Le chat est un animal étrange dont nous avons déjà abondamment parlé en ces colonnes. Inutile de rappeler ici sa fatuité à toute épreuve, son manque total de dignité quand il s’agit de réclamer sa pitance, son obsession pour les insectes volants qu’il pourchasse comme un débile profond entre les voilages des fenêtres, sa tendance à ronronner bruyamment devant les documentaires animaliers, et surtout sa suffisance – je le répète – qui cache mal un complexe d’infériorité bien compréhensible à l’égard de son cousin le tigre – qui vit l’ivresse des grands espaces au quotidien, et mange des gazelles entières au soleil couchant. Mais nous parlons ici du chat domestique. Du chat d’appartement. Du chat bourgeois. Du chat de centre-ville. Inoffensif par nature. A côté – les rues ne sont plus sûres… – certains chats ont décidé de suivre la voie de la délinquance, et écument nos villes à la recherche de larcins divers, en n’hésitant pas à avoir recours à l’ultra-violence. Ainsi, l’Est-Républicain nous rapporte le cas d’une attaque en bande organisée… « Il était 19 h dimanche, lorsqu’une femme de 31 ans qui promenait sa petite chienne en bordure de bois, aux Terrasses du Mont, a été attaquée par une demi-douzaine de chats. » Le drame s’est déroulé à Belfort, en Franche-Comté, une région qui n’est plus à l’abri des violences urbaines. « Sans crier gare, ces derniers seraient sortis des fourrés et auraient sauté sur sa petite chienne, un caniche nain abricot. » La France orange mécanique, suite. Moins drôle : une fillette a été aussi la cible de cette attaque sauvage. Le vétérinaire qui a soigné le caniche a déclaré qu’en « trente ans d’exercice, il n’avait jamais vu cela ». Une réaction bien instinctive pourrait être de dire, à l’égard de ces populations : « Chat peut plus durer ! »
C’est là, chers lecteurs, que je souhaiterais attirer votre attention sur l’importance de ne pas sombrer dans l’écueil de l’amalgame. Il ne faut pas oublier que l’immense majorité des chats sont paisibles et non violents. Rares sont ceux, statistiquement, qui sont connus des services de police, ou qui ont fait l’objet de condamnation. Si ça et là des actes de déprédation voire de violence gratuite ont pu être commis en bande par des félidés (caniches attaqués, voitures brûlées, etc.), il ne faut jamais perdre de vue les conditions de vie difficiles de ces populations dans certains territoires de notre pays, sinistrés et désertés par les services publics ; plus le chômage, la crise sociale, l’urbanisme, les contrôles d’identité au faciès, la difficulté de trouver des stages – et j’ajoute le coût de la vie qui n’a cessé d’augmenter depuis le passage à l’euro. Alors, je le répète : pas d’amalgames !
Chat peut plus durer !
Laïcité négative ?
Dans un entretien accordé au journal Le Monde[1. Jean-Louis Bianco, « La France n’a pas de problème avec sa laïcité », propos recueillis par Stéphanie Le Bars, Le Monde, 25 juin 2013.], le président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, ose affirmer que « ces dernières années, on a eu tendance à faire de la laïcité une référence commode, une “réponse-valise” à tous les problèmes de la société » et que « les atteintes à la laïcité ont peut-être été surestimées ». On connaît bien ce refrain pour l’avoir maintes fois entendu au sujet des questions d’insécurité. C’est le cerveau des Français, sujet aux mirages, qui leur jouerait des tours. Dormez, braves gens !
Ayant fait partie de la « mission laïcité » du Haut Conseil à l’intégration jusque très récemment – c’est-à-dire jusqu’à ce que la Présidence de la République la dégage, pour cause de persistance de certains de ses membres à défendre la laïcité et à refuser d’enfourcher le cheval des accommodements dits « raisonnables » importés du Québec, où ils ont rencontré le succès que l’on sait –, je suis des mieux placés pour affirmer que la situation qui est décrite dans cet entretien ne correspond pas à la réalité et que, bien au contraire, la laïcité a été, toutes ces dernières années, la cible privilégiée d’offensives répétées et de moins en moins feutrées. Les tabous ont sauté, la gêne et la mesure se sont envolées. Les rapports publiés par le HCI en attestent : aucun domaine, aucune sphère, aucun lieu n’est épargné.
Jean-Louis Bianco est-il un cas isolé ? Dans une note émanant de Matignon et destinée à préparer, avec les ministères concernés dont celui de l’Intérieur, la refondation de la politique d’intégration, on peut lire que va être mis en œuvre « un vaste travail de refondation de la politique d’intégration, qui pourra prendre en compte les pistes ouvertes par Thierry Tuot[2. Thierry Tuot, « La grande nation : pour une société inclusive », Rapport au Premier ministre sur la refondation des politiques d’intégration, février 2013]». Cette note stipule, entre autres, qu’« il est donc temps d’opérer un déplacement, un pas de côté dans la façon de concevoir ces questions. Ne pas maîtriser la langue française après des années de séjour, porter le foulard, afficher ostensiblement sa différence dans la sphère publique etc., ces éléments peuvent alors se comprendre comme autre chose qu’une tradition maintenue ». Avant d’affirmer que « refonder notre politique d’intégration suppose de répondre à l’attente des personnes immigrées et de leurs descendants : être considérés comme n’importe quel Français ».
Pourquoi cette propension à systématiquement mentir aux immigrés et à leurs descendants ? [access capability= »lire_inedits »]La vérité, c’est que tant qu’existera la communauté nationale française, celle d’Ernest Renan, de Marc Bloch et de Charles de Gaulle, ne seront admis en son sein que ceux qui auront été reconnus par elle comme ayant adopté les principes et valeurs des Français ; le meilleur indicateur en la matière étant la transmission de ces principes à ses propres descendants. Ce qui m’étonne, ce sont l’inertie et le silence assourdissant de Manuel Valls face à ce que les socialistes concoctent sur ces questions, alors qu’il ne doit le brillant de son étoile auprès de l’opinion publique qu’à sa défense de la laïcité et de l’ordre républicain.
Si le principe constitutionnel de laïcité est autant attaqué, c’est qu’il a été parfaitement identifié comme la digue qui protège la France. Finalement, ceux qui abhorrent nos principes auraient eu tort de ménager leurs offensives, tant ils ont été aidés dans leur entreprise par ceux qui depuis l’intérieur du système – médias compris − leur ont bien facilité la tâche : les uns par peur, les autres par une terrifiante indifférence envers le devenir du peuple français, d’autres encore par incompétence, insouciance, légèreté et incapacité chronique à anticiper les conséquences sur la paix civile d’une démission aussi prononcée des élites. Il faudrait un livre entier pour recenser et décrypter les raisons de cette étrange défaite qui frappe de nouveau la France. Le peuple français, lui, aura simplement aspiré au respect des ressorts de son identité. Ce droit élémentaire lui a été dénié. John Fitzgerald Kennedy disait : « À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inéluctable les révolutions violentes. » [/access]
Denys de la Patellière (1921-2013), cinéaste engagé
Denys Dubois de la Patellière vient de nous quitter à l’âge de 92 ans. Cinéaste un peu oublié aujourd’hui. De ceux qui dans les années 50 et 60 tournaient des films en noir et blanc où des orfèvres de génie fabriquaient et enfilaient les morceaux de bravoure. Jean Gabin, Lino Ventura, Bernard Blier, Pierre Brasseur serviteurs inspirés de l’art incomparable de Michel Audiard. C’était un cinéma populaire. D’abord parce qu’il parlait du peuple et de ses différentes facettes. Ensuite parce qu’il parlait au peuple qui aimait ces films. Cela valut à Denys de la Patellière les critiques virulentes de la Nouvelle vague, Godard et Truffaut en tête. Il n’en prit pas ombrage, répondant avec élégance et humilité : « Si on ne veut pas prendre de coups, on ne monte pas sur le ring ». Contrairement à ce que pensaient et disaient nos intellectuels du début des années 60, son cinéma était éminemment politique. Comme l’est d’ailleurs aujourd’hui, celui des héritiers de cette nouvelle vague, qui en dit long sur la France d’aujourd’hui. Notre cher cinéma « à la française » où l’absence d’intrigue et d’histoire, permet la mise en scène des états d’âme des CSP+, qui habitent tous le 4e arrondissement et passent leurs vacances au Cap-Ferret. De son importante production, j’en retiendrai deux, qui j’espère feront l’objet de rediffusions télé dans les jours qui viennent. Tout d’abord, Les Grandes Familles , adaptation du prix Goncourt 1948 écrit par Maurice Druon. Vous savez, l’auteur du Chant des partisans repris à pleins poumons par les amis de Clément Méric devant Sciences-Po. Superbe exercice de sociologie marxiste, et qui à mon avis, dispense de la lecture de Pierre Bourdieu et notamment de La Reproduction.
Et puis bien sûr, il y a l’inoubliable Un Taxi pour Tobrouk. Denys de la Patellière avait fait « une guerre convenable» comme on devait dire dans sa famille. Et perdu deux frères tués dans la Résistance. Cela lui a donné l’envie de faire un vrai film antimilitariste. Je ne sais pas si Xavier Cantat l’a vu, mais cela lui aurait peut-être permis d’éviter sa provocation infantile et l’humiliation de sa compagne. L’histoire de quatre Français libres, guerriers improbables, mais volontaires, dont aucun n’est là par hasard, et qui font leur devoir en maugréant. Trimbalant leur humanité et leur fraternité à un moment où il faudrait justement ne pas en faire preuve. Aucun pathos, élégance, humour et émotion. Pour finir juste une petite perle, celle qui en dit long sur la défaite de 1940. Lino Ventura, sublime cafetier et boxeur bougon (Dudu) : « Nous les Français, les prisonniers on les flingue pas ! ». Réponse de Maurice Biraud, intellectuel distancié et un peu cynique : « Forcément, on n’en a pas beaucoup… ». Un cinéma très politique, on vous dit. Merci Monsieur.
Viol tranquille à Dubaï
« Etes-vous sûre de vouloir appeler la police ? » Question pour le moins gonflée adressée à Marte Dalelv, jeune Norvégienne de 24 ans, tout juste victime d’un viol collectif dans sa chambre d’hôtel dubaïote alors qu’elle était de sortie avec des collègues du cru. « Evidemment que j’en suis sûre, c’est une réaction normale dans ma culture » rétorque t-elle en substance, visiblement sidérée par tant de mépris et d’indifférence à l’égard de son indéniable statut de victime. Pourtant, vu la tournure des événements, il eut été plus judicieux de comprendre cette question comme une véritable mise en garde. Un tribunal de Dubaï va en effet de condamner la jeune décoratrice d’intérieur à une peine de seize mois de prison pour « comportement licencieux, impliquant une relation sexuelle hors mariage, et la consommation de substances alcoolisées ». Et voilà ! Encore une qui aurait mieux fait de potasser l’indispensable « Charia pour les Nuls » plutôt que de se contenter des bons plans du Lonely Planet. Bon sang que les occidentaux sont incorrigibles… toujours si prompts à tenir pour universel un corpus de valeurs dont ils oublient allègrement qu’il est le fruit d’une histoire singulière. Comment ?! Le statut de victime échapperait-il à des critères universellement établis ? M’aurait-on menti ?! Pauvre Marte. Toi qui croyais naïvement que le mouvement d’unification du monde était achevé, tu découvres avec stupeur que l’Ailleurs existe encore. Un ailleurs d’autant plus répugnant qu’il se pare des atours de la modernité pour mieux te duper.
