Les agressions sexuelles commises par des immigrés, et les silences gênés chez les féministes, rappellent des conseils passés farfelus comme « restez à un bras d’écart » ou « élargissons les trottoirs ». Mais désormais, sur ces affaires, le magnat Musk veille…
"On a subi des attouchements": à Milan pour fêter le Nouvel an, Laura et ses amis ont été victimes d'agressions https://t.co/MJ4CcWgiKR
Les faits sont passés quasiment inaperçus dans la presse française : de jeunes Liégeoises ont été victimes d’agressions sexuelles, sur la piazza del Duomo de Milan, lors du réveillon du Nouvel An. Principalement visées, trois filles ont eu à subir des attouchements, dont quelques mains baladeuses introduites jusqu’à l’intérieur de leurs vêtements. Une des victimes, dont les propos ont été rapportés par 7sur7, précise : « Il y avait beaucoup de migrants ou jeunes d’origine étrangère avec le drapeau de leur pays (…) et très peu d’Italiens ». Cerise sur l’indigeste gâteau : les agresseurs n’ont pas manqué de crier « vaffanculo Italia »en plus de quelques « amabilités » envers la police.
La scène ne manque pas de rappeler la cauchemardesque Saint-Sylvestre vécue par de jeunes Allemandes en 2015 à Cologne : une vague d’agressions sexuelles avait alors été commise par des réfugiés. Au total, plus de mille plaintes avaient été déposées suite à ce viol collectif et organisé. D’autres villes furent alors touchées par le phénomène dans pas moins de douze Länder allemands. C’était seulement quelques mois après qu’Angela Merkel, alors chancelière, eut prononcé son désormais célèbre autant que mortifère : « Wir schaffen das! » (traduisez : « Nous y arriverons ! »). Avec sa formule péremptoire, la Dame de fer allemande n’avait pas fait avancer la cause des femmes.
Dans les deux cas, comme dans beaucoup d’autres, le silence des féministes ayant pignon sur rue – à l’exception notable du Collectif de droite Némésis – fut et reste assourdissant, comme si elles se forçaient à ne pas comprendre une réalité qui met à mal leur intersectionnalité aveuglante et leur antiracisme moralisateur. Selon leur grille de lecture, l’étranger, contrairement à l’homme blanc, ne peut en aucun cas être un agresseur ou un violeur car lui aussi est, à leurs yeux, une victime – rappelons-leur que nos sociétés sont parmi les plus accueillantes du monde. Et puis, il ne faudrait, selon elles, surtout pas « faire le jeu de ». Tel un symbole, quelques jours après le viol de Cologne, le maire de la ville rhénane, Henriette Reker, avait conseillé aux femmes de garder avec les hommes une distance « d’une longueur de bras ». La sortie préfigurait celle de Caroline de Haas qui proposerait, quelques mois plus tard, d’« élargir les trottoirs » pour lutter contre le harcèlement.
Une autre affaire refait surface aujourd’hui, à la faveur d’un tweet d’Elon Musk. Entre les années 1980 et 2010, des milliers de jeunes filles, souvent mineures et issues de milieux défavorisés, ont été agressées sexuellement par des gangs composés d’Indo-pakistanais au Royaume-Uni. La révélation des faits sordides, mêlant viols, torture et prostitution forcée, aurait dû susciter une vague d’indignation allant au-delà des frontières britanniques. Mais les médias et faiseurs d’opinion européens se sont tus dans toutes les langues : il ne fallait surtout pas mettre à mal le récit diversitaire.
Évidemment, il est toujours utile de rappeler que tous les étrangers ne sont pas des violeurs (loin de là, évidemment) et que tous les violeurs ne sont pas étrangers. Cela ne doit pas nous empêcher de regarder en face la réalité et de nous poser les bonnes questions : combien d’autres affaires de ce type sont-elles mises sous le boisseau ? Combien d’autres victimes subissent-elles encore des viols dans l’indifférence la plus totale ? Et surtout : combien de temps allons-nous accepter cela sans réagir ?
La notion d’apartheid de genre, largement relayée par les médias et les grandes instances internationales, tend malheureusement à occulter la dimension religieuse, pourtant fréquemment au cœur de cette problématique.
Les alertes se succèdent et les défenseurs des droits de la femme en sont secoués. Enfin… pas tous. Abou Mohammed al-Joulani, ancien d’al-Qaida en Irak, fondateur du Front al-Nostra, puis de Hayat Tahrir al-Cham, a connu des heures de célébrité en prenant le contrôle de la Syrie après le renversement de Bachar al-Assad… Il s’est alors rendu célèbre sous ce nom – al-Joulani – en devenant ce que certains chroniqueurs de chez nous appelèrent alors un « islamiste modéré ». C’était l’avènement d’une nouvelle espèce de résistant : « le jihadiste gentil ». Monsieur al-Joulani a changé de nom en devenant ministre des Affaires étrangères de son pays. Il s’appelle désormais Ahmad al-Chareh. Ce changement de nom s’est popularisé ce 3 janvier 2025, lors d’une rencontre à Damas des ministres des Affaires étrangères. S’il a bien serré la main du ministre français Jean-Noël Barrot, il a refusé de serrer la main de Madame Annalena Baerbock, son homologue ministre allemande des Affaires étrangères. Son homologue… enfin, pas tout à fait car Annalena Baerbock est une femme et on ne va quand même pas demander à un ex-jihadiste, même « modéré », de s’asseoir sur les versets 187, 223, 228 de la sourate II, ou sur la sourate IV, Les femmes. Ils sont trop connus des croyants. Rappelons le verset 38 pour ceux qui n’auraient pas leur Coran sur la table de chevet : « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci… » (IV, 38)
Moment de flottement à Damas
La séquence de ce refus de serrage de main est devenue virale et a été qualifiée par la presse de « moment de flottement ». Comprendre : « ce n’est pas grave ». On apprend aussi que les ministres avaient au préalable « validé le protocole » de la rencontre. Comprendre encore : on ne va pas demander à un jihadiste gentil de serrer la main d’une femme, fut-elle ministre. « La diplomatie française et européenne est vraiment courageuse » pense Boualem Sansal dans sa cellule… J’ai évoqué plus haut le texte sacré, le Coran. Oui, parce que je pense que tant que notre culture laïque, rationaliste, républicaine, nous tiendra éloignée du « fait religieux » nous stagnerons dans une ignorance de la « culture des autres ». Les laïques que nous sommes, tout en défendant bec et ongle cette laïcité, doivent bien comprendre que si nous avons rompu avec le religieux, d’autres de par le monde n’ont pas suivi ce chemin. Qui, mieux que Régis Debray ce marxiste décillé, a expliqué cette évacuation du religieux par nos sociétés occidentales : « Parce qu’on se refuse à dire que Malraux avait raison et que Marx a eu tort de voir dans le religieux […] une vieillerie en voie d’extinction, dont le genre humain sera débarrassé… ». Après avoir évoqué la nullité en matière de religion des chefs d’État comme Georges Bush ou François Mitterrand, cet auteur ajoute « L’absence d’un cours d’histoire des religions à l’École nationale d’administration en dit long sur cette impéritie… ».[1]
Cette impéritie que Debray soulignait dans un chapitre de son livre sous-titré « Du sacré en général – De la France en particulier », je la vois culminer le 17 juin 2024 dans cette déclaration d’Amnesty International :« Nous demandons la reconnaissance de l’apartheid fondé sur le genre en vertu du droit international pour combler une lacune majeure de notre cadre réglementaire mondial ». On tremble à la lecture de ce qui suit :« Le projet de convention sur les crimes contre l’humanité, une initiative majeure actuellement débattue à l’ONU, représente une occasion importante de dynamiser la lutte en faveur de la justice de genre. Les États membres de l’ONU doivent la saisir et intégrer l’apartheid fondé sur le genre dans le droit international, tout en recherchant d’autres possibilités, notamment auprès du Conseil des droits de l’homme, de consolider le concept.[2] » L’ignorance et l’impéritie évoquées plus haut culminent dans ces propos d’Amnesty International. Imagine-t-on l’ONU et Amnesty engager une conflagration mondiale avec le monde islamique, une lutte pour « la justice de genre » ? Faut-il comprendre que l’ONG rêve de réviser la parole de Dieu révélée dans le Coran ? de retoquer la charia ? de censurer les hadiths du prophète ? À l’idée que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et Amnesty partent en croisade contre le livre sacré et son contenu relatif à l’égalité homme-femme, j’imagine les gardiens de la révolution à Téhéran, les Talibans à Kaboul en train de se tordre de rire !
Petits chose du concept
Il est stupéfiant qu’à Amnesty International que l’on imagine sur tous les théâtres de conflits qui ébranlent la planète, il ne se soit trouvé personne pour avoir un jour eu l’idée de se renseigner sur le statut de la femme en islam en ouvrant le Livre ! Il y a près de vingt ans, Jean-Claude Michéa publiait son livre L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes.[3] Nous y sommes. L’Europe, la France, sont pourtant riches d’une pépinière d’orientalistes, d’islamologues qui, d’Albert Kasimirski à Jacque Berque, d’André Chouraqui à Régis Blachère, ont mis à notre disposition de nombreuses traductions du Coran dont certaines disponibles en librairie a moins de 10 euros ! Comment expliquer qu’il ne se trouve pas un responsable d’Amnesty International pour demander à un stagiaire, après lui avoir glissé un billet de 10 euros, d’aller a la FNAC acheter un exemplaire et de faire une simple synthèse de « ce que dit le livre sur le statut de la femme » ? Ils y apprendraient, outre que le voile n’est pas un couvre-chef comme la coiffe bretonne ou le béret basque, que « l’apartheid de genre » est inscrit dans la lettre du livre sacré. Mais on ne peut pas demander aux féministes affligées par le sort de leurs sœurs afghanes ou Iraniennes de daigner lire un livre disponible depuis quatorze siècles. En popularisant le concept d’« apartheid de genre », Agnès Callamard, la secrétaire générale de l’ONG Amnesty International, enrichit d’un néologisme ce que Romain Gary nommait la « littérature fumigène », le « langage suave » évoqué aussi par Philippe Muray. S’il ne s’agissait ici que de railler ces Petits chose du concept dont parlait Murray, on ne ferait qu’ajouter à la longue liste du politiquement correct qui régit la révision du langage. Les infirmes de mon enfance sont devenus des « personnes à mobilité réduite », il n’y a plus d’aveugles mais des « mal voyants », plus de sourds mais des « mal entendant » et plus de cancres mais des « mal apprenant ». Le ministère de l’Éducation a remplacé récemment le vocable si stigmatisant de « groupes de niveau », par « groupe de besoin », tellement plus suave… On imagine qu’à Téhéran, à Kaboul, à Damas chez les « islamistes modérés », cette bombe atomique qu’est l’invention de « l’apartheid de genre » doit provoquer la terreur.
[1] Régis Debray, D’un siècle l’autre, Gallimard, 2020, p 267
[2] La déclaration de la Secrétaire d’Amnesty se poursuit ainsi : « L’apartheid fondé sur le genre doit être reconnu comme un crime de droit international, en vue de renforcer les initiatives visant à lutter contre les régimes institutionnalisés d’oppression et de domination systématiques imposés pour des motifs liés au genre, a déclaré Amnesty »
[3] Jean-Claude Michéa, L’enseignement de l’ignorance, Ed.Climats, 2006.
Dix ans après avoir perdu certains de ses amis les plus chers dans l’attaque de Charlie Hebdo, l’ancien directeur du journal ne cède ni à l’apitoiement ni à la résignation. Alors que les injonctions à la censure ne viennent plus seulement des djihadistes, mais d’un certain monde intellectuel et d’une gauche inféodée aux Insoumis, l’esprit de soumission doit être plus que jamais combattu.
Causeur. C’était hier et il y a une éternité. Qu’est-ce que ce 7 janvier 2015 a changé en vous ?
Philippe Val. Pour moi il y a un monde avant et un monde après. Quand des amis de plusieurs décennies disparaissent d’un coup, assassinés par des islamistes, vous êtes d’abord choqué, désespéré. Il faut ensuite un certain temps pour que cette réalité vous pénètre dans toute son intensité. Dix ans après, je rêve toujours de Cabu et de Wolinski, je me demande ce qu’ils ont ressenti au moment où leurs tueurs sont arrivés avec leurs cagoules et leurs flingues. J’essaye de me mettre dans leur tête, dans leur système nerveux. Je me dis : pourvu qu’ils n’aient pas souffert ! Et je ne sais pas…
Vous n’étiez plus patron de Charlie Hebdo en 2015, mais Cabu et d’autres étaient restés vos intimes.
Je connaissais Cabu depuis les années 1970. C’était la famille. Mieux que la famille même, puisque c’est quelqu’un avec qui j’avais choisi de vivre. On s’est apporté tellement de choses ! Si je n’avais pas rencontré Cabu, je n’aurais pas fait de journalisme, tout simplement. Mais je ne veux pas pleurnicher, car si lui et les autres sont morts, je suis vivant, je continue à voir des amis, à m’amuser, à aimer, à jouir du temps qu’il fait et à voir mon fils grandir. Ne pas trahir Charlie, c’est aussi aimer la vie autant qu’il est possible, et ne pas se poser en victime.
Vous êtes l’un des plus anciens journalistes français à vivre sous protection policière…
Oui, depuis 2006. Mais les premières menaces de mort sont arrivées dès la fin des années 1980, avec l’affaire du voile. À l’époque, dans ma chronique sur France Inter, j’avais soutenu le proviseur de Creil qui refusait le port de signes religieux dans son établissement. Quelques années plus tôt, j’avais pu écrire en toute quiétude des sketches pour Thierry Le Luron avec des choses épouvantables sur l’ayatollah Khomeini, n’imaginant pas un instant que la censure changerait un jour de camp et que l’humour deviendrait la cible du terrorisme.
Aujourd’hui, avez-vous peur pour votre vie ?
Pas tout le temps. J’ai connu une période très noire quand mon fils était petit. Chaque nuit à la maison, le moindre bruit prenait une signification terrifiante. Cela dit, j’ai confiance en mes officiers de sécurité qui sont extrêmement compétents. La preuve, en 2017, dans une librairie à Strasbourg, quand un homme s’est précipité vers moi en hurlant, une jeune policière affectée à ma sécurité m’a sauvé la vie en immobilisant immédiatement l’agresseur, qui devait peser deux fois plus lourd qu’elle, mais elle était tellement entraînée ! Je vivais alors sous surveillance renforcée, car le groupe terroriste qui avait revendiqué l’attentat de Charlie avait émis de nouvelles menaces. Lors de mes déplacements, il fallait trois véhicules. On m’a dit que c’était le même dispositif que celui des ambassadeurs américain et israélien. Ce n’est pas une vie normale. À la campagne, pas question d’aller à la boulangerie. Je ne vais pas débarquer sur la place du village avec trois voitures…
Diriez-vous que la pression est un peu retombée ?
Je dirais l’inverse. Les choses se sont aggravées. Les injonctions à la censure ne viennent plus seulement des djihadistes, mais d’un certain monde intellectuel, en particulier universitaire, ainsi que des journaux, disons dominants, Le Monde et tous ceux qui suivent sa ligne éditoriale. Résultat, alors que les attentats continuent, une grande partie du personnel politique français dénonce la prétendue stigmatisation des musulmans qui se cacherait derrière la critique de l’islam.
Ce pseudo-antiracisme est-il si nouveau ?
J’ai connu une époque moins idiote. En 2005, quand survient l’affaire des caricatures de Mahomet au Danemark, à Charlie Hebdo, on suit cela de très près. Et puis l’histoire enfle, notamment à cause des manifestations et des mesures de boycott des entreprises danoises dans le monde arabe et musulman. D’autres médias français s’emparent du sujet, à commencer par France Soir, à l’époque un vrai journal, qui publie les caricatures, tout simplement pour montrer à ses lecteurs l’objet du scandale. Le propriétaire du titre, un Libano-Égyptien, vire sur-le-champ l’auteur du papier. C’est ce qui conduit Charlie à publier les caricatures à son tour. Le jour où nous prenons cette décision, Cabu et moi participons à la réunion d’un cercle de réflexion parisien, avec des patrons de presse, des conseillers d’État et des intellectuels. Tous nous félicitent. Même chose quand je propose aux confrères de se joindre à nous : presque tous disent banco.
Sauf qu’ils se rétractent…
Non seulement ceux qui m’avaient dit oui ne publient pas, mais en plus ils me traitent de raciste ! Si toute la presse avait publié les caricatures, l’affaire aurait été terminée. Mais voilà, le peloton est resté groupé, et Charlie Hebdo est parti devant en danseuse, avec une cible dans le dos. Seul Denis Jeambar, le patron de L’Express, nous a suivis. En sachant pertinemment que cela rendrait furieux son principal actionnaire Serge Dassault, qui était sur le point de se rendre en Arabie saoudite avec Jacques Chirac pour vendre des Mirage. Dès son retour, Dassault a vendu L’Express.
Comment Chirac s’est-il manifesté ?
Il nous a engueulés[1]. Mais son ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, nous a en revanche beaucoup soutenus, bien que Charlie ne fût pas sa tasse de thé…
C’est plutôt Sarkozy qui n’était pas la tasse de thé de Charlie !
Ça montre à quel point il est intelligent sur ces sujets-là. D’ailleurs nous sommes ensuite devenus amis, puisqu’il s’est marié avec une de mes amies.
Avez-vous reçu d’autres soutiens politiques ?
Oui, de Manuel Valls en particulier. Aujourd’hui, il souffre d’un scandaleux discrédit, alors que c’est le seul à gauche, avec Bernard Cazeneuve et Bertrand Delanoë, qui a été sérieux dans l’affaire. À droite, Gérald Darmanin a été un ministre de l’Intérieur relativement mobilisé, Bruno Retailleau aussi. Quitte à me faire pourrir, je les salue.
D’accord, on a protégé les synagogues. Nos élites médiatiques ont-elles ouvert les yeux ?
Le Parisien et Le Figaro sont de plus en plus vigilants sur ces questions-là. Il est vrai que la presse a beaucoup moins de pouvoir qu’autrefois, je le regrette d’ailleurs.
