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Le djihad laïque, ça suffit !

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Mosquée de Paris

En 1991, l’Union soviétique disparaît de la carte en laissant pour seule héritière une Russie en proie au chaos. L’islam remplace alors peu à peu le socialisme comme idéologie révolutionnaire dans les pays du Moyen-Orient, ce qui est une aubaine pour les Etats-Unis à la recherche désespérée d’un nouvel ennemi pour justifier leur centralité financière. Les événements du 11-Septembre concrétisent ce passage de témoin en faisant émerger une nouvelle incarnation du Mal, sous la forme du barbu islamiste qui déteste l’Amérique, sa liberté et sa prospérité au nom d’idées moyenâgeuses. L’Empire va donc pouvoir repartir en croisade pour faire étalage de sa puissance, du moins le croit-il.

La théorie du « choc des civilisations » s’est depuis diffusée dans tout le monde occidental. L’islam n’est plus la religion des peuples d’Orient, mais le totalitarisme du XXIe siècle, conquérant et belliqueux comme à l’époque de Mahomet. L’islamophobie n’est plus une forme de la xénophobie nauséabonde du bas peuple aux bas instincts, mais une idée à la mode, particulièrement chez les élites éclairées qui profitent de l’occasion pour revêtir leur costume de résistant remisé depuis belle lurette. Même la gauche dite républicaine s’y met, sous couvert de laïcité, de défense du droit des femmes, quand ce n’est pas de la République elle-même. [access capability= »lire_inedits »]

Offensive de l’islam ou réaction contre l’islamophobie ? Histoire de poule et d’œuf

Il est vrai que, dans le même temps, les populations musulmanes se sont radicalisées dans une crispation identitaire. On a vu les voiles se multiplier, la burqa apparaître, la nourriture halal se généraliser, des prières se tenir dans les rues, au moins sur Dailymotion… Effet d’optique lié à un reflux de la tolérance à l’égard des manifestations d’une culture exogène ou réalité d’un nouveau communautarisme revendicateur nourri par une immigration toujours plus nombreuse et concentrée ? Offensive de l’islam ou réaction contre l’islamophobie ? Un vrai problème d’œuf et de poule impossible à trancher.

Quelles que soient les causes, on constatera simplement que la tension monte entre deux communautés. D’un coté, les populations immigrées, les musulmans, les racailles et habitants des cités, rassemblés dans un amalgame répulsif à souhait. De l’autre, des Français racistes, intolérants, coupables de discriminations ou de « stigmatisation », comme on dit aujourd’hui.

Si cette tension ne se manifestait que par des joutes verbales autour de symboles, comme le débat public national en raffole, cela serait fâcheux mais pas bien grave. Le problème c’est que la situation peut exploser à la moindre étincelle. Qu’un agent des forces de l’ordre soit tué à l’occasion d’une nouvelle émeute dans un quartier sensible, que la police ouvre le feu, soit sur instruction, soit parce que l’un de ses agents aura perdu ses nerfs, et ce sont toutes les banlieues qui s’embraseront aussitôt, plongeant la France dans une guerre civile communautaire comme elle n’en a pas connu depuis les guerres de religions, avec des conséquences politiques absolument imprévisibles.

Voilà pour le constat. Jusque-là, je pense que tout le monde sera d’accord, en espérant ne pas avoir fait dans le déni de réalité, donné dans l’angélisme ou la bien-pensance, pour reprendre la ligne de défense préférée des adversaires de l’islam.

Et maintenant, qu’est ce qu’on fait ?

Le drame de la période est que, face à la posture moraliste « anti-stigmatisation », on n’entend guère qu’un discours haineux de pure confrontation dont les seuls effets possibles seront de précipiter la guerre civile que l’on prétend vouloir éviter.

Ces nouveaux croisés soulignent à longueur d’articles tout ce qu’il y a d’antirépublicain dans la charia, réfutent toute distinction entre la pratique normale de la religion musulmane et l’islamisme radical, dénoncent le machisme au nom de la sacro-sainte égalité homme-femme quand ce n’est pas l’arriération mentale que traduit l’observation de prescriptions religieuses.

Leur rêve ultime est probablement de finir en martyrs de la cause laïque, comme Théo Van Gogh, ou simplement de subir une fatwa en bonne et due forme, ce qui est pour le moins paradoxal venant de prétendus laïques. Ils ne reculeront devant aucune provocation. Et si leurs apéros-saucisson et leurs textes accusateurs ne suffisent pas, ils iront s’il le faut jusqu’au blasphème le plus insultant, au nom bien sûr, des droits de l’homme et de la liberté d’expression.

On peut les comprendre. L’opinion est clairement en attente d’une réaction après des décennies d’immigration présentée comme une fatalité et de droit à la différence trop longtemps célébré. La libération de la parole xénophobe (au sens de rejet de celui qui se comporte en étranger sur le sol national) est incontestablement un puissant facteur de dynamique électorale et de succès médiatique. Sarkozy l’a bien compris, mais il n’est manifestement pas le seul.

Philosophiquement, l’islamophobie est déjà en soi critiquable, car si certaines critiques de l’islam sont fondées, l’exercice inverse, qui consisterait à interroger la culture dominante dans la France contemporaine, pourrait bien donner lieu à une critique tout aussi dévastatrice. Faisons donc l’inventaire des valeurs qui fondent aujourd’hui notre vivre-ensemble et demandons-nous s’il n’y a pas là une terrible carence qui pousse ces populations à se replier sur leur culture d’origine pour retrouver des valeurs fédératives consacrées dans des pratiques collectives ainsi qu’un sentiment d’appartenance qui fait cruellement défaut dans le pays de la laïcité.

Sur le plan pratique, la pensée islamophobe est en revanche absolument contre-productive et extrêmement dangereuse. Ce discours hémiplégique, qui flatte les uns et braque les autres, ne peut qu’exacerber les tensions, accélérer le durcissement de la société et de notre système politique et précipiter un véritable « choc des civilisations » sur notre sol.

Un système culturel ne se combat pas comme un système de pensée. On ne gagne pas une guerre de religion par le verbe comme on gagne une élection. On la gagne par les armes, l’extermination ou la conversion forcée ! Qui peut raisonnablement imaginer qu’un musulman qui tomberait sur un texte « riposte-laïcard » puisse se laisser convaincre que ses valeurs sont moyenâgeuses, que sa religion n’a pas décidément pas sa place dans ce beau pays qui est désormais le sien et qu’il est temps pour lui de se défaire de sa culture familiale pour enfin pleinement s’assimiler dans la nation française ?

Une culture agressée et niée ne peut que se radicaliser par réaction. Exacerber ainsi la conscience des différences culturelles ne peut que conduire à des identités irréconciliables et exclusives les unes des autres. À trop répéter aux musulmans qu’ils n’ont pas leur place en tant que tels dans la République, on les pousse à choisir entre deux identités devenues exclusives. Ils seront musulmans et rejetteront la France.

La cause de l’islamisation, c’est l’immigration sans contrôle. Légale ou illégale.

L’islamophobie ne devrait pas se revendiquer de l’héritage républicain, car non seulement elle divise au lieu de chercher à refonder l’unité nationale, mais elle s’oppose à notre tradition politique sur un point essentiel. L’ordre public a toujours été défini comme extérieur et matériel. La République s’est toujours refusée à faire la police des esprits. C’est cela aussi la laïcité !

C’est aux manifestations de l’islam − et par extension de tout ce qui peut paraître comme trop étranger pour avoir sa place sur le sol national − qu’il faut s’attaquer. Ce combat doit impérativement déboucher sur des revendications politiques et abandonner les postures trop faciles de la critique culturelle ou religieuse.

Peut-être faudrait-il commencer par s’attaquer aux causes de l’islamisation, à savoir l’immigration, légale ou illégale, dont le flux n’a jamais cessé ? Mais bien sûr, il est plus gratifiant et plus correct de dénoncer l’islamisation sous couvert de laïcité ou de féminisme, que de proposer de stopper l’immigration.

Peut-être faut-il oser durcir les conditions d’octroi de la nationalité pour faire ou refaire de ce droit un véritable parcours vers l’assimilation et, à l’occasion, redéfinir les droits et les devoirs attachés spécifiquement à la qualité de Français ?

Peut-être faudrait-il aussi se donner les moyens de fabriquer enfin un islam de France, débarrassé du contexte culturel moyen-oriental pour ne conserver que le message spirituel et les pratiques proprement religieuses, quitte à revenir temporairement sur la loi de 1905, via un nouveau Concordat qui permettait d’accoucher d’un clergé musulman de nationalité française et prêchant en français.

Peut-être aussi faut-il réglementer plus sévèrement la place de l’islam, ou de la religion en général, dans l’espace public, comme on a commencé à le faire avec l’interdiction du voile à l’Ecole puis de la burqa dans l’espace public.

Mais peut-être aussi faudrait-il reconnaître par un acte symbolique la légitimité d’un islam tolérant et modéré dans la République, par exemple en faisant d’une de ses fêtes religieuses un jour férié  ?

L’apaisement des tensions communautaires et l’intégration de l’islam dans la République, si c’est bien cela qu’on cherche, exigera en tout état de cause des efforts et des concessions des deux côtés. La nation française a été faite par la politique et non par la religion ou la culture. Traitons donc ce problème selon notre tradition, en le ramenant sur le terrain politique.[/access]

Retraite de jouvence

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« Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle ». Cette phrase tonitruante ouvrait la profonde réflexion de Carl Schmitt sur la nature du pouvoir. Le juriste allemand ne croyait guère à la force des procédures, démocratiques ou non, en période de conflits. Lorsqu’un corps politique était secoué par une crise qui risquait de défaire son unité, il appartenait au souverain de décider, et de révéler ainsi à cette occasion où résidait le vrai pouvoir.

Le conflit sur les retraites permettra-t-il à la France d’apprendre quelque chose sur elle-même ? Qui y possède vraiment le pouvoir par exemple ? L’opposition entre le gouvernement et les syndicats est frontale, mais policée. D’un côté on fait grève le week-end et on accepte sans rechigner de se plier aux exigences du service minimum dans les transports, de l’autre on reconnait volontiers le droit qu’ont les syndicats de râler un peu avant de passer à autre chose. Nous sommes loin à la fois de la répression féroce style XIXe siècle et de la loi de la rue imposée par la base, par exemple en 1995. Tout ça est un peu mou du genou et traîne en longueur. Que faire ? Heureusement, il y a « les jeunes ». C’est le drôle de Deus ex machina inventé par l’époque pour précipiter la chute de cette morne pièce.