Dubaï. Il faut dire que l’on se sentirait presque à la maison dans cette ville champignon abonnée aux superlatifs : gratte-ciels hyper-modernes, centres commerciaux hyper-climatisés, collègues anglophones hyper sympas. Autant d’ingrédients familiers qui, pour le coup, invitent le visiteur occidental à baisser la garde à la moindre occasion. Du soleil toute l’année. Des expats en veux-tu en voilà. Des soirées bien arrosées. Une ambiance de fête… Et c’est là que le piège peut se refermer violemment. Tel fut le cas d’Alicia Gali, cette australienne qui, en 2008, écopait d’une peine de 11 mois de prison ferme pour des faits similaires, et qui se faisait lâcher par son propre gouvernement histoire de « ne pas faire de vagues » avec le puissant partenaire Emirati. Nothing personal, just business. Ou encore le cas de Charlotte Adams, cette jeune britannique qui a passé 23 jours derrière les barreaux en 2010 pour avoir commis l’impair de saluer un ami en public « en l’embrassant sur la joue ». De bien belles leçons pour tous ces touristes bernés par l’illusion d’un occident sans frontières, qui considèrent à tort que nos valeurs relèvent de l’évidence partout où ils se rendent (quitte à piétiner, au passage, le sacro-saint relativisme culturel que certains parmi eux se plaisent à défendre farouchement ! Mais bon, on n’est plus à une contradiction près…)
Mais restons un instant sur Dubaï. Cet oasis de modernité dans une région en proie au sectarisme religieux. Ou plutôt ce village Potemkine destiné à masquer la réalité d’une société façonnée par des mœurs archaïques qui, malgré les apparences, restent toujours aussi vivaces. En dépit des ornements et du maquillage, le ventre de la bête reste particulièrement fécond. Ce faux parfum de modernité mystifie aisément l’occidental de service, sûr de ses valeurs, qui finit par occulter deux ou trois points de détails, comme le fait que le code juridique local soit fondé sur la charia. Ce qui en soit peut poser quelques problèmes d’acclimatation notamment dans le cas… d’un viol, par exemple. En effet, on est heureux d’apprendre que dans la loi traditionnelle islamique, le viol ne peut être prouvé que lorsque quatre hommes (musulmans bien évidemment) affirment avoir été témoins de la scène (Sourate 24:4,13). Dit autrement, une femme violée ne peut en aucun cas demander réparation en tous lieux où commande la loi islamique. Et, cerise sur le minaret, une femme qui a eu l’audace de dire qu’elle a été violée et qui échoue à présenter quatre témoins mâles (ce qui est manifestement le cas pour notre pauvre Norvégienne) finit par être punie car sa plainte est reçue comme un aveu d’un rapport sexuel pré-mariage ou adultérin. Au passage, c’est pour cela que 75% des femmes emprisonnées au Pakistan sont derrière les barreaux pour l’ignoble crime d’avoir été victimes de viol.
On finit par presque sourire lorsque l’on apprend que Marte, lâchée par son employeur et soutenue du bout des doigts par son pays d’origine, ira d’abord trouver refuge à la Norvegian Seamen’s Church. L’Eglise comme ultime bastion des valeurs occidentales dans un monde ensauvagé ? De quoi aider à retrouver la foi ! En attendant, les prières de Sœur Marte ont été entendues puisque, dans la crainte d’ébruiter pareil scandale, les autorités Emirati ont finalement accepté de la gracier, ou plutôt de lui accorder un « pardon », ce qui du même coup revient à confirmer sa culpabilité dans cette sordide affaire. Rassurer la communauté internationale d’un côté tout en préservant la cohérence du dogme de l’autre. Aux Emirats, la Charia retombe toujours sur ses pattes.
*Photo: capture d’écran Euronews
Trappes : métaphysique de la burqa
Tout ce qu’on sait du point de départ de l’affaire de Trappes, c’est qu’un homme a empêché un policier de dévoiler le visage de la personne dont il était accompagné, et qu’il a réagi avec une violence qui oblige à s’interroger sur ce qu’il avait si impérieusement besoin de dissimuler au regard du monde.
Tout le monde a admis et répété sans y réfléchir à deux fois qu’il s’agissait de sa femme. Tu parles !
En réalité, personne ne peut le savoir, puisque cette personne, disons, cette chose, était entièrement couverte d’un vêtement.
René Descartes s’est posé la bonne question dans ses Méditations métaphysiques. Il remarque qu’il est tenté de croire qu’il ne peut connaitre que ce qu’il voit, « si par hasard je ne regardais d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, (…) et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux qui pourraient couvrir des machines artificielles qui ne se remueraient que par ressorts? »
Appliquons le doute de René Descartes au couple de Trappes.
L’homme qui s’est jeté sur le policier voulait peut-être cacher qu’il était épris d’une machine artificielle, avec laquelle le mariage pour tous n’est pas encore chose admise ?
Autre hypothèse : la chose qui marchait à ses côtés était un transsexuel qu’il n’avait pas encore présenté à ses parents ?
Ou, tout bêtement, c’était son amoureux du même sexe, ce qui ne devrait plus poser de problème à Trappes, sauf si l’un est chiite et l’autre sunnite?
À moins qu’il la conduisit à un bal masqué entre porteurs de voile intégral?
Comment le savoir, nous qui sommes placés sous voile d’ignorance ?
Ils le savaient sûrement, les centaines de djeunes trappistes qui sont venus encercler le commissariat pour en extirper de force le prisonnier, comme on voit dans les westerns.
Ils le savaient, forcément, puisqu’ils sont venus prêter main-forte à cet homme si pudique, mais leur pudeur à eux leur interdit de le dire. Ils ne causent pas des choses du sexe, et ils ne sont pas non plus du genre à parler des choses du genre, surtout en période de Ramadan, et on ne peut tout de même pas les en blâmer.
En tout cas, ce qui était visible à l’œil nu pour tous ceux qui ne sont pas des fachos de chez facho, c’est que cette émeute n’était absolument pas due à un réflexe communautariste anti-français. Non, ce qui a poussé ces djeunes à s’indigner, c’est le chômage et la misère, comme d’hab.
Sans oublier la discrimination islamophobe dont ils sont victimes à l’école, y a qu’à voir leurs notes !
C’est le chômage et la misère aussi qui expliquent que les victimes de la catastrophe de Brétigny aient été délestées de leurs portables, sans doute par des jeunes mendiants faméliques et presque tous aveugles.
Nos politiques, – enfin ceux qui ne sont pas des fachos,- leur ont dit très sévèrement que, « d’accord le social, c’est l’explication de l’émeute, mais c’est pas une excuse ». Et vlan !
Sauf que pardon, mais si on leur répète qu’ils sont vraiment nos victimes innocentes, pourquoi qu’ils se révolteraient pas contre nous?
Bref, nous faut-il choisir entre un Front national qui voudrait les foutre dehors et un Front de gauche qui voudrait qu’on se laisse rentrer dedans ?
Y aurait-il pas quelqu’un dans un coin, à droite ou à gauche, pour leur dire notre vérité en face ?
Notre vérité, c’est qu’on aimerait bien qu’ils se sortent de leur merde, par eux-mêmes, mais que ce qu’ils font là, c’est ça qui les y enfonce, grave.
P.S. Une personne généralement bien informée et qui préfère garder l’anonymat sur sa source divine m’a expliqué que la personne qu’un musulman doit cacher à tout prix est l’imam caché Al Mahdi. On comprend mieux la réaction du faux mari et des djeunes des cités sensibles.
Euro : ceci n’est pas une croix
Manif pour tous : Le FN ne lâche pas le mouvement
Marion Maréchal-Le Pen ayant souhaité préciser sur deux points l’entretien qu’elle nous a accordé, c’est l’occasion d’exposer le processus de transformation de la parole en texte.
Par Elisabeth Lévy
L’écriture des entretiens relève de l’alchimie. Ce processus de transmutation de la parole en texte est parfois source de divergences. Marion Maréchal-Le Pen a donc souhaité rectifier sur deux points ses propos publiés dans le dernier numéro de Causeur. C’est l’occasion d’explorer l’alambic, autrement dit d’exposer brièvement les règles du jeu d’un échange qui est par nature un affrontement, que l’on soit ou non d’accord avec l’interlocuteur.
La transformation de l’oral en écrit suppose en effet de remanier, reformuler, interpréter, pimenter, rythmer, bref réinventer. Si l’alchimie est réussie, le texte publié restitue la musique, la fluidité et les à-coups, les sautes de tension et les pas de côté d’une conversation. Mais il n’y reste pas grand-chose des phrases prononcées. Toute la difficulté est de faire en sorte qu’il soit vrai.
Les personnes que nous interrogeons sont donc les co-auteurs du texte, dans lequel elles sont libres d’amender leur partition. Aussi leur soumettons-nous la version finale. Toutefois, sachant qu’un texte peut toujours être amélioré, il m’arrive de céder à la tentation de passer un dernier coup de peigne après la relecture par l’intéressé. Il s’agit alors de corrections purement formelles et de coupes destinées à faire entrer le pied dans la chaussette.
Dans l’entretien que nous a accordé la députée du Vaucluse, j’ai supprimé la fin de sa réponse à une question sur l’IVG. Bien entendu, nous n’avons nullement déformé sa position (qui n’est pas hostile à l’avortement mais à son « remboursement intégral et illimité »). Elle affirmait ensuite que « ce n’est pas par la suppression et la répression, mais par l’éducation (….) », qu’on lutterait contre « le recours généralisé à l’IVG ». Quoique cette phrase fût en partie redondante, Marion Maréchal Le Pen tenait à enfoncer le clou. S’agissant d’un sujet sensible sur lequel elle se sait attendue au tournant, on peut le comprendre.
L’autre point contesté concerne ne concerne pas ses propos mais les nôtres. Il est naturel en effet que le questionneur jouisse de la liberté qu’il garantit au questionné – liberté incluant le droit au remords et la possibilité de corriger les effets de l’esprit de l’escalier. Les interventions de la rédaction n’ont pas seulement vocation à interroger, mais aussi à affirmer une position, marquer une distance, exprimer de la colère, du scepticisme ou même de l’approbation. En l’occurrence, j’ai voulu expliquer ce qui, de mon point de vue, est problématique dans la défense que le FN fait de la laïcité, en insérant a posteriori la phrase suivante : « en somme, la laïcité est pour vous un moyen de contenir l’islam. Et le communautarisme des catholiques ne vous soucie que dans la mesure où il pourrait encourager celui des musulmans.» Je maintiens cette interprétation, qui relève de ma seule responsabilité. Il est vrai cependant que cette affirmation peut passer pour une interpellation et que Marion Maréchal Le Pen n’a pu y répondre. Nous l’avons invitée à le faire ici.