Il y a les médias Bolloré comme Europe 1, où on vous entend chaque lundi. Ont-ils changé la donne ?
Oui, on y voit et on y entend beaucoup d’esprits libres, absolument pas soupçonnables de racisme. Leur discours est en train de gagner du terrain. Pendant ce temps, la gauche qui s’effarouche davantage de l’islamophobie que de la guerre nucléaire prend un coup de vieux. C’est un peu comme la chanson à texte face à l’arrivée des Rolling Stones et des Beatles. Vous verrez, le wokisme va devenir ringard.
En attendant, la gauche encourage l’islam politique
S’agissant de la gauche autoritaire, issue du marxisme, impossible de vous donner tort. Et la gauche libérale a disparu des écrans radars. Je ne parle pas de la gauche mitterrandienne, mais de la gauche authentiquement libérale, celle de Michel Rocard, qui ne s’est jamais compromise avec des antisémites. Raphaël Glucksmann, comme François Hollande, s’est allié avec les Insoumis. Depuis quelques années, le cynisme est une seconde nature au Parti socialiste.
Il y a aussi la peur de déplaire à France Inter. Une peur moins honorable que celle de mourir dans un attentat.
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Ceux qui trouvent des excuses aux terroristes et se demandent si les victimes des attentats ne l’auraient pas un peu cherché, ont, eux aussi, peur de mourir. Ils pensent qu’en donnant un petit sucre au loup qui bouffe leur voisin, ils ne seront pas bouffés.
Or, on ne calme pas un loup avec un sucre…
Un jour j’ai dit cela dans une conférence à Montréal. À la fin, un type très connu là-bas, l’une des grandes plumes du quotidien La Presse, s’est approché de moi et m’a dit : « Quand tu as publié les caricatures, j’ai écrit un édito pour dire que tu stigmatisais les musulmans. Mais la vérité, c’est que j’ai eu la trouille, et j’ai cherché une bonne excuse pour ne pas publier les caricatures. » J’ai été impressionné par son honnêteté. Le surlendemain, il a publié un texte pour me présenter des excuses publiques. J’aurais tellement aimé voir cela en France, ça nous aurait sauvés si des journalistes importants avaient eu la même attitude.
Pas sûr. Si tous les médias étaient radicalement Charlie, l’islamisation des banlieues serait-elle pour autant stoppée ?
Évidemment pas. À ce sujet, j’ai entendu récemment le témoignage édifiant d’un agent de sécurité, d’origine maghrébine. Il est athée, sa femme aussi. Et pourtant elle porte le voile islamique, pour ne pas se faire emmerder dans leur cité. Pas question non plus d’avoir un sandwich à la main pendant le ramadan. « On fait semblant », disent-ils. On ne se rend pas compte de la pression que subissent les musulmans en France. Certains responsables religieux, à la Grande Mosquée de Paris, me demandent de ne pas répéter ce qu’ils me disent de l’obscurantisme qui règne par la menace. Avec l’islam politique, la peur est partout. Partout.
L’idéologie aussi. Or on ne sait pas comment enlever les mauvaises idées de la tête des gens.
La déradicalisation, ça n’a jamais marché nulle part. Dès lors que deux islams, l’un intégré et l’autre intégriste, coexistent et sont redoutablement imbriqués l’un dans l’autre, la seule chose qu’on puisse faire, c’est protéger ceux qui veulent se désimbriquer. En particulier en permettant que l’école reste pour leurs enfants un espace de liberté.
Les profs sont-ils armés pour cela ?
Pas sûr. On dit qu’en France on manque d’enseignants parce qu’il n’y a pas d’argent. C’est juste, mais les pays européens qui payent bien leurs profs, comme l’Allemagne, sont confrontés à la même difficulté de recrutement. Qui a envie de se retrouver face à des élèves disant qu’il ne faut pas insulter le prophète, que Darwin s’est trompé, et que deux et deux font cinq ? Et je ne parle même pas des profs assassinés.
Tout vient d’une immigration incontrôlée et mal intégrée, dont une partie des enfants sont en sécession culturelle.
Je fais toujours attention quand j’utilise le mot « immigration ». Je connais un Vietnamien qui a été adopté par une famille juive. Figurez-vous que ses enfants vont faire leur bar-mitsvah ! Il faut relativiser la question démographique, car après tout, il y a toujours eu des étrangers en France.
Oui, mais plus rarement des étrangers hostiles à la France.
J’en conviens. Mais je préfère parler de problèmes d’intégration. En reconnaissant toutefois que l’échec de l’intégration ne tient pas seulement au pays d’accueil, mais aussi aux personnes accueillies qui refusent de se fondre dans la masse.
Et au nombre non ?
En effet, lorsque les diasporas sont trop nombreuses, elles ne s’intègrent plus, mais reproduisent en pire les us et coutumes de leur pays d’origine. Voilà pourquoi l’École, mais aussi la régulation des réseaux sociaux sont des priorités. Je relis pour la troisième fois L’Étrange Défaite de Marc Bloch. On dirait vraiment qu’il décrit les élites d’aujourd’hui, alors qu’il parle de celles d’avant-guerre, de leur effondrement moral et de leur aveuglement devant le nazisme.
Pensez-vous à Emmanuel Macron qui est pour le moins changeant au sujet de ce qu’il a appelé le « séparatisme » ? Que retenir de sa présidence ?
Une espèce de « girouettisme ». Avec lui, tout dépend de l’heure et du vent. Il lui arrive de prendre la mesure du problème et de bien en parler, car il est intelligent. Sauf quand, face à un mafieux comme le président algérien, il s’accuse des pires crimes. Ou quand, informé de la réalité des quartiers hors de contrôle, il conclut : « Pas touche aux banlieues, sinon le feu va prendre dans toute la France ! » Et enfin, surtout, quand il croit devoir remercier ses électeurs musulmans en parlant d’islamophobie, quand la réalité, c’est une religion en expansion pratiquée de façon hostile par un pourcentage élevé de fidèles.
Pourquoi la gauche n’arrive-t-elle pas à reconnaître ce fait ?
L’influence de Jean-Luc Mélenchon est considérable dans ce phénomène.
Il y a dix ans, il prononçait l’éloge funèbre de Charb !
C’était presque aussi beau que son hommage à Yahya Sinwar… Mélenchon a exactement la trajectoire de Jacques Doriot, qui était copain avec Lénine, et qui en 1930 quitte le PC, le jugeant trop à droite, pour se retrouver dix ans plus tard dans les milices pétainistes. On retrouve la même influence de Marx et de son texte « Sur la question juive » dont les arguments – les juifs, capitalistes cosmopolites – seront repris par l’extrême droite nationaliste et par les socialistes français, Blanqui et Proudhon en tête. Dans le mélenchonisme, il y a cette graine antisémite, semée par Marx lui-même.
Il y a aussi le talent de Mélenchon.
Hélas ! En politique, les idées sont importantes mais la séduction, c’est encore au-dessus. Ne pas ressembler à nos ennemis est une priorité. Ils sont râleurs et geignards, nous devrions être joyeux et séduisants !
[1] Il a aussi poussé son ami Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, à poursuivre Charlie en justice.
Le journaliste rock Stan Cuesta publie La musique a gâché ma vie, un recueil de sémillants et vifs récits partiellement autobiographiques. Entretien.
Version 1.0.0
Causeur. Pourquoi une citation du plus beau roman de Modiano, Villa triste, en exergue de votre livre ? Que représente ce romancier pour vous ?
Stan Cuesta. J’adore Modiano, j’ai lu tous ses romans, je les relis sans cesse. Ce qui me fascine, c’est que je les confonds tous, je suis incapable de me souvenir de ce dont il est question à la lecture d’un titre, et quand je le relis, je le redécouvre, avant de tout oublier à nouveau. C’est comme un nuage dans le ciel : il est là, on l’observe et l’instant d’après il a disparu sans qu’on s’en aperçoive vraiment. Il y a de la magie dans l’écriture de Modiano. En relisant Villa Triste, je suis tombé sur ce dialogue, où les mots « Tout feu tout flamme » ont fait écho à ma nouvelle du même nom, ainsi que l’évocation d’un « métier » flou, que j’ai ressentie comme étant en adéquation avec un des thèmes que j’aborde.
Quels sont vos écrivains préférés ?
Je n’ai pas une culture littéraire classique, car j’ai fait, bêtement, des études scientifiques. Je m’aperçois, en fréquentant un peu le milieu littéraire que beaucoup de ses acteurs – écrivains, éditeurs, critiques – ont fait les mêmes études, khâgne, Normale Sup, Sorbonne, etc. Moi, je n’ai pas encore vraiment lu Proust, ni même Hugo ou Balzac ! J’ai tout découvert par la musique… Et particulièrement en lisant le Rock & Folk des années soixante-dix. Donc mon écrivain préféré a longtemps été Jack Kerouac, dont j’ai tout lu, d’abord en français puis en version originale. Aujourd’hui, j’ajouterais bien sûr Modiano, mais aussi J. D. Salinger, et Réjean Ducharme, que j’essaie de faire mieux connaître en France.
Vos textes ressemblent plus à des récits autobiographiques qu’à des nouvelles. Quelle est la part d’autobiographie et celle de la fiction, s’il y en a ?
Il semble que, comme Monsieur Jourdain, je fasse de l’autofiction sans le savoir… Je n’ai pas étudié la question, je ne connais même pas la définition précise de ce mot. Disons que la plupart des textes partent d’expériences réelles vécues puis s’en écartent plus ou moins. Dès qu’on écrit, on fait de la fiction. Même quand on se raconte oralement. En tant que journaliste j’ai interviewé beaucoup d’artistes et je sais qu’ils racontent souvent de leurs vies ce qu’on en a déjà dit, ce qu’ils ont lu quelque part, même si c’est totalement romancé, voire faux. C’est la fameuse phrase tirée de L’Homme qui tua Liberty Valance, de John Ford : « Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende. » La réalité m’intéresse assez peu. J’imprime la légende.
Le titre est, je suppose, provocateur. Pourquoi ce titre ? Quels sont vos goûts musicaux ?
C’est le titre d’un des textes, qui traite du monde du travail, ou pour être plus précis, du refus du monde du travail. Je suis ce qu’on appelait dans les sixties un drop-out, un gars qui a laissé tomber. L’amour de la musique m’a fait renoncer à une carrière « sérieuse », qui aurait été beaucoup plus rémunératrice que tout ce que j’ai fait dans la musique. C’est en ce sens que cette dernière m’a « gâché » la vie que j’aurais pu, que j’aurais dû avoir. Mais qui m’aurait tellement ennuyé que j’en serais probablement mort… Donc c’est ironique, bien sûr. J’avais ce titre depuis très longtemps. Quand j’enregistrais mon album avec Bill Pritchard, je lui en avais parlé, et il m’avait dit « Music ruined my life, excellent, I want to read it » ! Je viens de lui envoyer avec une dédicace du genre : « Il ne m’a fallu que trente ans pour l’écrire, merci d’avoir été patient ! »
Votre œuvre contient plus d’essais et de biographies que de fiction, romans et/ou nouvelles. Comment vous est venu le désir de ce recueil aujourd’hui ?
Je suis assez lent dans toutes mes réalisations, mais je finis par atteindre mes buts… Dans ma jeunesse, je n’avais aucune ambition matérielle (devenir riche, avoir une belle maison, etc.) mais j’avais plusieurs rêves, notamment, dans le désordre : faire un disque, écrire dans Rock & Folk, publier un livre personnel… J’y ai mis le temps, en raison de mon erreur d’aiguillage professionnelle du début, et aussi à cause d’un certain talent pour la procrastination, mais je les ai tous réalisés. Le plus dur, c’est après, comme dirait Gilbert Bécaud : Et maintenant, que vais-je faire ?
Votre enfance et votre adolescence se sont déroulées dans le XVIe arrondissement avec des parents communistes. Ce n’est pas courant. Parlez-nous de votre environnement familial…
Ce que je raconte dans le livre est très proche de la réalité : j’ai grandi à Créteil, puis à Boulogne-Billancourt, qui étaient à l’époque encore des banlieues populaires. Mes parents étaient de gauche – ils ont glissé du communisme vers le socialisme, comme beaucoup, en raison de la répression du Printemps de Prague. Et juste après, ils ont hérité d’un appartement dans le seizième, où j’ai passé toute mon adolescence, au milieu de grands bourgeois – mais aussi de fils de concierges espagnoles et portugaises, comme dans ce film avec Carmen Maura, Les Femmes du sixième étage… C’était comme d’être surclassé dans un avion. Ça m’a appris à faire illusion. Ça me sert toujours.
Vous rappelez à juste titre que les catholiques chantaient les chansons des communistes ; vous expliquez que ces deux pôles s’attiraient. Pouvez-vous revenir là-dessus ?
Il me semble que dans les années 1970, les cathos aussi bien que les cocos étaient sur la pente savonneuse, ils ne dirigeaient plus les consciences comme ça avait été le cas après-guerre. Donc cette fameuse opposition à la Don Camillo-Peppone n’avait plus vraiment cours. Ils devenaient marginaux. Mai-68 les avait tués, pour des raisons différentes. Et puis c’était la mode des prêtres-ouvriers, des hippies, des messes rock. Je pensais comme beaucoup que les chrétiens, s’ils appliquaient réellement la parole des évangiles, auraient tous dû être de gauche. Ça a failli être le cas, à un moment. J’ai grandi là-dedans. C’est pour ça que j’adore Nanni Moretti, par exemple.
« Georges » est un très beau texte. Vous racontez que celui-ci fut un peu votre mentor, votre initiateur. Qui était ce cousin par alliance et qu’est-il devenu ?
Je l’ai perdu de vue très vite. Je ne suis pas très famille. Ni travail, comme je l’ai déjà dit. Ni patrie !
Autre maître : votre professeur de musique, M. Cousté ; qui était-il ?
On dit un peu partout beaucoup de mal des réseaux sociaux, mais tout le monde les utilise, pour le meilleur et pour le pire. Je n’en garde que le meilleur, notamment cette possibilité hallucinante, qui était encore de la science-fiction il y a trente ans, de retrouver des gens avec lesquels on avait totalement perdu le contact. J’ai ainsi renoué à distance avec ce professeur de musique, que j’ai côtoyé de la sixième à la terminale, et qui a changé ma vie, au sens propre. Je lui ai envoyé le livre et, récompense suprême, il en a annoncé la publication sur sa page Facebook, en mentionnant, très discrètement, qu’il y apparaissait… Si ce livre n’avait servi qu’à ça, je serais déjà comblé.
Autre magnifique récit, « Confusion », très chaud… Autobiographique, partiellement ou pas du tout ?
C’est le premier texte que j’ai écrit. Il me fallait un déclencheur, ça a été le Prix de la nouvelle érotique, organisé par Au Diable Vauvert, maison d’édition pour laquelle j’avais traduit quelques livres. Sa fondatrice, Marion Mazauric, me poussait à y participer. C’était amusant, il y avait une double contrainte : écrire une nouvelle érotique en une nuit, entre minuit et sept heures du matin, sur un thème dévoilé juste avant minuit, avec un dernier mot imposé. Je me suis pris au jeu et j’ai jeté toutes mes forces dans la bataille, pensant que je n’écrirais peut-être jamais rien d’autre. Elle contient une part d’autobiographie et une part de fantasme, mais j’y suis allé à fond. J’ai même failli gagner. Il semble que je sois arrivé deuxième, à mon grand dam, puisque le vainqueur remportait 3000 euros et le suivant rien du tout. D’où mon surnom de « Poulidor de l’érotisme ».
Votre livre semble nostalgique des seventies et des eighties. Vous n’aimez pas la cancel culture ; que pensez-vous de notre époque ?
Je me méfie du mot « nostalgie », parfois employé à tort et à travers. S’il signifie un regret du passé, et cette fameuse impression que « tout était mieux avant », alors je ne suis pas nostalgique. Les jeunes réacs d’aujourd’hui se font une impression fausse des années 1960 et 70, voire même 80… Tout n’était pas rose, loin de là. Pour les sixties, par exemple, on pense explosion de couleurs, Swingin’ London et Haight-Ashbury. Mais ça concernait très peu de monde, et très loin ! La réalité de la France de ces années-là, c’était la grisaille généralisée, la télé en noir et blanc surveillée par un ministère de l’Information, la répression morale, sexuelle, la bien-pensance, l’ordre bourgeois, etc. Pour être nostalgique des années Pompidou, il faut ne pas les avoir connues ! Ça ne rigolait pas du tout.
Autre récit très fort et très émouvant, « The Entertainer ». Qui était Olivier Lancelot ?
Comme je le raconte, c’était un de mes seuls copains de Supélec, un drop out comme moi, devenu pianiste de bar ! Je ne l’avais pas revu depuis des décennies. J’ai vécu tellement de vies différentes, tellement déménagé, changé de métier, connu tellement de gens que j’ai ensuite perdu de vue, que j’ai parfois l’impression que mon passé est un film que je regarde comme un spectateur incrédule. C’est probablement pour ça que j’aime en faire de la fiction. J’ai vécu ces événements, j’ai connu ces personnes, mais aujourd’hui, c’est comme si je me regardais moi aussi de loin, comme si j’étais moi-même un personnage de ces fictions.
Que représente pour vous Robert Wyatt ?
C’est un de mes musiciens et chanteurs préférés. Il y a un culte autour de lui, justifié. Comme une société secrète des adorateurs de Robert Wyatt. Partout dans le monde, à quelques signes de reconnaissance, je rencontre des adeptes de la secte, et nous devenons amis. Cela suffit à nous rapprocher. Je cite Jean-Louis Murat et Pascal Comelade, mais il y en a bien d’autres. J’ai eu la chance de rencontrer Wyatt, de l’interviewer, ou plutôt de discuter avec lui, pour Rock & Folk. Ce pseudo-métier de journaliste musical me sert surtout à ça. C’est très mal payé, très peu lu, quasiment obsolète. Je m’en fous. J’ai rencontré la plupart de mes héros. Je suis content.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience à Radio France ? Vous balancez non sans audace.
