inclusivité. Les tentatives récentes de revenir sur ces « acquis », notamment en subordonnant le passage dans la classe supérieure à un certain niveau de performance, ont largement fait scandale dans le corps enseignant.

Ce refus d’une hiérarchie fondée sur le mérite n’a nullement conduit à l’avènement d’une société d’égaux. Demeurent la prééminence de l’argent, de la popularité sur les réseaux sociaux, de la consommation ostentatoire, de l’accès à des marques prestigieuses. On retrouve les valeurs de ce qui était qualifié, à la fin du xixe siècle, de « demi-monde ». La fierté de ce que l’on accomplit, de l’exemple que l’on donne, serait-ce au sein d’une position sociale modeste, pèse bien moins que le prestige de l’argent. La volonté d’atteindre l’excellence dont on est capable perd sa force au profit de celle de consommer, quelle que soit l’origine des ressources qui le permettent.

Dans le domaine du travail, la fierté de l’œuvre accomplie est dévalorisée d’autant, ce qui conduit d’autant plus à se plaindre de la charge que celui-ci représente. Cela est déjà bien apparu dans les slogans de Mai 1968, avec le refus de « perdre sa vie à la gagner ». On a vu monter l’idée de « droit à la paresse », la valorisation de la redistribution grâce à de multiples allocations. Le RMI, instauré en 1988, puis le RSA, qui lui a succédé, relèvent de cette logique. L’idée de les assortir de véritables exigences est jugée insupportable, car cela reviendrait, prétend-on, à « blâmer la victime ». Le « progrès » n’est pas vu comme la possibilité largement offerte de s’épanouir dans un travail exigeant, mais comme celle de réduire son temps de travail, avec l’abaissement par la gauche de l’âge de départ à la retraite (1982) et l’instauration des 35 heures (1998).

Cette mutation idéologique se heurte à la réalité d’un monde économique hautement compétitif, dans un contexte de mondialisation et de concurrence exacerbée. Les titulaires de diplômes généreusement distribués se sont trouvés mis en demeure de faire preuve de leur capacité à contribuer efficacement à des activités productives. L’existence d’une masse de sortants du système éducatif à la fois peu compétents et peu habitués à la discipline et à l’effort a conduit à la fois à un niveau élevé de chômage et au développement d’activités peu exigeantes, peu productives et mal rémunérées, avec un personnel bénéficiant en compensation d’allocations généreuses.

Une grande diversité de rapports au travail

Cette situation d’ensemble engendre des rapports très diversifiés au travail, la fierté liée à la qualité du travail accompli demeurant pour certains mais tendant à s’émousser pour d’autres, au profit de la frustration liée au fait d’en voir certains profiter du « système » et d’un ressentiment à leur égard. On peut distinguer sommairement cinq grands groupes réagissant de manières contrastées.

Dans un premier ensemble, professionnellement diversifié, le culte de l’excellence, la fierté du travail accompli demeurent. C’est le cas pour nombre de ceux qui sont passés par les grandes écoles les plus réputées, après un parcours scolaire réalisé dans les établissements élitistes qui demeurent au sein de l’enseignement public ou privé. On les voit réussir aussi bien dans la City et la Silicon Valley que dans la création de start-up en France. Nombre de membres des professions libérales, médecins, avocats sont eux aussi dans une logique d’excellence, de réussite et de fierté professionnelle. Appartiennent également à cet ensemble des artisans hautement qualifiés, à l’image de ceux qui sont engagés dans la restauration de Notre-Dame-de-Paris. Il n’est guère question pour ces « privilégiés » de restreindre leur temps de travail, ni dans la durée hebdomadaire (ainsi les indépendants travaillent en moyenne 46 heures par semaine), ni dans leur départ en retraite.

Un deuxième ensemble regroupe ceux, spécialement parmi les cadres de grandes entreprises, qui munis de bons diplômes, mais pas exceptionnels, seraient prêts à s’engager avec fierté dans leur métier s’ils n’étaient dissuadés par un management qui les traite en « exécutants ». Ils profitent au maximum du télétravail, tendent à se recentrer sur leur vie de famille. S’étant ainsi adaptés, ils ne sont pas spécialement désireux de partir en retraite plus tôt.

On trouve dans un troisième ensemble nombre de ceux qui ont été en échec scolaire ou sont passés par un enseignement professionnel préparant mal à l’exercice d’un métier qualifié et n’ont pas été éduqués à la discipline et à l’effort. Payés au niveau du salaire minimum ou guère plus s’ils ont trouvé un emploi, ils ne risquent guère d’être fiers d’un travail peu estimé par la société. Ils comptent beaucoup sur le système de protection sociale et aspirent à partir en retraite le plus tôt possible.

« Manifestation gaulliste » place de la Concorde à Paris, 30 mai 1958. SIPA

Un quatrième ensemble donne une grande place à ceux qui sont hautement diplômés (bac + 5 et au-delà), mais dans des formations peu exigeantes qui ne débouchent guère sur des emplois de niveau correspondant, en terme ni de statut ni de rémunération. Ils ont le sentiment d’être déclassés. Nombre d’entre eux rejoignent des professions intellectuelles de niveau modeste et sont pleins de ressentiment envers ceux qui, passés par les formations élitistes, réussissent dans leur carrière. Certains, spécialement ceux qui travaillent dans les collectivités locales, parviennent à une durée hebdomadaire nettement inférieure à 35 heures. Hautement politisés à gauche, ils sont en pointe dans les revendications de réduction du temps de travail et d’abaissement de l’âge de départ en retraite.

On trouve enfin dans un cinquième groupe un ensemble d’artisans, de commerçants, d’ouvriers professionnels qui ont le sentiment de travailler dur sans pour autant parvenir à bien gagner leur vie et entretiennent un fort ressentiment à l’égard des « assistés », qu’ils voient comme gorgés de privilèges indus en matière d’allocations et d’accès aux HLM. Votant en grande part pour le RN, ils sont ambivalents à l’égard de leur travail. Concernant l’âge de la retraite, ils ne voient pas pourquoi ils continueraient à travailler longtemps pendant que d’autres profitent.

La volonté de travailler plutôt moins, que l’on trouve actuellement chez nombre de Français, n’est pas la conséquence inéluctable d’un refus héréditaire du travail. Elle est le produit du choc entre deux cultures : celle où la recherche exigeante de l’excellence, l’affirmation du rang, avec la fierté qui les accompagne, constituent un ressort essentiel de l’action et une idéologie « inclusive » post-moderne, ennemie de l’exigence. Le poids pris par cette idéologie, dans le système éducatif puis dans la vie professionnelle, est un grand facteur de démobilisation. De plus, le fait que certains conservent un métier et une rémunération qui leur permettent de « tenir leur rang » est une vive source de ressentiment pour ceux dont le travail n’est pas à la hauteur de leurs diplômes, souvent obtenus dans des filières peu exigeantes. Le ressentiment est vif, aussi, chez ceux qui, artisans, commerçants, ouvriers professionnels, travaillent dur et s’indignent des largesses dont bénéficient les « assistés ». Ils rejoignent les précédents à la pointe des combats visant à leur permettre de partir en retraite. Vu la force de résistance d’une culture qui a traversé les révolutions, on ne voit pas comment retrouver un large engagement dans le travail dans le contexte idéologique contemporain.

Dernier ouvrage paru : Le Grand Déclassement : pourquoi les Français n’aiment pas leur travail ! (Albin Michel, 2022)

Le Grand Déclassement

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Tueuses comme tout le monde

La féminité n’est pas une garantie d’humanité. Les gardiennes des camps nazis en sont la sanglante démonstration, de même que nos zélées collaboratrices. Tueuses, de Minou Azoulai et Véronique Timsit, et Collaboratrices, de Pierre Brana et Joëlle Dusseau, dépeignent ces femmes qui n’ont rien de la victime MeToo.


« La femme est l’avenir de l’homme », écrit Aragon. La lecture de Collaboratrices, de Pierre Brana et Joelle Dusseau, comme de Tueuses, de Minou Azoulai et Véronique Timsit, offre un cruel démenti à cette profession de foi. À l’ère MeToo, où la femme est présentée comme un éternel bébé phoque, victime du patriarcat, à jamais martyre et proie, nos auteurs dépeignent des femmes qui ont parfaitement trouvé leur place dans la mécanique hitlérienne, que ce soit en collaborant avec l’occupant ou en étant les zélées auxiliaires du régime nazi. On les retrouve dans les camps de la mort où leur cruauté n’épargne pas les enfants. Les pages consacrées à Eugenia Pol et Sydonia Bayer sont particulièrement éprouvantes. Elles sévissaient au « Petit Auschwitz », à Lodz, en Pologne, camp d’extermination pour enfants âgés de trois à 16 ans – où furent aussi internés des bébés de six mois. Les témoignages racontent la monstruosité de ces femelles-bourreaux qui n’hésitaient pas à fracasser la tête des nourrissons contre les murs.


Ni remords ni regrets

Ces femmes se caractérisent par leur ambition, leur besoin de reconnaissance, d’ascension sociale et leur absence d’empathie pour leurs semblables, comme par leur violence et leur incapacité à éprouver remords et regrets. Des motivations et des caractéristiques très similaires à celles des hommes finalement. Pour autant, la plupart d’entre elles ont échappé aux sanctions les plus lourdes ou ont été amnistiées, certaines retrouvant même du travail auprès d’enfants ou dans des hôpitaux, comme la sadique Eugenia Pol qui continua de vivre tranquillement à Lodz. Et on note au passage que l’Allemagne a été particulièrement bienveillante envers celles qui ont participé à la gestion des camps de la mort ou qui se sont illustrées en infirmières zélées auprès du docteur Mengele.

A lire aussi: Les «Blouses blanches pour Gaza»: pas bien claires!

Pourquoi une telle indulgence ? L’idée que la femme puisse être un criminel est-elle inacceptable pour une société moderne qui cherche à se rassurer en s’accrochant à l’image archaïque d’une féminité-sensible-et-délicate ? En tout cas, le déni de ces femmes, lors de leur procès, a déstabilisé des juges qui ont préféré croire à des mensonges plutôt que d’affronter l’inconcevable : la féminité n’était pas une garantie d’humanité. Violemment antisémites, déshumanisant ceux qu’elles voulaient éliminer, elles se sont montrées tout aussi fanatiques que leurs contemporains mâles. Il semble que la sororité ou l’instinct maternel n’aient pas éclairé leur parcours…

Invisibilisées !

Ces psychopathes du Reich, femmes extraordinaires au sens premier du terme, ont été peu condamnées, c’est peut-être pour cela qu’elles sont si peu présentes dans notre imaginaire et dans les travaux des historiens qui se sont penchés sur ces années noires. En revanche, celles qui ont pratiqué une collaboration dite « ordinaire », la fameuse « collaboration horizontale », ont connu les foudres de la justice ; et c’est cela qui nous marque encore : coucher avec l’ennemi est une trahison abjecte et impardonnable, alors que dénoncer des juifs paraît susciter moins d’opprobre. Pourtant, le premier cas est rarement lié à une adhésion à l’idéologie nazie, il s’explique le plus souvent par le besoin d’argent, la nécessité, la légèreté, le goût du luxe voire par l’amour. Le second, en revanche, témoigne d’une proximité intellectuelle avec l’occupant et d’une profonde indifférence au sort de ceux qui ont en général été envoyés à la mort. Or la délation apparaît comme la discipline pratiquée en majorité par les femmes, selon certains historiens, quand d’autres évaluent à environ 30% la proportion de femmes parmi les corbeaux. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas négligeable.

A lire aussi: La “feuille de route” de Morgan N. Lucas pour rééduquer les hommes: opportunisme ou bêtise?

L’oubli des femmes, quand on évoque la Résistance comme la collaboration, est lié également à leur représentation dans la société. Reléguées dans l’imaginaire à leur fonction de génitrice et de mère de famille, elles ne sont pas considérées comme étant capables d’agir politiquement, et encore moins comme étant autonomes intellectuellement. Aussi, les excuses telles que « je ne savais pas » ou « je n’avais pas le choix » ont-elles été particulièrement bien entendues par les tribunaux. Un aveuglement renforcé par l’hypervirilisme d’un monde post-totalitaire mettant toujours en scène un mâle dominant, conquérant et sans état d’âme.

Si nul ne naît collaborateur ou tortionnaire, certains et certaines peuvent facilement le devenir. Pourquoi ? Parce que « la violence collective est une construction sociale qu’il est aisé de banaliser[1] » et à laquelle il n’est pas si difficile d’adhérer. « Quand le crime contre l’autre est érigé en ordre de conduite et en morale[2] », l’ensemble de la société accepte cette vision et la transforme en réalité politique. Dans ce cadre, il n’est nullement question de genre. La femme n’est pas immunisée contre le mal ni contre le crime. Il va falloir s’y faire.