Que d’explications pour des problèmes mineurs, pensera-t-on. Sans doute, d’autant plus que les modifications concernées me semblent, en l’occurrence, aussi défendables que contestables. Mais la confrontation civilisée suppose de faire droit au point de vue de « l’adversaire », même si on ne le partage pas entièrement. Nous n’avons aucun problème à admettre des erreurs. À la seule condition qu’on ne mette pas en doute notre intégrité.
Les passages litigieux modifiés sont en italiques dans le texte ci-dessous.
Causeur. Personne n’avait prévu que la loi Taubira susciterait une protestation aussi massive. Comment l’analysez-vous ?
Marion Maréchal-Le Pen. Comme un réveil des consciences ! Les gens ne se sont pas mobilisés pour les retraites ou le taux de TVA, mais pour des valeurs : l’humain, le sacré, la famille, le droit des enfants. C’est un petit retour de flamme.
Qui a allumé la mèche ? Un nouveau peuple de droite, plutôt catholique, que l’on ne connaît pas très bien ?
À l’origine, en effet, le mouvement n’a pas été inspiré par un parti, mais impulsé par les réseaux catholiques. Son unique « personnalité », Frigide Barjot, en a d’ailleurs été exclue quand elle a voulu jouer au leader politique. Au fil des manifestations, la mobilisation s’est élargie à des gens qui, s’ils sont majoritairement à droite, ne sont pas tous croyants. Au passage, j’observe que la France, aussi déchristianisée soit-elle, a réagi bien plus vigoureusement à l’adoption du mariage homosexuel que des pays encore très catholiques comme l’Italie ou l’Espagne.
Puisque vous mentionnez l’Italie et l’Espagne… les vacances vont-elles mettre un point final à l’épisode des Manifs pour tous ?
Non. Je pense que ce mouvement va perdurer pour s’inscrire dans une contestation plus large. À condition de s’emparer d’autres sujets, comme le droit de vote des étrangers et la souveraineté. Savez-vous que l’UE réfléchit à une législation commune sur la GPA ? Il est temps que les électeurs comprennent que tout est lié…
Si cette mobilisation a un avenir politique, quel rôle le FN doit-il y jouer ?
Toute la difficulté est d’accompagner, sans chercher à le récupérer, un mouvement qui ne se veut pas politique et encore moins partisan. C’est ce que nous avons fait jusque-là : face à ceux qui dénonçaient une contestation « homophobe » et « radicale », menée sous l’égide de l’extrême droite, il fallait défendre les manifestants et montrer que ce débat concerne la famille, la liberté, la démocratie. Nous n’allons pas les lâcher maintenant !
Vous faites mine d’oublier que votre électorat, comme votre parti, sont très divisés sur la question. Vous avez pris une part active aux manifestations que Marine Le Pen et Florian Philippot ont boudées…
N’exagérons rien. Il y a certes une différence entre la base militante du parti, clairement opposée au mariage homosexuel, et une partie de nos électeurs qui, selon certains sondages, sont sur des positions plus « progressistes ». Mais je considère que nous avons une ligne politique et que, si une partie de l’électorat ne nous suit pas, notre rôle est de le convaincre, pas de le suivre. Quant à Marine Le Pen, n’oublions pas qu’elle a été la seule personnalité politique à prendre solennellement l’engagement d’abroger cette loi une fois au pouvoir ! Il est vrai que je suis allée sur le terrain, alors que Marine a préféré dénoncer la manœuvre de diversion qu’était le « mariage pour tous ». J’assume nos différences de stratégie. Pour en avoir discuté avec elle, je pense que nos positionnements étaient complémentaires.
Façon élégante de dire qu’il y a un partage des tâches. Sauf qu’à vouloir ratisser large, vous finissez par faire le grand écart…
Il n’y a aucun partage des tâches, mais un souci légitime de s’adresser à tous les Français. Les dernières élections locales ont amené vers nous un nouvel électorat, venu non pas de l’extrême gauche comme par le passé, mais de la gauche. En s’ancrant à droite, Marine Le Pen créerait un a priori négatif chez eux. Je suis convaincue que le positionnement « Ni UMP, ni PS » est le bon choix pour le FN.
Et si la Manif pour tous s’emparait d’autres questions sensibles, comme le droit à l’avortement – encore un sujet qui vous oppose à Marine Le Pen –, comment réagiriez-vous ?
S’ils veulent mobiliser massivement et dans la durée, ils ne doivent pas se cantonner au triptyque mariage/embryon/avortement, aussi légitime soit-il. Le Front national est le seul mouvement à avoir toujours voulu redonner sa dimension sacrée à la vie en remettant en cause le remboursement intégral et illimité de l’avortement. Sur plus de 237 000 IVG par an, les mineures ne représentent même pas 10% des cas ! Sur une question aussi sensible, ce n’est pas par la suppression et la répression mais par l’éducation, par des lois favorisant l’accueil de la vie et un meilleur soutien financier aux familles que nous lutterons efficacement contre le recours généralisé à l’IVG.
Après s’être invités au cœur du débat public, les catholiques pourraient-ils remettre en cause la laïcité à la française ?
Toutes les religions ont naturellement tendance à investir la sphère publique, à confondre temporel et spirituel. C’est à la République de poser les limites, ce qu’aujourd’hui elle ne fait plus face à l’islam. Pour notre liberté à tous et pour nous permettre de lutter efficacement contre les revendications politico-religieuses de l’islam, les catholiques ne doivent pas se risquer à contester la laïcité.
En somme, la laïcité est pour vous un moyen de contenir l’islam. Et le communautarisme des catholiques ne vous soucie que dans la mesure où il pourrait encourager celui des musulmans.
Absolument pas ! Je suis une laïque de conviction ! Si je combats les revendications politico-religieuses de l’Islam ce n’est pas pour que les curés fassent de la politique en France.
Pourtant, le communautarisme catholique peut tout autant contribuer à la ghettoïsation…
C’est un risque. Et le mépris anticatholique de nos élites n’arrange pas les choses. Néanmoins, les jeunes catholiques que j’ai vus dans les rangs de la Manif pour tous ont une vraie intelligence politique. Ils ont compris qu’aujourd’hui, pour gagner, ils ne pouvaient plus se permettre d’être « puristes » et de porter comme seul projet la doctrine sociale de l’Église.
Espérez-vous bénéficier des retombées des Manifs pour tous lors des élections municipales de 2014 ?[access capability= »lire_inedits »]
Peut-être. En tout cas, nous devons regarder vers l’Ouest, là où les choses pourraient commencer à se jouer. Notre marge de manœuvre se trouve désormais là-bas.
Pourtant, malgré les ascendances bretonnes des Le Pen, c’est l’un de vos déserts électoraux depuis quarante ans…
L’Ouest était jusqu’ici assez préservé de la crise économique et des difficultés liées à l’immigration. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ainsi, des grandes villes comme Rennes ou Nantes voient arriver une nouvelle population d’immigrés tandis que montent les revendications communautaristes des Français issus de l’immigration récente. Les Bretons, qui ont une forte identité, voient tout cela d’un assez mauvais œil.
À propos d’identité locale, contrairement à Marine et à Jean-Marie Le Pen qui ont pris leurs distances avec les Identitaires qu’ils qualifient d’« européo-régionalistes », vous semblez être assez proches d’eux. Votre suppléant est issu de la Ligue du Sud : ce choix n’est pas innocent…
La Ligue du Sud ne se confond pas tout à fait avec les Identitaires. C’est un parti très local. J’ajoute qu’au sein des Identitaires il y a des tendances différentes et qu’officiellement, ils ne soutiennent aucun projet séparatiste. Néanmoins, leur régionalisme pourrait effectivement faire le jeu d’une Union européenne qui veut court-circuiter la nation par trois voies : l’intercommunalité, la région, et l’Europe. Pour nous, l’édifice institutionnel est composé de la commune, du département, et de la nation. Ces trois strates, qui ont une existence charnelle, sont particulièrement efficaces.
Mais partagez-vous la conception ethnique de la nation des Identitaires ?
Je suis contre l’ethnicisme identitaire ! La France n’a jamais connu d’homogénéité ethnique. Notre histoire repose sur des peuples celte, germain, basque et latin qui, à force de mariages, de guerres, d’alliances, ont réussi à s’unir, et à constituer une nation, ce qui relève d’ailleurs du miracle. Je crois également à l’intégration, à condition que les politiques soient exigeantes et les flux d’immigration restreints. Nos origines et notre culture sont si hétérogènes que seule la force de la République et de l’État peut nous rassembler. Bref, je suis du côté de Renan contre Fichte.
Vous êtes sévère avec vos amis ! Dans ce cas, pourquoi vous allier avec eux ?
Nous partageons certaines préoccupations comme la lutte contre l’immigration et une certaine inquiétude face à la progression d’un islam de plus en plus radical. Les Identitaires restent attachés à une certaine forme d’identité à la française ainsi qu’à certaines valeurs, comme l’a montré leur opposition ferme au mariage homosexuel. Mais n’oubliez pas qu’il s’agit d’une formation numériquement modeste et donc politiquement peu représentative.
Puisque vous avez sorti la calculette, rappelons qu’en France, pour gouverner, il faut rassembler mais aussi nouer des alliances. Seriez-vous prête à négocier avec l’UMP sur des questions telles que l’euro ou le protectionnisme ?
Sûrement pas ! Si nous commençons à défendre l’Union européenne, la politique d’austérité, la politique monétaire, en quoi serons-nous différents des autres partis ? Notre « plus-value », c’est précisément de proposer une véritable alternative à l’UMP comme au PS. Une alliance avec l’UMP, dont nous critiquons la politique et le bilan, serait totalement incohérente. En revanche, j’espère bien qu’il y aura, au niveau municipal, des alliances avec des personnes.
En réalité, le seul sujet sur lequel vous êtes radicalement opposés à l’UMP, c’est l’Europe. Sur les autres sujets, notamment l’immigration et la sécurité, c’est parfois « blanc bonnet et bonnet blanc » – on le leur reproche suffisamment…
Si l’on juge par les paroles, c’est peut-être vrai, mais je m’intéresse d’abord aux actes, c’est-à-dire à la politique qui a été menée. Et de ce point de vue, le compte n’y est pas. Cela dit, il y a, au sein de l’UMP, de petits électrons libres. Mais ils sont isolés et aujourd’hui inaudibles. C’est peut-être avec eux et grâce à eux que les choses pourraient évoluer.
Comptez-vous ouvrir des brèches au sein de l’UMP ?
Aux municipales, les digues de l’UMP vont céder dans le Sud car la porosité de l’électorat y est très forte. Le Front national y est mieux perçu qu’ailleurs et je crois que certains maires UMP préféreront déplaire à leur état-major plutôt que de perdre leur ville.