Tout est dit dans ce texte, La musique a gâché ma vie, qui donne son nom au recueil. C’est probablement l’un des plus importants, car il traite de ce sujet aujourd’hui passé de mode, mais qui me passionne : le refus du travail. Et de tout ce qui va avec : le tout-économie, la publicité, la consommation, la croissance, la bêtise, la laideur, etc. Je suis intarissable sur le sujet. À part ça, Radio France est une merveille. Un chef-d’œuvre en péril, pour citer une émission de télévision de mon enfance. L’arrivée de la publicité sur France Inter m’a tué. Le jour où Le jeu des mille francs (je ne suis pas encore passé aux euros) s’arrêtera, ça sera la fin des haricots.
Tout votre recueil témoigne d’une manière d’écartèlement entre votre carrière de journaliste et de musicien. Avez-vous des regrets par rapport à votre carrière de musicien et d’auteur-compositeur ?
Ce n’est pas un écartèlement. J’ai même continué les deux de front pendant un certain temps. Il n’y a pas non plus de regret. J’ai fait ce que je voulais. Je pense que j’y reviendrai par écrit dans un futur plus ou moins proche.
Quels sont vos projets tant littéraires que musicaux ?
En musique, je suis au point mort depuis une éternité. Je suis bien placé pour savoir que tout le monde fait de la musique. Tout le monde enregistre, fait des disques (qui ne sont plus vraiment des disques) et tout le monde me les envoie ! Je n’en peux plus. C’est probablement pour ça que j’ai tout arrêté. En ce qui concerne les livres, j’ai une dizaine de projets en chantier… Mais vu que l’édition va mal, et que ce n’est pas près de s’améliorer, c’est environ ce qu’il faut pour qu’il y en ait au moins un qui aboutisse. Disons que je vais ralentir les commandes (essais, biographies, etc.) et essayer de donner une suite à ce recueil. Rendez-vous dans trente ans !
La musique a gâché ma vie, Stan Cuesta, Antidata, 2024. 144 pages
L’année 2024, celle des Jeux olympiques et de Notre-Dame, est également celle d’une mémoire qui oscille entre repentance et oubli sélectif. À travers des postures mémorielles controversées, Emmanuel Macron semble avoir davantage alimenté les fractures qu’inspiré l’élan collectif d’une nation en quête de repères.
Les motifs de fierté et d’unité nationales, exprimés lors des derniers vœux présidentiels, auraient pu être satisfaits en 2024, année qui, outre les opportunités des Jeux olympiques à Paris et de la réouverture de Notre-Dame, offrait l’avantage d’être un anniversaire décennal de la libération du territoire national.
Au contraire, à la faveur d’une conjoncture internationale dégradée et d’une situation nationale déstabilisée, l’année écoulée restera comme une des périodes les plus troubles et des plus fracturées de la Ve République, les postures mémorielles présidentielles, subjectives et contrites, n’ayant d’ailleurs pas contribué à exalter ces « forces morales » de la nation, dont pourtant Emmanuel Macron s’est parfois fait le chantre.
Certes, on ne peut attendre de cérémonies mémorielles qu’elles fassent totalement oublier les tensions externes et internes, ni non plus les graves sujets d’ordre sécuritaire et migratoire, financier et économique et, à présent, politique et institutionnel dont notre pays souffre. Du moins pourraient-elles mettre en valeur, ce qu’Ernest Renan (Qu’est-ce qu’une Nation ?) appelait en 1882 la « possession en commun d’un riche legs de souvenirs », indissociable de la « volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ». La lente construction d’une conscience nationale ne saurait s’affranchir de la connaissance de ce « long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements », aux antipodes d’actuelles actions de déconstruction historique qui en dénie ou en dénigre les fondements et en efface les signes (rues débaptisées, monuments saccagés).
Quand Emmanuel Macron « bricole » avec l’Histoire
En ces temps de crise identitaire, il n’est honnêtement pas possible de se réclamer « en même temps » de Renan et de Paul Ricœur (La mémoire, l’histoire, l’oubli) – mentor philosophique d’Emmanuel Macron –, qui se défie d’une mémoire constructrice d’identité sur la base de « l’héritage de la violence fondatrice » légitimée par sa « vétusté » et qui signifie « pour les uns, gloire, pour les autres, humiliation ». Opter pour une vision mémorielle polarisée par une altérité idéalisée, ne peut déboucher que sur une quête éperdue de « réconciliation » avec ceux qui n’expriment aucunement de désir réciproque, que sur une mémoire qui, pour être « partagée », finit par s’aligner sur leurs positions, plus idéologiques qu’historiques. C’est le chemin emprunté depuis sept ans – en particulier sur la question algérienne avec le « rapport Stora » –, par celui qui préside aux cérémonies nationales avec, sur la forme, un goût prononcé pour la théâtralisation de récitant.
N’était-ce pas au fond prévisible dès 2017, au vu de la folle campagne présidentielle où le candidat victorieux s’était lancé, bille en tête, dans ce que Ricœur lui-même aurait dénoncé comme des « abus de mémoire ». Depuis Alger, toute honte bue, il avait provoqué un tollé en qualifiant la colonisation française de « crime contre l’humanité », nécessitant déjà le secours, sous forme de ralliement électoral, de François Bayrou qui prit tout de même ses distances avec une formule « blessante pour de nombreux Français et ne correspondant pas à la vérité historique ». Puis, sans doute dans le but de nazifier sa concurrente, il s’était précipité à Oradour-sur-Glane, en omettant de rappeler que c’est la IVe République qui, au grand dam des survivants, avait soit amnistié, soit réduit les peines des criminels de guerre de ce village martyrisé par la barbarie SS.
Cependant, on ne pouvait deviner, après un long « septennat » pénitentiel, que 2024 marquerait un summum avec trois mea-culpa destinés à « apaiser » des relations bilatérales, il est vrai davantage tournées vers l’exploitation du passé que vers la construction de l’avenir.
La répression d’une révolte de tirailleurs sénégalais en 1944 vient ainsi d’être qualifiée de « massacre de Thiaroye ». Précédemment, l’exécution sommaire du chef FLN, Larbi Ben M’hidi, connue depuis plus de vingt ans par les aveux de Paul Aussaresses, a été proclamée pour les 70 ans de la « Toussaint rouge ». Enfin, lors de la commémoration du trentenaire du génocide au Rwanda, la responsabilité de la France fut confirmée, car elle « aurait pu arrêter le génocide de 1994 » mais « n’en a pas eu la volonté ».
Machine à repentance : en panne !
Toutefois, les résultats s’avérèrent foncièrement plus négatifs que ceux produits habituellement par la pièce remise dans la machine à repentance. Le gouvernement sénégalais a demandé dans la foulée le départ des troupes françaises du pays, suivant en cela un mouvement de retrait général en Afrique. En Algérie, trois semaines après la déclaration élyséenne, fut arrêté arbitrairement le grand écrivain Boualem Sansal, sans susciter de réaction immédiate au plus haut niveau de l’exécutif. Seule satisfaction due à la justice française, la Cour d’appel de Paris vient de confirmer à juste titre, le non-lieu pour une prétendue « complicité de génocide de l’armée française au Rwanda » malgré la prise de position présidentielle périlleuse.
À moins de se satisfaire du rôle d’amoureux éconduit ou d’être inspiré par les pratiques de Sacher-Masoch, on ne peut se complaire dans de telles situations internationalement humiliantes et toxiques pour les générations suivantes, qui ne méritent pas d’être lestées d’une fallacieuse dette morale s’ajoutant à la trop réelle dette financière.
Une parole présidentielle source de confusion
Pourtant, même à propos des deux guerres mondiales plus consensuelles, la parole présidentielle est de temps à autre source de confusion, de division et d’occultation du souvenir national.
Par exemple, c’est de manière surprenante, que le chef des armées établit le 11 novembre 2023, un classement personnel des jeunes Français morts au champ d’honneur pendant la Grande Guerre selon leurs « convictions » supposées : « croyants et francs-maçons, agnostiques et libres-penseurs, protestants et musulmans, catholiques et juifs ». De surcroît, la panthéonisation de Missak Manouchian, donna également lieu à une entreprise éhontée de réhabilitation du communisme (« parce qu’ils sont communistes, ils ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine »), passant sous silence l’attitude du PCF durant le Pacte germano-soviétique et surtout les dizaines de millions de victimes de ce totalitarisme.
Les commémorations liées à la Seconde Guerre mondiale ont d’ailleurs été surtout orientées vers la Résistance et le débarquement de Normandie, omettant de célébrer dignement les victoires militaires françaises, aussi bien celles liées à la libération de Rome par le corps expéditionnaire français en Italie d’Alphonse Juin, que celles de la Première armée française de Jean de Lattre de Tassigny en France et en Allemagne. Le président aura bien du mal à commémorer en 2025, le 80e anniversaire de la signature de la capitulation nazie sans avoir su expliquer pourquoi nous pouvons éprouver de la fierté à cette renaissance d’une armée française victorieuse, dont l’ossature était formée par l’armée d’Afrique, et à qui nous devons toute notre place de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU.
Islamisme, antisémitisme : Macron attendu au tournant en 2025
L’année 2025 sera-t-elle au moins celle de l’unité dans le chagrin de se remémorer les atroces attentats islamistes qui frappèrent la France dans sa chair il y a dix ans, des tueries de janvier (Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hypercacher de la Porte de Vincennes) jusqu’aux massacres de masse de novembre dans la capitale (Le Bataclan et les terrasses des bars et restaurants) ?
Il est permis d’en douter alors que certains aujourd’hui ne songent qu’à abolir le délit d’apologie du terrorisme. On peut aussi s’interroger sur une réelle volonté politique au sommet de l’État, avec les absences remarquées, en 2023, lors de la marche contre l’antisémitisme à Paris et, en 2024, lors de l’hommage rendu aux Invalides pour les 40 ans de l’attentat du Drakkar à Beyrouth contre l’armée française.
Il ne fallut que quatre ans aux Britanniques pour édifier un « Mémorial de la vague infinie » à Birmingham afin d’honorer les victimes des attentats islamistes en Tunisie (Sousse et Bardo) de 2015 et un autre à Hyde Park pour celles des attentats de Londres de 2005. Face au spectre terroriste ressurgi au marché de Noël de Magdebourg et à la Nouvelle-Orléans, il nous sera malaisé de parler de volonté et d’unité alors qu’aucun simple monument commémoratif n’est sorti de terre à Paris pour se recueillir dix ans après.
Dix ans après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, entre terreur, renoncements politiques et alliances douteuses, la France navigue entre l’omerta et l’encéphalite collective, avec un GPS réglé sur l’absurde, déplore notre chroniqueur.
Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, prélude à l’horreur en série, l’islamisme a étendu son emprise territoriale et idéologique en profitant d’un État évanescent. À Brest même (Finistère), un influenceur algérien, Youssef A. alias Zazou Youssef, qui appelait à des attentats, a été arrêté ce week-end1. Dans cette ville chère à Mac Orlan sera jugée en mars une cellule djihadiste hébergée dans une boucherie hallal2. La force de conviction de ce système totalitaire sur les esprits faibles se lit aussi dans l’explosion de l’antisémitisme, surtout depuis le pogrom du 7-Octobre 2023 mené par le Hamas contre Israël. La judéophobie rassemble une partie de la communauté musulmane issue de l’immigration et une partie non moins importante de la gauche jadis laïque. L’occupant a trouvé ses collaborateurs auprès de militants « antiracistes » et « pacifistes ». Ceux-ci s’appellent Jean-Luc Mélenchon (LFI) ou Olivier Faure (PS). Obsédés par leur antisionisme, subjugués par l’islam révolutionnaire symbolisé par Rima Hassan (LFI), ces naufragés empruntent les itinéraires des Déat ou des Doriot d’hier qui rejoindront le régime de Vichy. En dix ans, les renoncements de la classe politique et de ses médias à désigner et à combattre l’ennemi intérieur et sa cinquième colonne – deux professeurs (Samuel Paty, Dominique Bernard) y ont déjà laissé leur vie – laissent craindre une subversion toujours plus importante de la nation désarmée. Le peu de mobilisation de l’Élysée pour l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, embastillé par l’Algérie depuis plus de 50 jours, dit la faiblesse du pouvoir, contre quoi Bruno Retailleau promet de lutter. En guise d’excuse aux lâchetés, commence à poindre contre Sansal le procès en « extrême droite », à cause de ses critiques contre l’islam qu’il ne distingue pas de l’islamisme. Ce procédé stalinien, utilisé y compris par la gauche « républicaine » pour disqualifier des lanceurs d’alertes trop réalistes, est celui des capitulards et des faux-culs.
La terreur djihadiste n’est pas la seule cause de la débandade. Certes, publier des caricatures insultantes de Mahomet n’est plus envisageable pour une rédaction insolente. Cependant, l’idéologie antiraciste se révèle être, dans son instrumentalisation, un allié plus efficace encore pour délégitimer la résistance à l’infiltration de la charia. L’accusation en islamophobie continue de tétaniser les dirigeants. Parlant des terroristes anti-Charlie, le président François Hollande s’était empressé, le jour de l’attentat, de déclarer : « Ils n’ont rien à voir avec la religion musulmane ». Votre serviteur, qui avait demandé ce jour-là, dans un débat sur RTL, aux Français musulmans de désavouer ces tueurs, avait été la cible de l’activiste du « pas d’amalgame », Rokhaya Diallo, soutenue par les participants.
Pareillement, de crainte d’être accusées de racisme, les autorités britanniques (police, justice, services sociaux) ont imposé durant des années une omerta sur des viols de masse commis par des gangs de musulmans pakistanais sur des jeunes filles blanches dans une cinquantaine de villes : un scandale que feignent de découvrir les roupilleurs, secoués par l’indignation d’Elon Musk. Pour cette raison ethnique, les féministes « universalistes », qui ont fait des viols de Mazan leur combat, se taisent sur ces crimes dénoncés ici à l’époque.
Accusée plus qu’à son tour de racisme, Marine Le Pen est depuis hier saluée sur place par la population noire de Mayotte. Elle est devenue la 11 e personnalité préférée des Français (classement JDD). Guérira-t-on enfin de notre crise d’encéphalite ?
Les journalistes Paloma Moritz et Salomé Saqué s’inquiètent du retour des heures les plus sombres de l’histoire. Les sociologues Solène Brun et Claire Cosquer prennent la défense de l’experte en racisme Maboula Soumahoro. La chanteuse Yseult (notre photo) chouine à la télé et sur les réseaux sociaux : le public ne l’apprécie pas assez, parce qu’il est grossophobe et un peu raciste. Enfin, les ventes du dernier livre de Sandrine Rousseau ne décollent pas.
Paloma Moritz est journaliste et responsable du pôle écologie du média d’extrême gauche Blast. Elle adore Libération, les rapports du GIEC, Greta Thunberg, les éoliennes, Camille Étienne, les trottinettes électriques, Salomé Saqué, L’Humanité, Cécile Duflot et la quiche lorraine sans lardons. Elle déteste les « climatosceptiques », les voitures, les avions, les journalistes de CNews en particulier et les médias « bollorisés » en général, Éric Zemmour, les propos « climaticides » de ce dernier, les électeurs du RN et la tartiflette avec des lardons. Concernant les médias, Mme Moritz n’est pas contente du tout et le fait savoir sur le site de StreetPress. Elle a remarqué que CNews avait de plus en plus d’audience, ce qu’elle trouve dommageable. Mais elle note surtout, écœurée, que l’audiovisuel public, vraisemblablement influencé par les critiques sur son absence de pluralisme, invite maintenant régulièrement dans l’émission “C ce soir” un journaliste du… Figaro – autant dire un crypto-fasciste. France Inter, ajoute-t-elle sans rire, penche également de plus en plus du côté conservateur, tout ça à cause d’une « petite musique qui monte, un racisme de plus en plus important et des positions anti-écologiques assumées ». Nicolas Demorand, Léa Salamé, Patrick Cohen, Claude Askolovitch, Sonia Devillers, Ali Baddou, Marion L’Hour, Pierre Haski et Carine Bécard seront sûrement surpris d’apprendre que leur radio est devenue le relais d’idées rétrogrades, voire nauséabondes. Quant à l’économiste Dominique Seux, il aurait pu éventuellement ressembler au portrait du méchant libéral tel que le conçoit la journaliste de Blast – mais, respectant en cela les recommandations doctrinaires de la direction de la radio publique, le directeur de la rédaction des Échos ne rate jamais une occasion de se verdir l’âme en colportant le discours des écolos et du GIEC sur le « dérèglement climatique ». Il est évident que Mme Moritz n’a pas le temps d’écouter les télévisions et les radios publiques – elle saurait sinon qu’il n’y pas de médias plus progressistes, wokes, écolos et de gauche, que ces machines propagandistes fonctionnant à plein régime avec l’argent des contribuables.
Etouffez-vous !
La journaliste et militante éco-féministe Salomé Saqué est également très mécontente : « On ne qualifie plus d’extrême droite ce qui devrait l’être. De plus en plus de médias hésitent à utiliser ce terme pour désigner des partis comme le Rassemblement national, ce qui envoie un signal clair : ses idées deviennent acceptables », déclare-t-elle dans un entretien donné au magazine bobo Télérama à l’occasion de la sortie de son très court et très dispensable essai, Résister1. Ah ! si tous les médias pouvaient avoir la ligne de conduite irréprochable de France Inter, France Info, France 2, France 5, Arte, Libération, Le Monde et, bien sûr, Télérama… Ces derniers n’échappent cependant pas totalement aux admonestations de l’écolo : « Le champ médiatique tout entier s’est décalé à l’extrême droite, car les médias moins partisans suivent, en prolongeant les débats imposés par les chaînes et les journaux du groupe Bolloré. » Salomé Saqué a donc décidé de résister et appelle ses compatriotes à faire de même. Pour montrer l’exemple, elle n’a pas hésité à quitter le réseau social X qu’elle juge désormais « structuré par et pour l’extrême droite ». L’opuscule de Mme Saqué est émaillé de formules antifascistes éculées – un florilège de banalités rabâchées. Le style de l’ensemble du prospectus s’en ressent, inévitablement, et oscille entre le gnangnan court : « On ne demande pas la permission d’imaginer un monde sans extrême droite, on le construit », et le gnangnan long : « Parce que les heures les plus sombres de notre histoire devraient nous avoir appris qu’on ne peut pas faire l’économie des valeurs de tolérance et de respect qui constituent le socle de notre démocratie. » Une fastidieuse citation d’Edgar Morin sur la « nouvelle résistance » censée contrecarrer « l’extrême droite en France et en Europe » parachève cette superfluité.