À lire :

Minou Azoulai et Véronique Timsit, Tueuses : ces femmes complices de la cruauté nazie, Privat, 2024.

LES TUEUSES: CES FEMMES COMPLICES DE LA CRUAUTÉ NAZIE

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Pierre Brana et Joelle Dusseau, Collaboratrices, Perrin, 2024.


[1] Citations de Tueuses, p. 37.

[2] Ibid.

Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Un problème pour Trump dans un Etat-pivot ? Liban : stratégie israélienne et solution diplomatique. L’actualité politique vue par Causeur.fr. Avec Eliott Mamane, Gil Mihaely, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Les déclarations extrémistes du Républicain afro-américain, Mark Robinson, lieutenant-gouverneur de la Caroline du Nord et candidat à l’élection gouvernorale cette année, pourrait être un problème pour Donald Trump dans cet Etat-pivot ; explications avec le chroniqueur politique Eliott Mamane.

Y aura-t-il un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah? Les frappes israéliennes ont réussi à affaiblir les capacités militaires de l’organisation. Pour arriver à une solution diplomatique de la situation, les vraies négociations ont lieu entre Washington et Téhéran. L’analyse de Gil Mihaely.

Affaire Pelicot: la tribune de 200 hommes « contre la domination masculine » publiée par Libération; les frasques à répétition de Sébastien Delogu; la saga des OQTF; des « Blouses blanches pour Gaza »?… L’actualité de la semaine vue par Causeur.fr avec Martin Pimentel.

Affaire Philippine: Comment le suspect Taha O. s’est-il retrouvé dans la nature?

Moins d’une OQTF sur 10 est exécutée en France. Philippine serait encore vivante avec une législation adaptée.


Philippine Le Noir de Carlan était une jeune fille souriante, studieuse et bien élevée. Elle aurait pu être votre sœur, votre fiancée, votre cousine, votre amie ou votre fille. Étudiante sans histoire à l’université Paris-Dauphine, elle a disparu vendredi 19 septembre aux alentours de 14 h après avoir été aperçue pour la dernière fois au restaurant universitaire. Son corps supplicié a été retrouvé enterré à la va-vite au cœur du Bois de Boulogne. Elle a été violée, volée et finalement assassinée par un homme dont elle n’aurait jamais dû croiser la route.

Le premier viol du suspect avait marqué les esprits des policiers

Si toutes les précautions avaient été prises, Taha O. ne se serait d’ailleurs pas retrouvé sur son chemin.

Interpellé le 24 septembre alors qu’il était en fuite à Genève, Taha O. est un ressortissant marocain de 22 ans né dans la ville d’Oujda, située à l’est du Maroc près de la frontière algérienne. Venu en France en juin 2019 muni d’un visa touristique pour une durée allant du 13 juin au 27 juillet, il n’est évidemment pas reparti chez lui. Première faille dans cette histoire symptomatique de tous nos errements en matière migratoire, Taha O. avait évidemment été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance du Val-d’Oise… Quelques semaines plus tard, il violait une étudiante de 23 ans sur un chemin forestier en forêt de Taverny, à quelques encablures du foyer où l’État français le prenait en charge à l’aide de nos impôts. Il fut pour cela condamné à une peine de sept années de prison ferme en 2021. Il ne l’a bien sûr pas effectuée jusqu’au bout.

Le viol commis alors par Taha O. a durablement marqué les esprits des enquêteurs, comme le montre le poignant témoignage de Frédéric Lauze dans le journal Le Figaro. L’ancien chef de la police du Val-d’Oise se souvient d’un « prédateur sexuel très dangereux » malgré son jeune âge. Il raconte aussi que sa victime n’a eu la vie sauve qu’en dupant le psychopathe, lui faisant croire qu’elle avait l’intention de le revoir. Se disant « ému » mais aussi « en colère », Frédéric Lauze reproche dans ce même entretien l’inconscience du juge des libertés en charge du suivi de l’affaire. Il a pleinement raison, tant ce drame aurait pu et dû être évité dans un pays mieux organisé pour lutter contre une criminalité exogène particulièrement redoutable. Ces propos trouvent d’ailleurs un écho chez l’avocat Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, qui a lui estimé que la justice avait été dans ce cas « irresponsable ».

Erreur d’appréciation majeure

Comment donc Taha O. a-t-il pu se trouver dans les rues et commettre son atroce forfait ? Sorti de la prison de Joux-la-Ville (Yonne) le 20 juin 2024 grâce à un « aménagement classique des peines », le Marocain a été placé immédiatement en centre de rétention administrative après avoir été notifié d’une obligation de quitter le territoire français. C’est la loi dite « Immigration » du 26 janvier 2024 qui fait autorité en la matière. Elle est complétée par le décret n° 2024-813 de juillet 2024 prévoyant « les conditions d’assignation à résidence et de placement en rétention ». Sur le site service-public.fr, des explications et détails sont donnés quant aux différentes procédures. On y apprend ainsi que « la rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé (centre de rétention administrative) un étranger qui fait l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de son renvoi forcé ». Décidée par l’administration, cette rétention est limitée à 90 jours, sauf en cas d’activités terroristes.

Concernant Taha O., nous étions dans un cas de décision de placement en rétention, après une période d’incarcération. La décision initiale a donc été ici prise par un préfet. L’éloignement de Monsieur O. n’ayant pas pu intervenir dans les 48 heures après son placement en rétention, les autorités marocaines ayant dû procéder à la vérification de l’identité du criminel, puisque ce dernier avait comme c’est toujours le cas « égaré » ou plus sûrement détruit ses papiers d’identité, le préfet a dû décider d’une première prolongation de la rétention de 28 jours francs. Ce n’est qu’à l’issue de ce délai que le juge des libertés et de la détention a été saisi. Il a eu 18 heures pour statuer et a prolongé de 30 jours francs pour plusieurs motifs en l’espèce (destruction des papiers d’identité, laissez-passer consulaire non délivré en conséquence, mais aussi menace réelle à l’ordre public).

Le drame s’est ensuite joué à l’expiration de ce second délai. De fait, une prolongation supplémentaire de la détention pouvait être demandée par le préfet et autorisée par le juge des libertés et détentions qui a pourtant choisi de placer Monsieur O. en « résidence surveillée » à l’hôtel, alors que le Maroc délivrait le laissez-passer consulaire permettant l’expulsion après avoir acquis la certitude qu’il s’agissait d’un de ses sujets le lendemain. Comme on pouvait l’imaginer, l’assassin présumé a profité du fait que la surveillance était relâchée pour s’échapper dans la nature. Il y a eu là une erreur d’appréciation majeure et une forme de démission des autorités. La dangerosité criminelle du profil aurait dû obliger à la persévérance. Des responsables doivent être désignés et sanctionnés. Le législateur et le préfet ne sont pas en reste dans cette liste. En effet, le préfet de l’Yonne a mal adressé la première demande de laissez-passer consulaire au royaume du Maroc. Une boite mail dédiée existe, ce que semble avoir ignoré la préfecture. Pis : des sources concordantes indiquent que le Maroc a averti ses homologues français que la première demande d’éloignement était mal rédigée dès le 24 juin ! Quant au législateur, sa rédaction de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) fait débat. La loi Immigration prévoit bien que la menace pour ordre public autorise une prolongation de la durée de rétention portée à 90 jours, mais le texte précise que ce trouble doit avoir été commis pendant la dernière période de prolongation… N’ayant commis aucun trouble durant les 15 derniers jours de sa rétention administrative, Taha O. a donc bénéficié de la clémence du juge qui a conclu que les conditions légales d’une nouvelle détention n’étaient pas réunies… tout en reconnaissant l’extrême dangerosité du personnage. La lettre plutôt que l’esprit de la loi.

Il faut néanmoins savoir que le contentieux des étrangers représente 50% de l’activité des tribunaux administratifs. Les juges des tribunaux administratifs doivent donc faire constamment du droit des étrangers en plus des autres dossiers qui leur sont attribuées en fonction de l’organisation locale. Le pourcentage des contentieux concernant le droit des étrangers tombe à 30% en appel et, tout de même, encore 20% devant le Conseil d’état en cassation. Colossal. C’est dire l’ampleur du problème.

Que faire ?

Il faut complétement rénover la législation en matière de rétention des immigrés en situation d’illégalité. D’abord, l’ « OQTF » n’est au fond qu’une invitation à partir. Il ne s’agit pas du tout d’une obligation de fait. Une expulsion à l’issue d’une peine de prison doit être préparée en amont de manière à ce que le criminel soit renvoyé immédiatement dans son pays d’origine. Il faut pour cela mieux coordonner l’action des différents services pénitentiaires, judiciaires et administratifs. Il faut aussi aligner le régime des criminels et délinquants de droit commun sur celui appliqué aux terroristes. Mieux encore : une personne ayant détruit ou égaré volontairement ses papiers et justificatifs d’identité étrangers devrait être placée en centre de rétention pour une durée indéterminée jusqu’à ce que son expulsion physique soit matériellement possible. Ce sont là des mesures de bon sens absolu que le gouvernement Barnier devrait tout faire pour mettre en place.

Didier Migaud et Bruno Retailleau peuvent-ils déjouer les mauvais augures?

Réagissant à l’affaire Philippine, le ministre de l’Intérieur a réclamé une évolution de « l’arsenal juridique ». De son côté, le garde des Sceaux a défendu la magistrature lors d’une visite à la prison de la Santé, affirmant que « le laxisme judiciaire n’existe pas », qu’ « il faut de la pédagogie » et que « le taux d’exécution des peines n’a jamais été aussi élevé ».


Avec quelle indécente volupté certains ont-ils pris connaissance des premiers couacs au sein du nouveau gouvernement ! C’était inévitable, tant la France partisane est plus préoccupée de faire perdre l’adversaire que de faire triompher sa propre cause… Il y a des controverses ridicules. Comme celle sur « l’arc républicain » et le Rassemblement national. Pourtant, le Premier ministre avait été clair et il était tout à fait moral et normal de prescrire que le temps du mépris à l’encontre des électeurs de ce parti était révolu et que l’opposition politique même la plus vigoureuse ne serait plus contradictoire avec une sorte de respect démocratique. Pourtant, le ministre Antoine Armand, qui aurait dû être, plus que tout autre à cause de sa proximité avec Michel Barnier, au fait de la résolution de ce dernier, a commis un impair sur France Inter. Il est tombé dans le panneau de cette absurde exclusion du RN de l’arc républicain qui est, comme l’avait très bien dit Gabriel Attal en son temps lucide et courageux, l’Assemblée nationale tout entière. Antoine Armand a été recadré, il a vite compris.

Petits couacs et vraies divergences de fond

Il y a des ministres macronistes qui ont des états d’âme et, pour certains, des frustrations de gauche. Par exemple, Agnès Pannier-Runacher a un « dilemme », craint « des frottements ». S’ils ont tant de mal à être à l’unisson du Premier ministre, personne ne les contraignait à demeurer ministres ! Ils étaient libres de ne pas venir troubler et affaiblir une équipe qui se doit de réussir pour la France et les Français. Ce sont des incidents secondaires qui ne pouvaient que résulter d’un mixte gouvernemental que la dissolution et ses résultats ont rendu obligatoire. Mais il y a un problème de fond, beaucoup plus sérieux, qui est apparu. Par rapport à notre histoire politique, il n’a rien d’original. Ce serait « l’éternel duel entre l’Intérieur et la Justice », écrivent Claire Conruyt et Paule Gonzalès dans Le Figaro daté de mercredi. Il serait difficile de contester cette évidence, qui s’est d’ailleurs souvent traduite par la domination d’un ministre – de l’Intérieur plutôt – sur l’autre. Mais, sans être naïf, cet affrontement n’est pas fatal.