Il y a un point sur lequel Marine et vous parlez de la même voix, qui est que, selon vous, le FN change en profondeur. Avec quelle partie de l’héritage de Jean-Marie Le Pen voulez-vous rompre ? Ses déclarations sur l’Holocauste, « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale » ? Celles sur « l’occupation allemande [qui] n’avait pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 kilomètres carrés » ?
Je ne suis pas Jean-Marie Le Pen et je ne vois pas pourquoi l’on me reprocherait des propos tenus alors que je n’étais même pas née ! Les déclarations politiques que vous citez ne font en rien partie du corpus idéologique de notre mouvement et n’entrent évidemment pas dans les motivations de mon engagement politique. J’admets une maladresse et regrette que nous ayons perdu tant de temps à nous justifier sur ces propos malheureux. Je comprends parfaitement que ces phrases puissent avoir été mal comprises et vécues douloureusement par ceux qui ont souffert de ces drames dans leur chair. Le Front national a été conçu, dès son origine, comme la maison commune de tous les patriotes et nationaux. Je crois honnêtement qu’il répondait à un désir de réconciliation. Pour conclure par un symbole qui m’est cher, rappelons-nous qu’à Carpentras, la dépouille (juive) profanée était celle d’un sympathisant actif du Front national…[/access]
Voyage autour de ma chambre d’hôtel
Hier, rien. Ou presque. 5 245 kilomètres entre Paris-Charles-De-Gaulle et Dubaï exclusivement consacrés à revoir de vieux films de science-fiction en sirotant un cru bourgeois, sans jeter un regard au monde qui défile tout en bas, sous des nuages de plus en plus ténus. Huit heures de vol à traverser d’ouest en est une douzaine de pays, des centaines de villes, des montagnes, des déserts, des fleuves et des mers. Plus deux bonnes heures à franchir, de nuit, sur une autoroute vide éclairée comme en plein jour, les quelques arpents de sable qui séparent Dubaï la magnifique, ses fantaisies architecturales et ses centres commerciaux, d’Abu-Dhabi la majestueuse, ses fantaisies architecturales et ses centres commerciaux. Malgré l’hydrométrie surréaliste et une température qui avoisine encore les 35 °C, soit environ 35 degrés de plus qu’à Paris, je n’ai même pas eu le temps de percevoir le changement, passant comme dans un rêve de la climatisation de l’avion à celle de l’aéroport, puis à celle de la limousine, puis à celle de l’hôtel, l’un des innombrables palaces d’une chaîne de luxe qui ressemble comme un frère aux établissements de Singapour, New York ou Monaco.
Hier, rien : c’est aujourd’hui que tout commence, entre ces quatre murs où je suis cloîtré, ayant soigneusement verrouillé ma porte, pressé le bouton indiquant que je souhaite ne pas être dérangé et éteint mon portable, au cas où un collègue téméraire aurait l’idée saugrenue de me proposer une excursion à Al Ain, ou Mascate, ou encore, tout est possible, au « plus grand parc couvert au monde », le Ferrari World Abu Dhabi, dont Wikipédia précise qu’il est également connu sous le nom de « Ferrari Experience »… Tout est clos. Je suis tranquille.
Je jette un coup d’œil par la baie qui couvre la totalité du mur extérieur. Ciel bleu. Soleil radieux. Même la mer est toujours là, ou du moins, ce qui en tient lieu, qui a un faux air de lagune malgré le ballet incessant des jet-ski et les plages artificielles qu’on a installées à grands frais sur ses bords, avec chaises longues, parasols, matelas à louer et filets de beach-volley. La richesse crée l’illusion.[access capability= »lire_inedits »] À l’arrière-plan, il y avait jadis (c’est-à-dire, jusqu’à il y a cinq ans) une sorte d’île des Mille et Une Nuits, une île de sable blanc, très basse sur l’eau, aride, déserte. Une île qui, vue de l’hôtel, provoquait des bouffées de nostalgie mêlées au souvenir des romans d’Henri de Monfreid et du temps, si proche, où Abu-Dhabi n’était qu’une bourgade habitée par les pêcheurs de perles. L’afflux des pétrodollars a fait disparaître cet univers. Sur l’île, on a donc commencé par construire l’une des plus grandes mosquées du monde, toute en coupoles d’une blancheur de sucre glace et en mosaïques de marbre à faire pâlir de jalousie les églises de Florence. Le spectacle, il faut l’avouer, restait féerique. Mais l’urbanisation ne s’est pas arrêtée là, et depuis, la mosquée elle-même se trouve à demi dissimulée derrière des séries de bâtiments plus ou moins luxueux, qui seront bientôt cachés par d’autres, lesquels à leur tour, etc., etc. Sentiment curieux de se retrouver dans la peau de Tintin en Amérique, lorsque celui-ci s’endort un soir dans une immense prairie où ne vivent que des bisons, et se réveille au matin au beau milieu d’une métropole en construction. Rien à espérer de ce côté-là. Rien à voir. Du reste, malgré la climatisation poussée à fond, la vitre reste brûlante. Sans regret, je tire donc le rideau opacifiant, et me retrouve dans une obscurité chatoyante et pleine de fraîcheur. Comprenant du coup pourquoi le Coran fait de l’ombre l’un des attributs du paradis, et la symbolique du parasol, qui constitue dans ces pays la marque du pouvoir. Le temps de m’habituer à la pénombre, et l’exploration peut reprendre.
Mais comment ça, l’exploration ? Si tout se ressemble, et si cette chambre est strictement identique à celle que j’ai occupée, ici même ou ailleurs, il y a quelques mois ou quelques années, qu’y a-t-il à explorer ? L’argument est recevable. C’est d’ailleurs ce qui rend ce genre de voyages si monotone, une fois passée la surprise de la découverte. Mais d’un autre côté, la chambre d’hôtel n’est pas seule en cause : car au fond, dans notre meilleur des mondes à nous, tout finit par se ressembler. Les riches de partout suivent les mêmes régimes, s’habillent de la même manière et se font construire le même genre de maison, néo-Bauhaus mâtiné Franck Lloyd Wright, trois ou quatre cubes encastrés, aménagés suivant les indications strictes des revues de décoration internationale, avec, si possible, un Warhol d’au moins deux mètres sur trois au salon, un Basquiat dans la salle à manger pour ouvrir l’appétit, et un Jeff Koons près de la piscine intérieure. Comme jamais auparavant, les riches ressemblent aux riches, les pauvres ne rêvent que de leur ressembler, et en attendant, ressemblent aux autres pauvres. Uniformisation générale, y compris de ce qui devrait rester particulier, comme le goût. Et dans ce mouvement de globalisation, les grands hôtels internationaux jouent le rôle du fer de lance, de symbole et de vecteur du nivellement.
Pourtant, ce qui distingue du vaste monde le petit univers confiné de ma chambre, c’est que je reste libre de l’aménager à ma guise. Le fauteuil est le même que dans cette suite à Barcelone où j’ai dormi la semaine dernière, mais je peux l’agrémenter, ou le pervertir, comme on voudra. Par exemple, en y installant la vingtaine de volumes que j’ai apportés dans ma valise, sachant très bien à quoi j’occuperai mes jours et mes nuits dans l’Arabie heureuse. Un fauteuil de bibliothèque, un ! Le bureau, en bois sombre, comme de juste, est un clone de celui de mon dernier séjour. Après avoir débranché toutes les prises, connexions, etc., j’y pose une grosse théière pleine d’un Earl Grey brûlant et sucré, et une énorme assiette de dates, pour me rappeler que je ne suis ni à Paris, ni dans ma maison du Perche. « Français, encore un effort… » : sans pitié pour la moquette – évidemment gris chiné -, je pousse le lit king-size contre le bureau, j’allume la veilleuse, et, en évitant de faire tomber la pile, je prends un volume au hasard sur le fauteuil. Un in-12 du milieu du XIXe siècle relié en demi-chagrin tabac. En l’ouvrant, je respire avec bonheur un parfum fragile, mélange excessivement civilisé de colle et de cuir, de papier vergé, d’encre et de poussière d’or. « Plein d’odeurs légères ». Je caresse, sur la page de titre, le relief des lettres imprimées : c’est le Voyage autour de ma chambre, le chef-d’œuvre de Xavier de Maistre. Attention au départ. Le voyage peut enfin commencer.[/access]
*Photo: Visit Abu Dhabi
Saint-Malo – Abyssinie
On aura fait beaucoup de chose au bar de l’Univers, havre malouin chanté par Bernard Lavilliers et fréquenté jadis par Ernest Hemingway. Nous y aurons admiré les tableaux de Gustave Alaux avec A.D.G., fumé des cigarillos avec Michel Déon, d’excellents cigares avec Jean-Paul Kauffmann et abusé des américanos avec Sébastien Lapaque et Olivier Maulin. Comme ce dernier, Bernard Bonnelle aura été révélé par le festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo, où il vient d’obtenir le Prix Nicolas Bouvier 2013. Cet ancien commissaire de la marine, qui a eu la chance de pas mal bourlinguer dans l’Océan Indien, vient d’écrire un fin roman, qu’on dirait ciselé par un sabre de la Royale. C’est sous les auspices d’Arthur Rimbaud et d’Henry de Monfreid, un verre de single malt à la main, que nous aurons refait le monde avec lui place Chateaubriand.
Nous sommes au printemps 1940 à Djibouti. La Côte française des Somalis, « Djibout » pour les intimes, est quasiment encerclée, comme assiégée, par les possessions italiennes que sont l’Ethiopie, l’Erythrée et la Somalie voisines. A l’est, il y a Aden, bastion avancé de nos alliés britanniques.
Le lieutenant de vaisseau Philippe Jouhannaud prend le commandement de l’Etoile-du-Sud – un antique yacht russe devenu patrouilleur colonial français – à la place de son ami Alban de Perthes, un fils de famille protestante du Faubourg-Saint-Germain, dont on a retrouvé le corps dans le carré du navire, une balle dans la tête. Il va se retrouver en butte aux vexations et à la morgue du Commandant de la marine de Djibouti, le capitaine de vaisseau Marquin, mauvais lecteur de Pierre Benoît. Cette « ville française en Afrique » qu’est Djibouti n’est pas grande. La clef du mystère de la mort d’Alban de Perthes se trouve quelque part entre l’église copte éthiopienne et l’établissement de nuit à l’enseigne des Belles Abyssines.
Dès les premières pages de ce roman, on est séduit par la précision du vocabulaire maritime et militaire. Usant d’une langue remarquable, l’auteur évoque à merveille une atmosphère lourde mais colorée par un entrelacs de « calottes brodées des Somalis, turbans des Yéménites, cheveux tressés et graissés des Danakil, larges chapeaux des Abyssins, voiles blancs de leurs compagnes »… Il y a de quelque chose d’Honoré d’Estiennes d’Orves dans ces porteurs d’uniformes blancs. Nous voici transportés entre Dino Buzzati et Pierre Schœndœrffer, entre le Désert des Tartares et le Crabe tambour. On demande des colonies !
Bernard Bonnelle, Aux belles abyssines, La Table Ronde, 184 p., 17 euros.