C’est jeune et ça sait

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Chère Isabelle,

Votre article sur la jeunesse et la retraite, n’est pas dépourvu d’une certaine mélancolie élégante mais il se trompe de cible. Je voudrais d’abord vous dire que je n’aime pas les jeunes. Même quand j’étais jeune, je n’aimais pas les jeunes. Vous vous plaignez des jeunes des années 2010, c’est que vous n’avez pas connu les jeunes des années 1980. Moi qui trouve que tout était mieux avant parce que je suis un vrai réactionnaire, c’est à dire un républicain d’extrême gauche, je peux vous dire que les jeunes, sous Mitterrand, c’était pire. On leur avait même trouvé un nom, on les appelait « génération morale », ou même « génération Mitterrand ». Et ils trouvaient ça bien, les jeunes. Maintenant quand on voit qui étaient leurs chefs de l’époque, comme Julien Dray ou Harlem Desir, on rigole un peu tout de même. Ils ne rendaient pas compte, dopés à la moraline sociétale, qu’ils jouaient le jeu du seul président de droite que la France avait élu avant de se donner à Sarkozy en 2007.

En 1986, on manifestait pour des gommes et des crayons

Le virage de la rigueur de 1983 et l’européisme béat mais ardent qui a suivi, on n’a pas vu les jeunes bouger là-dessus, à l’époque. C’était pourtant le premier de la longue série des reniements de notre souveraineté, donc de notre modèle de société. En revanche, ils ont fait grève en 1986, essentiellement pour des gommes et des crayons, c’est-à-dire pour pouvoir entrer à l’université sans sélection en prenant bien soin de dire que leur grève n’était pas politique, comme si la politique, c’était honteux.
Ce que ça a pu m’énerver, cette manière de ne pas vouloir assumer ce beau mot de politique. Comme j’étais moi-même jeune, et que je pouvais leur parler parce que j’étais déguisé comme eux, j’essayais de leur expliquer que c’ était bien, la politique, qu’il fallait absolument l’être, politique, si l’on voulait gagner. En fait, je vais vous faire une confidence, Isabelle, j’étais jeune mais j’étais communiste. On était encore quelques-uns, comme ça, à faire de la politique. En fait, il n’y avait plus que nous et les trotskistes. Parce que les jeunes socialistes par exemple, ils étaient déjà en train de réfléchir à un poste de permanent pour après les événements. Et les jeunes de droite, bah comme ils étaient beaucoup moins courageux que les jeunes de droite de l’époque Occident, ils restaient à la maison, comme de bons enfants tristes. Je me demande d’ailleurs encore ce qu’ils pouvaient bien faire chez eux, les jeunes de droites, en 1986. Il n’y avait que cinq ou six chaines de télé et ils n’avaient pas Internet ni les blogues pour montrer à quel point ça peut être veule et solitaire, un jeune de droite, quand ça tape sa haine de classe sur un clavier, bien à l’abri de l’anonymat. Plus veule qu’un jeune social-libéral, c’est dire.

Précariat institutionnalisé

Résultat, les jeunes qui manifestaient en 1986 les ont faites tellement poliment leurs manifs, qu’ils ont eu un mort et une demi-douzaine de blessés graves occasionnés essentiellement par les regrettés pelotons de motards-voltigeurs. Maintenant, vous me direz, Isabelle, le pouvoir a perfectionné ses méthodes : quand il veut cogner les jeunes sans en avoir l’air comme lors de ce CPE qui vous chagrine tant mais chagrine beaucoup moins ceux pour qui le droit du travail a encore un sens, le pouvoir lâche dessus la caillera instrumentalisée des quartiers. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Jean-Claude Michéa dans L’enseignement de l’ignorance, livre assez peu complotiste, vous en conviendrez.
Non, je vous assure, les jeunes de 2010 sont beaucoup plus lucides maintenant. Les jeunes de 1986 sont devenus leurs parents. Ils ont vu le résultat : une weltanschauung consumériste de l’existence jusque dans le mariage s’ils ont réussi et, s’ils ont raté, une vie de chien au boulot avec des rapports sociaux qui ont fait un grand bond en arrière au point qu’ils n’osent plus manifester s’ils sont dans le Privé, ce qui signifie, de facto, qu’on leur a retiré le droit de grève.
Voir des jeunes manifester pour la retraite, ça a quelque chose de désolant et de petit ? Mais vous êtes suffisamment fine mouche, Isabelle, pour savoir que ce n’est pas pour leur retraite qu’ils manifestent, c’est contre un type de société qu’on leur impose, contre un précariat institutionnalisé, contre une stagiairisation à vie.
Cette fraction consciente de la jeunesse des années 2010 qui descend dans la rue, moi, je la trouve éminemment sympathique. D’abord parce qu’elle est très minoritaire. Les jeunes qui s’engagent, aujourd’hui, c’est qu’ils ont résisté à peu près à tout : téléréalité, internet, jeux vidéos, blockbusters hollywoodiens, pédagogisme, familles recomposées, soumission généralisée à la société du marché, antifascisme sans fascistes, antiracisme qui fait monter le racisme, rap qui encourage les pires pulsions et chanson française trentenaire qui encourage les pires résignations. Vous voyez l’exploit, tout de même, les défenses immunitaires en béton…
Ensuite parce qu’ils ne sont pas corporatistes, ces jeunes, comme votre article aurait presque tendance à le laisser penser. La jeunesse n’est pas une corporation, ni un métier quand bien même les chiens de garde démagogues de la sociologie (pour la gauche) et du marketing (pour la droite) voudraient le faire croire et leur faire croire. Et c’est justement cette minorité qui défile qui refuse cette assignation à une appartenance. C’est même très courageux, très altruiste et finalement très noble, quand on est jeune, de manifester pour un truc de vieux. C’est finalement, à l’échelle d’une classe d’âge, d’un pays, le même geste civique qui consiste à se lever et à laisser sa place dans les transports en commun.

En fait, Isabelle, et ce n’est pas souvent, mais je crois que sur ce coup-là, Rimbaud a tort.
On est très sérieux, quand on a dix-sept ans.

Solon is not dead

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En décembre 2008 et janvier 2009, la Grèce, qui était encore un pays indépendant, avait connu deux mois de révolte. Une génération précarisée, composée d’étudiants et de jeunes des quartiers populaires, avait laissé éclater sa colère et tenu tête aux forces de l’ordre avec une compétence et un courage remarqués par des observateurs avisés comme, par exemple, les auteurs toujours inconnus de l’Insurrection qui vient.

Le détonateur de ce soulèvement avait été le meurtre d’un adolescent de 15 ans, Alexis Grigoropoulos, abattu dans le quartier très contestataire d’Exarchia par un policier qui lui avait logé trois balles dans le corps. Le policier en question vient d’être condamné à la prison à perpétuité. On peut en conclure que la Grèce, actuellement occupée économiquement par les men in black de l’UE-FMI et sur le point de devenir la première colonie chinoise en Méditerranée a encore au moins un secteur qui n’a pas été privatisé: sa justice.

Le service public de la grève

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Au moment où les Français, et les Parisiens tout particulièrement, vont affronter une semaine de grèves gênantes, il faut s’attendre à voir les représentants de la droite assaillir les citoyens de sentences définitives sur la France qui « s’enfonce dans la grève ». Mais tout semble indiquer qu’aujourd’hui la grève est devenue un service public.

La France, l’un des pays les moins grévistes du monde

À cette occasion, il est bon de rappeler quelques chiffres : examinons la moyenne annuelle des journées de grève en France depuis la guerre (statistiques ministère de l’Emploi) :

Au cours des années 1950, la moyenne est de 3 700 000 journées de grève par an. Pendant la décennie suivante, elle passe à 2 800 000 jours par an – sans tenir compte des 150 millions de journées chômées pendant la grève générale de mai 1968. Pendant les seventies, on observe une légère remontée avec 3 400 000 journées par an. La décennie suivante est marquée par une chute avec une moyenne de 1 200 000 journées par an. Enfin, de 1990 à 2003, la décrue se poursuit : le nombre de jours de grève se monte à peine à 600 000 par an en moyenne.

La pression de la grève est donc six fois moins importante aujourd’hui, soit une baisse régulière et continue de 4,5 % par an !…

Certains idéologues diront que ce n’est pas assez et que la France reste le pays champion de la grève… Comparons donc sa situation avec d’autres pays (statistiques OCDE, nombre de jours de grève par an pour mille salariés du public et du privé, moyenne annuelle entre 1990 et 2000) : Espagne : 492, Italie : 240, Canada : 231, Suède : 57, USA : 43, Grande Bretagne : 37, France : 30, Allemagne : 23, Japon : 3, Suisse : 1.

En France, on fait dix fois moins la grève qu’en Italie et en Espagne et autant qu’au Canada. Les salariés américains ont un taux de grève de 50 % supérieur à celui des Français !… Nous ne sommes cependant encore loin du taux de grève des Suisses ! La France est donc l’un des pays les moins grévistes de l’OCDE.

La grève déléguée aux fonctionnaires

Reste à savoir d’où nous vient notre mauvaise réputation. Tout d’abord, la droite française adore battre sa coulpe sur la poitrine des salariés et des fonctionnaires et qui distille une idéologie qui tient la grève pour une imposture à la limite de l’illégalité. Dans des pays où le contrat social est plus développé et les syndicats plus forts, le recours à la grève, en particulier dans le privé, n’est jamais considéré comme un scandale.

Mais l’originalité de la situation française tient surtout au quasi monopole des fonctionnaires en matière de grève. Précarité oblige, il n’existe pratiquement plus d’entreprises privées en France dont les salariés osent faire grève.

Celle qui s’annonce est emblématique : ce sont les fonctionnaires qui vont faire grève pour protester contre la réforme des retraites des salariés du privé. Ces derniers sont d’ailleurs d’accord comme le montrent de nombreux sondages indiquant le support des Français prêts à supporter les inconvénients.

Ce paradoxe pourrait, là encore, apparaître scandaleux et ne manquera pas de déchaîner la haine anti-fonctionnaires de la droite française. Mais, au fond, les Français se satisfont de cette situation. Les choses se passent comme si les salariés du privé avaient délégué aux fonctionnaires leur droit à faire la grève et à manifester leur mécontentement. En vertu d’un accord tacite et bien compris, c’est donc aux salariés protégés qu’échoit la mission de contrecarrer les projets gouvernementaux par un blocage de certains services publics. La grève est, en quelque sorte, devenue une mission de service public.