À lire aussi, Dominique Labarrière: Philippine: martyre de l’impéritie judiciaire

D’abord parce qu’il s’agit de Bruno Retailleau et de Didier Migaud, qui ont conscience de l’impératif qui pèse sur eux, brutalement résumé par cette interdiction : ils ne peuvent se permettre d’échouer, non seulement dans leur pratique et leurs résultats ministériels mais dans la qualité de leurs relations professionnelles et la solidarité de leurs actions. Il n’y a aucune raison, en effet, pour qu’une sensibilité de droite, courageuse, libre et constante – celle de M. Retailleau – soit désaccordée d’avec la vision lucide et responsable d’un homme étiqueté de gauche : celle de M. Migaud (dont on perçoit que d’aucuns, à cause de cette orientation politique ancienne, voudraient le constituer comme un opposant de principe à Bruno Retailleau) ! À condition que l’Intérieur et la Justice ne soient pas vécus seulement comme des opportunités de défendre policiers ou magistrats sans que soient dénoncés les vices et les dysfonctionnements de chacun des systèmes dans lesquels ils exercent. Ce ne serait pas offenser les seconds que de cibler ce que leur institution accomplit mal ou ce que les citoyens attendent mais ne reçoivent pas, notamment efficacité et rapidité. Et la police, aussi respectable qu’elle soit, n’est pas un corps parfait en toutes circonstances ! Le clivage absolu qu’on prétend ériger entre ces deux ministères n’a aucun sens. L’actualité souvent la plus tragique, mêlant des processus administratifs à des enquêtes et informations criminelles – le meurtre de Philippine avec le parcours du suspect Taha O. en voie d’extradition le démontre pour le pire – met à bas cette distinction et n’est pas loin d’établir le caractère sinon interchangeable, du moins très largement complémentaire de Beauvau et de la place Vendôme.

Condamnés à s’entendre dans l’intérêt de la France

Comment aurait-il été concevable, pour Bruno Retailleau, sur TF1 ou dans son entretien du Figaro, de ne pas traiter de l’exécution des peines alors qu’il était questionné sur l’immigration clandestine, l’asile et les OQTF ? Son argumentation, s’il s’était abstenu, en aurait été singulièrement appauvrie. Didier Migaud s’est immédiatement contraint à la posture traditionnelle du garde des Sceaux montant au créneau pour atténuer le propos « sur le droit à l’inexécution des peines ». Je ne suis pas sûr qu’il ait eu raison dans le satisfecit qu’il a formulé mais peu importe : je ne doute pas qu’il saura intégrer, dans sa pratique à venir, une partie de la logique du ministre de l’Intérieur. Il permettrait ainsi, avec évidemment la réciproque de la part de Bruno Retailleau, une meilleure compréhension des rôles policier et judiciaire.

Aujourd’hui, c’est un antagonisme larvé ou affiché qui gouverne. Il faut mettre fin à cette hostilité dont une part de la magistrature est coupable, trop souvent condescendante, avec son apparente pureté, à l’encontre d’une police naturellement fautive aux mains sales (je renvoie à cette analyse précédente…). J’ai la faiblesse de penser que Bruno Retailleau et Didier Migaud ont pour principale ennemie la convention politique qui, au long des années et des pouvoirs de gauche comme de droite, les jugerait mous et incompétents s’ils ne s’abandonnaient pas à une lutte entre chiens et chats. S’ils résistent à cette pente, ils feront du bien ensemble à la France et aux citoyens qui espèrent, après tant d’orages, de désordres et d’affrontements, au moins une esquisse d’aurore.

«Mon jour de chance», c’est sans doute le vôtre aussi

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La nouvelle pièce de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras est un bijou de comédie de situation.


Dans la précédente comédie écrite par les deux co-auteurs, Berlin Berlin, qui se joue toujours actuellement à Paris, la satire politique emprunte aux films de Lubitsch son ton mordant et absurde. Avec cette jubilation pétillante si propre à leur style, Gérald Sibleyras et Patrick Haudecoeur s’intéressent particulièrement aux plus minables des comportements humains dès lors que la situation devient périlleuse. Le burlesque naît alors de cette incapacité des personnages à dépasser des situations rendues impossibles par leur perversité.

Avec Mon jour de chance, le portrait de nos travers humains se veut plus optimiste.

Cette comédie de situation de haute voltige est au fond une sorte de conte à la Dickens, dont l’issue nous invite à réfléchir sur nos propres choix de vie. Comme le vieil avare du célèbre Conte de Noël, Sébastien, le personnage principal, s’est laissé grignoter par la jalousie, l’aigreur et la rancœur. Il se lamente sur sa situation et est persuadé que dans la vie, il y a ceux qui ont de la chance et ceux qui n’en ont pas. D’ailleurs, ses copains et lui jouaient toutes leurs décisions aux dés quand ils étaient plus jeunes, et il est persuadé que s’il avait eu une meilleure main, sa vie aurait été plus belle. Mais supposons un instant que les jeux ne soient pas faits… Et si, tel un fantôme de Noël, le destin lui donnait l’opportunité de rejouer ?

A lire aussi: Un Offenbach queer?

Parlons-en, d’ailleurs, de ce destin, qui est finalement ici l’un des personnages principaux. Celui-ci se demande non seulement si on peut lui échapper, mais aussi si on veut vraiment lui échapper… Changer le destin, d’accord, mais pour avoir quoi à la place ? N’y aura-t-il pas toujours quelque chose qui cloche ? Éternels insatisfaits, nous ne sommes même pas certains que si nous pouvions prendre les rênes de notre destin, le résultat en serait si extraordinaire…

Il faut dire que Sébastien n’est pas tant à plaindre que cela : sa femme est charmante et sensible, et ses amis sont d’une humilité touchante et sympathique. Une bien jolie bande de copains chez qui on passerait volontiers un week-end à la campagne. Ce qui nous change agréablement de certaines comédies françaises où l’on tombe tout de suite chez des gens qu’on ne voudrait jamais fréquenter et auxquels on a, par conséquent, beaucoup de mal à s’identifier…

La force de cette comédie réside non seulement dans l’amabilité — au sens premier du terme — de ses personnages, appuyée par un casting parfaitement harmonieux, mais aussi dans l’imprévisibilité des changements de situation. Les renversements, interprétés par les comédiens avec beaucoup de finesse, sont tous jubilatoires et nous embarquent dans un voyage étourdissant, allant de surprise en surprise, avec un rythme d’horlogerie à la Feydeau orchestré par le metteur en scène José Paul, et un entrain qui nous fait vite trépigner d’excitation, comme si nous étions sur des montagnes russes…

Attachez bien vos ceintures, parce que le destin ne fait pas de cadeau !

Durée: 1h30. Théâtre Fontaine.


Sahra Wagenknecht, radio Ostalgie

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En Allemagne, l’ « Alliance Sahra Wagenknecht, Pour la raison et la justice » (BSW) réalise un score tout à fait honorable aux dernières élections. Face aux succès de l’AfD (droite dure), l’égérie pète-sec de la gauche « réac », ex-Die Linke, devient une faiseuse de rois.


Il n’y a pas qu’en France où le paysage politique connait des mutations étonnantes. Aux récentes élections régionales en Saxe et en Thuringe (ex-Allemagne de l’Est), le parti d’extrême droite AfD a affiché un succès spectaculaire avec respectivement 30,6% et 32,8% des voix le 1er septembre, soit une confortable avance sur toutes les autres formations (à l’exception des conservateurs qui les devancent d’une courte tête en Saxe).

Mais si l’on y regarde de plus près, un autre fait attire l’attention : le parti BSW, inconnu au bataillon jusqu’à l’année dernière, réussit l’exploit de se hisser à la troisième place avec 11,8% et 15,8% des voix. Son leader n’est autre que Sahra Wagenknecht, égérie de l’extrême gauche et ancienne cadre du parti Die Linke (équivalent allemand de LFI). Or, Wagenknecht détonne dans le paysage actuel de la gauche européenne : originaire de RDA, cette native de Iéna n’hésite pas à défendre une ligne marxiste « vieille école », pro-russe et anti-migrants – elle a ainsi publiquement annoncé vouloir revenir à une politique d’immigration beaucoup plus ferme.

A lire aussi: Pérou : Fujimori, comme un De Gaulle andin?

Une concurrence pour le moins inattendue pour l’AfD, qui ne pensait pas devoir jouer des coudes avec l’extrême gauche sur ce sujet. Et ce n’est pas tout : Wagenknecht pourfend même l’idéologie sacro-sainte du wokisme qu’elle ne considère « pas de gauche », créant un malaise dans les sphères socialistes d’outre-Rhin. Son pari est incontestablement gagnant : elle se permet même de ridiculiser ses anciens amis de Die Linke en les devançant assez nettement, emmenant avec elle des foules de nostalgiques de la RDA et des communistes réactionnaires. Derrière les beaux tailleurs et le chignon impeccable se cache donc une cacique de la gauche dure, qui n’a visiblement pas l’intention d’en rester là.

Ironie du sort, les conservateurs de la CDU se voient donc obligés de négocier avec elle une coalition afin d’éviter des gouvernements locaux dirigés par l’AfD. Certaines couleuvres doivent être difficiles à avaler. Dimanche 22 septembre, lors des élections régionales, le BSW confirme sa percée en réussissant à obtenir 13,5% des voix dans le Brandebourg (soit la 3eme position). De quoi nourrir une guerre des gauches à la Mélenchon-Ruffin, version germanique ?

Voici pourquoi la France devrait plutôt dire merci à Israël

Comment expliquer les distances que prennent nos dirigeants politiques avec Israël? Trop souvent, ils donnent l’impression de vouloir ménager une «rue arabe», comme s’ils avaient entériné l’idée d’un «grand remplacement» en cours. Alors qu’Israël est en guerre à une frontière civilisationnelle séparant peuples d’Occident et peuples opprimés par l’islamisme, estime notre chroniqueur.


La France couchée n’aime pas voir Israël debout. Le petit État hébreu, qui veut en découdre avec son puissant ennemi islamiste, laisse voir en contraste ce qu’est devenue l’ancienne puissance européenne: une nation flageolante qui, à travers des élites émasculées et fascinées par l’adversaire, a renoncé à se faire respecter et à combattre. Boualem Sansal, écrivain algérien, met le couteau dans la plaie quand il explique (Le Figaro Magazine, 20 septembre) : « La France est un pays à la ramasse qui vit sur des gloires passées ». Cela fait cinquante ans que les gouvernements successifs reculent, et l’Union européenne avec eux, devant les constantes exigences des 57 États membres de l’organisation de la Coopération islamique (OCI). Ceux-ci n’ont de cesse depuis le premier choc pétrolier (1973), sous couvert de chantages pétroliers et sécuritaires, de réclamer et d’obtenir des protections et des promotions culturelles au profit de leurs populations immigrées. L’historienne Bat Ye’or a abondamment documenté ces abandons.

Le pessimisme de Boualem Sansal

Ce renoncement de la France à imposer ses valeurs a rendu marginale l’assimilation maghrébine et a fait du séparatisme la règle. Quand Sansal assure, mardi matin sur CNews (L’heure des pros) : « Dans 50 ans, l’islamisation aura, à ce point, gagné qu’elle pèsera sur les fondamentaux français. Il faudra repenser la république, le droit, etc. », il illustre ce que pourrait être le grand remplacement, conjonction d’une immigration musulmane massive et d’un effacement honteux du pays conquis. Ce destin est-il inexorable ? Si le somnambulisme d’État reste la règle, Sansal aura raison.

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Les distances que prend Emmanuel Macron avec Israël, qui vient d’engager une riposte d’envergure contre le Hezbollah au Liban après avoir brisé les reins du Hamas à Gaza, illustrent une fois de plus la peur qui paralyse la France face à l’islam conquérant, téléguidé par l’apocalyptique théocratie iranienne. Même l’élimination par Tsahal, le 21 septembre au Liban, d’Ibrahim Aqiil, responsable de l’attentat de 1983 contre le Drakkar à Beyrouth (58 parachutistes français tués) n’a pas été saluée par le chef de l’État. « La réplique israélienne est insupportable », a dit Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, mercredi matin sur RTL en commentant la réponse au pogrom du 7 octobre. Alors qu’une communauté de destin lie Israël à la France, deux vieilles nations confrontées au même ennemi fanatisé, les dirigeants se déshonorent à vouloir rendre les armes devant cet islam dont Sansal rappelle qu’il est « un système profondément totalitaire ». Le gouvernement a même renoncé à créer un ministère de la Laïcité, de peur d’être accusé d’islamophobie par la gauche soumise. Celle-ci manifeste en revanche avec ceux qui appellent à « l’intifada dans Paris ».

Israël, une frontière civilisationnelle

Ces traitrises « humanistes » sont méprisables. D’autant que le courage qui habite le peuple israélien, pour l’instant solidaire de Benyamin Netanyahu dans sa guerre contre le « nazislamisme », porte en lui la possible libération des peuples opprimés par les obscurantistes.
C’est le Hezbollah qui a défiguré le Liban jadis idyllique. C’est l’Iran des ayatollahs qui oppresse ses citoyens, dont une partie applaudit Tsahal dans les humiliations qu’elle porte au régime dictatorial qui redoute de répliquer.
Dans ses guerres, Israël se bat aussi pour la France et les démocraties occidentales angéliques. C’est pourquoi elles devraient oser lui dire merci.