Les sociologues Solène Brun et Claire Cosquer ne décolèrent pas. Après avoir écrit un laborieux et superfétatoire ouvrage sur Ladomination blanche2, elles signent dans Le Nouvel Obs une tribune pour défendre l’autoproclamée « experte en racisme » Maboula Soumahoro dont la présence à une table ronde au Parlement européen sur « l’égalité et l’inclusion au travail » a été contestée par des eurodéputés. Mmes Brun et Cosquer affirment que « ledialogue entre les sciences sociales et la société doit précisément se dérouler dans des lieux tels que le Parlement européen ». Le dialogue ? Quel dialogue ? Le dialogue tel que l’entend Mme Soumahoro qui déclarait en 2019, dans l’émission « Ce soir ou jamais”, qu’un « homme blanc » ne peut ni « incarner l’antiracisme » ni « avoir raison contre une femme noire ou une Arabe » ? Ou celui que conçoit la même Mme Soumahoro lorsqu’elle justifie, sur le plateau de LCI, les ateliers « non-mixtes » (sans « non racisés » ; en clair, sans Blancs) programmés lors d’un « camp d’été décolonial » ou pendant un stage organisé par le syndicat d’enseignants SUD 93 ? Émules de Robin DiAngelo, la conceptrice de la notion débile de « fragilité blanche », Mmes Brun et Cosquer disent posséder des données « scientifiques » prouvant tout à la fois la « suprématie blanche » et l’absence du « racisme anti-Blancs » – ces dames, tout comme leur protégée racialo-décolonialiste, prennent leurs désirs pour des réalités et confondent travail universitaire et militantisme académique monomaniaque. Le résultat intellectuel de ces deux universitaires est indigent et l’écriture inclusive utilisée dans leur dernier ouvrage (2) reflète la médiocrité d’un raisonnement spasmodique et dichotomique. Le monde n’y est appréhendé que sur le mode dominants/dominés et sur des rapports sociaux « racialisés » où les Blancs sont invariablement des privilégiés, et les « racisés » des victimes – cette caricature idéologique de la société sert de prétexte aux gémissements dénonciateurs d’universitaires paresseux et ineptes et aux récriminations pleurnichardes d’artistes sans talent.
À ce propos, la chanteuse Yseult – « femme noire, femme grosse, oubliée de la société et de la culture », larmoyait-elle lors de la remise de son prix aux Victoires de la musique en 2021 – n’est pas contente, elle non plus. Malgré l’énorme soutien publicitaire de France Inter, son dernier album est boudé par le public français. « Je n’arrive pas à croire que les gens dorment sur un projet comme MENTAL, c’est très grave », barbouille-t-elle sur son compte X. « Est-ce que vous pourriez me donner un exemple de projet similaire en France ? Je suis sérieuse car la manière dont comment vous ronflez sur ce projet, c’est chaud. » [C’est ici le moment de rappeler qu’Yseult a été choisie par Emmanuel Macron – qui hésitait sûrement avec une autre chanteuse possiblement francophone, Aya Nakamura – pour être la marraine du sommet de la… francophonie en 2024.] Deux jours plus tard, constatant que ses messages ont irrité de nombreux internautes, Yseult entre dans une colère noire : « MENTAL est l’un des meilleurs projets sortis en France cette année. Ceux et celles qui ne sont pas d’accord, étouffez-vous. »
Immanquablement, dès qu’une daube musicale, cinématographique ou littéraire pointe le bout de son nez, l’audiovisuel public en fait la promotion. Après France Inter, c’est France 5 qui a donc reçu Yseult sur le plateau de “C à vous”. Anne-Élisabeth Lemoine, plus nunuche que jamais, s’extasie – « Vous m’avez beaucoup fait rire avec ce “étouffez-vous” » – et Yseult, aussi vulgaire que d’habitude, en rajoute en se léchant le majeur: « Mais oui, masturbez-vous ! Masturbez-vous ! En plus ça fait du bien, genre un peu de lubrifiant, un peu de dildo… » Notons au passage que la chanteuse onaniste s’est exilée en Belgique en 2021, non pas pour de basses raisons fiscales, qu’allez-vous penser là, mais parce que, expliquait-elle au Guardian à l’époque, « ses habitants accueillent la diversité et assument leur passé colonial, ce qui est encore tabou en France ».
Offensée professionnelle
Victime forever, offensée professionnelle, la plantureuse vocaliste a une préférence pour les lamentos énervés, les longues plaintes accusatrices qu’elle chouine à longueur de temps, sur scène ou sur les plateaux de télé, à l’instar de ses copines Assa Traoré ou Aïssa Maïga. Yseult, qui ne cesse de pousser la chansonnette woke, serait la cible des milieux réactionnaires et la victime d’un racisme systémique en France. « J’ai l’impression que nous, les personnes faisant partie des minorités, des personnes racisées, etc., on doit quelque chose à la France… Mais qu’est-ce qu’on doit, en fait ? J’te jure, ça me casse les couilles de devoir en permanence m’excuser, d’être redevable, d’être dans l’empathie face à des personnes non racisées alors que ça devrait être le contraire », geignait-elle sur le plateau de “Clique”, l’émission de Mouloud Achour sur Canal +, avant de conclure avec la classe qu’on lui connaît : « Qu’on arrête de nous chier dessus ! » Bien entendu, le milieu culturel se passionne pour cette plaintive créature – Thomas Jolly n’a pas manqué de faire appel à elle pour la cérémonie de clôture des JO de Paris. Entre deux brames électro-pop, Yseult aime à se plaindre en baragouinant des jérémiades wokes. Mais tout sonne faux. L’insincérité domine ses boniments dolents, rodés et répétitifs, instruments d’une formidable opération de marketing. La narcissique Yseult aimerait devenir une icône. Si l’art musical ne lui permet pas d’obtenir ce statut, elle espère y parvenir en s’imposant comme LA victime absolue d’un monde dans lequel elle n’a pourtant jamais connu la précarité ou l’injustice : « Matériellement, je n’ai pas à me plaindre, mon père gagnait beaucoup d’argent. On changeait de voiture tous les deux jours, on me conduisait à la maternelle en Mercedes. Ma mère s’achetait des sacs griffés » (entretien donné à Femina) – scolarité dans le privé, nombreux voyages à l’étranger avec ses parents, bénédiction des professionnels musicaux à l’âge de 24 ans aux Victoires de la musique, génuflexion des marques de haute couture ou de cosmétiques (Balenciaga, Alexander McQueen, L’Oréal) pour lesquelles elle défile, etc. Il aura suffi de quelques braiements « inclusifs » et d’un tube, Alibi, une fumisterie bêlée avec la chanteuse Sevdaliza et la drag queen Pabllo Vittar, pour que les agents conformistes des médias et de la « culture » se prosternent devant ce nombril géant.
Last but not least, Sandrine Rousseau. Chacune de ses déclarations exhale un parfum de colère hargneuse et accusatrice. Mme Rousseau a trois missions : 1) Déconstruire l’homme, ce prédateur sexuel dont le barbecue est l’emblème. 2) Sauver la Planète. 3) Dire le plus d’inepties possibles dans les médias – ce à quoi elle est encore parvenue dernièrement en réussissant le tour de force de relativiser, au lieu de la condamner sans restriction, l’arrestation en Algérie d’un écrivain qui est depuis peu, officiellement et pour notre plus grand plaisir, un de nos compatriotes : « Rappelons quand même que ce n’est pas un ange dans ses positions », a-t-elle osé dire sur Sud Radio après avoir affirmé que « les propos et les positions tenus [par Boualem Sansal] sont des propos relevant de l’extrême droite, relevant d’une forme de suprémacisme ». Mme Rousseau n’est pas verte de rage contre le gouvernement algérien qui emprisonne un homme dont le seul tort est d’écrire des livres et des articles évoquant le triste sort des contrées où sévit l’islamisme, mais elle entre en ébullition dès qu’il est question de… l’extrême droite, qu’elle devine partout. Son aveuglement face à la montée islamiste, son acharnement écolo-woke, ses réflexions médiocres et ses déclarations absurdes ont cependant, semble-t-il, eu raison de la patience des Français, même les mieux disposés à son endroit. La preuve, son dernier livre3 encombre les rayons des librairies. Sorti en septembre 2024, il ne s’en est vendu qu’un petit millier d’exemplaires, tandis que celui de Philippe de Villiers4, sorti un mois plus tard, va bientôt dépasser la barre des 150 000 ventes. Sur le site d’Amazon, l’ouvrage du créateur du Puy du Fou a été noté et commenté élogieusement par plus de 500 lecteurs ; celui de Dame Rousseau n’a reçu que 4 commentaires, tous assassins. En guise de conclusion, je ne résiste pas au plaisir de rapporter celui-ci, pour sa simple et cruelle franchise : « On me l’a offert. Jamais lu autant de pitreries que dans ce livre. Je ne sais pas quoi en faire. Le revendre mais je sais qu’il y a très peu d’amateurs. Il ne me reste plus qu’à le jeter. »
Les arrestations récentes d’influenceurs algériens, à Brest, Échirolles et Montpellier, qui appellaient à commettre attentats et meurtres en France, sont inquiétantes. Mais elles étaient prévisibles. Les sinistres individus allient dans leurs messages rageurs un nationalisme algérien hystérique à l’islam identitaire. L’identité nationale et l’unité sociale, des sujets négligés pendant des décennies, ne se décrètent pas. La France est-elle en train de l’apprendre à ses dépens ? Analyse.
Deux influenceurs algériens ont récemment été interpellés en France pour des appels à la violence diffusés sur TikTok. Le premier, Youcef A., âgé de 25 ans, a été arrêté le 3 janvier à Brest. Il est accusé d’apologie publique d’un acte de terrorisme après avoir publié des vidéos appelant à commettre des attentats en France et des violences en Algérie. Le second influenceur, connu sous le pseudonyme Imad Tintin et âgé de 31 ans, a été interpellé le même jour à Échirolles, près de Grenoble. Il est accusé de provocation directe à un acte de terrorisme après avoir publié une vidéo appelant à brûler vif, tuer et violer sur le sol français. Ce qui est inquiétant ce n’est pas seulement la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux mais le nombre de « followers » de ces individus, en France-même – et les commentaires qui approuvent leurs propos incendiaires.
Jeunesse non assimilée et violente
Depuis des décennies, la gauche a encouragé l’idée d’une société harmonieuse et inclusive, mais elle semble avoir ignoré une réalité essentielle : l’unité sociale ne se décrète pas. Elle repose sur une volonté commune, portée par des valeurs et des objectifs partagés. Or, une partie des jeunes issus de l’immigration maghrébine et subsaharienne rejette cette unité, exprimant ce refus par des comportements qui fracturent le tissu social. Cette opposition se traduit par des formes variées de violences : agressions gratuites, vols, trafics, braquages, agressions sexuelles et, dans les cas les plus extrêmes, actes terroristes.
Pendant trop longtemps, ces faits ont été minimisés, interprétés comme des manifestations isoléees ou justifiées par les conditions de vie difficiles dans des quartiers marginalisés. La gauche, notamment, a attribué ces comportements aux inégalités économiques et sociales. Mais cette lecture socio-économique, bien que partiellement fondée, ne suffit pas à expliquer l’ampleur du phénomène. Ces jeunes se retrouvent souvent dans une posture de défiance quasi systématique envers les institutions, qu’il s’agisse de la police, de l’école, des services publics ou même des voisins issus du groupe majoritaire.
Cinquième colonne idéologique
On peut décrire cette situation comme une préparation lente mais méthodique à des révoltes à venir, que pourraient instrumentaliser des courants islamistes. Ceux-ci exploitent les fractures sociales pour faire avancer leur idéologie, tout en attendant un contexte politique qui leur serait favorable. Pourtant, les mécanismes à l’origine de ces comportements dépassent largement la sphère religieuse.
L’islam, dans le contexte européen actuel, sert de catalyseur idéologique à ces tensions. Il offre une grille de lecture et une justification pour rejeter le modèle culturel occidental. Mais ce rejet s’inscrit dans un cadre plus large : celui de l’émergence de communautés séparées, où les caïds locaux et les prêcheurs radicaux imposent des modes de vie en rupture avec les normes occidentales.
Le défi des différences culturelles
Au cœur de cette fracture se trouve une question fondamentale : comment des groupes issus de civilisations aux valeurs profondément divergentes peuvent-ils coexister au sein d’un même espace ? L’histoire montre qu’une coexistence pacifique nécessite des concessions. Une civilisation doit accepter de renoncer à certaines de ses pratiques ou valeurs pour s’intégrer dans un ensemble commun. Ce processus, souvent appelé « assimilation », est aujourd’hui rejeté par certains comme une forme de domination culturelle. Mais refuser cette intégration revient à entretenir des sociétés parallèles, sources de tensions perpétuelles.
Les modèles de société occidentaux reposent sur des principes spécifiques : la primauté de l’individu sur le groupe, l’égalité des sexes, la liberté d’expression, et la séparation entre le religieux et le politique. Ces principes entrent parfois en conflit avec des systèmes culturels qui privilégient la communauté, la hiérarchie entre les sexes, ou l’autorité religieuse. Ces divergences profondes ne sont pas uniquement théoriques : elles se manifestent dans des comportements du quotidien qui alimentent le rejet mutuel.
Vers une unité culturelle ?
La diversité n’est pas en elle-même un obstacle. Une société peut accueillir une pluralité d’expressions culturelles, à condition que celles-ci respectent un cadre commun et ne cherchent pas à s’imposer par la force ou le rejet des autres. En revanche, la violence, qu’elle soit physique ou symbolique, devient rapidement un facteur de rupture.
Il est également essentiel de se demander si la coexistence entre civilisations est possible sans une forme de domination culturelle. Historiquement, les sociétés multiculturelles les plus stables ont été celles où une culture dominante établissait les règles communes. Cela peut être perçu comme une forme de violence symbolique, mais si cette domination est vécue positivement – comme un vecteur d’émancipation individuelle et collective –, elle peut garantir une coexistence plus pacifique.
Ce défi culturel est sans doute l’un des plus grands auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui. L’objectif ne peut être de nier les différences ou d’ignorer les tensions, mais de proposer un modèle clair où chaque individu, quelle que soit son origine, peut trouver sa place dans une société unie par des valeurs communes. Si cela s’avérait impossible, une société déjà divisée deviendrait une société d’ennemis.
Elisabeth Lévy sur Sud Radio : il faut arrêter les balivernes sur le vivre-ensemble !
Mélenchon veut passer à la 6e République comme on change un vieux canapé, mais sans se soucier du mode d’emploi constitutionnel.
La petite musique est soigneusement réglée depuis plusieurs semaines chez les Insoumis et les discours de ses dirigeants sont à l’unisson en matière institutionnelle : Emmanuel Macron doit être destitué ; à défaut il doit démissionner le plus vite possible, fût-ce sous la pression de la rue. Aussi Jean-Luc Mélenchon et son équipe ont-ils d’ores et déjà entamé la sélection des élus pour obtenir les 500 signatures qui lui permettront d’être candidat à l’élection présidentielle.
On ne pourra pas faire comme si on ne savait pas
Tant Mathilde Panot que Manuel Bompard ont parlé au début du mois de décembre d’un changement de Constitution, d’une modification de la loi électorale et par conséquent d’un déblocage de la situation de crise actuelle. Mais qu’ont en tête les Insoumis ? Les déclarations du meneur de La France Insoumise et de ses proches associées aux publications officielles de La France Insoumise en ligne depuis plusieurs années permettent de le savoir sans détour.
Ce qui est frappant chez eux, c’est que tout est annoncé, même si leurs objectifs sont inavouables. On ne pourra donc pas dire qu’on ne savait pas. Ainsi en est-il des cibles électorales, les jeunes, les femmes et les musulmans des villes et des banlieues, comme cela a été signifié par Jean-Luc Mélenchon lui-même. Quant à la question institutionnelle, elle a été présentée de manière adamantine dans une brochure lors de la campagne présidentielle de 2022 et intitulée sans fard « Comment nous allons passer à la 6e République ».
Voici donc ce qu’il va se passer selon les Insoumis : une fois élu, leur chef débloquera la situation pour la simple et bonne raison qu’il ne sera pas bridé par la Constitution actuelle qui interdit au chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale avant juillet 2025, donc qui en pratique interdit la tenue d’élections avant septembre prochain. Dès après son élection, Jean-Luc Mélenchon utilisera l’article 11 de la Constitution, un pouvoir personnel du chef de l’État. Non pas pour la réviser comme l’avait fait le général de Gaulle à plusieurs reprises au grand dam de l’ensemble des constitutionnalistes sérieux qui jugeaient que cet article ne pouvait concerner que des textes de valeur législative et que seul l’article 89 pouvait être utilisé pour modifier la Constitution, c’est-à-dire avec l’accord des deux chambres du Parlement. Mais pour carrément changer de Constitution.
Le peuple en liesse votant au referendum en faveur du changement de Constitution, une Assemblée constituante, composée à la fois de personnes tirées au sort et d’élus à la représentation proportionnelle (pour assurer le succès de LFI), rédigerait un projet de Constitution qui serait soumis au peuple pour ratification. Un peuple éclairé par des médias aux ordres, cela va de soi…
Un horizon rouge-vert radieux !
Le processus ferait fi de la Constitution actuelle. Comment est-ce possible ? Les Insoumis se réfèrent à la Constitution de 1793, dite montagnarde, jamais appliquée mais rédigée par les ancêtres de nos gauchistes et donc mythique aux yeux de ces derniers. Une constitution révolutionnaire qui dispose notamment qu’« un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures » (sauf manifestement en leur laissant une dette abyssale…).