Chat peut plus durer !
Le chat est un animal étrange dont nous avons déjà abondamment parlé en ces colonnes. Inutile de rappeler ici sa fatuité à toute épreuve, son manque total de dignité quand il s’agit de réclamer sa pitance, son obsession pour les insectes volants qu’il pourchasse comme un débile profond entre les voilages des fenêtres, sa tendance à ronronner bruyamment devant les documentaires animaliers, et surtout sa suffisance – je le répète – qui cache mal un complexe d’infériorité bien compréhensible à l’égard de son cousin le tigre – qui vit l’ivresse des grands espaces au quotidien, et mange des gazelles entières au soleil couchant. Mais nous parlons ici du chat domestique. Du chat d’appartement. Du chat bourgeois. Du chat de centre-ville. Inoffensif par nature. A côté – les rues ne sont plus sûres… – certains chats ont décidé de suivre la voie de la délinquance, et écument nos villes à la recherche de larcins divers, en n’hésitant pas à avoir recours à l’ultra-violence. Ainsi, l’Est-Républicain nous rapporte le cas d’une attaque en bande organisée… « Il était 19 h dimanche, lorsqu’une femme de 31 ans qui promenait sa petite chienne en bordure de bois, aux Terrasses du Mont, a été attaquée par une demi-douzaine de chats. » Le drame s’est déroulé à Belfort, en Franche-Comté, une région qui n’est plus à l’abri des violences urbaines. « Sans crier gare, ces derniers seraient sortis des fourrés et auraient sauté sur sa petite chienne, un caniche nain abricot. » La France orange mécanique, suite. Moins drôle : une fillette a été aussi la cible de cette attaque sauvage. Le vétérinaire qui a soigné le caniche a déclaré qu’en « trente ans d’exercice, il n’avait jamais vu cela ». Une réaction bien instinctive pourrait être de dire, à l’égard de ces populations : « Chat peut plus durer ! »
C’est là, chers lecteurs, que je souhaiterais attirer votre attention sur l’importance de ne pas sombrer dans l’écueil de l’amalgame. Il ne faut pas oublier que l’immense majorité des chats sont paisibles et non violents. Rares sont ceux, statistiquement, qui sont connus des services de police, ou qui ont fait l’objet de condamnation. Si ça et là des actes de déprédation voire de violence gratuite ont pu être commis en bande par des félidés (caniches attaqués, voitures brûlées, etc.), il ne faut jamais perdre de vue les conditions de vie difficiles de ces populations dans certains territoires de notre pays, sinistrés et désertés par les services publics ; plus le chômage, la crise sociale, l’urbanisme, les contrôles d’identité au faciès, la difficulté de trouver des stages – et j’ajoute le coût de la vie qui n’a cessé d’augmenter depuis le passage à l’euro. Alors, je le répète : pas d’amalgames !
Laïcité négative ?
Dans un entretien accordé au journal Le Monde[1. Jean-Louis Bianco, « La France n’a pas de problème avec sa laïcité », propos recueillis par Stéphanie Le Bars, Le Monde, 25 juin 2013.], le président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, ose affirmer que « ces dernières années, on a eu tendance à faire de la laïcité une référence commode, une “réponse-valise” à tous les problèmes de la société » et que « les atteintes à la laïcité ont peut-être été surestimées ». On connaît bien ce refrain pour l’avoir maintes fois entendu au sujet des questions d’insécurité. C’est le cerveau des Français, sujet aux mirages, qui leur jouerait des tours. Dormez, braves gens !
Ayant fait partie de la « mission laïcité » du Haut Conseil à l’intégration jusque très récemment – c’est-à-dire jusqu’à ce que la Présidence de la République la dégage, pour cause de persistance de certains de ses membres à défendre la laïcité et à refuser d’enfourcher le cheval des accommodements dits « raisonnables » importés du Québec, où ils ont rencontré le succès que l’on sait –, je suis des mieux placés pour affirmer que la situation qui est décrite dans cet entretien ne correspond pas à la réalité et que, bien au contraire, la laïcité a été, toutes ces dernières années, la cible privilégiée d’offensives répétées et de moins en moins feutrées. Les tabous ont sauté, la gêne et la mesure se sont envolées. Les rapports publiés par le HCI en attestent : aucun domaine, aucune sphère, aucun lieu n’est épargné.
Jean-Louis Bianco est-il un cas isolé ? Dans une note émanant de Matignon et destinée à préparer, avec les ministères concernés dont celui de l’Intérieur, la refondation de la politique d’intégration, on peut lire que va être mis en œuvre « un vaste travail de refondation de la politique d’intégration, qui pourra prendre en compte les pistes ouvertes par Thierry Tuot[2. Thierry Tuot, « La grande nation : pour une société inclusive », Rapport au Premier ministre sur la refondation des politiques d’intégration, février 2013]». Cette note stipule, entre autres, qu’« il est donc temps d’opérer un déplacement, un pas de côté dans la façon de concevoir ces questions. Ne pas maîtriser la langue française après des années de séjour, porter le foulard, afficher ostensiblement sa différence dans la sphère publique etc., ces éléments peuvent alors se comprendre comme autre chose qu’une tradition maintenue ». Avant d’affirmer que « refonder notre politique d’intégration suppose de répondre à l’attente des personnes immigrées et de leurs descendants : être considérés comme n’importe quel Français ».
Pourquoi cette propension à systématiquement mentir aux immigrés et à leurs descendants ? [access capability= »lire_inedits »]La vérité, c’est que tant qu’existera la communauté nationale française, celle d’Ernest Renan, de Marc Bloch et de Charles de Gaulle, ne seront admis en son sein que ceux qui auront été reconnus par elle comme ayant adopté les principes et valeurs des Français ; le meilleur indicateur en la matière étant la transmission de ces principes à ses propres descendants. Ce qui m’étonne, ce sont l’inertie et le silence assourdissant de Manuel Valls face à ce que les socialistes concoctent sur ces questions, alors qu’il ne doit le brillant de son étoile auprès de l’opinion publique qu’à sa défense de la laïcité et de l’ordre républicain.
Si le principe constitutionnel de laïcité est autant attaqué, c’est qu’il a été parfaitement identifié comme la digue qui protège la France. Finalement, ceux qui abhorrent nos principes auraient eu tort de ménager leurs offensives, tant ils ont été aidés dans leur entreprise par ceux qui depuis l’intérieur du système – médias compris − leur ont bien facilité la tâche : les uns par peur, les autres par une terrifiante indifférence envers le devenir du peuple français, d’autres encore par incompétence, insouciance, légèreté et incapacité chronique à anticiper les conséquences sur la paix civile d’une démission aussi prononcée des élites. Il faudrait un livre entier pour recenser et décrypter les raisons de cette étrange défaite qui frappe de nouveau la France. Le peuple français, lui, aura simplement aspiré au respect des ressorts de son identité. Ce droit élémentaire lui a été dénié. John Fitzgerald Kennedy disait : « À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inéluctable les révolutions violentes. » [/access]
Denys de la Patellière (1921-2013), cinéaste engagé
Denys Dubois de la Patellière vient de nous quitter à l’âge de 92 ans. Cinéaste un peu oublié aujourd’hui. De ceux qui dans les années 50 et 60 tournaient des films en noir et blanc où des orfèvres de génie fabriquaient et enfilaient les morceaux de bravoure. Jean Gabin, Lino Ventura, Bernard Blier, Pierre Brasseur serviteurs inspirés de l’art incomparable de Michel Audiard. C’était un cinéma populaire. D’abord parce qu’il parlait du peuple et de ses différentes facettes. Ensuite parce qu’il parlait au peuple qui aimait ces films. Cela valut à Denys de la Patellière les critiques virulentes de la Nouvelle vague, Godard et Truffaut en tête. Il n’en prit pas ombrage, répondant avec élégance et humilité : « Si on ne veut pas prendre de coups, on ne monte pas sur le ring ». Contrairement à ce que pensaient et disaient nos intellectuels du début des années 60, son cinéma était éminemment politique. Comme l’est d’ailleurs aujourd’hui, celui des héritiers de cette nouvelle vague, qui en dit long sur la France d’aujourd’hui. Notre cher cinéma « à la française » où l’absence d’intrigue et d’histoire, permet la mise en scène des états d’âme des CSP+, qui habitent tous le 4e arrondissement et passent leurs vacances au Cap-Ferret. De son importante production, j’en retiendrai deux, qui j’espère feront l’objet de rediffusions télé dans les jours qui viennent. Tout d’abord, Les Grandes Familles , adaptation du prix Goncourt 1948 écrit par Maurice Druon. Vous savez, l’auteur du Chant des partisans repris à pleins poumons par les amis de Clément Méric devant Sciences-Po. Superbe exercice de sociologie marxiste, et qui à mon avis, dispense de la lecture de Pierre Bourdieu et notamment de La Reproduction.
Et puis bien sûr, il y a l’inoubliable Un Taxi pour Tobrouk. Denys de la Patellière avait fait « une guerre convenable» comme on devait dire dans sa famille. Et perdu deux frères tués dans la Résistance. Cela lui a donné l’envie de faire un vrai film antimilitariste. Je ne sais pas si Xavier Cantat l’a vu, mais cela lui aurait peut-être permis d’éviter sa provocation infantile et l’humiliation de sa compagne. L’histoire de quatre Français libres, guerriers improbables, mais volontaires, dont aucun n’est là par hasard, et qui font leur devoir en maugréant. Trimbalant leur humanité et leur fraternité à un moment où il faudrait justement ne pas en faire preuve. Aucun pathos, élégance, humour et émotion. Pour finir juste une petite perle, celle qui en dit long sur la défaite de 1940. Lino Ventura, sublime cafetier et boxeur bougon (Dudu) : « Nous les Français, les prisonniers on les flingue pas ! ». Réponse de Maurice Biraud, intellectuel distancié et un peu cynique : « Forcément, on n’en a pas beaucoup… ». Un cinéma très politique, on vous dit. Merci Monsieur.
Viol tranquille à Dubaï
« Etes-vous sûre de vouloir appeler la police ? » Question pour le moins gonflée adressée à Marte Dalelv, jeune Norvégienne de 24 ans, tout juste victime d’un viol collectif dans sa chambre d’hôtel dubaïote alors qu’elle était de sortie avec des collègues du cru. « Evidemment que j’en suis sûre, c’est une réaction normale dans ma culture » rétorque t-elle en substance, visiblement sidérée par tant de mépris et d’indifférence à l’égard de son indéniable statut de victime. Pourtant, vu la tournure des événements, il eut été plus judicieux de comprendre cette question comme une véritable mise en garde. Un tribunal de Dubaï va en effet de condamner la jeune décoratrice d’intérieur à une peine de seize mois de prison pour « comportement licencieux, impliquant une relation sexuelle hors mariage, et la consommation de substances alcoolisées ». Et voilà ! Encore une qui aurait mieux fait de potasser l’indispensable « Charia pour les Nuls » plutôt que de se contenter des bons plans du Lonely Planet. Bon sang que les occidentaux sont incorrigibles… toujours si prompts à tenir pour universel un corpus de valeurs dont ils oublient allègrement qu’il est le fruit d’une histoire singulière. Comment ?! Le statut de victime échapperait-il à des critères universellement établis ? M’aurait-on menti ?! Pauvre Marte. Toi qui croyais naïvement que le mouvement d’unification du monde était achevé, tu découvres avec stupeur que l’Ailleurs existe encore. Un ailleurs d’autant plus répugnant qu’il se pare des atours de la modernité pour mieux te duper.