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Le système électoral américain: un incroyable fouillis qui favorise la fraude

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Élection présidentielle américaine de 2020, Graham, Caroline du nord, 3 novembre 2020 © Gerry Broome/AP/SIPA

Les citoyens américains ont quelques bonnes raisons de douter de la fiabilité de leur système électoral.


Tout le monde connaît – ou croit connaître – les États-Unis. Les États-Unis, c’est le pays du Far West et des cow-boys ; le pays de la Prohibition et des gangsters ; le pays de la Statue de la liberté et du capitalisme triomphant ; le pays qui a sauvé l’Europe de l’Allemagne nazie ; le pays qui a envoyé des hommes sur la Lune ; le pays qui est à l’origine d’une grande partie des découvertes et des inventions qui font le monde moderne… Mais les États-Unis, c’est aussi le pays qui a le pire système électoral de toutes les démocraties occidentales, comme l’ex-président américain, Jimmy Carter, l’a déclaré, comme maints experts l’ont écrit, et comme l’enquête que nous avons menée le confirme.

Depuis l’élection présidentielle controversée de 2020, il est interdit de parler de ce sujet, qui était auparavant l’objet de nombreuses études universitaires. Il est temps de briser ce tabou. Dans cette série de trois articles que nous publions, nous allons étudier les aspects les plus choquants du système électoral américain. Ce voyage va nous entraîner dans les profondeurs les plus obscures de ce système électoral, fissuré par un nombre stupéfiant de failles de sécurité béantes, dont personne ne parle en France ni en Europe. Vous aurez du mal à le croire et, pourtant, tout est vrai. Bien entendu, nous fournirons toutes les preuves et toutes les références de ce que nous avançons.

Mais, avant d’entamer ce voyage dans l’enfer électoral américain, il est nécessaire de décrire les particularités de ce système, tellement différent du nôtre. (1)

L’État fédéral et ses 50 États

Les États-Unis sont un État fédéral, doté de sa propre Constitution et de ses propres élus (président, vice-président, représentants, sénateurs). (2) Il est constitué de 50 États, dont chacun possède sa Constitution et ses élus : président (appelé « gouverneur »), vice-président (dans 45 États, appelé « lieutenant-gouverneur »), représentants et sénateurs (sauf le Nebraska, qui a une législature unicamérale). (3)

Un nombre énorme de circonscriptions et de bureaux de vote

La Constitution des États-Unis et les lois fédérales sur le droit de vote accordent aux États une grande latitude dans la manière dont ils gèrent les élections fédérales, qui ont lieu tous les deux ans, début novembre, et les élections locales, qui ont lieu selon des périodicités spécifiques.

Les élections sont généralement administrées par les comtés mais, dans certains États, ce sont les villes ou les cantons (townships) qui en sont chargés. Au total, il existe plus de 10 000 juridictions électorales (circonscriptions) aux États-Unis, dont la taille varie considérablement, les plus petites ne comptant que quelques centaines d’électeurs, tandis que la plus grande en compte 5,5 millions (comté de Los Angeles). (4)

Les États sont chargés du découpage des circonscriptions utilisées pour les élections fédérales, et les juridictions locales, du découpage des circonscriptions utilisées pour les élections locales. En 2020, il y avait 175 426 bureaux de vote. (5)

Un nombre énorme de lois et de procédures électorales

Les législatures des États adoptent les lois électorales, qui diffèrent donc d’État en État, et qui évoluent constamment : rien qu’en 2024, pendant les neuf premiers mois de l’année, 1792 projets de lois électorales ont été déposés dans 44 États. (6) Comme si cela n’était pas assez compliqué, chacune des 10 000 juridictions locales possède sa propre infrastructure électorale et choisit souverainement la façon dont les élections vont s’y dérouler : types des responsables électoraux (administrateur unique ou commission), procédures pour inscrire les électeurs sur les listes électorales, taille et présentation des bulletins de vote (ordre des postes à pourvoir, ordre des noms des candidats…), modes de vote (anticipé, par correspondance, en personne…), modèles de machines électroniques utilisées (pour voter, pour vérifier les signatures, pour transmettre les résultats…), recrutement des employés électoraux, fonctionnement des bureaux de vote, règles encadrant les observateurs électoraux, procédures pour dépouiller et enregistrer les votes – bref, toutes les étapes du processus électoral.

Ces étapes sont codifiées dans les Codes électoraux des juridictions, composés de centaines de pages, divisées en milliers de sections, sous-sections, paragraphes, sous-paragraphes, qui détaillent avec une minutie de bureaucrate tous les cas possibles. Cet incroyable fouillis de lois, de réglementations et de modes de fonctionnement, qui varient d’une juridiction à l’autre, d’une année à l’autre, d’un type de scrutin à l’autre, complique la lutte contre les fraudes électorales et explique l’absence de confiance des Américains dans la fiabilité et la sécurité de leur système électoral.

Un nombre énorme d’élections et de référendums

Dans son célèbre livre sur la démocratie américaine, Alexis de Tocqueville notait que « les Américains sont habitués à procéder à toutes sortes d’élections. » (7) En effet, les électeurs américains élisent 535 législateurs fédéraux (435 représentants, 100 sénateurs), 7383 législateurs d’État (représentants, sénateurs) et, en comptant tous les élus locaux, plus de 500.000 responsables qui servent dans 80.000 institutions. (8)

Voici une liste non exhaustive des postes pourvus par des élections aux États-Unis.

Au niveau de l’État fédéral : le président (et son vice-président), les représentants, les sénateurs.

Au niveau de l’État : le gouverneur, le lieutenant-gouverneur, les représentants, les sénateurs, de nombreux membres du gouvernement de l’État, comme le secrétaire d’État (Secretary of State), le ministre de la Justice (Attorney General), le trésorier (Treasurer), parfois aussi le contrôleur financier (Auditor, Controller, Comptroller, Chief Financial Officer), le ministre de l’Éducation (Superintendent of Public Instruction, Commissioner of Education, Commissioner of Schools), le ministre du Travail (Commissioner of Labor), le ministre des Impôts (Tax Commissioner), le ministre des Terres publiques (Commissioner of Public Lands), voire les administrateurs de l’université d’État (State University governors, regents, trustees).

Au niveau du comté ou de la ville : les dirigeants du comté (sherif, superintendant), les membres du conseil du comté (county commissioner), les dirigeants de la ville (mayor, town supervisor), les membres du conseil municipal (city commissioner, city councilor, councilman), le responsable des élections (supervisor of elections), le responsable des listes électorales (assessor), le percepteur des impôts locaux (tax collector), le commissaire aux comptes (auditor), le chef de la police du comté (constable), le chef de la police municipale (police commissioner), le chef des pompiers (fire chief), les membres des conseils scolaires (school board members), parfois aussi le médecin légiste (coroner), les membres de la commission de la santé (Healthcare District Board directors, Health Service Board members), le responsable de la voirie (road commissioner), le responsable des chemins de fer (railroad commissioner), le responsable du port (port commisioner), l’arpenteur-géomètre (surveyor), le responsable des ressources naturelles (Soil and Water Conservation District director), le responsable des égouts (sewer commissioner), voire le responsable des arbres publics (tree warden).

A lire aussi, Harold Hyman: États-Unis: une campagne entre cris et chuchotements

Dans la majorité des États, les citoyens élisent aussi les juges (municipal court judges, family court judges, district court judges, criminal court judges, court of criminal appeals judges), les procureurs (prosecutors, solicitors), et les juges de la Cour suprême de leur État (justices).

Enfin, les citoyens doivent voter pour des référendums d’initiative populaire (à l’échelon de l’État, du comté ou de la ville), pour des propositions d’amendements à la Constitution de leur État, pour révoquer un élu (recall), parfois aussi pour approuver les comptes de leur ville ou comté, un nouvel emprunt de leur ville ou comté, les budgets des écoles locales, les budgets des travaux de voirie, etc.

Les bulletins de vote américains sont donc très longs. Par exemple, à Houston (Texas), pour les élections de mi-mandat de 2018, le bulletin de vote faisait 16 pages ; pour les élections du 5 novembre 2024, les électeurs de cette ville ont 61 choix à faire pour 61 postes à pourvoir.

Dans ce pays, où 500 000 responsables publics sont élus, la sécurité des élections est donc encore plus importante que dans les autres démocraties de la planète, et les fraudes éventuelles peuvent influencer des dizaines d’élections dans chaque circonscription. Cela est d’autant plus vrai que les élections locales se jouent souvent à quelques voix près. Par exemple, dans l’Ohio, en seulement 15 mois, 70 élections se sont achevées par une victoire d’une voix ou par une égalité parfaite. Un seul fraudeur peut donc inverser le résultat d’une élection, voire de plusieurs. (9)

Le pouvoir du système judiciaire américain

Dans une décision historique de 1803, la Cour suprême des États-Unis a formulé le principe du contrôle juridictionnel, selon lequel les tribunaux américains ont le pouvoir d’annuler les lois et les statuts qu’ils jugent contraires à la Constitution des États-Unis. (10) Les tribunaux ont donc le pouvoir d’annuler les lois électorales, ce qui leur confère un rôle aussi important que méconnu dans la saga des élections américaines. Voilà pourquoi il est nécessaire de décrire aussi succinctement le système judiciaire des États-Unis. Bien que chaque État possède sa propre organisation judiciaire, elle comporte toujours deux échelons : les tribunaux de l’État et les tribunaux fédéraux.

Chaque État dispose de ses tribunaux de première instance (Trial Courts), de ses tribunaux d’appel (Courts of Appeal, State Appellate Courts), et de sa Cour suprême. (11) L’échelon fédéral ressemble à celui des États : tribunaux de première instance fédéraux (U.S. District Courts), puis tribunaux d’appel fédéraux (U.S. Courts of Appeals), puis Cour suprême des États-Unis (U.S. Supreme Court). Chaque plainte peut donc, en théorie, être examinée par six niveaux différents de tribunaux. Des astuces de procédures permettent, dans certains cas, de sauter une ou plusieurs étapes et de déposer directement un recours devant la Cour suprême de l’État, voire devant la Cour suprême des États-Unis.

Comme nous l’avons déjà dit, dans la plupart des États, les juges et les procureurs sont élus par le peuple. Il en découle que, dans les États majoritairement Démocrates et dans les grandes villes américaines (toutes gérées par les Démocrates), les juges et les procureurs sont quasiment tous des Démocrates. Cela permet aux Démocrates de mener une incessante guérilla judiciaire contre l’adoption de lois visant à sécuriser les élections, comme nous le verrons bientôt…

Dans notre prochain article, nous passerons en revue les avis des experts sur le système électoral américain.

>> A suivre <<


Notes

1) Pour des informations sur la Constitution, le fédéralisme, les branches législatives, exécutives, judiciaires, et les élections des États-Unis, voir :

The Book of the States, Council of State Governments.

https://bookofthestates.org

2) Les représentants sont l’équivalent de nos députés.

3) La capitale des États-Unis, Washington, est située en dehors de ces 50 États, dans le district fédéral de Columbia. Le rôle de ce district dans les élections étant négligeable, nous n’en parlerons pas dans nos articles.

4) « Election Administration at State and Local Levels », National Conference of State Legislatures, Updated December 22, 2023.

https://www.ncsl.org/elections-and-campaigns/election-administration-at-state-and-local-levels

5) Brian Amos, Steve Gerontakis and Michael McDonald, « Changing Precinct Boundaries: Who Is Affected and Electoral Consequences », Prepared for 2023 Election Science, Reform, and Administration annual meeting, Athens, Georgia, May 31 – June 2, 2023, p. 11.

https://esra-conference.org/files/election-science-conference/files/changing_precinct_boundaries_esra-brianamos.pdf

6) Le site du Voting Rights Lab permet de suivre en direct les projets de lois électorales débattus dans les 50 États américains :

https://tracker.votingrightslab.org

7) Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Livre I, 1835, Chapitre 8, « Crise de l’élection ».

8) Steven J. Brams and Peter C. Fishburn, Approval Voting, Second Edition, Springer, 2007, p. 171.

9) « Statement Of Jon A. Husted, Ohio Secretary Of State, On The President’s Executive Actions On Immigration And Their Impact On Federal And State Elections », U.S. House Of Representatives Subcommittees On National Security And Healthcare, Benefits & Administrative Rules, February 12, 2015.

https://oversight.house.gov/wp-content/uploads/2015/02/Secretary-Husted-Statement-2-12-Immigration.pdf

10) Marbury v. Madison, 5 U.S. 137 (1803).

11) Dans certains États, il n’y a pas de tribunaux d’appel, et c’est la Cour suprême qui traite directement les appels.