Désindustrialisation ? Un bobard !

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Photo : Audrey 286

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, qui en matière de gestion de carrière politique, aurait pu donner quelques leçons aux plus inoxydables de nos gouvernants, avait en son temps édicté un principe fondamental qui fait depuis office de référence dans le discours public : « En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai ».

Ainsi en va-t-il de cette l’affirmation, dument répétée tel un mantra bouddhiste par l’ensemble de notre classe politique, selon laquelle la France se désindustrialise. De Nicolas Sarkozy, qui déclarait encore l’autre jour[1. Au salon de l’automobile, le 1er octobre 2010] que jamais il n’accepterait la désindustrialisation, à l’état-major du PS en passant par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou Dominique de Villepin, c’est toute notre classe politique qui tire son mouchoir et la sonnette d’alarme face à la disparition de notre industrie, de nos usines et de nos ouvriers.

Les coupables de cet odieux forfait sont bien sûr connus et désignés de toute part : la mondialisation, le libre-échangisme, les capitalistes … brefs les « autres », ces êtres tout aussi maléfiques, qu’ils sont inconnus et invisibles et qui nous veulent du mal[2. Toute ressemblance avec une série télévisée américaine dont l’action se situe sur une île mystérieuse serait purement fortuite]. Heureusement pour nous, le bon peuple, nos élus ont des solutions – et pas que deux ou trois – pour réindustrialiser la France : des subventions aux nationalisations en passant par le protectionnisme, c’est toute la gamme des politiques interventionnistes qu’on nous déballe comme au marché. Faites vot’ choix m’sieurs dames… Elles sont bonnes mes salades !

En dix ans, la production industrielle a augmenté de 25%

Si la France se désindustrialise comme nous l’affirment nos politiciens professionnels, nous devrions pouvoir observer le phénomène dans les chiffres publiées par l’Insee qui mesurent depuis 1949 la production de chaque secteur d’activité de notre économie. Et là, ô surprise, ajustée de l’inflation, notre production industrielle de 2009[3. 844.7 milliards d’euros selon l’INSEE, soit environ 27% de notre production totale en valeur] était 26% plus élevée qu’en 1990, 50% plus élevée qu’en 1980, 106% plus élevée qu’en 1970 et – excusez du peu – 570% plus élevée qu’en 1949. Pas l’ombre de la queue du début d’un commencement de désindustrialisation.

Ce qui est vrai, c’est que nous avons perdu l’essentiel de notre industrie textile (-45% depuis 1970) et une part substantielle de notre production de combustibles et autres carburants (-33%). Mais ce qui est aussi vrai, c’est que la production de nos industries navales, aéronautiques et ferroviaires a augmenté de 449.5%, que celle de nos industries pharmaceutiques et cosmétiques est aujourd’hui 490.2% plus importante qu’en 1970 et que notre production d’équipements électriques et électroniques a été multipliée par six dans le même laps de temps.

Ce qui est surtout vrai, donc, c’est que notre industrie a changé. Encore dominée il y a quelques décennies par des chaines de production sur lesquelles on alignait des ouvriers peu qualifiés et misérablement payés, elle est devenue une industrie de pointe qui embauche essentiellement des ingénieurs, des ouvriers qualifiés et des cadres, investit massivement dans la recherche et offre des rémunérations sans aucune commune mesure avec ce que peuvent espérer les ouvriers chinois[4. Le salarié moyen de l’industrie manufacturière française coûte un peu plus de 49 000 euros par an à son employeur… soit – au bas mot – 15 fois plus que son homologue chinois].

Le merveilleux monde d’avant était aussi celui des salaires misérables

Le discours politique – et médiatique – est resté enfermé dans un monde de grandes usines, pourvoyeuses d’emplois à vie et en masse, où des milliers de salariés constitués en « classe ouvrière » produisent à la chaîne des taille-crayons ou des paires de chaussures. On nous rebat les oreilles d’un monde merveilleux, un monde d’avant, où les grandes luttes ouvrières faisaient les heures de gloire de la gauche marxiste et les patrons paternalistes aux mines sévères celle d’une droite conservatrice. Mais ce que le discours politique oublie, c’est que ce monde était aussi celui des salaires misérables, des mineurs qui risquaient leur peau au moindre coup de grisou, des ouvrières du textile qui usaient leur jeunesse et leurs doigts dans les usines et des ouvriers qui étouffaient dans l’atmosphère surchauffée des hauts-fourneaux.
Alors oui, ça fait moins de monde dans les usines (et aux manifestations de la CGT) mais non, la France ne se désindustrialise pas. Elle va même plutôt bien notre industrie entre l’Oréal dont les ventes explosent dans les pays émergents (+13% en 6 mois), Legrand qui réalise l’essentiel de sa croissance en dehors de l’Europe ou notre Cognac qui exporte plus de 96% de sa production. L’avenir de nos enfants n’est plus derrière un métier à tisser ni au fond d’une mine, il est derrière une planche à dessin, dans des laboratoires de recherche ou aux commandes d’une chaine de production automatisée. Et pour tout vous dire, moi je préfère ça.

Le Nobel ne défilera pas le 12 octobre

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Le prix Nobel d’Economie a été attribué ce matin à Peter Diamond, 70 ans, Dale Mortensen, 71 ans, et Christopher Pissaridès, 62 ans pour leurs travaux sur l’influence de l’ajustement entre l’offre et la demande sur certains marchés, en particulier celui du travail. L’un des trois lauréats, l’Américain Peter Diamond, du MIT, spécialiste des questions de politique économique et sociale, a consacré ses dernières recherches aux problèmes de la retraite.

Dans un livre récent cosigné avec Nicholas Barr, professeur d’économie à la London School of Economics, Diamond n’hésite pas à formuler le constat suivant : l’un des piliers nécessaires à une réforme raisonnable du système est le recul de l’âge du départ à la retraite qui devrait, selon ces deux auteurs, suivre l’allongement de la durée de la vie. A ceux d’entre vous qui espèrent utiliser demain les transports en commun, nous recommandons la lecture de Reforming Pensions, Principles and Policy Choices.

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Islamophobe

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Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.
Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.

En un mot comme en cent, je suis islamophobe. Je n’aime pas beaucoup cette étiquette, mais c’est le terme qui s’impose aujourd’hui pour désigner ceux qui critiquent l’islam ou se méfient de lui : alors, je l’accepte. Même si je trouve étrange que la clairvoyance et la vigilance passent pour des maladies mentales, je préfère passer pour dingue et paranoïaque que pour aveugle et sourd, et muet en plus. Ma crainte de l’islam n’est pas une peur panique mais une méfiance raisonnée et je ne crois pas souffrir de phobies. Ce n’est pas moi qui ai une trouille bleue de la critique ou du blasphème, du porc ou de l’alcool, des homosexuels, d’un verre d’eau au mois d’août, de la liberté, des femmes ou du bon Dieu.

Si je me méfie raisonnablement de l’islam comme de la peste, je vais tâcher de donner mes raisons.[access capability= »lire_inedits »]

L’islam n’est pas seulement, comme l’écrit Houellebecq, « la religion la plus con du monde », c’est aussi un système social et politique qui a toujours entraîné dans la régression et la barbarie les sociétés où il s’est imposé. Si on peut discuter des bienfaits de la colonisation qui restent à démontrer, on ne discute pas des bienfaits de l’islam, on les cherche car ils restent à être montrés. Je ne dresserai pas l’inventaire, jamais exhaustif, des coutumes arriérées, des crimes barbares et des lois stupides qui caractérisent le monde musulman. La liste interminable des dogmes et des faits plus idiots et plus monstrueux les uns que les autres nous plongerait dans un ennui et un dégoût proches de ceux que peuvent ressentir les jeunes filles nées en Syrie ou les hommes d’esprit vivant au Caire.

« Il ne faut pas confondre les crimes commis au nom de l’islam avec l’islam lui-même ! » : voilà la berceuse très entendue censée endormir les plus inquiets. On nous a longtemps fait le coup avec le communisme, et puis même les dictateurs les plus gâteux et les intellectuels les plus longs à la détente ont fini par jeter le bébé avec l’eau du bain quand ils se sont aperçus qu’il était mort-né dans un bain de sang. La terreur n’est pas une dérive ou une mauvaise traduction du coran ou du marxisme-léninisme, elle est inscrite dans les gènes de ces deux totalitarismes. Dictature du prolétariat ou suprématie de l’oumma, ces deux messianismes écrasent tous ceux qui leur résistent. Là ou l’islam est le plus fort, les autres religions, les autres cultures se soumettent ou s’enfuient. Les chrétiens et les juifs d’Orient en savent quelque chose.

La France sera bientôt sommée de s’intégrer à l’« oumma » ou de disparaître. Ce qui revient au même

Mais laissons l’histoire et la géographie pour nous pencher sur l’ici et maintenant.

L’islam ne fait envie nulle part dans le monde et dans l’histoire, mais nous devrions accueillir avec confiance et bienveillance celui qui se répand en Europe. Plus absurde encore, les musulmans s’affirment en Europe et à l’abri des droits de l’homme en abusant de notre hospitalité et, au nom du respect dû à la différence, imposent des pratiques contraires aux valeurs de notre civilisation. Dans toutes les zones où ils font masse, leurs lois deviennent la norme, des tribunaux islamiques anglais à nos « cités du mâle ». Et notre pays serait épargné par cette forme de colonisation ? Après quelques décennies d’offensive contre les cultures d’accueil européennes, les Anglais limitent leur très britannique liberté d’expression, les Hollandais reviennent sur leur légendaire tolérance, les Allemands voient leur culture de la pensée submergée par la bêtise et les Suédois enterrent leur système social. Et notre confiance devrait rester inébranlable ? Certains croient encore qu’un islam de France, Arlésienne qui sait se faire désirer, montrera la voie et nous protégera des séditions, sécessions, ségrégations et colonisations en marche partout ailleurs.

Cela me semble bien présomptueux : je crains que notre génie français et notre fameux système d’intégration ne fassent pas le poids et que la démographie en n’inverse bientôt le rapport de forces. Quand il y aura une majorité de musulmans en France, qui intègrera qui ? À moins de renoncer à la démocratie qui laisse la nation historique, la civilisation et les minorités à la merci de la majorité du jour, si les choses se passent comme toujours et comme partout, l’islam sommera bientôt la France de s’intégrer à l’oumma ou de disparaître, ce qui, à mon avis, est la même chose.