Dubaï. Il faut dire que l’on se sentirait presque à la maison dans cette ville champignon abonnée aux superlatifs : gratte-ciels hyper-modernes, centres commerciaux hyper-climatisés, collègues anglophones hyper sympas. Autant d’ingrédients familiers qui, pour le coup, invitent le visiteur occidental à baisser la garde à la moindre occasion. Du soleil toute l’année. Des expats en veux-tu en voilà. Des soirées bien arrosées. Une ambiance de fête… Et c’est là que le piège peut se refermer violemment. Tel fut le cas d’Alicia Gali, cette australienne qui, en 2008, écopait d’une peine de 11 mois de prison ferme pour des faits similaires, et qui se faisait lâcher par son propre gouvernement histoire de « ne pas faire de vagues » avec le puissant partenaire Emirati. Nothing personal, just business. Ou encore le cas de Charlotte Adams, cette jeune britannique qui a passé 23 jours derrière les barreaux en 2010 pour avoir commis l’impair de saluer un ami en public « en l’embrassant sur la joue ». De bien belles leçons pour tous ces touristes bernés par l’illusion d’un occident sans frontières, qui considèrent à tort que nos valeurs relèvent de l’évidence partout où ils se rendent (quitte à piétiner, au passage, le sacro-saint relativisme culturel que certains parmi eux se plaisent à défendre farouchement ! Mais bon, on n’est plus à une contradiction près…)
Mais restons un instant sur Dubaï. Cet oasis de modernité dans une région en proie au sectarisme religieux. Ou plutôt ce village Potemkine destiné à masquer la réalité d’une société façonnée par des mœurs archaïques qui, malgré les apparences, restent toujours aussi vivaces. En dépit des ornements et du maquillage, le ventre de la bête reste particulièrement fécond. Ce faux parfum de modernité mystifie aisément l’occidental de service, sûr de ses valeurs, qui finit par occulter deux ou trois points de détails, comme le fait que le code juridique local soit fondé sur la charia. Ce qui en soit peut poser quelques problèmes d’acclimatation notamment dans le cas… d’un viol, par exemple. En effet, on est heureux d’apprendre que dans la loi traditionnelle islamique, le viol ne peut être prouvé que lorsque quatre hommes (musulmans bien évidemment) affirment avoir été témoins de la scène (Sourate 24:4,13). Dit autrement, une femme violée ne peut en aucun cas demander réparation en tous lieux où commande la loi islamique. Et, cerise sur le minaret, une femme qui a eu l’audace de dire qu’elle a été violée et qui échoue à présenter quatre témoins mâles (ce qui est manifestement le cas pour notre pauvre Norvégienne) finit par être punie car sa plainte est reçue comme un aveu d’un rapport sexuel pré-mariage ou adultérin. Au passage, c’est pour cela que 75% des femmes emprisonnées au Pakistan sont derrière les barreaux pour l’ignoble crime d’avoir été victimes de viol.
On finit par presque sourire lorsque l’on apprend que Marte, lâchée par son employeur et soutenue du bout des doigts par son pays d’origine, ira d’abord trouver refuge à la Norvegian Seamen’s Church. L’Eglise comme ultime bastion des valeurs occidentales dans un monde ensauvagé ? De quoi aider à retrouver la foi ! En attendant, les prières de Sœur Marte ont été entendues puisque, dans la crainte d’ébruiter pareil scandale, les autorités Emirati ont finalement accepté de la gracier, ou plutôt de lui accorder un « pardon », ce qui du même coup revient à confirmer sa culpabilité dans cette sordide affaire. Rassurer la communauté internationale d’un côté tout en préservant la cohérence du dogme de l’autre. Aux Emirats, la Charia retombe toujours sur ses pattes.
*Photo: capture d’écran Euronews
Trappes : métaphysique de la burqa
Tout ce qu’on sait du point de départ de l’affaire de Trappes, c’est qu’un homme a empêché un policier de dévoiler le visage de la personne dont il était accompagné, et qu’il a réagi avec une violence qui oblige à s’interroger sur ce qu’il avait si impérieusement besoin de dissimuler au regard du monde.
Tout le monde a admis et répété sans y réfléchir à deux fois qu’il s’agissait de sa femme. Tu parles !
En réalité, personne ne peut le savoir, puisque cette personne, disons, cette chose, était entièrement couverte d’un vêtement.
René Descartes s’est posé la bonne question dans ses Méditations métaphysiques. Il remarque qu’il est tenté de croire qu’il ne peut connaitre que ce qu’il voit, « si par hasard je ne regardais d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, (…) et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux qui pourraient couvrir des machines artificielles qui ne se remueraient que par ressorts? »
Appliquons le doute de René Descartes au couple de Trappes.
L’homme qui s’est jeté sur le policier voulait peut-être cacher qu’il était épris d’une machine artificielle, avec laquelle le mariage pour tous n’est pas encore chose admise ?
Autre hypothèse : la chose qui marchait à ses côtés était un transsexuel qu’il n’avait pas encore présenté à ses parents ?
Ou, tout bêtement, c’était son amoureux du même sexe, ce qui ne devrait plus poser de problème à Trappes, sauf si l’un est chiite et l’autre sunnite?
À moins qu’il la conduisit à un bal masqué entre porteurs de voile intégral?
Comment le savoir, nous qui sommes placés sous voile d’ignorance ?
Ils le savaient sûrement, les centaines de djeunes trappistes qui sont venus encercler le commissariat pour en extirper de force le prisonnier, comme on voit dans les westerns.
Ils le savaient, forcément, puisqu’ils sont venus prêter main-forte à cet homme si pudique, mais leur pudeur à eux leur interdit de le dire. Ils ne causent pas des choses du sexe, et ils ne sont pas non plus du genre à parler des choses du genre, surtout en période de Ramadan, et on ne peut tout de même pas les en blâmer.
En tout cas, ce qui était visible à l’œil nu pour tous ceux qui ne sont pas des fachos de chez facho, c’est que cette émeute n’était absolument pas due à un réflexe communautariste anti-français. Non, ce qui a poussé ces djeunes à s’indigner, c’est le chômage et la misère, comme d’hab.
Sans oublier la discrimination islamophobe dont ils sont victimes à l’école, y a qu’à voir leurs notes !
C’est le chômage et la misère aussi qui expliquent que les victimes de la catastrophe de Brétigny aient été délestées de leurs portables, sans doute par des jeunes mendiants faméliques et presque tous aveugles.
Nos politiques, – enfin ceux qui ne sont pas des fachos,- leur ont dit très sévèrement que, « d’accord le social, c’est l’explication de l’émeute, mais c’est pas une excuse ». Et vlan !
Sauf que pardon, mais si on leur répète qu’ils sont vraiment nos victimes innocentes, pourquoi qu’ils se révolteraient pas contre nous?
Bref, nous faut-il choisir entre un Front national qui voudrait les foutre dehors et un Front de gauche qui voudrait qu’on se laisse rentrer dedans ?
Y aurait-il pas quelqu’un dans un coin, à droite ou à gauche, pour leur dire notre vérité en face ?
Notre vérité, c’est qu’on aimerait bien qu’ils se sortent de leur merde, par eux-mêmes, mais que ce qu’ils font là, c’est ça qui les y enfonce, grave.
P.S. Une personne généralement bien informée et qui préfère garder l’anonymat sur sa source divine m’a expliqué que la personne qu’un musulman doit cacher à tout prix est l’imam caché Al Mahdi. On comprend mieux la réaction du faux mari et des djeunes des cités sensibles.
Euro : ceci n’est pas une croix
Manif pour tous : Le FN ne lâche pas le mouvement
Marion Maréchal-Le Pen ayant souhaité préciser sur deux points l’entretien qu’elle nous a accordé, c’est l’occasion d’exposer le processus de transformation de la parole en texte.
Par Elisabeth Lévy
L’écriture des entretiens relève de l’alchimie. Ce processus de transmutation de la parole en texte est parfois source de divergences. Marion Maréchal-Le Pen a donc souhaité rectifier sur deux points ses propos publiés dans le dernier numéro de Causeur. C’est l’occasion d’explorer l’alambic, autrement dit d’exposer brièvement les règles du jeu d’un échange qui est par nature un affrontement, que l’on soit ou non d’accord avec l’interlocuteur.
La transformation de l’oral en écrit suppose en effet de remanier, reformuler, interpréter, pimenter, rythmer, bref réinventer. Si l’alchimie est réussie, le texte publié restitue la musique, la fluidité et les à-coups, les sautes de tension et les pas de côté d’une conversation. Mais il n’y reste pas grand-chose des phrases prononcées. Toute la difficulté est de faire en sorte qu’il soit vrai.
Les personnes que nous interrogeons sont donc les co-auteurs du texte, dans lequel elles sont libres d’amender leur partition. Aussi leur soumettons-nous la version finale. Toutefois, sachant qu’un texte peut toujours être amélioré, il m’arrive de céder à la tentation de passer un dernier coup de peigne après la relecture par l’intéressé. Il s’agit alors de corrections purement formelles et de coupes destinées à faire entrer le pied dans la chaussette.
Dans l’entretien que nous a accordé la députée du Vaucluse, j’ai supprimé la fin de sa réponse à une question sur l’IVG. Bien entendu, nous n’avons nullement déformé sa position (qui n’est pas hostile à l’avortement mais à son « remboursement intégral et illimité »). Elle affirmait ensuite que « ce n’est pas par la suppression et la répression, mais par l’éducation (….) », qu’on lutterait contre « le recours généralisé à l’IVG ». Quoique cette phrase fût en partie redondante, Marion Maréchal Le Pen tenait à enfoncer le clou. S’agissant d’un sujet sensible sur lequel elle se sait attendue au tournant, on peut le comprendre.
L’autre point contesté concerne ne concerne pas ses propos mais les nôtres. Il est naturel en effet que le questionneur jouisse de la liberté qu’il garantit au questionné – liberté incluant le droit au remords et la possibilité de corriger les effets de l’esprit de l’escalier. Les interventions de la rédaction n’ont pas seulement vocation à interroger, mais aussi à affirmer une position, marquer une distance, exprimer de la colère, du scepticisme ou même de l’approbation. En l’occurrence, j’ai voulu expliquer ce qui, de mon point de vue, est problématique dans la défense que le FN fait de la laïcité, en insérant a posteriori la phrase suivante : « en somme, la laïcité est pour vous un moyen de contenir l’islam. Et le communautarisme des catholiques ne vous soucie que dans la mesure où il pourrait encourager celui des musulmans.» Je maintiens cette interprétation, qui relève de ma seule responsabilité. Il est vrai cependant que cette affirmation peut passer pour une interpellation et que Marion Maréchal Le Pen n’a pu y répondre. Nous l’avons invitée à le faire ici.