Mais il y a un auteur sulfureux qui a bien pensé le même type de mécanisme et qui doit être l’un des inspirateurs des Insoumis, à tout le moins des spécialistes qu’ils consultent. Juriste allemand, antisémite et antilibéral notoire avant de se perdre dans le nazisme, paradoxalement très goûté de l’extrême gauche depuis la fin du XXe siècle, Carl Schmitt estimait qu’une nouvelle Constitution n’avait en aucun cas à se conformer aux règles de celle qu’elle remplaçait, le fait effaçant le droit. En ce sens, la 6e République, chère au cœur de Jean-Luc Mélenchon, pourra être portée sur les fonts baptismaux sans aucun respect des dispositions de la Constitution de la Ve République à l’issue de l’élection présidentielle victorieuse.
Et que nous réservent nos futures institutions concoctées par cet admirateur de la République bolivarienne qu’est le meneur des Insoumis ? Une intervention populaire permanente (exeunt les garanties des droits et la justice constitutionnelle), une « règle verte » pour subvertir la liberté économique, une république des « biens communs », des « droits nouveaux », « de l’égalité réelle ». Bref, une dictature rouge-verte. Oui, LFI et Jean-Luc Mélenchon sont des dangers publics !
Nous avons eu peur, à Causeur, en recevant le dernier article de notre chroniqueur mal embouché. « L’anti-France », cela sentait bon le complot judéo-maçonnique des années 1900, Charles Maurras, Léon Daudet et autres thuriféraires d’extrême-droite. Mais en le lisant, finalement…
Bien sûr, l’expression « anti-France » remonte aux grandes années de l’affaire Dreyfus. L’anti-France, c’étaient, pour la droite nationale, les dreyfusards, tous agents de l’étranger (en l’espèce, la Prusse), habités de sentiments anti-patriotiques — ce qui, quelques années avant la Grande Guerre, signifiait davantage qu’en nos temps de paix et de concorde universelle…
Mais notre contemporanéité se caractérise par l’inversion de toutes les valeurs. Nous vivons ce moment orwellien où « l’ignorance, c’est la force », « la liberté, c’est l’esclavage » et le Hamas est une organisation pacifiste. Ou pourquoi pas l’État islamique tant qu’on y est, que Jean-Luc Mélenchon donnait dernièrement le sentiment de défendre dans sa critique acerbe des frappes françaises sur la Syrie. Ce moment où les vieilles lubies antisémites de l’extrême-droite sont ramassées dans le caniveau par la gauche et le Camp du Bien.
À noter que le socialisme des origines n’était pas forcément dreyfusard. Jean-Numa Ducange, dans Marianne, a tout récemment expliqué que Jules Guesde et ses partisans, acharnés à combattre les bourgeois et les militaires, n’avaient aucune sympathie pour Dreyfus, officier qui jamais ne renia le corps qui l’avait formé. Quant à l’assimilation des Juifs et des bourgeois — et plus spécifiquement des banquiers —, il suffit de lire L’Argent pour connaître le sentiment de Zola sur la « race maudite », bien loin des opinions qu’on lui a forgées dans la légende républicaine après J’accuse. La gauche qui soutient mordicus le Hamas et accable Boualem Sansal parce qu’il déplaît aux Algériens manipulés par le régime, dont les immigrés sont les électeurs potentiels de Mélenchonet de ses épigones, est la même que celle qui méprisait Dreyfus.
L’anti-France, aujourd’hui, rassemble ceux qui luttent contre la République. Contre l’État. Contre la civilisation. Woke, blacks blocs, féministes de dernière dégénération, gauchistes professionnels en quête d’un nouveau prolétariat sur lequel marcher pour arriver au pouvoir, trotskistes d’hier et d’aujourd’hui, lambertistes de la première et de la dernière heure.
Et tant d’autres…
Dans un grand mouvement à 180°, la gauche est passée de l’autre côté, et la droite en quête de respectabilité en serait presque à revendiquer des idées de gauche.
La mort de Maïté, icône des années 1970-1980, m’a amené à redéfinir l’anti-France culinaire. La France, c’est le bœuf en daube ou le bourguignon, ce n’est pas la salade de quinoa. La France, c’est le cassoulet, les pieds-paquets ou la marmite dieppoise, ce n’est pas le surimi pour menus anorexiques. La France, c’est la poule au pot, le lapin chasseur et le civet de lièvre. Pas le steak de soja. Dans Le Tour de France d’Astérix (1965 — soixante ans déjà), le petit Gaulois fait le tour de l’Hexagone pour récolter les spécialités bien de chez nous, bêtises de Cambrai, saucisson de Lyon (on ne disait pas encore « Jésus », à l’époque), bouillabaisse et autres spécialités.
Mais je suis un Moderne, et je ne crache pas sur un couscous mitonné au Fémina (1, rue du Musée, à Marseille) ni sur une pizza sortie du four de la Mère Buonavista (10, avenue du Prado, Marseille aussi). Nous avons au cours de notre histoire cousu au tissu français des mœurs exotiques arrivées d’Espagne, d’Italie ou du Maghreb — tant que les immigrés de ces pays se fondaient dans la culture nationale. Mes appétits ne sont pas forcément franco-français.
Mais ils ne sont pas anti-Français. La France est omnivore, elle n’est pas végane. Elle aime les barbecues, elle n’aime pas Sardine Ruisseau. Elle a inventé jadis les banquets républicains, où, comme le souligne Pierre Birnbaum dans La République et le cochon (2013), les Juifs en quête d’intégration savaient manger les cochonnailles offertes à l’appétit national. Parce qu’ils distinguaient, eux, ce qu’ils devaient à la nation et ce qu’ils devaient à leur dieu.
La France a des racines paysannes, elle est puissamment périphérique, comme dit Christophe Guilluy, elle existe surtout au-delà des boulevards des Maréchaux. L’anti-France vote en deçà du périphérique : seuls des agents de l’internationalisme prolétarien et de la boboïtude, escroqueries majeures, auraient l’idée d’élire Aymeric Caron, Sofia Chikirou, Rodrigo Arenas, ou Danièle Obono.
Mais nous savons depuis lurette qu’elle est bien finie, l’époque où l’on prétendait qu’« il n’est bon bec que de Paris ». La vraie France est ailleurs, dans ces campagnes dont les panneaux de signalisation ont été rendus illisibles par ceux qui refusent le Mercosur et leur mort programmée.
Il est urgent de rétablir la vérité sur les valeurs que défendent les uns et les autres. D’un côté la vérité, de l’autre les illusions d’optique. Je me suis attelé à la tâche immense de rendre la vue aux aveugles et des neurones aux décervelés. Je leur souhaite une bonne année, pourvu qu’ils consentent à chausser des lunettes.
Les agressions sexuelles commises par des immigrés, et les silences gênés chez les féministes, rappellent des conseils passés farfelus comme « restez à un bras d’écart » ou « élargissons les trottoirs ». Mais désormais, sur ces affaires, le magnat Musk veille…
"On a subi des attouchements": à Milan pour fêter le Nouvel an, Laura et ses amis ont été victimes d'agressions https://t.co/MJ4CcWgiKR
Les faits sont passés quasiment inaperçus dans la presse française : de jeunes Liégeoises ont été victimes d’agressions sexuelles, sur la piazza del Duomo de Milan, lors du réveillon du Nouvel An. Principalement visées, trois filles ont eu à subir des attouchements, dont quelques mains baladeuses introduites jusqu’à l’intérieur de leurs vêtements. Une des victimes, dont les propos ont été rapportés par 7sur7, précise : « Il y avait beaucoup de migrants ou jeunes d’origine étrangère avec le drapeau de leur pays (…) et très peu d’Italiens ». Cerise sur l’indigeste gâteau : les agresseurs n’ont pas manqué de crier « vaffanculo Italia »en plus de quelques « amabilités » envers la police.
La scène ne manque pas de rappeler la cauchemardesque Saint-Sylvestre vécue par de jeunes Allemandes en 2015 à Cologne : une vague d’agressions sexuelles avait alors été commise par des réfugiés. Au total, plus de mille plaintes avaient été déposées suite à ce viol collectif et organisé. D’autres villes furent alors touchées par le phénomène dans pas moins de douze Länder allemands. C’était seulement quelques mois après qu’Angela Merkel, alors chancelière, eut prononcé son désormais célèbre autant que mortifère : « Wir schaffen das! » (traduisez : « Nous y arriverons ! »). Avec sa formule péremptoire, la Dame de fer allemande n’avait pas fait avancer la cause des femmes.
Dans les deux cas, comme dans beaucoup d’autres, le silence des féministes ayant pignon sur rue – à l’exception notable du Collectif de droite Némésis – fut et reste assourdissant, comme si elles se forçaient à ne pas comprendre une réalité qui met à mal leur intersectionnalité aveuglante et leur antiracisme moralisateur. Selon leur grille de lecture, l’étranger, contrairement à l’homme blanc, ne peut en aucun cas être un agresseur ou un violeur car lui aussi est, à leurs yeux, une victime – rappelons-leur que nos sociétés sont parmi les plus accueillantes du monde. Et puis, il ne faudrait, selon elles, surtout pas « faire le jeu de ». Tel un symbole, quelques jours après le viol de Cologne, le maire de la ville rhénane, Henriette Reker, avait conseillé aux femmes de garder avec les hommes une distance « d’une longueur de bras ». La sortie préfigurait celle de Caroline de Haas qui proposerait, quelques mois plus tard, d’« élargir les trottoirs » pour lutter contre le harcèlement.
Une autre affaire refait surface aujourd’hui, à la faveur d’un tweet d’Elon Musk. Entre les années 1980 et 2010, des milliers de jeunes filles, souvent mineures et issues de milieux défavorisés, ont été agressées sexuellement par des gangs composés d’Indo-pakistanais au Royaume-Uni. La révélation des faits sordides, mêlant viols, torture et prostitution forcée, aurait dû susciter une vague d’indignation allant au-delà des frontières britanniques. Mais les médias et faiseurs d’opinion européens se sont tus dans toutes les langues : il ne fallait surtout pas mettre à mal le récit diversitaire.
Évidemment, il est toujours utile de rappeler que tous les étrangers ne sont pas des violeurs (loin de là, évidemment) et que tous les violeurs ne sont pas étrangers. Cela ne doit pas nous empêcher de regarder en face la réalité et de nous poser les bonnes questions : combien d’autres affaires de ce type sont-elles mises sous le boisseau ? Combien d’autres victimes subissent-elles encore des viols dans l’indifférence la plus totale ? Et surtout : combien de temps allons-nous accepter cela sans réagir ?
La notion d’apartheid de genre, largement relayée par les médias et les grandes instances internationales, tend malheureusement à occulter la dimension religieuse, pourtant fréquemment au cœur de cette problématique.
Les alertes se succèdent et les défenseurs des droits de la femme en sont secoués. Enfin… pas tous. Abou Mohammed al-Joulani, ancien d’al-Qaida en Irak, fondateur du Front al-Nostra, puis de Hayat Tahrir al-Cham, a connu des heures de célébrité en prenant le contrôle de la Syrie après le renversement de Bachar al-Assad… Il s’est alors rendu célèbre sous ce nom – al-Joulani – en devenant ce que certains chroniqueurs de chez nous appelèrent alors un « islamiste modéré ». C’était l’avènement d’une nouvelle espèce de résistant : « le jihadiste gentil ». Monsieur al-Joulani a changé de nom en devenant ministre des Affaires étrangères de son pays. Il s’appelle désormais Ahmad al-Chareh. Ce changement de nom s’est popularisé ce 3 janvier 2025, lors d’une rencontre à Damas des ministres des Affaires étrangères. S’il a bien serré la main du ministre français Jean-Noël Barrot, il a refusé de serrer la main de Madame Annalena Baerbock, son homologue ministre allemande des Affaires étrangères. Son homologue… enfin, pas tout à fait car Annalena Baerbock est une femme et on ne va quand même pas demander à un ex-jihadiste, même « modéré », de s’asseoir sur les versets 187, 223, 228 de la sourate II, ou sur la sourate IV, Les femmes. Ils sont trop connus des croyants. Rappelons le verset 38 pour ceux qui n’auraient pas leur Coran sur la table de chevet : « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci… » (IV, 38)
Moment de flottement à Damas
La séquence de ce refus de serrage de main est devenue virale et a été qualifiée par la presse de « moment de flottement ». Comprendre : « ce n’est pas grave ». On apprend aussi que les ministres avaient au préalable « validé le protocole » de la rencontre. Comprendre encore : on ne va pas demander à un jihadiste gentil de serrer la main d’une femme, fut-elle ministre. « La diplomatie française et européenne est vraiment courageuse » pense Boualem Sansal dans sa cellule… J’ai évoqué plus haut le texte sacré, le Coran. Oui, parce que je pense que tant que notre culture laïque, rationaliste, républicaine, nous tiendra éloignée du « fait religieux » nous stagnerons dans une ignorance de la « culture des autres ». Les laïques que nous sommes, tout en défendant bec et ongle cette laïcité, doivent bien comprendre que si nous avons rompu avec le religieux, d’autres de par le monde n’ont pas suivi ce chemin. Qui, mieux que Régis Debray ce marxiste décillé, a expliqué cette évacuation du religieux par nos sociétés occidentales : « Parce qu’on se refuse à dire que Malraux avait raison et que Marx a eu tort de voir dans le religieux […] une vieillerie en voie d’extinction, dont le genre humain sera débarrassé… ». Après avoir évoqué la nullité en matière de religion des chefs d’État comme Georges Bush ou François Mitterrand, cet auteur ajoute « L’absence d’un cours d’histoire des religions à l’École nationale d’administration en dit long sur cette impéritie… ».[1]
Cette impéritie que Debray soulignait dans un chapitre de son livre sous-titré « Du sacré en général – De la France en particulier », je la vois culminer le 17 juin 2024 dans cette déclaration d’Amnesty International :« Nous demandons la reconnaissance de l’apartheid fondé sur le genre en vertu du droit international pour combler une lacune majeure de notre cadre réglementaire mondial ». On tremble à la lecture de ce qui suit :« Le projet de convention sur les crimes contre l’humanité, une initiative majeure actuellement débattue à l’ONU, représente une occasion importante de dynamiser la lutte en faveur de la justice de genre. Les États membres de l’ONU doivent la saisir et intégrer l’apartheid fondé sur le genre dans le droit international, tout en recherchant d’autres possibilités, notamment auprès du Conseil des droits de l’homme, de consolider le concept.[2] » L’ignorance et l’impéritie évoquées plus haut culminent dans ces propos d’Amnesty International. Imagine-t-on l’ONU et Amnesty engager une conflagration mondiale avec le monde islamique, une lutte pour « la justice de genre » ? Faut-il comprendre que l’ONG rêve de réviser la parole de Dieu révélée dans le Coran ? de retoquer la charia ? de censurer les hadiths du prophète ? À l’idée que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et Amnesty partent en croisade contre le livre sacré et son contenu relatif à l’égalité homme-femme, j’imagine les gardiens de la révolution à Téhéran, les Talibans à Kaboul en train de se tordre de rire !
Petits chose du concept
Il est stupéfiant qu’à Amnesty International que l’on imagine sur tous les théâtres de conflits qui ébranlent la planète, il ne se soit trouvé personne pour avoir un jour eu l’idée de se renseigner sur le statut de la femme en islam en ouvrant le Livre ! Il y a près de vingt ans, Jean-Claude Michéa publiait son livre L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes.[3] Nous y sommes. L’Europe, la France, sont pourtant riches d’une pépinière d’orientalistes, d’islamologues qui, d’Albert Kasimirski à Jacque Berque, d’André Chouraqui à Régis Blachère, ont mis à notre disposition de nombreuses traductions du Coran dont certaines disponibles en librairie a moins de 10 euros ! Comment expliquer qu’il ne se trouve pas un responsable d’Amnesty International pour demander à un stagiaire, après lui avoir glissé un billet de 10 euros, d’aller a la FNAC acheter un exemplaire et de faire une simple synthèse de « ce que dit le livre sur le statut de la femme » ? Ils y apprendraient, outre que le voile n’est pas un couvre-chef comme la coiffe bretonne ou le béret basque, que « l’apartheid de genre » est inscrit dans la lettre du livre sacré. Mais on ne peut pas demander aux féministes affligées par le sort de leurs sœurs afghanes ou Iraniennes de daigner lire un livre disponible depuis quatorze siècles. En popularisant le concept d’« apartheid de genre », Agnès Callamard, la secrétaire générale de l’ONG Amnesty International, enrichit d’un néologisme ce que Romain Gary nommait la « littérature fumigène », le « langage suave » évoqué aussi par Philippe Muray. S’il ne s’agissait ici que de railler ces Petits chose du concept dont parlait Murray, on ne ferait qu’ajouter à la longue liste du politiquement correct qui régit la révision du langage. Les infirmes de mon enfance sont devenus des « personnes à mobilité réduite », il n’y a plus d’aveugles mais des « mal voyants », plus de sourds mais des « mal entendant » et plus de cancres mais des « mal apprenant ». Le ministère de l’Éducation a remplacé récemment le vocable si stigmatisant de « groupes de niveau », par « groupe de besoin », tellement plus suave… On imagine qu’à Téhéran, à Kaboul, à Damas chez les « islamistes modérés », cette bombe atomique qu’est l’invention de « l’apartheid de genre » doit provoquer la terreur.
[1] Régis Debray, D’un siècle l’autre, Gallimard, 2020, p 267
[2] La déclaration de la Secrétaire d’Amnesty se poursuit ainsi : « L’apartheid fondé sur le genre doit être reconnu comme un crime de droit international, en vue de renforcer les initiatives visant à lutter contre les régimes institutionnalisés d’oppression et de domination systématiques imposés pour des motifs liés au genre, a déclaré Amnesty »
[3] Jean-Claude Michéa, L’enseignement de l’ignorance, Ed.Climats, 2006.
Dix ans après avoir perdu certains de ses amis les plus chers dans l’attaque de Charlie Hebdo, l’ancien directeur du journal ne cède ni à l’apitoiement ni à la résignation. Alors que les injonctions à la censure ne viennent plus seulement des djihadistes, mais d’un certain monde intellectuel et d’une gauche inféodée aux Insoumis, l’esprit de soumission doit être plus que jamais combattu.
Causeur. C’était hier et il y a une éternité. Qu’est-ce que ce 7 janvier 2015 a changé en vous ?