Les Français musulmans ne deviennent pas de plus en plus français mais de plus en plus musulmans : le succès croissant du ramadan en est un signe. À la question « Qu’est-ce qu’être français ? », beaucoup donnent une réponse lapidaire : « Posséder une carte d’identité et des droits. » Pour le reste, chacun sa culture et les moutons seront bien égorgés, tournés vers la Mecque. L’enfer est pavé de bonnes intentions et, en tolérant le multiculturalisme, on finit par accepter que battre sa femme, séquestrer sa sœur et marier sa fille avec son cousin puissent devenir des coutumes françaises quand le blasphème, lui, ne serait plus français. Pourrait-on dire « J’encule le Prophète » comme on le dit du président, du pape, du dalaï-lama, d’Ariel Sharon ou de qui on veut sans déchaîner des flots de violence ? J’en doute. En refusant d’admettre que notre culture libérale et égalitaire vaut mieux pour nous qu’un texte qui interdit toute critique et donc tout progrès, nous ouvrons un boulevard à la régression et à la disparition de ce que nous sommes après cinq mille ans d’évolution. Si on ne peut discuter une loi divine, il faut la rejeter fermement comme nous l’avons fait avec les nôtres. On ne s’est pas débarrassés de nos religions pour se faire envahir par la plus attardée de toutes.

Si les musulmans ne peuvent pas manger halal à la table d’un amateur d’andouillette, qu’ils changent de cantine ! Or, aujourd’hui, c’est la cantine qu’on change. Si les musulmans ne peuvent vivre dans la foi et dans la France telle qu’elle est, faut-il changer la France et la voir régresser ? Notre pays est-il condamné à devenir un jour une terre d’islam pour avoir accueilli des musulmans ?

J’ai une autre idée et une autre envie pour sauver la nation. Acceptons les individus mais pas les exigences de leur religion : les plus dévots iront prier ailleurs, les plus envahissants convoiteront d’autres terres et nous garderons les mieux intentionnés. Une laïcité intransigeante qui prenne au besoin des allures de persécution religieuse, je ne vois plus que ça pour préserver ce qui nous a faits et ce que nous aimons.

Avant de regretter Charles Martel, rappelons Jules Ferry tant qu’il en est temps. Au pays de Théo Van Gogh, le parti de Geert Wilders a obtenu l’interdiction de la burqa et envisage de bannir le Coran. Il faudrait vraiment qu’on les ait énervés, ces Bataves qui ont accueilli Spinoza, pour qu’ils en arrivent à interdire un livre. Ce renoncement amer à notre liberté d’expression est peut-être le prix à payer pour protéger notre monde.

Quel prix l’islam est-il prêt à payer pour devenir occidental sans soumettre les Occidentaux et dénaturer l’Occident ? La question se pose mais je ne donne pas cher de la réponse.

En attendant, qu’on me permette d’être islamo-méfiant, islamo-résistant, et même islamophobe.[/access]

Les sexes ne sont pas égaux face aux troubles de la libido

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« La réponse des autorités ainsi que la complexité et l’ampleur des questions supplémentaires auxquelles il faudrait répondre pour éventuellement obtenir une autorisation de mise sur le marché pour le flibanserin ont amené la compagnie à décider de se concentrer sur d’autres produits en développement ». C’est par ce communiqué plein de poésie que le groupe pharmaceutique allemand Boehringer Ingelheim a annoncé ce week-end qu’il abandonnait le développement du Girosa, plus connu sous son surnom de « Viagra féminin ».

De fait, il semble que l’avis négatif émis en juin dernier par l’Agence américaine des médicaments ait été fatal au produit miracle censé doper la libido féminine. On ose espérer qu’il ne s’agit pas là de mesures protectionnistes déguisées, visant à décourager la pénétration du marché américain.

Et puis en vrai, le flibanserin on s’en fout: il nous reste les huitres et le champagne !

Kouchner sur le Quai, côté départ

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Tomber à gauche ou pantoufler à droite ? Tel est le dilemme auquel est aujourd’hui confronté notre flamboyant ministre des Affaires étrangères. Il vient d’apporter sa contribution à la pièce de théâtre microcosmique mise en scène par un Nicolas Sarkozy qui a fixé, avec une prématurité diaboliquement calculée, l’horizon du prochain remaniement gouvernemental.

Comment partir la tête haute, et éventuellement rebondir, pour ceux qui n’ont aucune illusion sur le sort qui leur est réservé dans quelques semaines ? La méthode Kouchner relève de la comédie légère : il laisse traîner négligemment une lettre de démission manuscrite sur son bureau en recevant un journaliste d’un hebdo où il compte beaucoup d’amis. Quelques bribes de la missive se retrouvent illico sur le site internet du Nouvel Obs, car c’est de lui qu’il s’agit, et le microcosme médiatique et politique se met à vibrionner. À l’Elysée, on feint la surprise : lettre de démission ? Quelle lettre de démission ? Jamais reçue ! N’empêche, le message est passé, et son contenu est limpide : moi, Bernard Kouchner, détenteur d’un capital de popularité inoxydable dans l’opinion publique ne saurais être licencié comme un vieux serviteur devenu inutile. Je peux encore mordre, et je le prouve en mettant en cause des conseillers du président qui m’auraient « humilié ». Mais, si on me réserve, à ma sortie du Quai d’Orsay, une fonction et un palais de la République à la hauteur de mes mérites éminents, on pourra revoir la question de mon attitude lors de l’élection présidentielle de 2012.

Une addiction médiatique que l’âge n’a pas affaiblie

Défenseur des droits ? Pourquoi pas ? Bien logé, convenablement rémunéré, utilisable pour rendre service à des amis, ce poste de médiateur de la République vient d’être renforcé par l’intégration du « Défenseur des enfants », au grand dam de son actuelle titulaire, Dominique Versini. Et surtout, mieux que Jean-Paul Delevoye, Bernard Kouchner saura utiliser cette fonction pour se porter régulièrement aux avant-postes médiatiques, une addiction que l’âge n’a pas affaiblie, bien au contraire.

La gauche n’épargne pas ses quolibets à celui qui fut, naguère, sa tête d’affiche morale avant de se laisser séduire par les sirènes du sarkozysme. Principale incarnation de la politique d’ouverture du Sarkozy de 2007, il a eu la faiblesse, ou la vanité, de croire qu’il allait vraiment exercer la fonction de ministre des Affaires étrangères. Pour cela, Nicolas Sarkozy avait déjà tout ce qu’il lui fallait à la maison, notamment le redoutable Jean-David Lévitte, dont la proverbiale discrétion se double d’une connaissance approfondie des rouages de la politique mondiale. L’usage de Bernard Kouchner dans le dispositif sarkozyste était purement récréatif : il fallait au président un compagnon qui le distraie lors de ses multiples et souvent assommants déplacements à l’étranger. Il est incontestable que l’ami Bernard excelle en la matière : on ne s’ennuie jamais avec lui, il a de l’humour, de la répartie et un convenable stock d’histoires drôles pour détendre l’atmosphère lors des arides sommets européens, ou réunions des G8, 20 ou plus si affinités.

Mais pour ce qui était des choses sérieuses, la hard policy, celle où le réalisme l’emporte toujours sur les bons et grands sentiments, on lui fit gentiment, puis plus fermement, savoir qu’il devait se tenir à sa place, et laisser faire les professionnels, officiels et officieux, dont le président avait pris grand soin de s’entourer. À Guaino le grand projet (aujourd’hui en quenouille) d’Union de la Méditerranée, à Lévitte la délicate relation avec Washington et les grandes négociations internationales, à Guéant les palabres avec la Syrie pendant que Kouchner croit pouvoir jouer sa carte personnelle au Liban. Quand les choses se gâtent en Afrique, c’est à un avocat libanais, Robert Bourgi, que l’on confie la mission d’arranger les bidons avec Laurent Gbagbo ou Ali Bongo. Quand le torchon brûle avec Pékin à cause des manifestations parisiennes contre le passage de la flamme olympique, Jean-Pierre Raffarin est dépêché dans l’Empire du milieu pour arrondir les angles.

Une bonne manière : Ockrent à France 24

Comme on n’est pas des brutes, tout de même, à l’Elysée on concède au ministre en titre le pouvoir de placer quelques un(e)s de ses ami(e)s à des postes diplomatiques aussi agréables à vivre que bien rémunérés. C’est bien le moins, et Nicolas Sarkozy, de surcroît, vole au secours de Kouchner lorsqu’il est mis en cause par Pierre Péan pour des « affaires africaines » qui ne relèvent pas seulement de l’altruisme mondialiste du french doctor. La nomination de sa compagne Christine Ockrent, en tandem avec Alain de Pouzilhac à la tête de l’audiovisuel extérieur français (RFI et France 24) était encore une bonne manière faite à Bernard, en dépit du fait que cette nomination altérait notablement la crédibilité de ces médias dans des pays où on se méfie de la connivence de la presse et du pouvoir[1. La reine Christine, bien connue pour semer la zizanie dans toutes les rédactions qu’on a la mauvaise idée de lui confier, a fini par tellement exaspérer Alain de Pouzilhac que ce dernier est venu récemment demander sa tête à Nicolas Sarkozy. Sans succès, pour le moment]

Tout cela, Bernard Kouchner fait mine de le découvrir alors qu’il semble plus près de la sortie que de l’augmentation. Foin de fausse modestie : dès juillet 2008, je constatais, pour le déplorer, le statut de potiche de luxe (au moins du Sèvres, il n’y a que ça au Quai) que l’on faisait jouer à Bernard Kouchner. Cela me valut un coup de téléphone furibard de son directeur de cabinet, à l’époque Philippe Etienne, qui me gratifia d’un certain nombre de noms d’oiseaux rarement utilisés par les diplomates de carrière.

Pour être un grand ministre des Affaires étrangères, ou plus modestement un bon ministre, il faut être une franche crapule comme Talleyrand ou Roland Dumas ou un technicien retors comme Hubert Védrine. Et surtout servir un président doté d’une intelligence du monde et des hommes lui permettant d’utiliser au mieux les quelques atouts dont notre pays dispose encore pour faire valoir ses intérêts sur cette planète. Bernard Kouchner ne relevant d’aucune des catégories précitées, le souvenir de son passage au Quai d’Orsay relèvera davantage de l’histoire de la vie mondaine à Paris au début du XXIème siècle que de celle de la diplomatie planétaire pendant la même période.

Le djihad laïque, ça suffit !