Que d’explications pour des problèmes mineurs, pensera-t-on. Sans doute, d’autant plus que les modifications concernées me semblent, en l’occurrence, aussi défendables que contestables. Mais la confrontation civilisée suppose de faire droit au point de vue de « l’adversaire », même si on ne le partage pas entièrement. Nous n’avons aucun problème à admettre des erreurs. À la seule condition qu’on ne mette pas en doute notre intégrité.
Les passages litigieux modifiés sont en italiques dans le texte ci-dessous.
Causeur. Personne n’avait prévu que la loi Taubira susciterait une protestation aussi massive. Comment l’analysez-vous ?
Marion Maréchal-Le Pen. Comme un réveil des consciences ! Les gens ne se sont pas mobilisés pour les retraites ou le taux de TVA, mais pour des valeurs : l’humain, le sacré, la famille, le droit des enfants. C’est un petit retour de flamme.
Qui a allumé la mèche ? Un nouveau peuple de droite, plutôt catholique, que l’on ne connaît pas très bien ?
À l’origine, en effet, le mouvement n’a pas été inspiré par un parti, mais impulsé par les réseaux catholiques. Son unique « personnalité », Frigide Barjot, en a d’ailleurs été exclue quand elle a voulu jouer au leader politique. Au fil des manifestations, la mobilisation s’est élargie à des gens qui, s’ils sont majoritairement à droite, ne sont pas tous croyants. Au passage, j’observe que la France, aussi déchristianisée soit-elle, a réagi bien plus vigoureusement à l’adoption du mariage homosexuel que des pays encore très catholiques comme l’Italie ou l’Espagne.
Puisque vous mentionnez l’Italie et l’Espagne… les vacances vont-elles mettre un point final à l’épisode des Manifs pour tous ?
Non. Je pense que ce mouvement va perdurer pour s’inscrire dans une contestation plus large. À condition de s’emparer d’autres sujets, comme le droit de vote des étrangers et la souveraineté. Savez-vous que l’UE réfléchit à une législation commune sur la GPA ? Il est temps que les électeurs comprennent que tout est lié…
Si cette mobilisation a un avenir politique, quel rôle le FN doit-il y jouer ?
Toute la difficulté est d’accompagner, sans chercher à le récupérer, un mouvement qui ne se veut pas politique et encore moins partisan. C’est ce que nous avons fait jusque-là : face à ceux qui dénonçaient une contestation « homophobe » et « radicale », menée sous l’égide de l’extrême droite, il fallait défendre les manifestants et montrer que ce débat concerne la famille, la liberté, la démocratie. Nous n’allons pas les lâcher maintenant !
Vous faites mine d’oublier que votre électorat, comme votre parti, sont très divisés sur la question. Vous avez pris une part active aux manifestations que Marine Le Pen et Florian Philippot ont boudées…
N’exagérons rien. Il y a certes une différence entre la base militante du parti, clairement opposée au mariage homosexuel, et une partie de nos électeurs qui, selon certains sondages, sont sur des positions plus « progressistes ». Mais je considère que nous avons une ligne politique et que, si une partie de l’électorat ne nous suit pas, notre rôle est de le convaincre, pas de le suivre. Quant à Marine Le Pen, n’oublions pas qu’elle a été la seule personnalité politique à prendre solennellement l’engagement d’abroger cette loi une fois au pouvoir ! Il est vrai que je suis allée sur le terrain, alors que Marine a préféré dénoncer la manœuvre de diversion qu’était le « mariage pour tous ». J’assume nos différences de stratégie. Pour en avoir discuté avec elle, je pense que nos positionnements étaient complémentaires.
Façon élégante de dire qu’il y a un partage des tâches. Sauf qu’à vouloir ratisser large, vous finissez par faire le grand écart…
Il n’y a aucun partage des tâches, mais un souci légitime de s’adresser à tous les Français. Les dernières élections locales ont amené vers nous un nouvel électorat, venu non pas de l’extrême gauche comme par le passé, mais de la gauche. En s’ancrant à droite, Marine Le Pen créerait un a priori négatif chez eux. Je suis convaincue que le positionnement « Ni UMP, ni PS » est le bon choix pour le FN.
Et si la Manif pour tous s’emparait d’autres questions sensibles, comme le droit à l’avortement – encore un sujet qui vous oppose à Marine Le Pen –, comment réagiriez-vous ?
S’ils veulent mobiliser massivement et dans la durée, ils ne doivent pas se cantonner au triptyque mariage/embryon/avortement, aussi légitime soit-il. Le Front national est le seul mouvement à avoir toujours voulu redonner sa dimension sacrée à la vie en remettant en cause le remboursement intégral et illimité de l’avortement. Sur plus de 237 000 IVG par an, les mineures ne représentent même pas 10% des cas ! Sur une question aussi sensible, ce n’est pas par la suppression et la répression mais par l’éducation, par des lois favorisant l’accueil de la vie et un meilleur soutien financier aux familles que nous lutterons efficacement contre le recours généralisé à l’IVG.
Après s’être invités au cœur du débat public, les catholiques pourraient-ils remettre en cause la laïcité à la française ?
Toutes les religions ont naturellement tendance à investir la sphère publique, à confondre temporel et spirituel. C’est à la République de poser les limites, ce qu’aujourd’hui elle ne fait plus face à l’islam. Pour notre liberté à tous et pour nous permettre de lutter efficacement contre les revendications politico-religieuses de l’islam, les catholiques ne doivent pas se risquer à contester la laïcité.
En somme, la laïcité est pour vous un moyen de contenir l’islam. Et le communautarisme des catholiques ne vous soucie que dans la mesure où il pourrait encourager celui des musulmans.
Absolument pas ! Je suis une laïque de conviction ! Si je combats les revendications politico-religieuses de l’Islam ce n’est pas pour que les curés fassent de la politique en France.
Pourtant, le communautarisme catholique peut tout autant contribuer à la ghettoïsation…
C’est un risque. Et le mépris anticatholique de nos élites n’arrange pas les choses. Néanmoins, les jeunes catholiques que j’ai vus dans les rangs de la Manif pour tous ont une vraie intelligence politique. Ils ont compris qu’aujourd’hui, pour gagner, ils ne pouvaient plus se permettre d’être « puristes » et de porter comme seul projet la doctrine sociale de l’Église.
Espérez-vous bénéficier des retombées des Manifs pour tous lors des élections municipales de 2014 ?[access capability= »lire_inedits »]
Peut-être. En tout cas, nous devons regarder vers l’Ouest, là où les choses pourraient commencer à se jouer. Notre marge de manœuvre se trouve désormais là-bas.
Pourtant, malgré les ascendances bretonnes des Le Pen, c’est l’un de vos déserts électoraux depuis quarante ans…
L’Ouest était jusqu’ici assez préservé de la crise économique et des difficultés liées à l’immigration. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ainsi, des grandes villes comme Rennes ou Nantes voient arriver une nouvelle population d’immigrés tandis que montent les revendications communautaristes des Français issus de l’immigration récente. Les Bretons, qui ont une forte identité, voient tout cela d’un assez mauvais œil.
À propos d’identité locale, contrairement à Marine et à Jean-Marie Le Pen qui ont pris leurs distances avec les Identitaires qu’ils qualifient d’« européo-régionalistes », vous semblez être assez proches d’eux. Votre suppléant est issu de la Ligue du Sud : ce choix n’est pas innocent…
La Ligue du Sud ne se confond pas tout à fait avec les Identitaires. C’est un parti très local. J’ajoute qu’au sein des Identitaires il y a des tendances différentes et qu’officiellement, ils ne soutiennent aucun projet séparatiste. Néanmoins, leur régionalisme pourrait effectivement faire le jeu d’une Union européenne qui veut court-circuiter la nation par trois voies : l’intercommunalité, la région, et l’Europe. Pour nous, l’édifice institutionnel est composé de la commune, du département, et de la nation. Ces trois strates, qui ont une existence charnelle, sont particulièrement efficaces.
Mais partagez-vous la conception ethnique de la nation des Identitaires ?
Je suis contre l’ethnicisme identitaire ! La France n’a jamais connu d’homogénéité ethnique. Notre histoire repose sur des peuples celte, germain, basque et latin qui, à force de mariages, de guerres, d’alliances, ont réussi à s’unir, et à constituer une nation, ce qui relève d’ailleurs du miracle. Je crois également à l’intégration, à condition que les politiques soient exigeantes et les flux d’immigration restreints. Nos origines et notre culture sont si hétérogènes que seule la force de la République et de l’État peut nous rassembler. Bref, je suis du côté de Renan contre Fichte.
Vous êtes sévère avec vos amis ! Dans ce cas, pourquoi vous allier avec eux ?
Nous partageons certaines préoccupations comme la lutte contre l’immigration et une certaine inquiétude face à la progression d’un islam de plus en plus radical. Les Identitaires restent attachés à une certaine forme d’identité à la française ainsi qu’à certaines valeurs, comme l’a montré leur opposition ferme au mariage homosexuel. Mais n’oubliez pas qu’il s’agit d’une formation numériquement modeste et donc politiquement peu représentative.
Puisque vous avez sorti la calculette, rappelons qu’en France, pour gouverner, il faut rassembler mais aussi nouer des alliances. Seriez-vous prête à négocier avec l’UMP sur des questions telles que l’euro ou le protectionnisme ?
Sûrement pas ! Si nous commençons à défendre l’Union européenne, la politique d’austérité, la politique monétaire, en quoi serons-nous différents des autres partis ? Notre « plus-value », c’est précisément de proposer une véritable alternative à l’UMP comme au PS. Une alliance avec l’UMP, dont nous critiquons la politique et le bilan, serait totalement incohérente. En revanche, j’espère bien qu’il y aura, au niveau municipal, des alliances avec des personnes.
En réalité, le seul sujet sur lequel vous êtes radicalement opposés à l’UMP, c’est l’Europe. Sur les autres sujets, notamment l’immigration et la sécurité, c’est parfois « blanc bonnet et bonnet blanc » – on le leur reproche suffisamment…
Si l’on juge par les paroles, c’est peut-être vrai, mais je m’intéresse d’abord aux actes, c’est-à-dire à la politique qui a été menée. Et de ce point de vue, le compte n’y est pas. Cela dit, il y a, au sein de l’UMP, de petits électrons libres. Mais ils sont isolés et aujourd’hui inaudibles. C’est peut-être avec eux et grâce à eux que les choses pourraient évoluer.
Comptez-vous ouvrir des brèches au sein de l’UMP ?
Aux municipales, les digues de l’UMP vont céder dans le Sud car la porosité de l’électorat y est très forte. Le Front national y est mieux perçu qu’ailleurs et je crois que certains maires UMP préféreront déplaire à leur état-major plutôt que de perdre leur ville.