Philippe Val. Pour moi il y a un monde avant et un monde après. Quand des amis de plusieurs décennies disparaissent d’un coup, assassinés par des islamistes, vous êtes d’abord choqué, désespéré. Il faut ensuite un certain temps pour que cette réalité vous pénètre dans toute son intensité. Dix ans après, je rêve toujours de Cabu et de Wolinski, je me demande ce qu’ils ont ressenti au moment où leurs tueurs sont arrivés avec leurs cagoules et leurs flingues. J’essaye de me mettre dans leur tête, dans leur système nerveux. Je me dis : pourvu qu’ils n’aient pas souffert ! Et je ne sais pas…
Vous n’étiez plus patron de Charlie Hebdo en 2015, mais Cabu et d’autres étaient restés vos intimes.
Je connaissais Cabu depuis les années 1970. C’était la famille. Mieux que la famille même, puisque c’est quelqu’un avec qui j’avais choisi de vivre. On s’est apporté tellement de choses ! Si je n’avais pas rencontré Cabu, je n’aurais pas fait de journalisme, tout simplement. Mais je ne veux pas pleurnicher, car si lui et les autres sont morts, je suis vivant, je continue à voir des amis, à m’amuser, à aimer, à jouir du temps qu’il fait et à voir mon fils grandir. Ne pas trahir Charlie, c’est aussi aimer la vie autant qu’il est possible, et ne pas se poser en victime.
Vous êtes l’un des plus anciens journalistes français à vivre sous protection policière…
Oui, depuis 2006. Mais les premières menaces de mort sont arrivées dès la fin des années 1980, avec l’affaire du voile. À l’époque, dans ma chronique sur France Inter, j’avais soutenu le proviseur de Creil qui refusait le port de signes religieux dans son établissement. Quelques années plus tôt, j’avais pu écrire en toute quiétude des sketches pour Thierry Le Luron avec des choses épouvantables sur l’ayatollah Khomeini, n’imaginant pas un instant que la censure changerait un jour de camp et que l’humour deviendrait la cible du terrorisme.
Aujourd’hui, avez-vous peur pour votre vie ?
Pas tout le temps. J’ai connu une période très noire quand mon fils était petit. Chaque nuit à la maison, le moindre bruit prenait une signification terrifiante. Cela dit, j’ai confiance en mes officiers de sécurité qui sont extrêmement compétents. La preuve, en 2017, dans une librairie à Strasbourg, quand un homme s’est précipité vers moi en hurlant, une jeune policière affectée à ma sécurité m’a sauvé la vie en immobilisant immédiatement l’agresseur, qui devait peser deux fois plus lourd qu’elle, mais elle était tellement entraînée ! Je vivais alors sous surveillance renforcée, car le groupe terroriste qui avait revendiqué l’attentat de Charlie avait émis de nouvelles menaces. Lors de mes déplacements, il fallait trois véhicules. On m’a dit que c’était le même dispositif que celui des ambassadeurs américain et israélien. Ce n’est pas une vie normale. À la campagne, pas question d’aller à la boulangerie. Je ne vais pas débarquer sur la place du village avec trois voitures…
Diriez-vous que la pression est un peu retombée ?
Je dirais l’inverse. Les choses se sont aggravées. Les injonctions à la censure ne viennent plus seulement des djihadistes, mais d’un certain monde intellectuel, en particulier universitaire, ainsi que des journaux, disons dominants, Le Monde et tous ceux qui suivent sa ligne éditoriale. Résultat, alors que les attentats continuent, une grande partie du personnel politique français dénonce la prétendue stigmatisation des musulmans qui se cacherait derrière la critique de l’islam.
Ce pseudo-antiracisme est-il si nouveau ?
J’ai connu une époque moins idiote. En 2005, quand survient l’affaire des caricatures de Mahomet au Danemark, à Charlie Hebdo, on suit cela de très près. Et puis l’histoire enfle, notamment à cause des manifestations et des mesures de boycott des entreprises danoises dans le monde arabe et musulman. D’autres médias français s’emparent du sujet, à commencer par France Soir, à l’époque un vrai journal, qui publie les caricatures, tout simplement pour montrer à ses lecteurs l’objet du scandale. Le propriétaire du titre, un Libano-Égyptien, vire sur-le-champ l’auteur du papier. C’est ce qui conduit Charlie à publier les caricatures à son tour. Le jour où nous prenons cette décision, Cabu et moi participons à la réunion d’un cercle de réflexion parisien, avec des patrons de presse, des conseillers d’État et des intellectuels. Tous nous félicitent. Même chose quand je propose aux confrères de se joindre à nous : presque tous disent banco.
Sauf qu’ils se rétractent…
Non seulement ceux qui m’avaient dit oui ne publient pas, mais en plus ils me traitent de raciste ! Si toute la presse avait publié les caricatures, l’affaire aurait été terminée. Mais voilà, le peloton est resté groupé, et Charlie Hebdo est parti devant en danseuse, avec une cible dans le dos. Seul Denis Jeambar, le patron de L’Express, nous a suivis. En sachant pertinemment que cela rendrait furieux son principal actionnaire Serge Dassault, qui était sur le point de se rendre en Arabie saoudite avec Jacques Chirac pour vendre des Mirage. Dès son retour, Dassault a vendu L’Express.
Comment Chirac s’est-il manifesté ?
Il nous a engueulés[1]. Mais son ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, nous a en revanche beaucoup soutenus, bien que Charlie ne fût pas sa tasse de thé…
C’est plutôt Sarkozy qui n’était pas la tasse de thé de Charlie !
Ça montre à quel point il est intelligent sur ces sujets-là. D’ailleurs nous sommes ensuite devenus amis, puisqu’il s’est marié avec une de mes amies.
Avez-vous reçu d’autres soutiens politiques ?
Oui, de Manuel Valls en particulier. Aujourd’hui, il souffre d’un scandaleux discrédit, alors que c’est le seul à gauche, avec Bernard Cazeneuve et Bertrand Delanoë, qui a été sérieux dans l’affaire. À droite, Gérald Darmanin a été un ministre de l’Intérieur relativement mobilisé, Bruno Retailleau aussi. Quitte à me faire pourrir, je les salue.
D’accord, on a protégé les synagogues. Nos élites médiatiques ont-elles ouvert les yeux ?
Le Parisien et Le Figaro sont de plus en plus vigilants sur ces questions-là. Il est vrai que la presse a beaucoup moins de pouvoir qu’autrefois, je le regrette d’ailleurs.
Il y a les médias Bolloré comme Europe 1, où on vous entend chaque lundi. Ont-ils changé la donne ?
Oui, on y voit et on y entend beaucoup d’esprits libres, absolument pas soupçonnables de racisme. Leur discours est en train de gagner du terrain. Pendant ce temps, la gauche qui s’effarouche davantage de l’islamophobie que de la guerre nucléaire prend un coup de vieux. C’est un peu comme la chanson à texte face à l’arrivée des Rolling Stones et des Beatles. Vous verrez, le wokisme va devenir ringard.
En attendant, la gauche encourage l’islam politique
S’agissant de la gauche autoritaire, issue du marxisme, impossible de vous donner tort. Et la gauche libérale a disparu des écrans radars. Je ne parle pas de la gauche mitterrandienne, mais de la gauche authentiquement libérale, celle de Michel Rocard, qui ne s’est jamais compromise avec des antisémites. Raphaël Glucksmann, comme François Hollande, s’est allié avec les Insoumis. Depuis quelques années, le cynisme est une seconde nature au Parti socialiste.
Il y a aussi la peur de déplaire à France Inter. Une peur moins honorable que celle de mourir dans un attentat.
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Ceux qui trouvent des excuses aux terroristes et se demandent si les victimes des attentats ne l’auraient pas un peu cherché, ont, eux aussi, peur de mourir. Ils pensent qu’en donnant un petit sucre au loup qui bouffe leur voisin, ils ne seront pas bouffés.
Or, on ne calme pas un loup avec un sucre…
Un jour j’ai dit cela dans une conférence à Montréal. À la fin, un type très connu là-bas, l’une des grandes plumes du quotidien La Presse, s’est approché de moi et m’a dit : « Quand tu as publié les caricatures, j’ai écrit un édito pour dire que tu stigmatisais les musulmans. Mais la vérité, c’est que j’ai eu la trouille, et j’ai cherché une bonne excuse pour ne pas publier les caricatures. » J’ai été impressionné par son honnêteté. Le surlendemain, il a publié un texte pour me présenter des excuses publiques. J’aurais tellement aimé voir cela en France, ça nous aurait sauvés si des journalistes importants avaient eu la même attitude.
Pas sûr. Si tous les médias étaient radicalement Charlie, l’islamisation des banlieues serait-elle pour autant stoppée ?
Évidemment pas. À ce sujet, j’ai entendu récemment le témoignage édifiant d’un agent de sécurité, d’origine maghrébine. Il est athée, sa femme aussi. Et pourtant elle porte le voile islamique, pour ne pas se faire emmerder dans leur cité. Pas question non plus d’avoir un sandwich à la main pendant le ramadan. « On fait semblant », disent-ils. On ne se rend pas compte de la pression que subissent les musulmans en France. Certains responsables religieux, à la Grande Mosquée de Paris, me demandent de ne pas répéter ce qu’ils me disent de l’obscurantisme qui règne par la menace. Avec l’islam politique, la peur est partout. Partout.
L’idéologie aussi. Or on ne sait pas comment enlever les mauvaises idées de la tête des gens.
La déradicalisation, ça n’a jamais marché nulle part. Dès lors que deux islams, l’un intégré et l’autre intégriste, coexistent et sont redoutablement imbriqués l’un dans l’autre, la seule chose qu’on puisse faire, c’est protéger ceux qui veulent se désimbriquer. En particulier en permettant que l’école reste pour leurs enfants un espace de liberté.
Les profs sont-ils armés pour cela ?
Pas sûr. On dit qu’en France on manque d’enseignants parce qu’il n’y a pas d’argent. C’est juste, mais les pays européens qui payent bien leurs profs, comme l’Allemagne, sont confrontés à la même difficulté de recrutement. Qui a envie de se retrouver face à des élèves disant qu’il ne faut pas insulter le prophète, que Darwin s’est trompé, et que deux et deux font cinq ? Et je ne parle même pas des profs assassinés.
Tout vient d’une immigration incontrôlée et mal intégrée, dont une partie des enfants sont en sécession culturelle.
Je fais toujours attention quand j’utilise le mot « immigration ». Je connais un Vietnamien qui a été adopté par une famille juive. Figurez-vous que ses enfants vont faire leur bar-mitsvah ! Il faut relativiser la question démographique, car après tout, il y a toujours eu des étrangers en France.
Oui, mais plus rarement des étrangers hostiles à la France.
J’en conviens. Mais je préfère parler de problèmes d’intégration. En reconnaissant toutefois que l’échec de l’intégration ne tient pas seulement au pays d’accueil, mais aussi aux personnes accueillies qui refusent de se fondre dans la masse.
Et au nombre non ?
En effet, lorsque les diasporas sont trop nombreuses, elles ne s’intègrent plus, mais reproduisent en pire les us et coutumes de leur pays d’origine. Voilà pourquoi l’École, mais aussi la régulation des réseaux sociaux sont des priorités. Je relis pour la troisième fois L’Étrange Défaite de Marc Bloch. On dirait vraiment qu’il décrit les élites d’aujourd’hui, alors qu’il parle de celles d’avant-guerre, de leur effondrement moral et de leur aveuglement devant le nazisme.
Pensez-vous à Emmanuel Macron qui est pour le moins changeant au sujet de ce qu’il a appelé le « séparatisme » ? Que retenir de sa présidence ?
Une espèce de « girouettisme ». Avec lui, tout dépend de l’heure et du vent. Il lui arrive de prendre la mesure du problème et de bien en parler, car il est intelligent. Sauf quand, face à un mafieux comme le président algérien, il s’accuse des pires crimes. Ou quand, informé de la réalité des quartiers hors de contrôle, il conclut : « Pas touche aux banlieues, sinon le feu va prendre dans toute la France ! » Et enfin, surtout, quand il croit devoir remercier ses électeurs musulmans en parlant d’islamophobie, quand la réalité, c’est une religion en expansion pratiquée de façon hostile par un pourcentage élevé de fidèles.
Pourquoi la gauche n’arrive-t-elle pas à reconnaître ce fait ?
L’influence de Jean-Luc Mélenchon est considérable dans ce phénomène.
Il y a dix ans, il prononçait l’éloge funèbre de Charb !
C’était presque aussi beau que son hommage à Yahya Sinwar… Mélenchon a exactement la trajectoire de Jacques Doriot, qui était copain avec Lénine, et qui en 1930 quitte le PC, le jugeant trop à droite, pour se retrouver dix ans plus tard dans les milices pétainistes. On retrouve la même influence de Marx et de son texte « Sur la question juive » dont les arguments – les juifs, capitalistes cosmopolites – seront repris par l’extrême droite nationaliste et par les socialistes français, Blanqui et Proudhon en tête. Dans le mélenchonisme, il y a cette graine antisémite, semée par Marx lui-même.
Il y a aussi le talent de Mélenchon.
Hélas ! En politique, les idées sont importantes mais la séduction, c’est encore au-dessus. Ne pas ressembler à nos ennemis est une priorité. Ils sont râleurs et geignards, nous devrions être joyeux et séduisants !
[1] Il a aussi poussé son ami Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, à poursuivre Charlie en justice.
Le journaliste rock Stan Cuesta publie La musique a gâché ma vie, un recueil de sémillants et vifs récits partiellement autobiographiques. Entretien.
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Causeur. Pourquoi une citation du plus beau roman de Modiano, Villa triste, en exergue de votre livre ? Que représente ce romancier pour vous ?
Stan Cuesta. J’adore Modiano, j’ai lu tous ses romans, je les relis sans cesse. Ce qui me fascine, c’est que je les confonds tous, je suis incapable de me souvenir de ce dont il est question à la lecture d’un titre, et quand je le relis, je le redécouvre, avant de tout oublier à nouveau. C’est comme un nuage dans le ciel : il est là, on l’observe et l’instant d’après il a disparu sans qu’on s’en aperçoive vraiment. Il y a de la magie dans l’écriture de Modiano. En relisant Villa Triste, je suis tombé sur ce dialogue, où les mots « Tout feu tout flamme » ont fait écho à ma nouvelle du même nom, ainsi que l’évocation d’un « métier » flou, que j’ai ressentie comme étant en adéquation avec un des thèmes que j’aborde.
Quels sont vos écrivains préférés ?
Je n’ai pas une culture littéraire classique, car j’ai fait, bêtement, des études scientifiques. Je m’aperçois, en fréquentant un peu le milieu littéraire que beaucoup de ses acteurs – écrivains, éditeurs, critiques – ont fait les mêmes études, khâgne, Normale Sup, Sorbonne, etc. Moi, je n’ai pas encore vraiment lu Proust, ni même Hugo ou Balzac ! J’ai tout découvert par la musique… Et particulièrement en lisant le Rock & Folk des années soixante-dix. Donc mon écrivain préféré a longtemps été Jack Kerouac, dont j’ai tout lu, d’abord en français puis en version originale. Aujourd’hui, j’ajouterais bien sûr Modiano, mais aussi J. D. Salinger, et Réjean Ducharme, que j’essaie de faire mieux connaître en France.
Vos textes ressemblent plus à des récits autobiographiques qu’à des nouvelles. Quelle est la part d’autobiographie et celle de la fiction, s’il y en a ?
Il semble que, comme Monsieur Jourdain, je fasse de l’autofiction sans le savoir… Je n’ai pas étudié la question, je ne connais même pas la définition précise de ce mot. Disons que la plupart des textes partent d’expériences réelles vécues puis s’en écartent plus ou moins. Dès qu’on écrit, on fait de la fiction. Même quand on se raconte oralement. En tant que journaliste j’ai interviewé beaucoup d’artistes et je sais qu’ils racontent souvent de leurs vies ce qu’on en a déjà dit, ce qu’ils ont lu quelque part, même si c’est totalement romancé, voire faux. C’est la fameuse phrase tirée de L’Homme qui tua Liberty Valance, de John Ford : « Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende. » La réalité m’intéresse assez peu. J’imprime la légende.
Le titre est, je suppose, provocateur. Pourquoi ce titre ? Quels sont vos goûts musicaux ?
C’est le titre d’un des textes, qui traite du monde du travail, ou pour être plus précis, du refus du monde du travail. Je suis ce qu’on appelait dans les sixties un drop-out, un gars qui a laissé tomber. L’amour de la musique m’a fait renoncer à une carrière « sérieuse », qui aurait été beaucoup plus rémunératrice que tout ce que j’ai fait dans la musique. C’est en ce sens que cette dernière m’a « gâché » la vie que j’aurais pu, que j’aurais dû avoir. Mais qui m’aurait tellement ennuyé que j’en serais probablement mort… Donc c’est ironique, bien sûr. J’avais ce titre depuis très longtemps. Quand j’enregistrais mon album avec Bill Pritchard, je lui en avais parlé, et il m’avait dit « Music ruined my life, excellent, I want to read it » ! Je viens de lui envoyer avec une dédicace du genre : « Il ne m’a fallu que trente ans pour l’écrire, merci d’avoir été patient ! »
Votre œuvre contient plus d’essais et de biographies que de fiction, romans et/ou nouvelles. Comment vous est venu le désir de ce recueil aujourd’hui ?
Je suis assez lent dans toutes mes réalisations, mais je finis par atteindre mes buts… Dans ma jeunesse, je n’avais aucune ambition matérielle (devenir riche, avoir une belle maison, etc.) mais j’avais plusieurs rêves, notamment, dans le désordre : faire un disque, écrire dans Rock & Folk, publier un livre personnel… J’y ai mis le temps, en raison de mon erreur d’aiguillage professionnelle du début, et aussi à cause d’un certain talent pour la procrastination, mais je les ai tous réalisés. Le plus dur, c’est après, comme dirait Gilbert Bécaud : Et maintenant, que vais-je faire ?
