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Avis d’experts: le système électoral américain est le pire qui soit

Voyage dans l'enfer électoral américain (2/3)


Avis d’experts: le système électoral américain est le pire qui soit
Un citoyen américain vote par anticipation à Minneapolis dans le Minnesota, 20 septembre 2024 © Adam Bettcher/AP/SIPA

Le comportement polémique de Donald Trump, après les résultats du scrutin présidentiel de 2020, ne doit pas empêcher de rappeler que le système électoral américain est dénoncé comme chaotique depuis longtemps.


Dans notre article précédent, nous avons présenté le système électoral américain et son incroyable fouillis de lois, de réglementations et de modes de fonctionnement. À présent, nous allons passer en revue les avis des experts sur ce système électoral si particulier – et nous constaterons qu’ils le considèrent comme le pire de tous les États démocratiques !

Des erreurs et des fraudes omniprésentes

En 1934, Joseph P. Harris, politologue et ancien responsable de bureau de vote à Chicago, qui avait été chargé d’étudier le fonctionnement du système électoral américain, publiait son rapport, dont la conclusion était sans appel : « Il n’y a probablement aucune autre phase de l’administration publique aux États-Unis qui soit aussi mal gérée que la conduite des élections. Chaque scrutin met en lumière des irrégularités, des erreurs et des fautes de la part des employés des bureaux de vote, le non-respect des lois et des règlements électoraux, des pratiques bâclées et des fraudes flagrantes. » (1)

Bien sûr, c’était il y a un siècle. On serait en droit d’espérer que, depuis 1934, la situation s’est améliorée et que les problèmes ont disparu. Que nenni.

Le système électoral américain n’est pas à la hauteur des normes internationales

À la veille de l’élection présidentielle de 2004 (qui allait voir la victoire de George W. Bush), l’ex-président américain, Jimmy Carter (Démocrate), était interviewé par la radio publique nationale (National Public Radio).

Depuis 1989, Carter étudiait la sécurité des élections dans le monde entier, par le biais de sa Fondation (Carter Center), qui a envoyé des équipes d’observateurs dans 40 pays pour y surveiller 115 élections.

À la surprise de la journaliste, qui lui demandait en badinant s’il accepterait de vérifier la qualité des élections américaines, Carter répondit que, « si les États-Unis étaient un pays étranger, qui lui demandait de surveiller ses élections, il serait obligé de refuser, parce que le système électoral américain n’est pas à la hauteur des normes internationales ». (2)

Rien n’est fait pour dissuader ou détecter les fraudes

La même année, Jimmy Carter et l’ex-Secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères), James A. Baker III (Républicain), créaient la Commission sur la réforme électorale fédérale (Commission on Federal Election Reform), organisation bipartisane, dont l’objet était d’examiner les élections américaines et d’en accroître la sécurité.

Dès 2005, la Commission remettait son rapport, qui soulignait que « le système électoral ne peut pas inspirer confiance au public, car il n’existe pas de garanties pour dissuader ou détecter les fraudes ». (3)

Un système électoral digne du plus pauvre village d’Afrique ?

En septembre 2004, la présidente de la Commission électorale indépendante d’Afrique du Sud, Brigalia Bam, qui réalisait une tournée d’inspection dans les bureaux de vote de Floride, exprima sa stupéfaction : « Ici, absolument tout est une violation [des normes de sécurité]. Tous ces systèmes électoraux différents, dans des comtés différents, sans aucune obligation de rendre des comptes, c’est comme dans le village le plus pauvre d’Afrique ! » (4)

A lire aussi, Harold Hyman: États-Unis: une campagne entre cris et chuchotements

Les États-Unis sont mûrs pour le vol d’élections et pour la fraude

En août 2006, l’ex-président de la Commission d’assistance électorale (U.S. Election Assistance Commission), agence indépendante dont l’un des rôles est de certifier les machines à voter électroniques, le Républicain DeForest Soaries, dénonçait le dangereux amateurisme qui régit les élections américaines, dans une interview accordée à une importante chaîne de radio. En raison de son contenu explosif, cette interview fut interdite de diffusion ; mais, deux mois plus tard, sa transcription fuitait et était publiée sur internet.