Il y a un point sur lequel Marine et vous parlez de la même voix, qui est que, selon vous, le FN change en profondeur. Avec quelle partie de l’héritage de Jean-Marie Le Pen voulez-vous rompre ? Ses déclarations sur l’Holocauste, « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale » ? Celles sur « l’occupation allemande [qui] n’avait pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 kilomètres carrés » ?
Je ne suis pas Jean-Marie Le Pen et je ne vois pas pourquoi l’on me reprocherait des propos tenus alors que je n’étais même pas née ! Les déclarations politiques que vous citez ne font en rien partie du corpus idéologique de notre mouvement et n’entrent évidemment pas dans les motivations de mon engagement politique. J’admets une maladresse et regrette que nous ayons perdu tant de temps à nous justifier sur ces propos malheureux. Je comprends parfaitement que ces phrases puissent avoir été mal comprises et vécues douloureusement par ceux qui ont souffert de ces drames dans leur chair. Le Front national a été conçu, dès son origine, comme la maison commune de tous les patriotes et nationaux. Je crois honnêtement qu’il répondait à un désir de réconciliation. Pour conclure par un symbole qui m’est cher, rappelons-nous qu’à Carpentras, la dépouille (juive) profanée était celle d’un sympathisant actif du Front national…[/access]
Voyage autour de ma chambre d’hôtel
Hier, rien. Ou presque. 5 245 kilomètres entre Paris-Charles-De-Gaulle et Dubaï exclusivement consacrés à revoir de vieux films de science-fiction en sirotant un cru bourgeois, sans jeter un regard au monde qui défile tout en bas, sous des nuages de plus en plus ténus. Huit heures de vol à traverser d’ouest en est une douzaine de pays, des centaines de villes, des montagnes, des déserts, des fleuves et des mers. Plus deux bonnes heures à franchir, de nuit, sur une autoroute vide éclairée comme en plein jour, les quelques arpents de sable qui séparent Dubaï la magnifique, ses fantaisies architecturales et ses centres commerciaux, d’Abu-Dhabi la majestueuse, ses fantaisies architecturales et ses centres commerciaux. Malgré l’hydrométrie surréaliste et une température qui avoisine encore les 35 °C, soit environ 35 degrés de plus qu’à Paris, je n’ai même pas eu le temps de percevoir le changement, passant comme dans un rêve de la climatisation de l’avion à celle de l’aéroport, puis à celle de la limousine, puis à celle de l’hôtel, l’un des innombrables palaces d’une chaîne de luxe qui ressemble comme un frère aux établissements de Singapour, New York ou Monaco.
Hier, rien : c’est aujourd’hui que tout commence, entre ces quatre murs où je suis cloîtré, ayant soigneusement verrouillé ma porte, pressé le bouton indiquant que je souhaite ne pas être dérangé et éteint mon portable, au cas où un collègue téméraire aurait l’idée saugrenue de me proposer une excursion à Al Ain, ou Mascate, ou encore, tout est possible, au « plus grand parc couvert au monde », le Ferrari World Abu Dhabi, dont Wikipédia précise qu’il est également connu sous le nom de « Ferrari Experience »… Tout est clos. Je suis tranquille.
Je jette un coup d’œil par la baie qui couvre la totalité du mur extérieur. Ciel bleu. Soleil radieux. Même la mer est toujours là, ou du moins, ce qui en tient lieu, qui a un faux air de lagune malgré le ballet incessant des jet-ski et les plages artificielles qu’on a installées à grands frais sur ses bords, avec chaises longues, parasols, matelas à louer et filets de beach-volley. La richesse crée l’illusion.[access capability= »lire_inedits »] À l’arrière-plan, il y avait jadis (c’est-à-dire, jusqu’à il y a cinq ans) une sorte d’île des Mille et Une Nuits, une île de sable blanc, très basse sur l’eau, aride, déserte. Une île qui, vue de l’hôtel, provoquait des bouffées de nostalgie mêlées au souvenir des romans d’Henri de Monfreid et du temps, si proche, où Abu-Dhabi n’était qu’une bourgade habitée par les pêcheurs de perles. L’afflux des pétrodollars a fait disparaître cet univers. Sur l’île, on a donc commencé par construire l’une des plus grandes mosquées du monde, toute en coupoles d’une blancheur de sucre glace et en mosaïques de marbre à faire pâlir de jalousie les églises de Florence. Le spectacle, il faut l’avouer, restait féerique. Mais l’urbanisation ne s’est pas arrêtée là, et depuis, la mosquée elle-même se trouve à demi dissimulée derrière des séries de bâtiments plus ou moins luxueux, qui seront bientôt cachés par d’autres, lesquels à leur tour, etc., etc. Sentiment curieux de se retrouver dans la peau de Tintin en Amérique, lorsque celui-ci s’endort un soir dans une immense prairie où ne vivent que des bisons, et se réveille au matin au beau milieu d’une métropole en construction. Rien à espérer de ce côté-là. Rien à voir. Du reste, malgré la climatisation poussée à fond, la vitre reste brûlante. Sans regret, je tire donc le rideau opacifiant, et me retrouve dans une obscurité chatoyante et pleine de fraîcheur. Comprenant du coup pourquoi le Coran fait de l’ombre l’un des attributs du paradis, et la symbolique du parasol, qui constitue dans ces pays la marque du pouvoir. Le temps de m’habituer à la pénombre, et l’exploration peut reprendre.
Mais comment ça, l’exploration ? Si tout se ressemble, et si cette chambre est strictement identique à celle que j’ai occupée, ici même ou ailleurs, il y a quelques mois ou quelques années, qu’y a-t-il à explorer ? L’argument est recevable. C’est d’ailleurs ce qui rend ce genre de voyages si monotone, une fois passée la surprise de la découverte. Mais d’un autre côté, la chambre d’hôtel n’est pas seule en cause : car au fond, dans notre meilleur des mondes à nous, tout finit par se ressembler. Les riches de partout suivent les mêmes régimes, s’habillent de la même manière et se font construire le même genre de maison, néo-Bauhaus mâtiné Franck Lloyd Wright, trois ou quatre cubes encastrés, aménagés suivant les indications strictes des revues de décoration internationale, avec, si possible, un Warhol d’au moins deux mètres sur trois au salon, un Basquiat dans la salle à manger pour ouvrir l’appétit, et un Jeff Koons près de la piscine intérieure. Comme jamais auparavant, les riches ressemblent aux riches, les pauvres ne rêvent que de leur ressembler, et en attendant, ressemblent aux autres pauvres. Uniformisation générale, y compris de ce qui devrait rester particulier, comme le goût. Et dans ce mouvement de globalisation, les grands hôtels internationaux jouent le rôle du fer de lance, de symbole et de vecteur du nivellement.
Pourtant, ce qui distingue du vaste monde le petit univers confiné de ma chambre, c’est que je reste libre de l’aménager à ma guise. Le fauteuil est le même que dans cette suite à Barcelone où j’ai dormi la semaine dernière, mais je peux l’agrémenter, ou le pervertir, comme on voudra. Par exemple, en y installant la vingtaine de volumes que j’ai apportés dans ma valise, sachant très bien à quoi j’occuperai mes jours et mes nuits dans l’Arabie heureuse. Un fauteuil de bibliothèque, un ! Le bureau, en bois sombre, comme de juste, est un clone de celui de mon dernier séjour. Après avoir débranché toutes les prises, connexions, etc., j’y pose une grosse théière pleine d’un Earl Grey brûlant et sucré, et une énorme assiette de dates, pour me rappeler que je ne suis ni à Paris, ni dans ma maison du Perche. « Français, encore un effort… » : sans pitié pour la moquette – évidemment gris chiné -, je pousse le lit king-size contre le bureau, j’allume la veilleuse, et, en évitant de faire tomber la pile, je prends un volume au hasard sur le fauteuil. Un in-12 du milieu du XIXe siècle relié en demi-chagrin tabac. En l’ouvrant, je respire avec bonheur un parfum fragile, mélange excessivement civilisé de colle et de cuir, de papier vergé, d’encre et de poussière d’or. « Plein d’odeurs légères ». Je caresse, sur la page de titre, le relief des lettres imprimées : c’est le Voyage autour de ma chambre, le chef-d’œuvre de Xavier de Maistre. Attention au départ. Le voyage peut enfin commencer.[/access]
*Photo: Visit Abu Dhabi
Saint-Malo – Abyssinie
On aura fait beaucoup de chose au bar de l’Univers, havre malouin chanté par Bernard Lavilliers et fréquenté jadis par Ernest Hemingway. Nous y aurons admiré les tableaux de Gustave Alaux avec A.D.G., fumé des cigarillos avec Michel Déon, d’excellents cigares avec Jean-Paul Kauffmann et abusé des américanos avec Sébastien Lapaque et Olivier Maulin. Comme ce dernier, Bernard Bonnelle aura été révélé par le festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo, où il vient d’obtenir le Prix Nicolas Bouvier 2013. Cet ancien commissaire de la marine, qui a eu la chance de pas mal bourlinguer dans l’Océan Indien, vient d’écrire un fin roman, qu’on dirait ciselé par un sabre de la Royale. C’est sous les auspices d’Arthur Rimbaud et d’Henry de Monfreid, un verre de single malt à la main, que nous aurons refait le monde avec lui place Chateaubriand.
Nous sommes au printemps 1940 à Djibouti. La Côte française des Somalis, « Djibout » pour les intimes, est quasiment encerclée, comme assiégée, par les possessions italiennes que sont l’Ethiopie, l’Erythrée et la Somalie voisines. A l’est, il y a Aden, bastion avancé de nos alliés britanniques.
Le lieutenant de vaisseau Philippe Jouhannaud prend le commandement de l’Etoile-du-Sud – un antique yacht russe devenu patrouilleur colonial français – à la place de son ami Alban de Perthes, un fils de famille protestante du Faubourg-Saint-Germain, dont on a retrouvé le corps dans le carré du navire, une balle dans la tête. Il va se retrouver en butte aux vexations et à la morgue du Commandant de la marine de Djibouti, le capitaine de vaisseau Marquin, mauvais lecteur de Pierre Benoît. Cette « ville française en Afrique » qu’est Djibouti n’est pas grande. La clef du mystère de la mort d’Alban de Perthes se trouve quelque part entre l’église copte éthiopienne et l’établissement de nuit à l’enseigne des Belles Abyssines.
Dès les premières pages de ce roman, on est séduit par la précision du vocabulaire maritime et militaire. Usant d’une langue remarquable, l’auteur évoque à merveille une atmosphère lourde mais colorée par un entrelacs de « calottes brodées des Somalis, turbans des Yéménites, cheveux tressés et graissés des Danakil, larges chapeaux des Abyssins, voiles blancs de leurs compagnes »… Il y a de quelque chose d’Honoré d’Estiennes d’Orves dans ces porteurs d’uniformes blancs. Nous voici transportés entre Dino Buzzati et Pierre Schœndœrffer, entre le Désert des Tartares et le Crabe tambour. On demande des colonies !
Bernard Bonnelle, Aux belles abyssines, La Table Ronde, 184 p., 17 euros.