Votre enfance et votre adolescence se sont déroulées dans le XVIe arrondissement avec des parents communistes. Ce n’est pas courant. Parlez-nous de votre environnement familial…
Ce que je raconte dans le livre est très proche de la réalité : j’ai grandi à Créteil, puis à Boulogne-Billancourt, qui étaient à l’époque encore des banlieues populaires. Mes parents étaient de gauche – ils ont glissé du communisme vers le socialisme, comme beaucoup, en raison de la répression du Printemps de Prague. Et juste après, ils ont hérité d’un appartement dans le seizième, où j’ai passé toute mon adolescence, au milieu de grands bourgeois – mais aussi de fils de concierges espagnoles et portugaises, comme dans ce film avec Carmen Maura, Les Femmes du sixième étage… C’était comme d’être surclassé dans un avion. Ça m’a appris à faire illusion. Ça me sert toujours.
Vous rappelez à juste titre que les catholiques chantaient les chansons des communistes ; vous expliquez que ces deux pôles s’attiraient. Pouvez-vous revenir là-dessus ?
Il me semble que dans les années 1970, les cathos aussi bien que les cocos étaient sur la pente savonneuse, ils ne dirigeaient plus les consciences comme ça avait été le cas après-guerre. Donc cette fameuse opposition à la Don Camillo-Peppone n’avait plus vraiment cours. Ils devenaient marginaux. Mai-68 les avait tués, pour des raisons différentes. Et puis c’était la mode des prêtres-ouvriers, des hippies, des messes rock. Je pensais comme beaucoup que les chrétiens, s’ils appliquaient réellement la parole des évangiles, auraient tous dû être de gauche. Ça a failli être le cas, à un moment. J’ai grandi là-dedans. C’est pour ça que j’adore Nanni Moretti, par exemple.
« Georges » est un très beau texte. Vous racontez que celui-ci fut un peu votre mentor, votre initiateur. Qui était ce cousin par alliance et qu’est-il devenu ?
Je l’ai perdu de vue très vite. Je ne suis pas très famille. Ni travail, comme je l’ai déjà dit. Ni patrie !
Autre maître : votre professeur de musique, M. Cousté ; qui était-il ?
On dit un peu partout beaucoup de mal des réseaux sociaux, mais tout le monde les utilise, pour le meilleur et pour le pire. Je n’en garde que le meilleur, notamment cette possibilité hallucinante, qui était encore de la science-fiction il y a trente ans, de retrouver des gens avec lesquels on avait totalement perdu le contact. J’ai ainsi renoué à distance avec ce professeur de musique, que j’ai côtoyé de la sixième à la terminale, et qui a changé ma vie, au sens propre. Je lui ai envoyé le livre et, récompense suprême, il en a annoncé la publication sur sa page Facebook, en mentionnant, très discrètement, qu’il y apparaissait… Si ce livre n’avait servi qu’à ça, je serais déjà comblé.
Autre magnifique récit, « Confusion », très chaud… Autobiographique, partiellement ou pas du tout ?
C’est le premier texte que j’ai écrit. Il me fallait un déclencheur, ça a été le Prix de la nouvelle érotique, organisé par Au Diable Vauvert, maison d’édition pour laquelle j’avais traduit quelques livres. Sa fondatrice, Marion Mazauric, me poussait à y participer. C’était amusant, il y avait une double contrainte : écrire une nouvelle érotique en une nuit, entre minuit et sept heures du matin, sur un thème dévoilé juste avant minuit, avec un dernier mot imposé. Je me suis pris au jeu et j’ai jeté toutes mes forces dans la bataille, pensant que je n’écrirais peut-être jamais rien d’autre. Elle contient une part d’autobiographie et une part de fantasme, mais j’y suis allé à fond. J’ai même failli gagner. Il semble que je sois arrivé deuxième, à mon grand dam, puisque le vainqueur remportait 3000 euros et le suivant rien du tout. D’où mon surnom de « Poulidor de l’érotisme ».
Votre livre semble nostalgique des seventies et des eighties. Vous n’aimez pas la cancel culture ; que pensez-vous de notre époque ?
Je me méfie du mot « nostalgie », parfois employé à tort et à travers. S’il signifie un regret du passé, et cette fameuse impression que « tout était mieux avant », alors je ne suis pas nostalgique. Les jeunes réacs d’aujourd’hui se font une impression fausse des années 1960 et 70, voire même 80… Tout n’était pas rose, loin de là. Pour les sixties, par exemple, on pense explosion de couleurs, Swingin’ London et Haight-Ashbury. Mais ça concernait très peu de monde, et très loin ! La réalité de la France de ces années-là, c’était la grisaille généralisée, la télé en noir et blanc surveillée par un ministère de l’Information, la répression morale, sexuelle, la bien-pensance, l’ordre bourgeois, etc. Pour être nostalgique des années Pompidou, il faut ne pas les avoir connues ! Ça ne rigolait pas du tout.
Autre récit très fort et très émouvant, « The Entertainer ». Qui était Olivier Lancelot ?
Comme je le raconte, c’était un de mes seuls copains de Supélec, un drop out comme moi, devenu pianiste de bar ! Je ne l’avais pas revu depuis des décennies. J’ai vécu tellement de vies différentes, tellement déménagé, changé de métier, connu tellement de gens que j’ai ensuite perdu de vue, que j’ai parfois l’impression que mon passé est un film que je regarde comme un spectateur incrédule. C’est probablement pour ça que j’aime en faire de la fiction. J’ai vécu ces événements, j’ai connu ces personnes, mais aujourd’hui, c’est comme si je me regardais moi aussi de loin, comme si j’étais moi-même un personnage de ces fictions.
Que représente pour vous Robert Wyatt ?
C’est un de mes musiciens et chanteurs préférés. Il y a un culte autour de lui, justifié. Comme une société secrète des adorateurs de Robert Wyatt. Partout dans le monde, à quelques signes de reconnaissance, je rencontre des adeptes de la secte, et nous devenons amis. Cela suffit à nous rapprocher. Je cite Jean-Louis Murat et Pascal Comelade, mais il y en a bien d’autres. J’ai eu la chance de rencontrer Wyatt, de l’interviewer, ou plutôt de discuter avec lui, pour Rock & Folk. Ce pseudo-métier de journaliste musical me sert surtout à ça. C’est très mal payé, très peu lu, quasiment obsolète. Je m’en fous. J’ai rencontré la plupart de mes héros. Je suis content.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience à Radio France ? Vous balancez non sans audace.
Tout est dit dans ce texte, La musique a gâché ma vie, qui donne son nom au recueil. C’est probablement l’un des plus importants, car il traite de ce sujet aujourd’hui passé de mode, mais qui me passionne : le refus du travail. Et de tout ce qui va avec : le tout-économie, la publicité, la consommation, la croissance, la bêtise, la laideur, etc. Je suis intarissable sur le sujet. À part ça, Radio France est une merveille. Un chef-d’œuvre en péril, pour citer une émission de télévision de mon enfance. L’arrivée de la publicité sur France Inter m’a tué. Le jour où Le jeu des mille francs (je ne suis pas encore passé aux euros) s’arrêtera, ça sera la fin des haricots.
Tout votre recueil témoigne d’une manière d’écartèlement entre votre carrière de journaliste et de musicien. Avez-vous des regrets par rapport à votre carrière de musicien et d’auteur-compositeur ?
Ce n’est pas un écartèlement. J’ai même continué les deux de front pendant un certain temps. Il n’y a pas non plus de regret. J’ai fait ce que je voulais. Je pense que j’y reviendrai par écrit dans un futur plus ou moins proche.
Quels sont vos projets tant littéraires que musicaux ?
En musique, je suis au point mort depuis une éternité. Je suis bien placé pour savoir que tout le monde fait de la musique. Tout le monde enregistre, fait des disques (qui ne sont plus vraiment des disques) et tout le monde me les envoie ! Je n’en peux plus. C’est probablement pour ça que j’ai tout arrêté. En ce qui concerne les livres, j’ai une dizaine de projets en chantier… Mais vu que l’édition va mal, et que ce n’est pas près de s’améliorer, c’est environ ce qu’il faut pour qu’il y en ait au moins un qui aboutisse. Disons que je vais ralentir les commandes (essais, biographies, etc.) et essayer de donner une suite à ce recueil. Rendez-vous dans trente ans !
La musique a gâché ma vie, Stan Cuesta, Antidata, 2024. 144 pages
L’année 2024, celle des Jeux olympiques et de Notre-Dame, est également celle d’une mémoire qui oscille entre repentance et oubli sélectif. À travers des postures mémorielles controversées, Emmanuel Macron semble avoir davantage alimenté les fractures qu’inspiré l’élan collectif d’une nation en quête de repères.
Les motifs de fierté et d’unité nationales, exprimés lors des derniers vœux présidentiels, auraient pu être satisfaits en 2024, année qui, outre les opportunités des Jeux olympiques à Paris et de la réouverture de Notre-Dame, offrait l’avantage d’être un anniversaire décennal de la libération du territoire national.
Au contraire, à la faveur d’une conjoncture internationale dégradée et d’une situation nationale déstabilisée, l’année écoulée restera comme une des périodes les plus troubles et des plus fracturées de la Ve République, les postures mémorielles présidentielles, subjectives et contrites, n’ayant d’ailleurs pas contribué à exalter ces « forces morales » de la nation, dont pourtant Emmanuel Macron s’est parfois fait le chantre.
Certes, on ne peut attendre de cérémonies mémorielles qu’elles fassent totalement oublier les tensions externes et internes, ni non plus les graves sujets d’ordre sécuritaire et migratoire, financier et économique et, à présent, politique et institutionnel dont notre pays souffre. Du moins pourraient-elles mettre en valeur, ce qu’Ernest Renan (Qu’est-ce qu’une Nation ?) appelait en 1882 la « possession en commun d’un riche legs de souvenirs », indissociable de la « volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ». La lente construction d’une conscience nationale ne saurait s’affranchir de la connaissance de ce « long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements », aux antipodes d’actuelles actions de déconstruction historique qui en dénie ou en dénigre les fondements et en efface les signes (rues débaptisées, monuments saccagés).
Quand Emmanuel Macron « bricole » avec l’Histoire
En ces temps de crise identitaire, il n’est honnêtement pas possible de se réclamer « en même temps » de Renan et de Paul Ricœur (La mémoire, l’histoire, l’oubli) – mentor philosophique d’Emmanuel Macron –, qui se défie d’une mémoire constructrice d’identité sur la base de « l’héritage de la violence fondatrice » légitimée par sa « vétusté » et qui signifie « pour les uns, gloire, pour les autres, humiliation ». Opter pour une vision mémorielle polarisée par une altérité idéalisée, ne peut déboucher que sur une quête éperdue de « réconciliation » avec ceux qui n’expriment aucunement de désir réciproque, que sur une mémoire qui, pour être « partagée », finit par s’aligner sur leurs positions, plus idéologiques qu’historiques. C’est le chemin emprunté depuis sept ans – en particulier sur la question algérienne avec le « rapport Stora » –, par celui qui préside aux cérémonies nationales avec, sur la forme, un goût prononcé pour la théâtralisation de récitant.
N’était-ce pas au fond prévisible dès 2017, au vu de la folle campagne présidentielle où le candidat victorieux s’était lancé, bille en tête, dans ce que Ricœur lui-même aurait dénoncé comme des « abus de mémoire ». Depuis Alger, toute honte bue, il avait provoqué un tollé en qualifiant la colonisation française de « crime contre l’humanité », nécessitant déjà le secours, sous forme de ralliement électoral, de François Bayrou qui prit tout de même ses distances avec une formule « blessante pour de nombreux Français et ne correspondant pas à la vérité historique ». Puis, sans doute dans le but de nazifier sa concurrente, il s’était précipité à Oradour-sur-Glane, en omettant de rappeler que c’est la IVe République qui, au grand dam des survivants, avait soit amnistié, soit réduit les peines des criminels de guerre de ce village martyrisé par la barbarie SS.
Cependant, on ne pouvait deviner, après un long « septennat » pénitentiel, que 2024 marquerait un summum avec trois mea-culpa destinés à « apaiser » des relations bilatérales, il est vrai davantage tournées vers l’exploitation du passé que vers la construction de l’avenir.
La répression d’une révolte de tirailleurs sénégalais en 1944 vient ainsi d’être qualifiée de « massacre de Thiaroye ». Précédemment, l’exécution sommaire du chef FLN, Larbi Ben M’hidi, connue depuis plus de vingt ans par les aveux de Paul Aussaresses, a été proclamée pour les 70 ans de la « Toussaint rouge ». Enfin, lors de la commémoration du trentenaire du génocide au Rwanda, la responsabilité de la France fut confirmée, car elle « aurait pu arrêter le génocide de 1994 » mais « n’en a pas eu la volonté ».
Machine à repentance : en panne !
Toutefois, les résultats s’avérèrent foncièrement plus négatifs que ceux produits habituellement par la pièce remise dans la machine à repentance. Le gouvernement sénégalais a demandé dans la foulée le départ des troupes françaises du pays, suivant en cela un mouvement de retrait général en Afrique. En Algérie, trois semaines après la déclaration élyséenne, fut arrêté arbitrairement le grand écrivain Boualem Sansal, sans susciter de réaction immédiate au plus haut niveau de l’exécutif. Seule satisfaction due à la justice française, la Cour d’appel de Paris vient de confirmer à juste titre, le non-lieu pour une prétendue « complicité de génocide de l’armée française au Rwanda » malgré la prise de position présidentielle périlleuse.
À moins de se satisfaire du rôle d’amoureux éconduit ou d’être inspiré par les pratiques de Sacher-Masoch, on ne peut se complaire dans de telles situations internationalement humiliantes et toxiques pour les générations suivantes, qui ne méritent pas d’être lestées d’une fallacieuse dette morale s’ajoutant à la trop réelle dette financière.
Une parole présidentielle source de confusion
Pourtant, même à propos des deux guerres mondiales plus consensuelles, la parole présidentielle est de temps à autre source de confusion, de division et d’occultation du souvenir national.
Par exemple, c’est de manière surprenante, que le chef des armées établit le 11 novembre 2023, un classement personnel des jeunes Français morts au champ d’honneur pendant la Grande Guerre selon leurs « convictions » supposées : « croyants et francs-maçons, agnostiques et libres-penseurs, protestants et musulmans, catholiques et juifs ». De surcroît, la panthéonisation de Missak Manouchian, donna également lieu à une entreprise éhontée de réhabilitation du communisme (« parce qu’ils sont communistes, ils ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine »), passant sous silence l’attitude du PCF durant le Pacte germano-soviétique et surtout les dizaines de millions de victimes de ce totalitarisme.
Les commémorations liées à la Seconde Guerre mondiale ont d’ailleurs été surtout orientées vers la Résistance et le débarquement de Normandie, omettant de célébrer dignement les victoires militaires françaises, aussi bien celles liées à la libération de Rome par le corps expéditionnaire français en Italie d’Alphonse Juin, que celles de la Première armée française de Jean de Lattre de Tassigny en France et en Allemagne. Le président aura bien du mal à commémorer en 2025, le 80e anniversaire de la signature de la capitulation nazie sans avoir su expliquer pourquoi nous pouvons éprouver de la fierté à cette renaissance d’une armée française victorieuse, dont l’ossature était formée par l’armée d’Afrique, et à qui nous devons toute notre place de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU.
Islamisme, antisémitisme : Macron attendu au tournant en 2025
L’année 2025 sera-t-elle au moins celle de l’unité dans le chagrin de se remémorer les atroces attentats islamistes qui frappèrent la France dans sa chair il y a dix ans, des tueries de janvier (Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hypercacher de la Porte de Vincennes) jusqu’aux massacres de masse de novembre dans la capitale (Le Bataclan et les terrasses des bars et restaurants) ?
Il est permis d’en douter alors que certains aujourd’hui ne songent qu’à abolir le délit d’apologie du terrorisme. On peut aussi s’interroger sur une réelle volonté politique au sommet de l’État, avec les absences remarquées, en 2023, lors de la marche contre l’antisémitisme à Paris et, en 2024, lors de l’hommage rendu aux Invalides pour les 40 ans de l’attentat du Drakkar à Beyrouth contre l’armée française.
Il ne fallut que quatre ans aux Britanniques pour édifier un « Mémorial de la vague infinie » à Birmingham afin d’honorer les victimes des attentats islamistes en Tunisie (Sousse et Bardo) de 2015 et un autre à Hyde Park pour celles des attentats de Londres de 2005. Face au spectre terroriste ressurgi au marché de Noël de Magdebourg et à la Nouvelle-Orléans, il nous sera malaisé de parler de volonté et d’unité alors qu’aucun simple monument commémoratif n’est sorti de terre à Paris pour se recueillir dix ans après.
Dix ans après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, entre terreur, renoncements politiques et alliances douteuses, la France navigue entre l’omerta et l’encéphalite collective, avec un GPS réglé sur l’absurde, déplore notre chroniqueur.
Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, prélude à l’horreur en série, l’islamisme a étendu son emprise territoriale et idéologique en profitant d’un État évanescent. À Brest même (Finistère), un influenceur algérien, Youssef A. alias Zazou Youssef, qui appelait à des attentats, a été arrêté ce week-end1. Dans cette ville chère à Mac Orlan sera jugée en mars une cellule djihadiste hébergée dans une boucherie hallal2. La force de conviction de ce système totalitaire sur les esprits faibles se lit aussi dans l’explosion de l’antisémitisme, surtout depuis le pogrom du 7-Octobre 2023 mené par le Hamas contre Israël. La judéophobie rassemble une partie de la communauté musulmane issue de l’immigration et une partie non moins importante de la gauche jadis laïque. L’occupant a trouvé ses collaborateurs auprès de militants « antiracistes » et « pacifistes ». Ceux-ci s’appellent Jean-Luc Mélenchon (LFI) ou Olivier Faure (PS). Obsédés par leur antisionisme, subjugués par l’islam révolutionnaire symbolisé par Rima Hassan (LFI), ces naufragés empruntent les itinéraires des Déat ou des Doriot d’hier qui rejoindront le régime de Vichy. En dix ans, les renoncements de la classe politique et de ses médias à désigner et à combattre l’ennemi intérieur et sa cinquième colonne – deux professeurs (Samuel Paty, Dominique Bernard) y ont déjà laissé leur vie – laissent craindre une subversion toujours plus importante de la nation désarmée. Le peu de mobilisation de l’Élysée pour l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, embastillé par l’Algérie depuis plus de 50 jours, dit la faiblesse du pouvoir, contre quoi Bruno Retailleau promet de lutter. En guise d’excuse aux lâchetés, commence à poindre contre Sansal le procès en « extrême droite », à cause de ses critiques contre l’islam qu’il ne distingue pas de l’islamisme. Ce procédé stalinien, utilisé y compris par la gauche « républicaine » pour disqualifier des lanceurs d’alertes trop réalistes, est celui des capitulards et des faux-culs.