« La loi Help America Vote Act (HAVA) de 2002 impose la présence d’une machine à voter électronique dans chaque bureau de vote du pays. Mais il n’existe aucun prototype, aucune norme, aucune recherche scientifique qui permette de construire une machine électronique qui puisse être utilisée en toute sécurité. Si tous les foyers étaient obligés d’avoir un four à micro-ondes sans que des normes de sécurité aient été élaborées, cela ferait scandale. Mais aujourd’hui, nous en savons plus sur la façon de construire une machine pour prendre des photos de roches sur Mars, que sur la façon de construire une machine à voter électronique fiable. »

« Les politiciens de Washington ont conclu que le système ne peut pas être si mauvais que cela puisque, après tout, c’est lui qui les a produits. Tant qu’un candidat est élu, la machine et le dispositif utilisés pour l’élire lui semblent adéquats. Mais il est impossible de faire confiance à la technologie que nous utilisons pour compter les votes. Si nous étions un pays étranger analysé par l’Amérique, nous conclurions que ce pays est mûr pour le vol d’élections et pour la fraude. » (5)

Les États-Unis devraient s’inspirer des procédures électorales d’autres pays

En 2009, R. Michael Alvarez, professeur de sciences politiques au California Institute of Technology et co-directeur du Voting Technology Project (Programme sur la technologie de vote), concédait que « les responsables électoraux des États-Unis ont beaucoup à apprendre de leurs collègues d’autres pays, et ils peuvent tirer profit de l’étude des procédures électorales de ces pays », pour améliorer la sécurité de leurs élections. (6)

Le plus mauvais système électoral de toutes les démocraties

En 2012, Richard Hasen, professeur de sciences politiques, expert en droit électoral, directeur du Safeguarding Democracy Project (Programme de sauvegarde de la démocratie) à la faculté de droit de l’Université de Californie (UCLA School of Law), rendait un verdict similaire : « Je ne pense pas qu’il existe une démocratie mature dont le système électoral soit aussi mauvais que le nôtre ». (7)

 Les États-Unis, derniers de la classe

En 2017, des universitaires de l’Electoral Integrity Project (Programme sur l’intégrité électorale), spécialisés dans l’étude internationale comparative des élections, ont classé 28 États démocratiques selon la fiabilité de leurs systèmes électoraux, en utilisant des données relatives aux élections ayant eu lieu de 2000 à 2012. Le résultat a été sans appel : les États-Unis sont arrivés derniers, loin derrière les autres démocraties. (8)

La fraude électorale existe dans toutes les régions des États-Unis

Hans von Spakovsky, ancien membre de la Commission électorale fédérale (Federal Election Commission) et directeur de l’Election Law Reform Initiative (Initiative pour la réforme du droit électoral) de la Heritage Foundation, milite depuis des années en faveur du renforcement de la sécurité des élections américaines.

En 2012, il dressait un sombre constat : « La fraude électorale, qu’il s’agisse d’inscriptions frauduleuses sur les listes électorales, de bulletins de vote par correspondance illégaux, d’achats de voix, de recomptes douteux ou de bourrage des urnes à l’ancienne, peut être constatée dans toutes les régions des États-Unis. » (9)

En 2021, il revenait à la charge, et publiait une liste de mesures à mettre d’urgence en œuvre, pour contrer les fraudes électorales :

– tenir à jour des listes électorales exactes ;
– exiger une pièce d’identité avec photo pour voter en personne et par correspondance ;
– permettre aux observateurs électoraux d’avoir accès au dépouillement des bulletins, sans restriction ;
– interdire le dépouillement des bulletins de vote anticipé avant le jour du scrutin ;
– interdire que les machines à voter électroniques soient connectées à Internet et qu’elles soit dotées d’un modem ;
– empêcher les responsables électoraux et les élus de l’exécutif de modifier les lois électorales juste avant un scrutin ;
– interdire aux responsables électoraux de recevoir des fonds privés pour financer l’organisation d’une élection. (10)

Les nombreuses déficiences du système électoral américain

L’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) possède une agence chargée de surveiller les élections chez ses États membres, signataires de la Déclaration de Copenhague. (11) Cette agence, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) (Office for Democratic Institutions and Human Rights, ODIHR), envoie des observateurs internationaux aux États-Unis, tous les deux ans, lors des élections présidentielles et des élections de mi-mandat. Dans leur rapport final sur les élections américaines de mi-mandat de 2022, les observateurs de l’OSCE identifient 31 déficiences du système électoral américain, dont 13 graves. Parmi elles : le tracé des circonscriptions, le financement des campagnes électorales, l’administration des élections, l’identification des électeurs, les listes électorales, les demandes par internet de bulletins de vote par correspondance, les observateurs électoraux, la publication des résultats, la vérification des résultats par des audits, la certification des machines à voter électroniques, le vote par correspondance, les lois électorales. (12)

Comme on le constate, de nombreuses étapes vitales du processus électoral des États-Unis sont gangrenées par des déficiences.