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Mosquée de Paris

Mosquée de Paris

En 1991, l’Union soviétique disparaît de la carte en laissant pour seule héritière une Russie en proie au chaos. L’islam remplace alors peu à peu le socialisme comme idéologie révolutionnaire dans les pays du Moyen-Orient, ce qui est une aubaine pour les Etats-Unis à la recherche désespérée d’un nouvel ennemi pour justifier leur centralité financière. Les événements du 11-Septembre concrétisent ce passage de témoin en faisant émerger une nouvelle incarnation du Mal, sous la forme du barbu islamiste qui déteste l’Amérique, sa liberté et sa prospérité au nom d’idées moyenâgeuses. L’Empire va donc pouvoir repartir en croisade pour faire étalage de sa puissance, du moins le croit-il.

La théorie du « choc des civilisations » s’est depuis diffusée dans tout le monde occidental. L’islam n’est plus la religion des peuples d’Orient, mais le totalitarisme du XXIe siècle, conquérant et belliqueux comme à l’époque de Mahomet. L’islamophobie n’est plus une forme de la xénophobie nauséabonde du bas peuple aux bas instincts, mais une idée à la mode, particulièrement chez les élites éclairées qui profitent de l’occasion pour revêtir leur costume de résistant remisé depuis belle lurette. Même la gauche dite républicaine s’y met, sous couvert de laïcité, de défense du droit des femmes, quand ce n’est pas de la République elle-même. [access capability= »lire_inedits »]

Offensive de l’islam ou réaction contre l’islamophobie ? Histoire de poule et d’œuf

Il est vrai que, dans le même temps, les populations musulmanes se sont radicalisées dans une crispation identitaire. On a vu les voiles se multiplier, la burqa apparaître, la nourriture halal se généraliser, des prières se tenir dans les rues, au moins sur Dailymotion… Effet d’optique lié à un reflux de la tolérance à l’égard des manifestations d’une culture exogène ou réalité d’un nouveau communautarisme revendicateur nourri par une immigration toujours plus nombreuse et concentrée ? Offensive de l’islam ou réaction contre l’islamophobie ? Un vrai problème d’œuf et de poule impossible à trancher.

Quelles que soient les causes, on constatera simplement que la tension monte entre deux communautés. D’un coté, les populations immigrées, les musulmans, les racailles et habitants des cités, rassemblés dans un amalgame répulsif à souhait. De l’autre, des Français racistes, intolérants, coupables de discriminations ou de « stigmatisation », comme on dit aujourd’hui.

Si cette tension ne se manifestait que par des joutes verbales autour de symboles, comme le débat public national en raffole, cela serait fâcheux mais pas bien grave. Le problème c’est que la situation peut exploser à la moindre étincelle. Qu’un agent des forces de l’ordre soit tué à l’occasion d’une nouvelle émeute dans un quartier sensible, que la police ouvre le feu, soit sur instruction, soit parce que l’un de ses agents aura perdu ses nerfs, et ce sont toutes les banlieues qui s’embraseront aussitôt, plongeant la France dans une guerre civile communautaire comme elle n’en a pas connu depuis les guerres de religions, avec des conséquences politiques absolument imprévisibles.

Voilà pour le constat. Jusque-là, je pense que tout le monde sera d’accord, en espérant ne pas avoir fait dans le déni de réalité, donné dans l’angélisme ou la bien-pensance, pour reprendre la ligne de défense préférée des adversaires de l’islam.

Et maintenant, qu’est ce qu’on fait ?

Le drame de la période est que, face à la posture moraliste « anti-stigmatisation », on n’entend guère qu’un discours haineux de pure confrontation dont les seuls effets possibles seront de précipiter la guerre civile que l’on prétend vouloir éviter.

Ces nouveaux croisés soulignent à longueur d’articles tout ce qu’il y a d’antirépublicain dans la charia, réfutent toute distinction entre la pratique normale de la religion musulmane et l’islamisme radical, dénoncent le machisme au nom de la sacro-sainte égalité homme-femme quand ce n’est pas l’arriération mentale que traduit l’observation de prescriptions religieuses.

Leur rêve ultime est probablement de finir en martyrs de la cause laïque, comme Théo Van Gogh, ou simplement de subir une fatwa en bonne et due forme, ce qui est pour le moins paradoxal venant de prétendus laïques. Ils ne reculeront devant aucune provocation. Et si leurs apéros-saucisson et leurs textes accusateurs ne suffisent pas, ils iront s’il le faut jusqu’au blasphème le plus insultant, au nom bien sûr, des droits de l’homme et de la liberté d’expression.

On peut les comprendre. L’opinion est clairement en attente d’une réaction après des décennies d’immigration présentée comme une fatalité et de droit à la différence trop longtemps célébré. La libération de la parole xénophobe (au sens de rejet de celui qui se comporte en étranger sur le sol national) est incontestablement un puissant facteur de dynamique électorale et de succès médiatique. Sarkozy l’a bien compris, mais il n’est manifestement pas le seul.

Philosophiquement, l’islamophobie est déjà en soi critiquable, car si certaines critiques de l’islam sont fondées, l’exercice inverse, qui consisterait à interroger la culture dominante dans la France contemporaine, pourrait bien donner lieu à une critique tout aussi dévastatrice. Faisons donc l’inventaire des valeurs qui fondent aujourd’hui notre vivre-ensemble et demandons-nous s’il n’y a pas là une terrible carence qui pousse ces populations à se replier sur leur culture d’origine pour retrouver des valeurs fédératives consacrées dans des pratiques collectives ainsi qu’un sentiment d’appartenance qui fait cruellement défaut dans le pays de la laïcité.

Sur le plan pratique, la pensée islamophobe est en revanche absolument contre-productive et extrêmement dangereuse. Ce discours hémiplégique, qui flatte les uns et braque les autres, ne peut qu’exacerber les tensions, accélérer le durcissement de la société et de notre système politique et précipiter un véritable « choc des civilisations » sur notre sol.

Un système culturel ne se combat pas comme un système de pensée. On ne gagne pas une guerre de religion par le verbe comme on gagne une élection. On la gagne par les armes, l’extermination ou la conversion forcée ! Qui peut raisonnablement imaginer qu’un musulman qui tomberait sur un texte « riposte-laïcard » puisse se laisser convaincre que ses valeurs sont moyenâgeuses, que sa religion n’a pas décidément pas sa place dans ce beau pays qui est désormais le sien et qu’il est temps pour lui de se défaire de sa culture familiale pour enfin pleinement s’assimiler dans la nation française ?

Une culture agressée et niée ne peut que se radicaliser par réaction. Exacerber ainsi la conscience des différences culturelles ne peut que conduire à des identités irréconciliables et exclusives les unes des autres. À trop répéter aux musulmans qu’ils n’ont pas leur place en tant que tels dans la République, on les pousse à choisir entre deux identités devenues exclusives. Ils seront musulmans et rejetteront la France.

La cause de l’islamisation, c’est l’immigration sans contrôle. Légale ou illégale.

L’islamophobie ne devrait pas se revendiquer de l’héritage républicain, car non seulement elle divise au lieu de chercher à refonder l’unité nationale, mais elle s’oppose à notre tradition politique sur un point essentiel. L’ordre public a toujours été défini comme extérieur et matériel. La République s’est toujours refusée à faire la police des esprits. C’est cela aussi la laïcité !

C’est aux manifestations de l’islam − et par extension de tout ce qui peut paraître comme trop étranger pour avoir sa place sur le sol national − qu’il faut s’attaquer. Ce combat doit impérativement déboucher sur des revendications politiques et abandonner les postures trop faciles de la critique culturelle ou religieuse.

Peut-être faudrait-il commencer par s’attaquer aux causes de l’islamisation, à savoir l’immigration, légale ou illégale, dont le flux n’a jamais cessé ? Mais bien sûr, il est plus gratifiant et plus correct de dénoncer l’islamisation sous couvert de laïcité ou de féminisme, que de proposer de stopper l’immigration.

Peut-être faut-il oser durcir les conditions d’octroi de la nationalité pour faire ou refaire de ce droit un véritable parcours vers l’assimilation et, à l’occasion, redéfinir les droits et les devoirs attachés spécifiquement à la qualité de Français ?

Peut-être faudrait-il aussi se donner les moyens de fabriquer enfin un islam de France, débarrassé du contexte culturel moyen-oriental pour ne conserver que le message spirituel et les pratiques proprement religieuses, quitte à revenir temporairement sur la loi de 1905, via un nouveau Concordat qui permettait d’accoucher d’un clergé musulman de nationalité française et prêchant en français.

Peut-être aussi faut-il réglementer plus sévèrement la place de l’islam, ou de la religion en général, dans l’espace public, comme on a commencé à le faire avec l’interdiction du voile à l’Ecole puis de la burqa dans l’espace public.

Mais peut-être aussi faudrait-il reconnaître par un acte symbolique la légitimité d’un islam tolérant et modéré dans la République, par exemple en faisant d’une de ses fêtes religieuses un jour férié  ?

L’apaisement des tensions communautaires et l’intégration de l’islam dans la République, si c’est bien cela qu’on cherche, exigera en tout état de cause des efforts et des concessions des deux côtés. La nation française a été faite par la politique et non par la religion ou la culture. Traitons donc ce problème selon notre tradition, en le ramenant sur le terrain politique.[/access]

Retraite de jouvence

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« Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle ». Cette phrase tonitruante ouvrait la profonde réflexion de Carl Schmitt sur la nature du pouvoir. Le juriste allemand ne croyait guère à la force des procédures, démocratiques ou non, en période de conflits. Lorsqu’un corps politique était secoué par une crise qui risquait de défaire son unité, il appartenait au souverain de décider, et de révéler ainsi à cette occasion où résidait le vrai pouvoir.

Le conflit sur les retraites permettra-t-il à la France d’apprendre quelque chose sur elle-même ? Qui y possède vraiment le pouvoir par exemple ? L’opposition entre le gouvernement et les syndicats est frontale, mais policée. D’un côté on fait grève le week-end et on accepte sans rechigner de se plier aux exigences du service minimum dans les transports, de l’autre on reconnait volontiers le droit qu’ont les syndicats de râler un peu avant de passer à autre chose. Nous sommes loin à la fois de la répression féroce style XIXe siècle et de la loi de la rue imposée par la base, par exemple en 1995. Tout ça est un peu mou du genou et traîne en longueur. Que faire ? Heureusement, il y a « les jeunes ». C’est le drôle de Deus ex machina inventé par l’époque pour précipiter la chute de cette morne pièce.