Gags tragiques à Matignon

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Le Premier ministre Michel Barnier au journal télévisé de France 2, 22 septembre 2024 © Thomas HUBERT/SIPA

Dette, école, ministres… De mal en Pisa, la dégringolade continue.


Au fond de la vallée, en la nuit étoilée, le nouveau gouvernement est né. C’est la panique sur France Culture, au Nouvel Obs, chez LFI, Les Verts. Les avions renifleurs d’extrême-droite sont en alerte maximale. « Au voleur ! Au voleur ! A l’assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel… » La lutte les dépasse. Canon bleu ne répond plus, Mission dernière chance pour Michel (Tanguy) Barnier.

Lignes rouges sur pistes bleues

« Le racisme est l’une des valeurs clés du gouvernement » (Marine Tondelier) le plus conservateur depuis Nicolas Sarkozy, Gengis Khan, Attila… Les Compagnons de la chanson progressiste, cloches de l’indignation prudhommesque, sonnent, sonnent l’alarme et font les poubelles. Sandrine Rousseau vibrionne dans le mépris de classe, déconstruit les bourgeoises Maniatis de la nouvelle équipe. « La femme est une grande réalité, comme la guerre » (Larbaud). Bruno Retailleau, hétéro et catho, défend les chrétiens d’Orient. A Auray, une bisaïeule de sa trisaïeule, Marie-Constance Retailleau de Pontcallec, a « liké » plusieurs posts Instagram de Cadoudal en 1799…

François Hollande raille un gouvernement de « Restauration ». Marat Marais du plateau de Millevaches, Louis XVIII du grand peuple de Gauche, fosse tranquille, il sait de quoi il parle. Incroyable & Merveilleux macroniste, Gabriel Attal confesse qu’il a « une histoire à écrire avec les Français ». Il demande des garanties sur l’IVG et la PMA, cabriole dans l’écume, le buzz, multiplie les saltos dans les cerceaux. Oum le Dauphin se prend pour Moby-Dick. Rien n’est trop beau lorsqu’il s’agit de grandeur. Nous avons échappé au pire, un gouvernement Castets : Mathilde Panot au ministère de la rééducation, Thomas Piketty à Bercy, l’impôt sur les os, une faillite vénézuélienne en trois mois. Pour combien de temps ? L’épée dans les reins, le gouvernement Barnier n’a aucune marge de manœuvre, économique, financière, politique.

Dénis d’initiés

Loin des sentiers obliques, à la justice enclin, bon maître, généreux quoiqu’il fût économe, le Premier ministre n’a pas de fange en l’eau de son moulin, pas d’enfer dans le feu de sa forge. Le problème, c’est l’oseille, les champs de blés et d’orge, les sacs de grains qui semblent des fontaines publiques… La caisse est cramée.

Nous n’échapperons pas à une kyrielle de rodomontades, chocs d’autorité, de savoirs, de mémoires… Une consultation citoyenne sur la simplification de la transformation de l’action publique, un grand Grenelle anti-gredins, un big bang de l’anti-gang bang, un plan Marshall d’éclairage du bois de Boulogne. Le GIGN, Louis de Funès et Bourvil vont être positionnés au poste frontière de Menton. Le taux d’application des OQTF pourrait passer de 8% à 11%.  

A lire aussi, Stéphane Germain: Le pouvoir d’achat, ce paresseux mantra

Anne Genetet, nouveau cornac du mammouth, est rassurante : l’éducation reste la mère de toute les batailles : « Le navire ne changera pas de cap ». La Hougue, les Cardinaux, les Saintes ? Six ministres en deux ans. Le cap Carnaval des connétables du déclin, la rue de Grenelle, Salamine. Ni savoirs, ni transmission. Depuis deux générations, du Primaire au Supérieur, la même bouillabaisse de bons sentiments, acronymes abscons, notes gonflées aux hormones pour endormir les parents, préserver l’omerta. Sur Teams, EcoleDirecte, la foire aux PowerPoints, copiés-collés, tutos, vidéos, enseignants Fée Clochette-coach, bat son plein. L’acmé de la tartufferie, c’est la « spécialité » HGGSP (Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences politiques), un poke bowl d’ersatz d’Humanités qui piège un quart des élèves de Terminale. Theatrum Maudit, Mer de toutes les histoires (à dormir debout), folie des glandeurs, les six thèmes transverses du programme surpassent l’« Arbor scientiae » de Lulle et les « 900 Conclusions (philosophiques, cabalistiques et théologiques) » de Pic de la Mirandole… « De nouveaux espaces de conquête ; Faire la guerre, faire la paix ; Histoire et mémoires ; Identifier, protéger et valoriser le patrimoine ; L’environnement, entre exploitation et protection ; L’enjeu de la connaissance ». Six heures hebdomadaires de gloubi-boulga, axes, jalons, démarches réflexives, pour un vernis de culture générale et préparer un « grand oral » sans enjeu, car postérieur au dépôt des dossiers d’inscription dans le Supérieur.

Une blouse, deux dictées, trois fables de La Fontaine, ne changeront rien à l’affaire. Les pédago-gauchistes font la loi, les programmes, coupent ce qui dépasse, le latin, le mérite, l’excellence. LFI adore les analphabètes autodidactes, élèves Ducobu, Delogu, Jeune Garde en section « fichier S ». De mal en Pisa, la dégringolade continue. Pour échapper à la loterie ParcoursSup, aux Bourdieuseries des Facultés en faillite, les premiers de cordée exfiltrent leurs enfants, avant le Bac, direction Montréal, Milan, McGill, la Bocconi.

À Bercy, Antoine Armand s’interroge : « Face à la gravité de la situation budgétaire, comment chacun peut contribuer intelligemment » ? Un rapport évalue à 13 milliards d’euros le montant annuel de la fraude sociale. Pour les fins limiers du Haut Conseil du financement de la protection sociale, les normes sont « fraudogènes », « le tout-contrôle est stigmatisant, pas pleinement efficace ». Afin d’éponger les 3228 milliards d’euros de dette publique, surgissant hors de la nuit vers l’aventure au galop, il nous reste Zorro, le Comte de Monte-Cristo et l’or des Templiers. Le nouveau garde des Sceaux, Didier Migaud, veut « rendre la justice plus proche des citoyens, plus juste, plus rapide ». Stabilité et bonne nouvelle rue de Valois : « La Culture est fille du plaisir et non pas du travail » (Ortega y Gasset). Aux Armées, au Quai d’Orsay, rien. À l’étranger, la France ne pèse plus rien. La remontada ne sera pas une partie de plaisir. Les mots ne sont jamais les mêmes pour exprimer ce qu’est le buzz, le blues, le Booz.

Michel Barnier, Booz endormi

Pendant qu’il sommeillait, Marianne, une moabite, s’était couchée aux pieds de Michel Barnier, le sein nu, espérant on ne sait quel rayon inconnu, quand viendrait du réveil la lumière subite…

« Marianne méditait, Michel broyait du noir ;
Des zozos aux infos, piapiataient vaguement ;
Les ennuis immenses, tombaient du firmament ;
L’heure était difficile ; les Français n’osaient croire.

Tout reposait dans l’urne et quand gérer la dette ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
La croissance évanouie parmi ces fleurs de l’ombre
Brillait dans le néant, Marianne se demandait,

Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
La France hébétée hors du champ des étoiles. »

(d’après Victor Hugo, Booz endormi).

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Une distinction à abattre

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Exposition, sur le parvis de la cathédrale, de la charpente historique de Notre-Dame de Paris, 19 septembre 2020 © Francois Mori/AP Photo/SIPA

Nos concitoyens sont de plus en plus fâchés avec le travail car, dans un pays où l’égalitarisme a pris le pouvoir, l’effort leur inspire davantage de ressentiment que de fierté. Vouloir en finir avec cette ultime distinction qu’est la réussite par le talent et l’exigence, c’est promettre la société à la médiocrité et à l’assistanat.


Le large refus des Français de retarder leur départ en retraite, alors qu’ils la prennent beaucoup plus tôt que dans la plupart des autres pays européens, et la stagnation de la productivité du travail, affectant la richesse par habitant, étonnent. Quand on pense à l’époque des « Trente Glorieuses » avec le souvenir d’un grand engagement dans le travail, on s’interroge sur les sources de cette mutation. Elle trouve ses racines dans une évolution beaucoup plus large de la société française.

Un temps de fierté du travail dans une société restée aristocratique

Lors de la Révolution française, la hiérarchie du « sang » a été mise à bas, mais nullement la logique d’une société de « rangs », avec les devoirs que le travail impose à chacun de remplir sous peine de déchoir. Les sources légitimes de distinction sont devenues, dans les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les « capacités » les « vertus » et les « talents »(Article VI : « Tous les citoyens sont admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talent. ») Si cette vision exigeante n’a jamais fait l’unanimité, elle a été particulièrement mise à l’honneur après la Seconde Guerre mondiale, dans un rejet de l’esprit de défaite, des compromissions de la collaboration, du jeu des petits intérêts qui avaient marqué la période de l’Occupation. Il s’est alors agi de retrouver, individuellement et collectivement, la grandeur perdue.

Cette vision exigeante a marqué un système d’enseignement donnant une grande place à l’« élitisme républicain ». Encore, en 1944, le programme du Conseil national de la Résistance exigeait « la possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires ». La réussite dans les études, couronnée par un succès au certificat d’études, au baccalauréat, comme aux diplômes du supérieur, était une grande source de fierté.

Cette référence à une société de rangs s’est retrouvée dans le monde du travail. Une « aristocratie ouvrière » a pris forme au xixe siècle. La catégorie des « cadres », s’affirmant bien distincts des « simples employés », a émergé dans les années 1930. La défense par chaque catégorie professionnelle de son statut est allée de pair, pour ceux qui avaient un « vrai métier », avec une grande fierté professionnelle et un vif engagement dans leur travail.

L’avènement d’un monde « inclusif »

À partir des années 1960, l’attachement à la hiérarchie des rangs et à l’exigence d’être à la hauteur de la place que l’on occupe, a été radicalement dénoncé au nom d’un impératif d’égalité. Les ci-devant « élites » ont été requalifiées en « dominants ». Toute volonté de « distinction » a été réprouvée. La récompense du mérite a été déclarée source de « discrimination » envers ceux qui échouaient et de « stigmatisation » de ceux-ci.

Cette mutation a affecté en profondeur le système éducatif. Le culte de l’excellence a été largement abandonné au profit de celui de la réussite pour tous. Conditionner les récompenses scolaires, les notes, les passages à la classe supérieure, l’obtention des diplômes à la réalisation de performances a été vu comme incompatible avec un traitement égal de tous les élèves. L’incitation à l’effort, l’exigence ont été dénoncées comme mortifères, dans la ligne des théories plus ou moins bien comprises de Françoise Dolto. Le « pédagogisme » a prôné l’attention au plaisir de l’élève aux dépens du « dressage ». La discipline durant le temps de classe a été déclarée attentatoire à la liberté. Le « collège unique » a été mis en place en 1975, puis l’objectif de 80 % de bacheliers énoncé en 1985. Le taux de réussite au baccalauréat s’est envolé et la mention « très bien », jusqu’alors apanage d’une étroite minorité, s’est banalisée. Le nombre de diplômés du supérieur a connu une croissance vertigineuse. Les voies d’accès parallèles aux formations d’élite ont été multipliées. L’enseignement professionnel a été revu en profondeur en mettant en cause l’acquisition d’une vraie compétence professionnelle dans un domaine « étroit » au profit d’une formation générale. Le désir de faire advenir une société « inclusive » a conduit à un cercle vicieux : un abaissement du niveau d’exigence dans la formation pour n’exclure personne ; un faible niveau des sortants du système éducatif et l’effondrement de la France dans les comparaisons internationales sur ce niveau ; un nouvel abaissement du niveau d’exigence pour maintenir l’exigence d’inclusivité. Les tentatives récentes de revenir sur ces « acquis », notamment en subordonnant le passage dans la classe supérieure à un certain niveau de performance, ont largement fait scandale dans le corps enseignant.

Ce refus d’une hiérarchie fondée sur le mérite n’a nullement conduit à l’avènement d’une société d’égaux. Demeurent la prééminence de l’argent, de la popularité sur les réseaux sociaux, de la consommation ostentatoire, de l’accès à des marques prestigieuses. On retrouve les valeurs de ce qui était qualifié, à la fin du xixe siècle, de « demi-monde ». La fierté de ce que l’on accomplit, de l’exemple que l’on donne, serait-ce au sein d’une position sociale modeste, pèse bien moins que le prestige de l’argent. La volonté d’atteindre l’excellence dont on est capable perd sa force au profit de celle de consommer, quelle que soit l’origine des ressources qui le permettent.