La fraude électorale est un phénomène réel

Pour les spécialistes des élections que nous avons cités, la fraude électorale est donc un phénomène réel, qui doit être combattu – pas une faribole ni une chimère, comme les grands médias américains voudraient le faire croire. Et leur verdict est clair : le système électoral américain est le pire de tous les États démocratiques – il est même tellement mauvais qu’il est indigne d’un État qui se prétend démocratique. Mais tout le monde se rappelle que, après l’élection présidentielle controversée de 2020, les agences fédérales, les responsables électoraux et les grands médias avaient ouvert le parapluie et répété en boucle que cette élection avait été « la plus sûre de toute l’Histoire ».

Pendant ce temps, loin des dénégations bruyantes des grands médias, la justice américaine poursuit patiemment sa tâche, sans bruit, sans éclat, et condamne avec régularité des tricheurs, coupables de fraudes électorales commises pendant les élections passées, y compris pendant celle de 2020, comme nous le verrons plus loin.

Dans notre prochain article, nous explorerons les bases de données sur les fraudes électorales ayant été l’objet de poursuites judiciaires et de condamnations.

>> A suivre <<


Notes

1) Joseph P. Harris, Election Administration in the United States, Brookings Institution, 1934, p. 1.

2) « President Carter Tries Hand at Fiction », Interview of Jimmy Carter by Terri Gross, Fresh Air, NPR, October 21, 2004, 4’24″–4’56 ».

https://freshairarchive.org/segments/president-carter-tries-hand-fiction

3) « Building Confidence in U.S. Elections: Report of the Commission on Federal Election Reform », September 2005, p. 18.

https://www.eac.gov/sites/default/files/eac_assets/1/6/Exhibit%20M.PDF

4) Brigalia Bam, entretien avec Andrew Gumbel, septembre 2004, cité dans :

Andrew Gumbel, Down for the Count: Dirty Elections and the Rotten History of Democracy in America, New Press, 2016, p. 3.

5) Brad Friedman, « Exclusive: First Bush-Appointed Chair Of U.S. Election Assistance Commission Says ‘No Standards’ For E-Voting Devices, System ‘Ripe For Stealing Elections’! », BradBlog, October 17, 2006.

https://bradblog.com/?p=3491

6) R. Michael Alvarez, Thad E. Hall and Susan D. Hyde, Election Fraud: Detecting and Deterring Electoral Manipulation, Brookings Institution Press, 2009, p. 239.

7) Natasha Khan and Corbin Carson, « Election-fraud not as common as recent voter ID laws suggest », Center for Public Integrity, August 13, 2012.

https://publicintegrity.org/politics/election-fraud-not-as-common-as-recent-voter-id-laws-suggest/

8) Données provenant des rapports du Varieties of Democracy Project (Programme sur les variétés de démocratie), publiés par le V-Dem Institute (Université de Göteborg, Suède), citées dans :

Pippa Norris, Holly Ann Garnett and Max Grömping, « Perceptions of Electoral Integrity: The 2016 American Presidential Election », Electoral Integrity Project, January 2017, p. 7.

https://www.dropbox.com/s/3l45d146f7yojqg/PEI-US-2016%20Report.pdf

9) John Fund and Hans von Spakovsky, Who’s Counting: How Fraudsters and Bureaucrats Put Your Vote at Risk, Encounter Books, 2012, p. 7.

10) John Fund and Hans von Spakovsky, Our Broken Elections: How the Left Changed the Way You Vote, Encounter Books, 2021, « Chapter 12: How to Fix the Flaws in Our Election Process ».

11) La Déclaration de Copenhague est un document adopté par les pays membres de l’OSCE, en juin 1990, à Copenhague, qui contient des engagements spécifiques en matière d’élections (transparence, fiabilité, protection).

12) « United States of America, Mid-Term Congressional Elections, 8 November 2022: ODIHR Limited Election Observation Mission, Final Report », 9 May 2023, pp. 43-46.

https://www.osce.org/odihr/elections/usa/543015



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Chef d'entreprise (PME), écrivain, journaliste, enquêteur pour des think tanks américains. Prépare un livre sur l'histoire des fraudes électorales aux États-Unis depuis le XIXe siècle.

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