C’est jeune et ça sait

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Chère Isabelle,

Votre article sur la jeunesse et la retraite, n’est pas dépourvu d’une certaine mélancolie élégante mais il se trompe de cible. Je voudrais d’abord vous dire que je n’aime pas les jeunes. Même quand j’étais jeune, je n’aimais pas les jeunes. Vous vous plaignez des jeunes des années 2010, c’est que vous n’avez pas connu les jeunes des années 1980. Moi qui trouve que tout était mieux avant parce que je suis un vrai réactionnaire, c’est à dire un républicain d’extrême gauche, je peux vous dire que les jeunes, sous Mitterrand, c’était pire. On leur avait même trouvé un nom, on les appelait « génération morale », ou même « génération Mitterrand ». Et ils trouvaient ça bien, les jeunes. Maintenant quand on voit qui étaient leurs chefs de l’époque, comme Julien Dray ou Harlem Desir, on rigole un peu tout de même. Ils ne rendaient pas compte, dopés à la moraline sociétale, qu’ils jouaient le jeu du seul président de droite que la France avait élu avant de se donner à Sarkozy en 2007.

En 1986, on manifestait pour des gommes et des crayons

Le virage de la rigueur de 1983 et l’européisme béat mais ardent qui a suivi, on n’a pas vu les jeunes bouger là-dessus, à l’époque. C’était pourtant le premier de la longue série des reniements de notre souveraineté, donc de notre modèle de société. En revanche, ils ont fait grève en 1986, essentiellement pour des gommes et des crayons, c’est-à-dire pour pouvoir entrer à l’université sans sélection en prenant bien soin de dire que leur grève n’était pas politique, comme si la politique, c’était honteux.
Ce que ça a pu m’énerver, cette manière de ne pas vouloir assumer ce beau mot de politique. Comme j’étais moi-même jeune, et que je pouvais leur parler parce que j’étais déguisé comme eux, j’essayais de leur expliquer que c’ était bien, la politique, qu’il fallait absolument l’être, politique, si l’on voulait gagner. En fait, je vais vous faire une confidence, Isabelle, j’étais jeune mais j’étais communiste. On était encore quelques-uns, comme ça, à faire de la politique. En fait, il n’y avait plus que nous et les trotskistes. Parce que les jeunes socialistes par exemple, ils étaient déjà en train de réfléchir à un poste de permanent pour après les événements. Et les jeunes de droite, bah comme ils étaient beaucoup moins courageux que les jeunes de droite de l’époque Occident, ils restaient à la maison, comme de bons enfants tristes. Je me demande d’ailleurs encore ce qu’ils pouvaient bien faire chez eux, les jeunes de droites, en 1986. Il n’y avait que cinq ou six chaines de télé et ils n’avaient pas Internet ni les blogues pour montrer à quel point ça peut être veule et solitaire, un jeune de droite, quand ça tape sa haine de classe sur un clavier, bien à l’abri de l’anonymat. Plus veule qu’un jeune social-libéral, c’est dire.

Précariat institutionnalisé

Résultat, les jeunes qui manifestaient en 1986 les ont faites tellement poliment leurs manifs, qu’ils ont eu un mort et une demi-douzaine de blessés graves occasionnés essentiellement par les regrettés pelotons de motards-voltigeurs. Maintenant, vous me direz, Isabelle, le pouvoir a perfectionné ses méthodes : quand il veut cogner les jeunes sans en avoir l’air comme lors de ce CPE qui vous chagrine tant mais chagrine beaucoup moins ceux pour qui le droit du travail a encore un sens, le pouvoir lâche dessus la caillera instrumentalisée des quartiers. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Jean-Claude Michéa dans L’enseignement de l’ignorance, livre assez peu complotiste, vous en conviendrez.
Non, je vous assure, les jeunes de 2010 sont beaucoup plus lucides maintenant. Les jeunes de 1986 sont devenus leurs parents. Ils ont vu le résultat : une weltanschauung consumériste de l’existence jusque dans le mariage s’ils ont réussi et, s’ils ont raté, une vie de chien au boulot avec des rapports sociaux qui ont fait un grand bond en arrière au point qu’ils n’osent plus manifester s’ils sont dans le Privé, ce qui signifie, de facto, qu’on leur a retiré le droit de grève.
Voir des jeunes manifester pour la retraite, ça a quelque chose de désolant et de petit ? Mais vous êtes suffisamment fine mouche, Isabelle, pour savoir que ce n’est pas pour leur retraite qu’ils manifestent, c’est contre un type de société qu’on leur impose, contre un précariat institutionnalisé, contre une stagiairisation à vie.
Cette fraction consciente de la jeunesse des années 2010 qui descend dans la rue, moi, je la trouve éminemment sympathique. D’abord parce qu’elle est très minoritaire. Les jeunes qui s’engagent, aujourd’hui, c’est qu’ils ont résisté à peu près à tout : téléréalité, internet, jeux vidéos, blockbusters hollywoodiens, pédagogisme, familles recomposées, soumission généralisée à la société du marché, antifascisme sans fascistes, antiracisme qui fait monter le racisme, rap qui encourage les pires pulsions et chanson française trentenaire qui encourage les pires résignations. Vous voyez l’exploit, tout de même, les défenses immunitaires en béton…
Ensuite parce qu’ils ne sont pas corporatistes, ces jeunes, comme votre article aurait presque tendance à le laisser penser. La jeunesse n’est pas une corporation, ni un métier quand bien même les chiens de garde démagogues de la sociologie (pour la gauche) et du marketing (pour la droite) voudraient le faire croire et leur faire croire. Et c’est justement cette minorité qui défile qui refuse cette assignation à une appartenance. C’est même très courageux, très altruiste et finalement très noble, quand on est jeune, de manifester pour un truc de vieux. C’est finalement, à l’échelle d’une classe d’âge, d’un pays, le même geste civique qui consiste à se lever et à laisser sa place dans les transports en commun.

En fait, Isabelle, et ce n’est pas souvent, mais je crois que sur ce coup-là, Rimbaud a tort.
On est très sérieux, quand on a dix-sept ans.

Solon is not dead

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En décembre 2008 et janvier 2009, la Grèce, qui était encore un pays indépendant, avait connu deux mois de révolte. Une génération précarisée, composée d’étudiants et de jeunes des quartiers populaires, avait laissé éclater sa colère et tenu tête aux forces de l’ordre avec une compétence et un courage remarqués par des observateurs avisés comme, par exemple, les auteurs toujours inconnus de l’Insurrection qui vient.

Le détonateur de ce soulèvement avait été le meurtre d’un adolescent de 15 ans, Alexis Grigoropoulos, abattu dans le quartier très contestataire d’Exarchia par un policier qui lui avait logé trois balles dans le corps. Le policier en question vient d’être condamné à la prison à perpétuité. On peut en conclure que la Grèce, actuellement occupée économiquement par les men in black de l’UE-FMI et sur le point de devenir la première colonie chinoise en Méditerranée a encore au moins un secteur qui n’a pas été privatisé: sa justice.

Le service public de la grève

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Au moment où les Français, et les Parisiens tout particulièrement, vont affronter une semaine de grèves gênantes, il faut s’attendre à voir les représentants de la droite assaillir les citoyens de sentences définitives sur la France qui « s’enfonce dans la grève ». Mais tout semble indiquer qu’aujourd’hui la grève est devenue un service public.

La France, l’un des pays les moins grévistes du monde

À cette occasion, il est bon de rappeler quelques chiffres : examinons la moyenne annuelle des journées de grève en France depuis la guerre (statistiques ministère de l’Emploi) :

Au cours des années 1950, la moyenne est de 3 700 000 journées de grève par an. Pendant la décennie suivante, elle passe à 2 800 000 jours par an – sans tenir compte des 150 millions de journées chômées pendant la grève générale de mai 1968. Pendant les seventies, on observe une légère remontée avec 3 400 000 journées par an. La décennie suivante est marquée par une chute avec une moyenne de 1 200 000 journées par an. Enfin, de 1990 à 2003, la décrue se poursuit : le nombre de jours de grève se monte à peine à 600 000 par an en moyenne.

La pression de la grève est donc six fois moins importante aujourd’hui, soit une baisse régulière et continue de 4,5 % par an !…

Certains idéologues diront que ce n’est pas assez et que la France reste le pays champion de la grève… Comparons donc sa situation avec d’autres pays (statistiques OCDE, nombre de jours de grève par an pour mille salariés du public et du privé, moyenne annuelle entre 1990 et 2000) : Espagne : 492, Italie : 240, Canada : 231, Suède : 57, USA : 43, Grande Bretagne : 37, France : 30, Allemagne : 23, Japon : 3, Suisse : 1.

En France, on fait dix fois moins la grève qu’en Italie et en Espagne et autant qu’au Canada. Les salariés américains ont un taux de grève de 50 % supérieur à celui des Français !… Nous ne sommes cependant encore loin du taux de grève des Suisses ! La France est donc l’un des pays les moins grévistes de l’OCDE.

La grève déléguée aux fonctionnaires

Reste à savoir d’où nous vient notre mauvaise réputation. Tout d’abord, la droite française adore battre sa coulpe sur la poitrine des salariés et des fonctionnaires et qui distille une idéologie qui tient la grève pour une imposture à la limite de l’illégalité. Dans des pays où le contrat social est plus développé et les syndicats plus forts, le recours à la grève, en particulier dans le privé, n’est jamais considéré comme un scandale.

Mais l’originalité de la situation française tient surtout au quasi monopole des fonctionnaires en matière de grève. Précarité oblige, il n’existe pratiquement plus d’entreprises privées en France dont les salariés osent faire grève.

Celle qui s’annonce est emblématique : ce sont les fonctionnaires qui vont faire grève pour protester contre la réforme des retraites des salariés du privé. Ces derniers sont d’ailleurs d’accord comme le montrent de nombreux sondages indiquant le support des Français prêts à supporter les inconvénients.

Ce paradoxe pourrait, là encore, apparaître scandaleux et ne manquera pas de déchaîner la haine anti-fonctionnaires de la droite française. Mais, au fond, les Français se satisfont de cette situation. Les choses se passent comme si les salariés du privé avaient délégué aux fonctionnaires leur droit à faire la grève et à manifester leur mécontentement. En vertu d’un accord tacite et bien compris, c’est donc aux salariés protégés qu’échoit la mission de contrecarrer les projets gouvernementaux par un blocage de certains services publics. La grève est, en quelque sorte, devenue une mission de service public.