Dans le domaine du travail, la fierté de l’œuvre accomplie est dévalorisée d’autant, ce qui conduit d’autant plus à se plaindre de la charge que celui-ci représente. Cela est déjà bien apparu dans les slogans de Mai 1968, avec le refus de « perdre sa vie à la gagner ». On a vu monter l’idée de « droit à la paresse », la valorisation de la redistribution grâce à de multiples allocations. Le RMI, instauré en 1988, puis le RSA, qui lui a succédé, relèvent de cette logique. L’idée de les assortir de véritables exigences est jugée insupportable, car cela reviendrait, prétend-on, à « blâmer la victime ». Le « progrès » n’est pas vu comme la possibilité largement offerte de s’épanouir dans un travail exigeant, mais comme celle de réduire son temps de travail, avec l’abaissement par la gauche de l’âge de départ à la retraite (1982) et l’instauration des 35 heures (1998).

Cette mutation idéologique se heurte à la réalité d’un monde économique hautement compétitif, dans un contexte de mondialisation et de concurrence exacerbée. Les titulaires de diplômes généreusement distribués se sont trouvés mis en demeure de faire preuve de leur capacité à contribuer efficacement à des activités productives. L’existence d’une masse de sortants du système éducatif à la fois peu compétents et peu habitués à la discipline et à l’effort a conduit à la fois à un niveau élevé de chômage et au développement d’activités peu exigeantes, peu productives et mal rémunérées, avec un personnel bénéficiant en compensation d’allocations généreuses.

Une grande diversité de rapports au travail

Cette situation d’ensemble engendre des rapports très diversifiés au travail, la fierté liée à la qualité du travail accompli demeurant pour certains mais tendant à s’émousser pour d’autres, au profit de la frustration liée au fait d’en voir certains profiter du « système » et d’un ressentiment à leur égard. On peut distinguer sommairement cinq grands groupes réagissant de manières contrastées.

Dans un premier ensemble, professionnellement diversifié, le culte de l’excellence, la fierté du travail accompli demeurent. C’est le cas pour nombre de ceux qui sont passés par les grandes écoles les plus réputées, après un parcours scolaire réalisé dans les établissements élitistes qui demeurent au sein de l’enseignement public ou privé. On les voit réussir aussi bien dans la City et la Silicon Valley que dans la création de start-up en France. Nombre de membres des professions libérales, médecins, avocats sont eux aussi dans une logique d’excellence, de réussite et de fierté professionnelle. Appartiennent également à cet ensemble des artisans hautement qualifiés, à l’image de ceux qui sont engagés dans la restauration de Notre-Dame-de-Paris. Il n’est guère question pour ces « privilégiés » de restreindre leur temps de travail, ni dans la durée hebdomadaire (ainsi les indépendants travaillent en moyenne 46 heures par semaine), ni dans leur départ en retraite.

Un deuxième ensemble regroupe ceux, spécialement parmi les cadres de grandes entreprises, qui munis de bons diplômes, mais pas exceptionnels, seraient prêts à s’engager avec fierté dans leur métier s’ils n’étaient dissuadés par un management qui les traite en « exécutants ». Ils profitent au maximum du télétravail, tendent à se recentrer sur leur vie de famille. S’étant ainsi adaptés, ils ne sont pas spécialement désireux de partir en retraite plus tôt.

On trouve dans un troisième ensemble nombre de ceux qui ont été en échec scolaire ou sont passés par un enseignement professionnel préparant mal à l’exercice d’un métier qualifié et n’ont pas été éduqués à la discipline et à l’effort. Payés au niveau du salaire minimum ou guère plus s’ils ont trouvé un emploi, ils ne risquent guère d’être fiers d’un travail peu estimé par la société. Ils comptent beaucoup sur le système de protection sociale et aspirent à partir en retraite le plus tôt possible.

« Manifestation gaulliste » place de la Concorde à Paris, 30 mai 1958. SIPA

Un quatrième ensemble donne une grande place à ceux qui sont hautement diplômés (bac + 5 et au-delà), mais dans des formations peu exigeantes qui ne débouchent guère sur des emplois de niveau correspondant, en terme ni de statut ni de rémunération. Ils ont le sentiment d’être déclassés. Nombre d’entre eux rejoignent des professions intellectuelles de niveau modeste et sont pleins de ressentiment envers ceux qui, passés par les formations élitistes, réussissent dans leur carrière. Certains, spécialement ceux qui travaillent dans les collectivités locales, parviennent à une durée hebdomadaire nettement inférieure à 35 heures. Hautement politisés à gauche, ils sont en pointe dans les revendications de réduction du temps de travail et d’abaissement de l’âge de départ en retraite.

On trouve enfin dans un cinquième groupe un ensemble d’artisans, de commerçants, d’ouvriers professionnels qui ont le sentiment de travailler dur sans pour autant parvenir à bien gagner leur vie et entretiennent un fort ressentiment à l’égard des « assistés », qu’ils voient comme gorgés de privilèges indus en matière d’allocations et d’accès aux HLM. Votant en grande part pour le RN, ils sont ambivalents à l’égard de leur travail. Concernant l’âge de la retraite, ils ne voient pas pourquoi ils continueraient à travailler longtemps pendant que d’autres profitent.

La volonté de travailler plutôt moins, que l’on trouve actuellement chez nombre de Français, n’est pas la conséquence inéluctable d’un refus héréditaire du travail. Elle est le produit du choc entre deux cultures : celle où la recherche exigeante de l’excellence, l’affirmation du rang, avec la fierté qui les accompagne, constituent un ressort essentiel de l’action et une idéologie « inclusive » post-moderne, ennemie de l’exigence. Le poids pris par cette idéologie, dans le système éducatif puis dans la vie professionnelle, est un grand facteur de démobilisation. De plus, le fait que certains conservent un métier et une rémunération qui leur permettent de « tenir leur rang » est une vive source de ressentiment pour ceux dont le travail n’est pas à la hauteur de leurs diplômes, souvent obtenus dans des filières peu exigeantes. Le ressentiment est vif, aussi, chez ceux qui, artisans, commerçants, ouvriers professionnels, travaillent dur et s’indignent des largesses dont bénéficient les « assistés ». Ils rejoignent les précédents à la pointe des combats visant à leur permettre de partir en retraite. Vu la force de résistance d’une culture qui a traversé les révolutions, on ne voit pas comment retrouver un large engagement dans le travail dans le contexte idéologique contemporain.

Dernier ouvrage paru : Le Grand Déclassement : pourquoi les Français n’aiment pas leur travail ! (Albin Michel, 2022)

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Tueuses comme tout le monde

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© Privat

La féminité n’est pas une garantie d’humanité. Les gardiennes des camps nazis en sont la sanglante démonstration, de même que nos zélées collaboratrices. Tueuses, de Minou Azoulai et Véronique Timsit, et Collaboratrices, de Pierre Brana et Joëlle Dusseau, dépeignent ces femmes qui n’ont rien de la victime MeToo.


« La femme est l’avenir de l’homme », écrit Aragon. La lecture de Collaboratrices, de Pierre Brana et Joelle Dusseau, comme de Tueuses, de Minou Azoulai et Véronique Timsit, offre un cruel démenti à cette profession de foi. À l’ère MeToo, où la femme est présentée comme un éternel bébé phoque, victime du patriarcat, à jamais martyre et proie, nos auteurs dépeignent des femmes qui ont parfaitement trouvé leur place dans la mécanique hitlérienne, que ce soit en collaborant avec l’occupant ou en étant les zélées auxiliaires du régime nazi. On les retrouve dans les camps de la mort où leur cruauté n’épargne pas les enfants. Les pages consacrées à Eugenia Pol et Sydonia Bayer sont particulièrement éprouvantes. Elles sévissaient au « Petit Auschwitz », à Lodz, en Pologne, camp d’extermination pour enfants âgés de trois à 16 ans – où furent aussi internés des bébés de six mois. Les témoignages racontent la monstruosité de ces femelles-bourreaux qui n’hésitaient pas à fracasser la tête des nourrissons contre les murs.


Ni remords ni regrets

Ces femmes se caractérisent par leur ambition, leur besoin de reconnaissance, d’ascension sociale et leur absence d’empathie pour leurs semblables, comme par leur violence et leur incapacité à éprouver remords et regrets. Des motivations et des caractéristiques très similaires à celles des hommes finalement. Pour autant, la plupart d’entre elles ont échappé aux sanctions les plus lourdes ou ont été amnistiées, certaines retrouvant même du travail auprès d’enfants ou dans des hôpitaux, comme la sadique Eugenia Pol qui continua de vivre tranquillement à Lodz. Et on note au passage que l’Allemagne a été particulièrement bienveillante envers celles qui ont participé à la gestion des camps de la mort ou qui se sont illustrées en infirmières zélées auprès du docteur Mengele.

A lire aussi: Les «Blouses blanches pour Gaza»: pas bien claires!

Pourquoi une telle indulgence ? L’idée que la femme puisse être un criminel est-elle inacceptable pour une société moderne qui cherche à se rassurer en s’accrochant à l’image archaïque d’une féminité-sensible-et-délicate ? En tout cas, le déni de ces femmes, lors de leur procès, a déstabilisé des juges qui ont préféré croire à des mensonges plutôt que d’affronter l’inconcevable : la féminité n’était pas une garantie d’humanité. Violemment antisémites, déshumanisant ceux qu’elles voulaient éliminer, elles se sont montrées tout aussi fanatiques que leurs contemporains mâles. Il semble que la sororité ou l’instinct maternel n’aient pas éclairé leur parcours…

Invisibilisées !

Ces psychopathes du Reich, femmes extraordinaires au sens premier du terme, ont été peu condamnées, c’est peut-être pour cela qu’elles sont si peu présentes dans notre imaginaire et dans les travaux des historiens qui se sont penchés sur ces années noires. En revanche, celles qui ont pratiqué une collaboration dite « ordinaire », la fameuse « collaboration horizontale », ont connu les foudres de la justice ; et c’est cela qui nous marque encore : coucher avec l’ennemi est une trahison abjecte et impardonnable, alors que dénoncer des juifs paraît susciter moins d’opprobre. Pourtant, le premier cas est rarement lié à une adhésion à l’idéologie nazie, il s’explique le plus souvent par le besoin d’argent, la nécessité, la légèreté, le goût du luxe voire par l’amour. Le second, en revanche, témoigne d’une proximité intellectuelle avec l’occupant et d’une profonde indifférence au sort de ceux qui ont en général été envoyés à la mort. Or la délation apparaît comme la discipline pratiquée en majorité par les femmes, selon certains historiens, quand d’autres évaluent à environ 30% la proportion de femmes parmi les corbeaux. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas négligeable.

A lire aussi: La “feuille de route” de Morgan N. Lucas pour rééduquer les hommes: opportunisme ou bêtise?

L’oubli des femmes, quand on évoque la Résistance comme la collaboration, est lié également à leur représentation dans la société. Reléguées dans l’imaginaire à leur fonction de génitrice et de mère de famille, elles ne sont pas considérées comme étant capables d’agir politiquement, et encore moins comme étant autonomes intellectuellement. Aussi, les excuses telles que « je ne savais pas » ou « je n’avais pas le choix » ont-elles été particulièrement bien entendues par les tribunaux. Un aveuglement renforcé par l’hypervirilisme d’un monde post-totalitaire mettant toujours en scène un mâle dominant, conquérant et sans état d’âme.

Si nul ne naît collaborateur ou tortionnaire, certains et certaines peuvent facilement le devenir. Pourquoi ? Parce que « la violence collective est une construction sociale qu’il est aisé de banaliser[1] » et à laquelle il n’est pas si difficile d’adhérer. « Quand le crime contre l’autre est érigé en ordre de conduite et en morale[2] », l’ensemble de la société accepte cette vision et la transforme en réalité politique. Dans ce cadre, il n’est nullement question de genre. La femme n’est pas immunisée contre le mal ni contre le crime. Il va falloir s’y faire.


À lire :

Minou Azoulai et Véronique Timsit, Tueuses : ces femmes complices de la cruauté nazie, Privat, 2024.

LES TUEUSES: CES FEMMES COMPLICES DE LA CRUAUTÉ NAZIE

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Pierre Brana et Joelle Dusseau, Collaboratrices, Perrin, 2024.


[1] Citations de Tueuses, p. 37.

[2] Ibid.

Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Les deux candidats à l'élection gouvernorale en Caroline du Nord, Josh Stein (D) et Mark Robinson (R). 25/9/2024 Ethan Hyman/TNS via ZUMA Press W/SIPA

Un problème pour Trump dans un Etat-pivot ? Liban : stratégie israélienne et solution diplomatique. L’actualité politique vue par Causeur.fr. Avec Eliott Mamane, Gil Mihaely, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Les déclarations extrémistes du Républicain afro-américain, Mark Robinson, lieutenant-gouverneur de la Caroline du Nord et candidat à l’élection gouvernorale cette année, pourrait être un problème pour Donald Trump dans cet Etat-pivot ; explications avec le chroniqueur politique Eliott Mamane.

Y aura-t-il un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah? Les frappes israéliennes ont réussi à affaiblir les capacités militaires de l’organisation. Pour arriver à une solution diplomatique de la situation, les vraies négociations ont lieu entre Washington et Téhéran. L’analyse de Gil Mihaely.

Affaire Pelicot: la tribune de 200 hommes « contre la domination masculine » publiée par Libération; les frasques à répétition de Sébastien Delogu; la saga des OQTF; des « Blouses blanches pour Gaza »?… L’actualité de la semaine vue par Causeur.fr avec Martin Pimentel.

Affaire Philippine: Comment le suspect Taha O. s’est-il retrouvé dans la nature?

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DR.

Moins d’une OQTF sur 10 est exécutée en France. Philippine serait encore vivante avec une législation adaptée.


Philippine Le Noir de Carlan était une jeune fille souriante, studieuse et bien élevée. Elle aurait pu être votre sœur, votre fiancée, votre cousine, votre amie ou votre fille. Étudiante sans histoire à l’université Paris-Dauphine, elle a disparu vendredi 19 septembre aux alentours de 14 h après avoir été aperçue pour la dernière fois au restaurant universitaire. Son corps supplicié a été retrouvé enterré à la va-vite au cœur du Bois de Boulogne. Elle a été violée, volée et finalement assassinée par un homme dont elle n’aurait jamais dû croiser la route.

Le premier viol du suspect avait marqué les esprits des policiers

Si toutes les précautions avaient été prises, Taha O. ne se serait d’ailleurs pas retrouvé sur son chemin.

Interpellé le 24 septembre alors qu’il était en fuite à Genève, Taha O. est un ressortissant marocain de 22 ans né dans la ville d’Oujda, située à l’est du Maroc près de la frontière algérienne. Venu en France en juin 2019 muni d’un visa touristique pour une durée allant du 13 juin au 27 juillet, il n’est évidemment pas reparti chez lui. Première faille dans cette histoire symptomatique de tous nos errements en matière migratoire, Taha O. avait évidemment été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance du Val-d’Oise… Quelques semaines plus tard, il violait une étudiante de 23 ans sur un chemin forestier en forêt de Taverny, à quelques encablures du foyer où l’État français le prenait en charge à l’aide de nos impôts. Il fut pour cela condamné à une peine de sept années de prison ferme en 2021. Il ne l’a bien sûr pas effectuée jusqu’au bout.

Le viol commis alors par Taha O. a durablement marqué les esprits des enquêteurs, comme le montre le poignant témoignage de Frédéric Lauze dans le journal Le Figaro. L’ancien chef de la police du Val-d’Oise se souvient d’un « prédateur sexuel très dangereux » malgré son jeune âge. Il raconte aussi que sa victime n’a eu la vie sauve qu’en dupant le psychopathe, lui faisant croire qu’elle avait l’intention de le revoir. Se disant « ému » mais aussi « en colère », Frédéric Lauze reproche dans ce même entretien l’inconscience du juge des libertés en charge du suivi de l’affaire. Il a pleinement raison, tant ce drame aurait pu et dû être évité dans un pays mieux organisé pour lutter contre une criminalité exogène particulièrement redoutable. Ces propos trouvent d’ailleurs un écho chez l’avocat Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, qui a lui estimé que la justice avait été dans ce cas « irresponsable ».

Erreur d’appréciation majeure

Comment donc Taha O. a-t-il pu se trouver dans les rues et commettre son atroce forfait ? Sorti de la prison de Joux-la-Ville (Yonne) le 20 juin 2024 grâce à un « aménagement classique des peines », le Marocain a été placé immédiatement en centre de rétention administrative après avoir été notifié d’une obligation de quitter le territoire français. C’est la loi dite « Immigration » du 26 janvier 2024 qui fait autorité en la matière. Elle est complétée par le décret n° 2024-813 de juillet 2024 prévoyant « les conditions d’assignation à résidence et de placement en rétention ». Sur le site service-public.fr, des explications et détails sont donnés quant aux différentes procédures. On y apprend ainsi que « la rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé (centre de rétention administrative) un étranger qui fait l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de son renvoi forcé ». Décidée par l’administration, cette rétention est limitée à 90 jours, sauf en cas d’activités terroristes.

Concernant Taha O., nous étions dans un cas de décision de placement en rétention, après une période d’incarcération. La décision initiale a donc été ici prise par un préfet. L’éloignement de Monsieur O. n’ayant pas pu intervenir dans les 48 heures après son placement en rétention, les autorités marocaines ayant dû procéder à la vérification de l’identité du criminel, puisque ce dernier avait comme c’est toujours le cas « égaré » ou plus sûrement détruit ses papiers d’identité, le préfet a dû décider d’une première prolongation de la rétention de 28 jours francs. Ce n’est qu’à l’issue de ce délai que le juge des libertés et de la détention a été saisi. Il a eu 18 heures pour statuer et a prolongé de 30 jours francs pour plusieurs motifs en l’espèce (destruction des papiers d’identité, laissez-passer consulaire non délivré en conséquence, mais aussi menace réelle à l’ordre public).

Le drame s’est ensuite joué à l’expiration de ce second délai. De fait, une prolongation supplémentaire de la détention pouvait être demandée par le préfet et autorisée par le juge des libertés et détentions qui a pourtant choisi de placer Monsieur O. en « résidence surveillée » à l’hôtel, alors que le Maroc délivrait le laissez-passer consulaire permettant l’expulsion après avoir acquis la certitude qu’il s’agissait d’un de ses sujets le lendemain. Comme on pouvait l’imaginer, l’assassin présumé a profité du fait que la surveillance était relâchée pour s’échapper dans la nature. Il y a eu là une erreur d’appréciation majeure et une forme de démission des autorités. La dangerosité criminelle du profil aurait dû obliger à la persévérance. Des responsables doivent être désignés et sanctionnés. Le législateur et le préfet ne sont pas en reste dans cette liste. En effet, le préfet de l’Yonne a mal adressé la première demande de laissez-passer consulaire au royaume du Maroc. Une boite mail dédiée existe, ce que semble avoir ignoré la préfecture. Pis : des sources concordantes indiquent que le Maroc a averti ses homologues français que la première demande d’éloignement était mal rédigée dès le 24 juin ! Quant au législateur, sa rédaction de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) fait débat. La loi Immigration prévoit bien que la menace pour ordre public autorise une prolongation de la durée de rétention portée à 90 jours, mais le texte précise que ce trouble doit avoir été commis pendant la dernière période de prolongation… N’ayant commis aucun trouble durant les 15 derniers jours de sa rétention administrative, Taha O. a donc bénéficié de la clémence du juge qui a conclu que les conditions légales d’une nouvelle détention n’étaient pas réunies… tout en reconnaissant l’extrême dangerosité du personnage. La lettre plutôt que l’esprit de la loi.

Il faut néanmoins savoir que le contentieux des étrangers représente 50% de l’activité des tribunaux administratifs. Les juges des tribunaux administratifs doivent donc faire constamment du droit des étrangers en plus des autres dossiers qui leur sont attribuées en fonction de l’organisation locale. Le pourcentage des contentieux concernant le droit des étrangers tombe à 30% en appel et, tout de même, encore 20% devant le Conseil d’état en cassation. Colossal. C’est dire l’ampleur du problème.

Que faire ?

Il faut complétement rénover la législation en matière de rétention des immigrés en situation d’illégalité. D’abord, l’ « OQTF » n’est au fond qu’une invitation à partir. Il ne s’agit pas du tout d’une obligation de fait. Une expulsion à l’issue d’une peine de prison doit être préparée en amont de manière à ce que le criminel soit renvoyé immédiatement dans son pays d’origine. Il faut pour cela mieux coordonner l’action des différents services pénitentiaires, judiciaires et administratifs. Il faut aussi aligner le régime des criminels et délinquants de droit commun sur celui appliqué aux terroristes. Mieux encore : une personne ayant détruit ou égaré volontairement ses papiers et justificatifs d’identité étrangers devrait être placée en centre de rétention pour une durée indéterminée jusqu’à ce que son expulsion physique soit matériellement possible. Ce sont là des mesures de bon sens absolu que le gouvernement Barnier devrait tout faire pour mettre en place.

Didier Migaud et Bruno Retailleau peuvent-ils déjouer les mauvais augures?

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De gauche à droite, le ministre de la Justice Didier Migaud, le président Macron et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, Palais de l'Elysée, Paris, 23 septembre 2024 © Christophe Ena/AP/SIPA

Réagissant à l’affaire Philippine, le ministre de l’Intérieur a réclamé une évolution de « l’arsenal juridique ». De son côté, le garde des Sceaux a défendu la magistrature lors d’une visite à la prison de la Santé, affirmant que « le laxisme judiciaire n’existe pas », qu’ « il faut de la pédagogie » et que « le taux d’exécution des peines n’a jamais été aussi élevé ».


Avec quelle indécente volupté certains ont-ils pris connaissance des premiers couacs au sein du nouveau gouvernement ! C’était inévitable, tant la France partisane est plus préoccupée de faire perdre l’adversaire que de faire triompher sa propre cause… Il y a des controverses ridicules. Comme celle sur « l’arc républicain » et le Rassemblement national. Pourtant, le Premier ministre avait été clair et il était tout à fait moral et normal de prescrire que le temps du mépris à l’encontre des électeurs de ce parti était révolu et que l’opposition politique même la plus vigoureuse ne serait plus contradictoire avec une sorte de respect démocratique. Pourtant, le ministre Antoine Armand, qui aurait dû être, plus que tout autre à cause de sa proximité avec Michel Barnier, au fait de la résolution de ce dernier, a commis un impair sur France Inter. Il est tombé dans le panneau de cette absurde exclusion du RN de l’arc républicain qui est, comme l’avait très bien dit Gabriel Attal en son temps lucide et courageux, l’Assemblée nationale tout entière. Antoine Armand a été recadré, il a vite compris.

Petits couacs et vraies divergences de fond

Il y a des ministres macronistes qui ont des états d’âme et, pour certains, des frustrations de gauche. Par exemple, Agnès Pannier-Runacher a un « dilemme », craint « des frottements ». S’ils ont tant de mal à être à l’unisson du Premier ministre, personne ne les contraignait à demeurer ministres ! Ils étaient libres de ne pas venir troubler et affaiblir une équipe qui se doit de réussir pour la France et les Français. Ce sont des incidents secondaires qui ne pouvaient que résulter d’un mixte gouvernemental que la dissolution et ses résultats ont rendu obligatoire. Mais il y a un problème de fond, beaucoup plus sérieux, qui est apparu. Par rapport à notre histoire politique, il n’a rien d’original. Ce serait « l’éternel duel entre l’Intérieur et la Justice », écrivent Claire Conruyt et Paule Gonzalès dans Le Figaro daté de mercredi. Il serait difficile de contester cette évidence, qui s’est d’ailleurs souvent traduite par la domination d’un ministre – de l’Intérieur plutôt – sur l’autre. Mais, sans être naïf, cet affrontement n’est pas fatal.

À lire aussi, Dominique Labarrière: Philippine: martyre de l’impéritie judiciaire

D’abord parce qu’il s’agit de Bruno Retailleau et de Didier Migaud, qui ont conscience de l’impératif qui pèse sur eux, brutalement résumé par cette interdiction : ils ne peuvent se permettre d’échouer, non seulement dans leur pratique et leurs résultats ministériels mais dans la qualité de leurs relations professionnelles et la solidarité de leurs actions. Il n’y a aucune raison, en effet, pour qu’une sensibilité de droite, courageuse, libre et constante – celle de M. Retailleau – soit désaccordée d’avec la vision lucide et responsable d’un homme étiqueté de gauche : celle de M. Migaud (dont on perçoit que d’aucuns, à cause de cette orientation politique ancienne, voudraient le constituer comme un opposant de principe à Bruno Retailleau) ! À condition que l’Intérieur et la Justice ne soient pas vécus seulement comme des opportunités de défendre policiers ou magistrats sans que soient dénoncés les vices et les dysfonctionnements de chacun des systèmes dans lesquels ils exercent. Ce ne serait pas offenser les seconds que de cibler ce que leur institution accomplit mal ou ce que les citoyens attendent mais ne reçoivent pas, notamment efficacité et rapidité. Et la police, aussi respectable qu’elle soit, n’est pas un corps parfait en toutes circonstances ! Le clivage absolu qu’on prétend ériger entre ces deux ministères n’a aucun sens. L’actualité souvent la plus tragique, mêlant des processus administratifs à des enquêtes et informations criminelles – le meurtre de Philippine avec le parcours du suspect Taha O. en voie d’extradition le démontre pour le pire – met à bas cette distinction et n’est pas loin d’établir le caractère sinon interchangeable, du moins très largement complémentaire de Beauvau et de la place Vendôme.