Désindustrialisation ? Un bobard !

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Photo : Audrey 286
Photo : Audrey 286

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, qui en matière de gestion de carrière politique, aurait pu donner quelques leçons aux plus inoxydables de nos gouvernants, avait en son temps édicté un principe fondamental qui fait depuis office de référence dans le discours public : « En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai ».

Ainsi en va-t-il de cette l’affirmation, dument répétée tel un mantra bouddhiste par l’ensemble de notre classe politique, selon laquelle la France se désindustrialise. De Nicolas Sarkozy, qui déclarait encore l’autre jour[1. Au salon de l’automobile, le 1er octobre 2010] que jamais il n’accepterait la désindustrialisation, à l’état-major du PS en passant par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou Dominique de Villepin, c’est toute notre classe politique qui tire son mouchoir et la sonnette d’alarme face à la disparition de notre industrie, de nos usines et de nos ouvriers.

Les coupables de cet odieux forfait sont bien sûr connus et désignés de toute part : la mondialisation, le libre-échangisme, les capitalistes … brefs les « autres », ces êtres tout aussi maléfiques, qu’ils sont inconnus et invisibles et qui nous veulent du mal[2. Toute ressemblance avec une série télévisée américaine dont l’action se situe sur une île mystérieuse serait purement fortuite]. Heureusement pour nous, le bon peuple, nos élus ont des solutions – et pas que deux ou trois – pour réindustrialiser la France : des subventions aux nationalisations en passant par le protectionnisme, c’est toute la gamme des politiques interventionnistes qu’on nous déballe comme au marché. Faites vot’ choix m’sieurs dames… Elles sont bonnes mes salades !

En dix ans, la production industrielle a augmenté de 25%

Si la France se désindustrialise comme nous l’affirment nos politiciens professionnels, nous devrions pouvoir observer le phénomène dans les chiffres publiées par l’Insee qui mesurent depuis 1949 la production de chaque secteur d’activité de notre économie. Et là, ô surprise, ajustée de l’inflation, notre production industrielle de 2009[3. 844.7 milliards d’euros selon l’INSEE, soit environ 27% de notre production totale en valeur] était 26% plus élevée qu’en 1990, 50% plus élevée qu’en 1980, 106% plus élevée qu’en 1970 et – excusez du peu – 570% plus élevée qu’en 1949. Pas l’ombre de la queue du début d’un commencement de désindustrialisation.

Ce qui est vrai, c’est que nous avons perdu l’essentiel de notre industrie textile (-45% depuis 1970) et une part substantielle de notre production de combustibles et autres carburants (-33%). Mais ce qui est aussi vrai, c’est que la production de nos industries navales, aéronautiques et ferroviaires a augmenté de 449.5%, que celle de nos industries pharmaceutiques et cosmétiques est aujourd’hui 490.2% plus importante qu’en 1970 et que notre production d’équipements électriques et électroniques a été multipliée par six dans le même laps de temps.

Ce qui est surtout vrai, donc, c’est que notre industrie a changé. Encore dominée il y a quelques décennies par des chaines de production sur lesquelles on alignait des ouvriers peu qualifiés et misérablement payés, elle est devenue une industrie de pointe qui embauche essentiellement des ingénieurs, des ouvriers qualifiés et des cadres, investit massivement dans la recherche et offre des rémunérations sans aucune commune mesure avec ce que peuvent espérer les ouvriers chinois[4. Le salarié moyen de l’industrie manufacturière française coûte un peu plus de 49 000 euros par an à son employeur… soit – au bas mot – 15 fois plus que son homologue chinois].

Le merveilleux monde d’avant était aussi celui des salaires misérables

Le discours politique – et médiatique – est resté enfermé dans un monde de grandes usines, pourvoyeuses d’emplois à vie et en masse, où des milliers de salariés constitués en « classe ouvrière » produisent à la chaîne des taille-crayons ou des paires de chaussures. On nous rebat les oreilles d’un monde merveilleux, un monde d’avant, où les grandes luttes ouvrières faisaient les heures de gloire de la gauche marxiste et les patrons paternalistes aux mines sévères celle d’une droite conservatrice. Mais ce que le discours politique oublie, c’est que ce monde était aussi celui des salaires misérables, des mineurs qui risquaient leur peau au moindre coup de grisou, des ouvrières du textile qui usaient leur jeunesse et leurs doigts dans les usines et des ouvriers qui étouffaient dans l’atmosphère surchauffée des hauts-fourneaux.
Alors oui, ça fait moins de monde dans les usines (et aux manifestations de la CGT) mais non, la France ne se désindustrialise pas. Elle va même plutôt bien notre industrie entre l’Oréal dont les ventes explosent dans les pays émergents (+13% en 6 mois), Legrand qui réalise l’essentiel de sa croissance en dehors de l’Europe ou notre Cognac qui exporte plus de 96% de sa production. L’avenir de nos enfants n’est plus derrière un métier à tisser ni au fond d’une mine, il est derrière une planche à dessin, dans des laboratoires de recherche ou aux commandes d’une chaine de production automatisée. Et pour tout vous dire, moi je préfère ça.

Le Nobel ne défilera pas le 12 octobre

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Le prix Nobel d’Economie a été attribué ce matin à Peter Diamond, 70 ans, Dale Mortensen, 71 ans, et Christopher Pissaridès, 62 ans pour leurs travaux sur l’influence de l’ajustement entre l’offre et la demande sur certains marchés, en particulier celui du travail. L’un des trois lauréats, l’Américain Peter Diamond, du MIT, spécialiste des questions de politique économique et sociale, a consacré ses dernières recherches aux problèmes de la retraite.

Dans un livre récent cosigné avec Nicholas Barr, professeur d’économie à la London School of Economics, Diamond n’hésite pas à formuler le constat suivant : l’un des piliers nécessaires à une réforme raisonnable du système est le recul de l’âge du départ à la retraite qui devrait, selon ces deux auteurs, suivre l’allongement de la durée de la vie. A ceux d’entre vous qui espèrent utiliser demain les transports en commun, nous recommandons la lecture de Reforming Pensions, Principles and Policy Choices.

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Islamophobe

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Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.
Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.
Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.
Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.

En un mot comme en cent, je suis islamophobe. Je n’aime pas beaucoup cette étiquette, mais c’est le terme qui s’impose aujourd’hui pour désigner ceux qui critiquent l’islam ou se méfient de lui : alors, je l’accepte. Même si je trouve étrange que la clairvoyance et la vigilance passent pour des maladies mentales, je préfère passer pour dingue et paranoïaque que pour aveugle et sourd, et muet en plus. Ma crainte de l’islam n’est pas une peur panique mais une méfiance raisonnée et je ne crois pas souffrir de phobies. Ce n’est pas moi qui ai une trouille bleue de la critique ou du blasphème, du porc ou de l’alcool, des homosexuels, d’un verre d’eau au mois d’août, de la liberté, des femmes ou du bon Dieu.

Si je me méfie raisonnablement de l’islam comme de la peste, je vais tâcher de donner mes raisons.[access capability= »lire_inedits »]

L’islam n’est pas seulement, comme l’écrit Houellebecq, « la religion la plus con du monde », c’est aussi un système social et politique qui a toujours entraîné dans la régression et la barbarie les sociétés où il s’est imposé. Si on peut discuter des bienfaits de la colonisation qui restent à démontrer, on ne discute pas des bienfaits de l’islam, on les cherche car ils restent à être montrés. Je ne dresserai pas l’inventaire, jamais exhaustif, des coutumes arriérées, des crimes barbares et des lois stupides qui caractérisent le monde musulman. La liste interminable des dogmes et des faits plus idiots et plus monstrueux les uns que les autres nous plongerait dans un ennui et un dégoût proches de ceux que peuvent ressentir les jeunes filles nées en Syrie ou les hommes d’esprit vivant au Caire.

« Il ne faut pas confondre les crimes commis au nom de l’islam avec l’islam lui-même ! » : voilà la berceuse très entendue censée endormir les plus inquiets. On nous a longtemps fait le coup avec le communisme, et puis même les dictateurs les plus gâteux et les intellectuels les plus longs à la détente ont fini par jeter le bébé avec l’eau du bain quand ils se sont aperçus qu’il était mort-né dans un bain de sang. La terreur n’est pas une dérive ou une mauvaise traduction du coran ou du marxisme-léninisme, elle est inscrite dans les gènes de ces deux totalitarismes. Dictature du prolétariat ou suprématie de l’oumma, ces deux messianismes écrasent tous ceux qui leur résistent. Là ou l’islam est le plus fort, les autres religions, les autres cultures se soumettent ou s’enfuient. Les chrétiens et les juifs d’Orient en savent quelque chose.

La France sera bientôt sommée de s’intégrer à l’« oumma » ou de disparaître. Ce qui revient au même

Mais laissons l’histoire et la géographie pour nous pencher sur l’ici et maintenant.

L’islam ne fait envie nulle part dans le monde et dans l’histoire, mais nous devrions accueillir avec confiance et bienveillance celui qui se répand en Europe. Plus absurde encore, les musulmans s’affirment en Europe et à l’abri des droits de l’homme en abusant de notre hospitalité et, au nom du respect dû à la différence, imposent des pratiques contraires aux valeurs de notre civilisation. Dans toutes les zones où ils font masse, leurs lois deviennent la norme, des tribunaux islamiques anglais à nos « cités du mâle ». Et notre pays serait épargné par cette forme de colonisation ? Après quelques décennies d’offensive contre les cultures d’accueil européennes, les Anglais limitent leur très britannique liberté d’expression, les Hollandais reviennent sur leur légendaire tolérance, les Allemands voient leur culture de la pensée submergée par la bêtise et les Suédois enterrent leur système social. Et notre confiance devrait rester inébranlable ? Certains croient encore qu’un islam de France, Arlésienne qui sait se faire désirer, montrera la voie et nous protégera des séditions, sécessions, ségrégations et colonisations en marche partout ailleurs.

Cela me semble bien présomptueux : je crains que notre génie français et notre fameux système d’intégration ne fassent pas le poids et que la démographie en n’inverse bientôt le rapport de forces. Quand il y aura une majorité de musulmans en France, qui intègrera qui ? À moins de renoncer à la démocratie qui laisse la nation historique, la civilisation et les minorités à la merci de la majorité du jour, si les choses se passent comme toujours et comme partout, l’islam sommera bientôt la France de s’intégrer à l’oumma ou de disparaître, ce qui, à mon avis, est la même chose.