Condamnés à s’entendre dans l’intérêt de la France

Comment aurait-il été concevable, pour Bruno Retailleau, sur TF1 ou dans son entretien du Figaro, de ne pas traiter de l’exécution des peines alors qu’il était questionné sur l’immigration clandestine, l’asile et les OQTF ? Son argumentation, s’il s’était abstenu, en aurait été singulièrement appauvrie. Didier Migaud s’est immédiatement contraint à la posture traditionnelle du garde des Sceaux montant au créneau pour atténuer le propos « sur le droit à l’inexécution des peines ». Je ne suis pas sûr qu’il ait eu raison dans le satisfecit qu’il a formulé mais peu importe : je ne doute pas qu’il saura intégrer, dans sa pratique à venir, une partie de la logique du ministre de l’Intérieur. Il permettrait ainsi, avec évidemment la réciproque de la part de Bruno Retailleau, une meilleure compréhension des rôles policier et judiciaire.

Aujourd’hui, c’est un antagonisme larvé ou affiché qui gouverne. Il faut mettre fin à cette hostilité dont une part de la magistrature est coupable, trop souvent condescendante, avec son apparente pureté, à l’encontre d’une police naturellement fautive aux mains sales (je renvoie à cette analyse précédente…). J’ai la faiblesse de penser que Bruno Retailleau et Didier Migaud ont pour principale ennemie la convention politique qui, au long des années et des pouvoirs de gauche comme de droite, les jugerait mous et incompétents s’ils ne s’abandonnaient pas à une lutte entre chiens et chats. S’ils résistent à cette pente, ils feront du bien ensemble à la France et aux citoyens qui espèrent, après tant d’orages, de désordres et d’affrontements, au moins une esquisse d’aurore.

«Mon jour de chance», c’est sans doute le vôtre aussi

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Guillaume de Tonquedec et, Lysiane Meis, "Mon jour de chance" au Théâtre Fontaine © Bernard Richebé

La nouvelle pièce de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras est un bijou de comédie de situation.


Dans la précédente comédie écrite par les deux co-auteurs, Berlin Berlin, qui se joue toujours actuellement à Paris, la satire politique emprunte aux films de Lubitsch son ton mordant et absurde. Avec cette jubilation pétillante si propre à leur style, Gérald Sibleyras et Patrick Haudecoeur s’intéressent particulièrement aux plus minables des comportements humains dès lors que la situation devient périlleuse. Le burlesque naît alors de cette incapacité des personnages à dépasser des situations rendues impossibles par leur perversité.

Avec Mon jour de chance, le portrait de nos travers humains se veut plus optimiste.

Cette comédie de situation de haute voltige est au fond une sorte de conte à la Dickens, dont l’issue nous invite à réfléchir sur nos propres choix de vie. Comme le vieil avare du célèbre Conte de Noël, Sébastien, le personnage principal, s’est laissé grignoter par la jalousie, l’aigreur et la rancœur. Il se lamente sur sa situation et est persuadé que dans la vie, il y a ceux qui ont de la chance et ceux qui n’en ont pas. D’ailleurs, ses copains et lui jouaient toutes leurs décisions aux dés quand ils étaient plus jeunes, et il est persuadé que s’il avait eu une meilleure main, sa vie aurait été plus belle. Mais supposons un instant que les jeux ne soient pas faits… Et si, tel un fantôme de Noël, le destin lui donnait l’opportunité de rejouer ?

A lire aussi: Un Offenbach queer?

Parlons-en, d’ailleurs, de ce destin, qui est finalement ici l’un des personnages principaux. Celui-ci se demande non seulement si on peut lui échapper, mais aussi si on veut vraiment lui échapper… Changer le destin, d’accord, mais pour avoir quoi à la place ? N’y aura-t-il pas toujours quelque chose qui cloche ? Éternels insatisfaits, nous ne sommes même pas certains que si nous pouvions prendre les rênes de notre destin, le résultat en serait si extraordinaire…

Il faut dire que Sébastien n’est pas tant à plaindre que cela : sa femme est charmante et sensible, et ses amis sont d’une humilité touchante et sympathique. Une bien jolie bande de copains chez qui on passerait volontiers un week-end à la campagne. Ce qui nous change agréablement de certaines comédies françaises où l’on tombe tout de suite chez des gens qu’on ne voudrait jamais fréquenter et auxquels on a, par conséquent, beaucoup de mal à s’identifier…

La force de cette comédie réside non seulement dans l’amabilité — au sens premier du terme — de ses personnages, appuyée par un casting parfaitement harmonieux, mais aussi dans l’imprévisibilité des changements de situation. Les renversements, interprétés par les comédiens avec beaucoup de finesse, sont tous jubilatoires et nous embarquent dans un voyage étourdissant, allant de surprise en surprise, avec un rythme d’horlogerie à la Feydeau orchestré par le metteur en scène José Paul, et un entrain qui nous fait vite trépigner d’excitation, comme si nous étions sur des montagnes russes…

Attachez bien vos ceintures, parce que le destin ne fait pas de cadeau !

Durée: 1h30. Théâtre Fontaine.


Sahra Wagenknecht, radio Ostalgie

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Sahra Wagenknecht, Berlin, 12 avril 2024 © dts News Agency Germany/Shutters/SIPA

En Allemagne, l’ « Alliance Sahra Wagenknecht, Pour la raison et la justice » (BSW) réalise un score tout à fait honorable aux dernières élections. Face aux succès de l’AfD (droite dure), l’égérie pète-sec de la gauche « réac », ex-Die Linke, devient une faiseuse de rois.


Il n’y a pas qu’en France où le paysage politique connait des mutations étonnantes. Aux récentes élections régionales en Saxe et en Thuringe (ex-Allemagne de l’Est), le parti d’extrême droite AfD a affiché un succès spectaculaire avec respectivement 30,6% et 32,8% des voix le 1er septembre, soit une confortable avance sur toutes les autres formations (à l’exception des conservateurs qui les devancent d’une courte tête en Saxe).

Mais si l’on y regarde de plus près, un autre fait attire l’attention : le parti BSW, inconnu au bataillon jusqu’à l’année dernière, réussit l’exploit de se hisser à la troisième place avec 11,8% et 15,8% des voix. Son leader n’est autre que Sahra Wagenknecht, égérie de l’extrême gauche et ancienne cadre du parti Die Linke (équivalent allemand de LFI). Or, Wagenknecht détonne dans le paysage actuel de la gauche européenne : originaire de RDA, cette native de Iéna n’hésite pas à défendre une ligne marxiste « vieille école », pro-russe et anti-migrants – elle a ainsi publiquement annoncé vouloir revenir à une politique d’immigration beaucoup plus ferme.

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Une concurrence pour le moins inattendue pour l’AfD, qui ne pensait pas devoir jouer des coudes avec l’extrême gauche sur ce sujet. Et ce n’est pas tout : Wagenknecht pourfend même l’idéologie sacro-sainte du wokisme qu’elle ne considère « pas de gauche », créant un malaise dans les sphères socialistes d’outre-Rhin. Son pari est incontestablement gagnant : elle se permet même de ridiculiser ses anciens amis de Die Linke en les devançant assez nettement, emmenant avec elle des foules de nostalgiques de la RDA et des communistes réactionnaires. Derrière les beaux tailleurs et le chignon impeccable se cache donc une cacique de la gauche dure, qui n’a visiblement pas l’intention d’en rester là.

Ironie du sort, les conservateurs de la CDU se voient donc obligés de négocier avec elle une coalition afin d’éviter des gouvernements locaux dirigés par l’AfD. Certaines couleuvres doivent être difficiles à avaler. Dimanche 22 septembre, lors des élections régionales, le BSW confirme sa percée en réussissant à obtenir 13,5% des voix dans le Brandebourg (soit la 3eme position). De quoi nourrir une guerre des gauches à la Mélenchon-Ruffin, version germanique ?

Voici pourquoi la France devrait plutôt dire merci à Israël

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Il y a 22 ans déjà, des signes qui ne trompaient pas... Le 7 avril 2002, à Marseille, une manifestation contre l'antisémitisme et le terrorisme sous haute tension en raison d'une contre-manifestation (photo) © TSCHAEN/SIPA

Comment expliquer les distances que prennent nos dirigeants politiques avec Israël? Trop souvent, ils donnent l’impression de vouloir ménager une «rue arabe», comme s’ils avaient entériné l’idée d’un «grand remplacement» en cours. Alors qu’Israël est en guerre à une frontière civilisationnelle séparant peuples d’Occident et peuples opprimés par l’islamisme, estime notre chroniqueur.


La France couchée n’aime pas voir Israël debout. Le petit État hébreu, qui veut en découdre avec son puissant ennemi islamiste, laisse voir en contraste ce qu’est devenue l’ancienne puissance européenne: une nation flageolante qui, à travers des élites émasculées et fascinées par l’adversaire, a renoncé à se faire respecter et à combattre. Boualem Sansal, écrivain algérien, met le couteau dans la plaie quand il explique (Le Figaro Magazine, 20 septembre) : « La France est un pays à la ramasse qui vit sur des gloires passées ». Cela fait cinquante ans que les gouvernements successifs reculent, et l’Union européenne avec eux, devant les constantes exigences des 57 États membres de l’organisation de la Coopération islamique (OCI). Ceux-ci n’ont de cesse depuis le premier choc pétrolier (1973), sous couvert de chantages pétroliers et sécuritaires, de réclamer et d’obtenir des protections et des promotions culturelles au profit de leurs populations immigrées. L’historienne Bat Ye’or a abondamment documenté ces abandons.

Le pessimisme de Boualem Sansal

Ce renoncement de la France à imposer ses valeurs a rendu marginale l’assimilation maghrébine et a fait du séparatisme la règle. Quand Sansal assure, mardi matin sur CNews (L’heure des pros) : « Dans 50 ans, l’islamisation aura, à ce point, gagné qu’elle pèsera sur les fondamentaux français. Il faudra repenser la république, le droit, etc. », il illustre ce que pourrait être le grand remplacement, conjonction d’une immigration musulmane massive et d’un effacement honteux du pays conquis. Ce destin est-il inexorable ? Si le somnambulisme d’État reste la règle, Sansal aura raison.

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Les distances que prend Emmanuel Macron avec Israël, qui vient d’engager une riposte d’envergure contre le Hezbollah au Liban après avoir brisé les reins du Hamas à Gaza, illustrent une fois de plus la peur qui paralyse la France face à l’islam conquérant, téléguidé par l’apocalyptique théocratie iranienne. Même l’élimination par Tsahal, le 21 septembre au Liban, d’Ibrahim Aqiil, responsable de l’attentat de 1983 contre le Drakkar à Beyrouth (58 parachutistes français tués) n’a pas été saluée par le chef de l’État. « La réplique israélienne est insupportable », a dit Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, mercredi matin sur RTL en commentant la réponse au pogrom du 7 octobre. Alors qu’une communauté de destin lie Israël à la France, deux vieilles nations confrontées au même ennemi fanatisé, les dirigeants se déshonorent à vouloir rendre les armes devant cet islam dont Sansal rappelle qu’il est « un système profondément totalitaire ». Le gouvernement a même renoncé à créer un ministère de la Laïcité, de peur d’être accusé d’islamophobie par la gauche soumise. Celle-ci manifeste en revanche avec ceux qui appellent à « l’intifada dans Paris ».

Israël, une frontière civilisationnelle

Ces traitrises « humanistes » sont méprisables. D’autant que le courage qui habite le peuple israélien, pour l’instant solidaire de Benyamin Netanyahu dans sa guerre contre le « nazislamisme », porte en lui la possible libération des peuples opprimés par les obscurantistes.
C’est le Hezbollah qui a défiguré le Liban jadis idyllique. C’est l’Iran des ayatollahs qui oppresse ses citoyens, dont une partie applaudit Tsahal dans les humiliations qu’elle porte au régime dictatorial qui redoute de répliquer.
Dans ses guerres, Israël se bat aussi pour la France et les démocraties occidentales angéliques. C’est pourquoi elles devraient oser lui dire merci.

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