Les Français musulmans ne deviennent pas de plus en plus français mais de plus en plus musulmans : le succès croissant du ramadan en est un signe. À la question « Qu’est-ce qu’être français ? », beaucoup donnent une réponse lapidaire : « Posséder une carte d’identité et des droits. » Pour le reste, chacun sa culture et les moutons seront bien égorgés, tournés vers la Mecque. L’enfer est pavé de bonnes intentions et, en tolérant le multiculturalisme, on finit par accepter que battre sa femme, séquestrer sa sœur et marier sa fille avec son cousin puissent devenir des coutumes françaises quand le blasphème, lui, ne serait plus français. Pourrait-on dire « J’encule le Prophète » comme on le dit du président, du pape, du dalaï-lama, d’Ariel Sharon ou de qui on veut sans déchaîner des flots de violence ? J’en doute. En refusant d’admettre que notre culture libérale et égalitaire vaut mieux pour nous qu’un texte qui interdit toute critique et donc tout progrès, nous ouvrons un boulevard à la régression et à la disparition de ce que nous sommes après cinq mille ans d’évolution. Si on ne peut discuter une loi divine, il faut la rejeter fermement comme nous l’avons fait avec les nôtres. On ne s’est pas débarrassés de nos religions pour se faire envahir par la plus attardée de toutes.

Si les musulmans ne peuvent pas manger halal à la table d’un amateur d’andouillette, qu’ils changent de cantine ! Or, aujourd’hui, c’est la cantine qu’on change. Si les musulmans ne peuvent vivre dans la foi et dans la France telle qu’elle est, faut-il changer la France et la voir régresser ? Notre pays est-il condamné à devenir un jour une terre d’islam pour avoir accueilli des musulmans ?

J’ai une autre idée et une autre envie pour sauver la nation. Acceptons les individus mais pas les exigences de leur religion : les plus dévots iront prier ailleurs, les plus envahissants convoiteront d’autres terres et nous garderons les mieux intentionnés. Une laïcité intransigeante qui prenne au besoin des allures de persécution religieuse, je ne vois plus que ça pour préserver ce qui nous a faits et ce que nous aimons.

Avant de regretter Charles Martel, rappelons Jules Ferry tant qu’il en est temps. Au pays de Théo Van Gogh, le parti de Geert Wilders a obtenu l’interdiction de la burqa et envisage de bannir le Coran. Il faudrait vraiment qu’on les ait énervés, ces Bataves qui ont accueilli Spinoza, pour qu’ils en arrivent à interdire un livre. Ce renoncement amer à notre liberté d’expression est peut-être le prix à payer pour protéger notre monde.

Quel prix l’islam est-il prêt à payer pour devenir occidental sans soumettre les Occidentaux et dénaturer l’Occident ? La question se pose mais je ne donne pas cher de la réponse.

En attendant, qu’on me permette d’être islamo-méfiant, islamo-résistant, et même islamophobe.[/access]

Les sexes ne sont pas égaux face aux troubles de la libido

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« La réponse des autorités ainsi que la complexité et l’ampleur des questions supplémentaires auxquelles il faudrait répondre pour éventuellement obtenir une autorisation de mise sur le marché pour le flibanserin ont amené la compagnie à décider de se concentrer sur d’autres produits en développement ». C’est par ce communiqué plein de poésie que le groupe pharmaceutique allemand Boehringer Ingelheim a annoncé ce week-end qu’il abandonnait le développement du Girosa, plus connu sous son surnom de « Viagra féminin ».

De fait, il semble que l’avis négatif émis en juin dernier par l’Agence américaine des médicaments ait été fatal au produit miracle censé doper la libido féminine. On ose espérer qu’il ne s’agit pas là de mesures protectionnistes déguisées, visant à décourager la pénétration du marché américain.

Et puis en vrai, le flibanserin on s’en fout: il nous reste les huitres et le champagne !

Kouchner sur le Quai, côté départ

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Tomber à gauche ou pantoufler à droite ? Tel est le dilemme auquel est aujourd’hui confronté notre flamboyant ministre des Affaires étrangères. Il vient d’apporter sa contribution à la pièce de théâtre microcosmique mise en scène par un Nicolas Sarkozy qui a fixé, avec une prématurité diaboliquement calculée, l’horizon du prochain remaniement gouvernemental.

Comment partir la tête haute, et éventuellement rebondir, pour ceux qui n’ont aucune illusion sur le sort qui leur est réservé dans quelques semaines ? La méthode Kouchner relève de la comédie légère : il laisse traîner négligemment une lettre de démission manuscrite sur son bureau en recevant un journaliste d’un hebdo où il compte beaucoup d’amis. Quelques bribes de la missive se retrouvent illico sur le site internet du Nouvel Obs, car c’est de lui qu’il s’agit, et le microcosme médiatique et politique se met à vibrionner. À l’Elysée, on feint la surprise : lettre de démission ? Quelle lettre de démission ? Jamais reçue ! N’empêche, le message est passé, et son contenu est limpide : moi, Bernard Kouchner, détenteur d’un capital de popularité inoxydable dans l’opinion publique ne saurais être licencié comme un vieux serviteur devenu inutile. Je peux encore mordre, et je le prouve en mettant en cause des conseillers du président qui m’auraient « humilié ». Mais, si on me réserve, à ma sortie du Quai d’Orsay, une fonction et un palais de la République à la hauteur de mes mérites éminents, on pourra revoir la question de mon attitude lors de l’élection présidentielle de 2012.

Une addiction médiatique que l’âge n’a pas affaiblie

Défenseur des droits ? Pourquoi pas ? Bien logé, convenablement rémunéré, utilisable pour rendre service à des amis, ce poste de médiateur de la République vient d’être renforcé par l’intégration du « Défenseur des enfants », au grand dam de son actuelle titulaire, Dominique Versini. Et surtout, mieux que Jean-Paul Delevoye, Bernard Kouchner saura utiliser cette fonction pour se porter régulièrement aux avant-postes médiatiques, une addiction que l’âge n’a pas affaiblie, bien au contraire.

La gauche n’épargne pas ses quolibets à celui qui fut, naguère, sa tête d’affiche morale avant de se laisser séduire par les sirènes du sarkozysme. Principale incarnation de la politique d’ouverture du Sarkozy de 2007, il a eu la faiblesse, ou la vanité, de croire qu’il allait vraiment exercer la fonction de ministre des Affaires étrangères. Pour cela, Nicolas Sarkozy avait déjà tout ce qu’il lui fallait à la maison, notamment le redoutable Jean-David Lévitte, dont la proverbiale discrétion se double d’une connaissance approfondie des rouages de la politique mondiale. L’usage de Bernard Kouchner dans le dispositif sarkozyste était purement récréatif : il fallait au président un compagnon qui le distraie lors de ses multiples et souvent assommants déplacements à l’étranger. Il est incontestable que l’ami Bernard excelle en la matière : on ne s’ennuie jamais avec lui, il a de l’humour, de la répartie et un convenable stock d’histoires drôles pour détendre l’atmosphère lors des arides sommets européens, ou réunions des G8, 20 ou plus si affinités.

Mais pour ce qui était des choses sérieuses, la hard policy, celle où le réalisme l’emporte toujours sur les bons et grands sentiments, on lui fit gentiment, puis plus fermement, savoir qu’il devait se tenir à sa place, et laisser faire les professionnels, officiels et officieux, dont le président avait pris grand soin de s’entourer. À Guaino le grand projet (aujourd’hui en quenouille) d’Union de la Méditerranée, à Lévitte la délicate relation avec Washington et les grandes négociations internationales, à Guéant les palabres avec la Syrie pendant que Kouchner croit pouvoir jouer sa carte personnelle au Liban. Quand les choses se gâtent en Afrique, c’est à un avocat libanais, Robert Bourgi, que l’on confie la mission d’arranger les bidons avec Laurent Gbagbo ou Ali Bongo. Quand le torchon brûle avec Pékin à cause des manifestations parisiennes contre le passage de la flamme olympique, Jean-Pierre Raffarin est dépêché dans l’Empire du milieu pour arrondir les angles.

Une bonne manière : Ockrent à France 24

Comme on n’est pas des brutes, tout de même, à l’Elysée on concède au ministre en titre le pouvoir de placer quelques un(e)s de ses ami(e)s à des postes diplomatiques aussi agréables à vivre que bien rémunérés. C’est bien le moins, et Nicolas Sarkozy, de surcroît, vole au secours de Kouchner lorsqu’il est mis en cause par Pierre Péan pour des « affaires africaines » qui ne relèvent pas seulement de l’altruisme mondialiste du french doctor. La nomination de sa compagne Christine Ockrent, en tandem avec Alain de Pouzilhac à la tête de l’audiovisuel extérieur français (RFI et France 24) était encore une bonne manière faite à Bernard, en dépit du fait que cette nomination altérait notablement la crédibilité de ces médias dans des pays où on se méfie de la connivence de la presse et du pouvoir[1. La reine Christine, bien connue pour semer la zizanie dans toutes les rédactions qu’on a la mauvaise idée de lui confier, a fini par tellement exaspérer Alain de Pouzilhac que ce dernier est venu récemment demander sa tête à Nicolas Sarkozy. Sans succès, pour le moment]

Tout cela, Bernard Kouchner fait mine de le découvrir alors qu’il semble plus près de la sortie que de l’augmentation. Foin de fausse modestie : dès juillet 2008, je constatais, pour le déplorer, le statut de potiche de luxe (au moins du Sèvres, il n’y a que ça au Quai) que l’on faisait jouer à Bernard Kouchner. Cela me valut un coup de téléphone furibard de son directeur de cabinet, à l’époque Philippe Etienne, qui me gratifia d’un certain nombre de noms d’oiseaux rarement utilisés par les diplomates de carrière.

Pour être un grand ministre des Affaires étrangères, ou plus modestement un bon ministre, il faut être une franche crapule comme Talleyrand ou Roland Dumas ou un technicien retors comme Hubert Védrine. Et surtout servir un président doté d’une intelligence du monde et des hommes lui permettant d’utiliser au mieux les quelques atouts dont notre pays dispose encore pour faire valoir ses intérêts sur cette planète. Bernard Kouchner ne relevant d’aucune des catégories précitées, le souvenir de son passage au Quai d’Orsay relèvera davantage de l’histoire de la vie mondaine à Paris au début du XXIème siècle que de celle de la diplomatie planétaire pendant la même période.