La terreur djihadiste n’est pas la seule cause de la débandade. Certes, publier des caricatures insultantes de Mahomet n’est plus envisageable pour une rédaction insolente. Cependant, l’idéologie antiraciste se révèle être, dans son instrumentalisation, un allié plus efficace encore pour délégitimer la résistance à l’infiltration de la charia. L’accusation en islamophobie continue de tétaniser les dirigeants. Parlant des terroristes anti-Charlie, le président François Hollande s’était empressé, le jour de l’attentat, de déclarer : « Ils n’ont rien à voir avec la religion musulmane ». Votre serviteur, qui avait demandé ce jour-là, dans un débat sur RTL, aux Français musulmans de désavouer ces tueurs, avait été la cible de l’activiste du « pas d’amalgame », Rokhaya Diallo, soutenue par les participants.
Pareillement, de crainte d’être accusées de racisme, les autorités britanniques (police, justice, services sociaux) ont imposé durant des années une omerta sur des viols de masse commis par des gangs de musulmans pakistanais sur des jeunes filles blanches dans une cinquantaine de villes : un scandale que feignent de découvrir les roupilleurs, secoués par l’indignation d’Elon Musk. Pour cette raison ethnique, les féministes « universalistes », qui ont fait des viols de Mazan leur combat, se taisent sur ces crimes dénoncés ici à l’époque.
Accusée plus qu’à son tour de racisme, Marine Le Pen est depuis hier saluée sur place par la population noire de Mayotte. Elle est devenue la 11 e personnalité préférée des Français (classement JDD). Guérira-t-on enfin de notre crise d’encéphalite ?
Les journalistes Paloma Moritz et Salomé Saqué s’inquiètent du retour des heures les plus sombres de l’histoire. Les sociologues Solène Brun et Claire Cosquer prennent la défense de l’experte en racisme Maboula Soumahoro. La chanteuse Yseult (notre photo) chouine à la télé et sur les réseaux sociaux : le public ne l’apprécie pas assez, parce qu’il est grossophobe et un peu raciste. Enfin, les ventes du dernier livre de Sandrine Rousseau ne décollent pas.
Paloma Moritz est journaliste et responsable du pôle écologie du média d’extrême gauche Blast. Elle adore Libération, les rapports du GIEC, Greta Thunberg, les éoliennes, Camille Étienne, les trottinettes électriques, Salomé Saqué, L’Humanité, Cécile Duflot et la quiche lorraine sans lardons. Elle déteste les « climatosceptiques », les voitures, les avions, les journalistes de CNews en particulier et les médias « bollorisés » en général, Éric Zemmour, les propos « climaticides » de ce dernier, les électeurs du RN et la tartiflette avec des lardons. Concernant les médias, Mme Moritz n’est pas contente du tout et le fait savoir sur le site de StreetPress. Elle a remarqué que CNews avait de plus en plus d’audience, ce qu’elle trouve dommageable. Mais elle note surtout, écœurée, que l’audiovisuel public, vraisemblablement influencé par les critiques sur son absence de pluralisme, invite maintenant régulièrement dans l’émission “C ce soir” un journaliste du… Figaro – autant dire un crypto-fasciste. France Inter, ajoute-t-elle sans rire, penche également de plus en plus du côté conservateur, tout ça à cause d’une « petite musique qui monte, un racisme de plus en plus important et des positions anti-écologiques assumées ». Nicolas Demorand, Léa Salamé, Patrick Cohen, Claude Askolovitch, Sonia Devillers, Ali Baddou, Marion L’Hour, Pierre Haski et Carine Bécard seront sûrement surpris d’apprendre que leur radio est devenue le relais d’idées rétrogrades, voire nauséabondes. Quant à l’économiste Dominique Seux, il aurait pu éventuellement ressembler au portrait du méchant libéral tel que le conçoit la journaliste de Blast – mais, respectant en cela les recommandations doctrinaires de la direction de la radio publique, le directeur de la rédaction des Échos ne rate jamais une occasion de se verdir l’âme en colportant le discours des écolos et du GIEC sur le « dérèglement climatique ». Il est évident que Mme Moritz n’a pas le temps d’écouter les télévisions et les radios publiques – elle saurait sinon qu’il n’y pas de médias plus progressistes, wokes, écolos et de gauche, que ces machines propagandistes fonctionnant à plein régime avec l’argent des contribuables.
Etouffez-vous !
La journaliste et militante éco-féministe Salomé Saqué est également très mécontente : « On ne qualifie plus d’extrême droite ce qui devrait l’être. De plus en plus de médias hésitent à utiliser ce terme pour désigner des partis comme le Rassemblement national, ce qui envoie un signal clair : ses idées deviennent acceptables », déclare-t-elle dans un entretien donné au magazine bobo Télérama à l’occasion de la sortie de son très court et très dispensable essai, Résister1. Ah ! si tous les médias pouvaient avoir la ligne de conduite irréprochable de France Inter, France Info, France 2, France 5, Arte, Libération, Le Monde et, bien sûr, Télérama… Ces derniers n’échappent cependant pas totalement aux admonestations de l’écolo : « Le champ médiatique tout entier s’est décalé à l’extrême droite, car les médias moins partisans suivent, en prolongeant les débats imposés par les chaînes et les journaux du groupe Bolloré. » Salomé Saqué a donc décidé de résister et appelle ses compatriotes à faire de même. Pour montrer l’exemple, elle n’a pas hésité à quitter le réseau social X qu’elle juge désormais « structuré par et pour l’extrême droite ». L’opuscule de Mme Saqué est émaillé de formules antifascistes éculées – un florilège de banalités rabâchées. Le style de l’ensemble du prospectus s’en ressent, inévitablement, et oscille entre le gnangnan court : « On ne demande pas la permission d’imaginer un monde sans extrême droite, on le construit », et le gnangnan long : « Parce que les heures les plus sombres de notre histoire devraient nous avoir appris qu’on ne peut pas faire l’économie des valeurs de tolérance et de respect qui constituent le socle de notre démocratie. » Une fastidieuse citation d’Edgar Morin sur la « nouvelle résistance » censée contrecarrer « l’extrême droite en France et en Europe » parachève cette superfluité.
Les sociologues Solène Brun et Claire Cosquer ne décolèrent pas. Après avoir écrit un laborieux et superfétatoire ouvrage sur Ladomination blanche2, elles signent dans Le Nouvel Obs une tribune pour défendre l’autoproclamée « experte en racisme » Maboula Soumahoro dont la présence à une table ronde au Parlement européen sur « l’égalité et l’inclusion au travail » a été contestée par des eurodéputés. Mmes Brun et Cosquer affirment que « ledialogue entre les sciences sociales et la société doit précisément se dérouler dans des lieux tels que le Parlement européen ». Le dialogue ? Quel dialogue ? Le dialogue tel que l’entend Mme Soumahoro qui déclarait en 2019, dans l’émission « Ce soir ou jamais”, qu’un « homme blanc » ne peut ni « incarner l’antiracisme » ni « avoir raison contre une femme noire ou une Arabe » ? Ou celui que conçoit la même Mme Soumahoro lorsqu’elle justifie, sur le plateau de LCI, les ateliers « non-mixtes » (sans « non racisés » ; en clair, sans Blancs) programmés lors d’un « camp d’été décolonial » ou pendant un stage organisé par le syndicat d’enseignants SUD 93 ? Émules de Robin DiAngelo, la conceptrice de la notion débile de « fragilité blanche », Mmes Brun et Cosquer disent posséder des données « scientifiques » prouvant tout à la fois la « suprématie blanche » et l’absence du « racisme anti-Blancs » – ces dames, tout comme leur protégée racialo-décolonialiste, prennent leurs désirs pour des réalités et confondent travail universitaire et militantisme académique monomaniaque. Le résultat intellectuel de ces deux universitaires est indigent et l’écriture inclusive utilisée dans leur dernier ouvrage (2) reflète la médiocrité d’un raisonnement spasmodique et dichotomique. Le monde n’y est appréhendé que sur le mode dominants/dominés et sur des rapports sociaux « racialisés » où les Blancs sont invariablement des privilégiés, et les « racisés » des victimes – cette caricature idéologique de la société sert de prétexte aux gémissements dénonciateurs d’universitaires paresseux et ineptes et aux récriminations pleurnichardes d’artistes sans talent.
À ce propos, la chanteuse Yseult – « femme noire, femme grosse, oubliée de la société et de la culture », larmoyait-elle lors de la remise de son prix aux Victoires de la musique en 2021 – n’est pas contente, elle non plus. Malgré l’énorme soutien publicitaire de France Inter, son dernier album est boudé par le public français. « Je n’arrive pas à croire que les gens dorment sur un projet comme MENTAL, c’est très grave », barbouille-t-elle sur son compte X. « Est-ce que vous pourriez me donner un exemple de projet similaire en France ? Je suis sérieuse car la manière dont comment vous ronflez sur ce projet, c’est chaud. » [C’est ici le moment de rappeler qu’Yseult a été choisie par Emmanuel Macron – qui hésitait sûrement avec une autre chanteuse possiblement francophone, Aya Nakamura – pour être la marraine du sommet de la… francophonie en 2024.] Deux jours plus tard, constatant que ses messages ont irrité de nombreux internautes, Yseult entre dans une colère noire : « MENTAL est l’un des meilleurs projets sortis en France cette année. Ceux et celles qui ne sont pas d’accord, étouffez-vous. »
Immanquablement, dès qu’une daube musicale, cinématographique ou littéraire pointe le bout de son nez, l’audiovisuel public en fait la promotion. Après France Inter, c’est France 5 qui a donc reçu Yseult sur le plateau de “C à vous”. Anne-Élisabeth Lemoine, plus nunuche que jamais, s’extasie – « Vous m’avez beaucoup fait rire avec ce “étouffez-vous” » – et Yseult, aussi vulgaire que d’habitude, en rajoute en se léchant le majeur: « Mais oui, masturbez-vous ! Masturbez-vous ! En plus ça fait du bien, genre un peu de lubrifiant, un peu de dildo… » Notons au passage que la chanteuse onaniste s’est exilée en Belgique en 2021, non pas pour de basses raisons fiscales, qu’allez-vous penser là, mais parce que, expliquait-elle au Guardian à l’époque, « ses habitants accueillent la diversité et assument leur passé colonial, ce qui est encore tabou en France ».
Offensée professionnelle
Victime forever, offensée professionnelle, la plantureuse vocaliste a une préférence pour les lamentos énervés, les longues plaintes accusatrices qu’elle chouine à longueur de temps, sur scène ou sur les plateaux de télé, à l’instar de ses copines Assa Traoré ou Aïssa Maïga. Yseult, qui ne cesse de pousser la chansonnette woke, serait la cible des milieux réactionnaires et la victime d’un racisme systémique en France. « J’ai l’impression que nous, les personnes faisant partie des minorités, des personnes racisées, etc., on doit quelque chose à la France… Mais qu’est-ce qu’on doit, en fait ? J’te jure, ça me casse les couilles de devoir en permanence m’excuser, d’être redevable, d’être dans l’empathie face à des personnes non racisées alors que ça devrait être le contraire », geignait-elle sur le plateau de “Clique”, l’émission de Mouloud Achour sur Canal +, avant de conclure avec la classe qu’on lui connaît : « Qu’on arrête de nous chier dessus ! » Bien entendu, le milieu culturel se passionne pour cette plaintive créature – Thomas Jolly n’a pas manqué de faire appel à elle pour la cérémonie de clôture des JO de Paris. Entre deux brames électro-pop, Yseult aime à se plaindre en baragouinant des jérémiades wokes. Mais tout sonne faux. L’insincérité domine ses boniments dolents, rodés et répétitifs, instruments d’une formidable opération de marketing. La narcissique Yseult aimerait devenir une icône. Si l’art musical ne lui permet pas d’obtenir ce statut, elle espère y parvenir en s’imposant comme LA victime absolue d’un monde dans lequel elle n’a pourtant jamais connu la précarité ou l’injustice : « Matériellement, je n’ai pas à me plaindre, mon père gagnait beaucoup d’argent. On changeait de voiture tous les deux jours, on me conduisait à la maternelle en Mercedes. Ma mère s’achetait des sacs griffés » (entretien donné à Femina) – scolarité dans le privé, nombreux voyages à l’étranger avec ses parents, bénédiction des professionnels musicaux à l’âge de 24 ans aux Victoires de la musique, génuflexion des marques de haute couture ou de cosmétiques (Balenciaga, Alexander McQueen, L’Oréal) pour lesquelles elle défile, etc. Il aura suffi de quelques braiements « inclusifs » et d’un tube, Alibi, une fumisterie bêlée avec la chanteuse Sevdaliza et la drag queen Pabllo Vittar, pour que les agents conformistes des médias et de la « culture » se prosternent devant ce nombril géant.
Last but not least, Sandrine Rousseau. Chacune de ses déclarations exhale un parfum de colère hargneuse et accusatrice. Mme Rousseau a trois missions : 1) Déconstruire l’homme, ce prédateur sexuel dont le barbecue est l’emblème. 2) Sauver la Planète. 3) Dire le plus d’inepties possibles dans les médias – ce à quoi elle est encore parvenue dernièrement en réussissant le tour de force de relativiser, au lieu de la condamner sans restriction, l’arrestation en Algérie d’un écrivain qui est depuis peu, officiellement et pour notre plus grand plaisir, un de nos compatriotes : « Rappelons quand même que ce n’est pas un ange dans ses positions », a-t-elle osé dire sur Sud Radio après avoir affirmé que « les propos et les positions tenus [par Boualem Sansal] sont des propos relevant de l’extrême droite, relevant d’une forme de suprémacisme ». Mme Rousseau n’est pas verte de rage contre le gouvernement algérien qui emprisonne un homme dont le seul tort est d’écrire des livres et des articles évoquant le triste sort des contrées où sévit l’islamisme, mais elle entre en ébullition dès qu’il est question de… l’extrême droite, qu’elle devine partout. Son aveuglement face à la montée islamiste, son acharnement écolo-woke, ses réflexions médiocres et ses déclarations absurdes ont cependant, semble-t-il, eu raison de la patience des Français, même les mieux disposés à son endroit. La preuve, son dernier livre3 encombre les rayons des librairies. Sorti en septembre 2024, il ne s’en est vendu qu’un petit millier d’exemplaires, tandis que celui de Philippe de Villiers4, sorti un mois plus tard, va bientôt dépasser la barre des 150 000 ventes. Sur le site d’Amazon, l’ouvrage du créateur du Puy du Fou a été noté et commenté élogieusement par plus de 500 lecteurs ; celui de Dame Rousseau n’a reçu que 4 commentaires, tous assassins. En guise de conclusion, je ne résiste pas au plaisir de rapporter celui-ci, pour sa simple et cruelle franchise : « On me l’a offert. Jamais lu autant de pitreries que dans ce livre. Je ne sais pas quoi en faire. Le revendre mais je sais qu’il y a très peu d’amateurs. Il ne me reste plus qu’à le jeter. »
Les arrestations récentes d’influenceurs algériens, à Brest, Échirolles et Montpellier, qui appellaient à commettre attentats et meurtres en France, sont inquiétantes. Mais elles étaient prévisibles. Les sinistres individus allient dans leurs messages rageurs un nationalisme algérien hystérique à l’islam identitaire. L’identité nationale et l’unité sociale, des sujets négligés pendant des décennies, ne se décrètent pas. La France est-elle en train de l’apprendre à ses dépens ? Analyse.
Deux influenceurs algériens ont récemment été interpellés en France pour des appels à la violence diffusés sur TikTok. Le premier, Youcef A., âgé de 25 ans, a été arrêté le 3 janvier à Brest. Il est accusé d’apologie publique d’un acte de terrorisme après avoir publié des vidéos appelant à commettre des attentats en France et des violences en Algérie. Le second influenceur, connu sous le pseudonyme Imad Tintin et âgé de 31 ans, a été interpellé le même jour à Échirolles, près de Grenoble. Il est accusé de provocation directe à un acte de terrorisme après avoir publié une vidéo appelant à brûler vif, tuer et violer sur le sol français. Ce qui est inquiétant ce n’est pas seulement la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux mais le nombre de « followers » de ces individus, en France-même – et les commentaires qui approuvent leurs propos incendiaires.
Jeunesse non assimilée et violente
Depuis des décennies, la gauche a encouragé l’idée d’une société harmonieuse et inclusive, mais elle semble avoir ignoré une réalité essentielle : l’unité sociale ne se décrète pas. Elle repose sur une volonté commune, portée par des valeurs et des objectifs partagés. Or, une partie des jeunes issus de l’immigration maghrébine et subsaharienne rejette cette unité, exprimant ce refus par des comportements qui fracturent le tissu social. Cette opposition se traduit par des formes variées de violences : agressions gratuites, vols, trafics, braquages, agressions sexuelles et, dans les cas les plus extrêmes, actes terroristes.
Pendant trop longtemps, ces faits ont été minimisés, interprétés comme des manifestations isoléees ou justifiées par les conditions de vie difficiles dans des quartiers marginalisés. La gauche, notamment, a attribué ces comportements aux inégalités économiques et sociales. Mais cette lecture socio-économique, bien que partiellement fondée, ne suffit pas à expliquer l’ampleur du phénomène. Ces jeunes se retrouvent souvent dans une posture de défiance quasi systématique envers les institutions, qu’il s’agisse de la police, de l’école, des services publics ou même des voisins issus du groupe majoritaire.
Cinquième colonne idéologique
On peut décrire cette situation comme une préparation lente mais méthodique à des révoltes à venir, que pourraient instrumentaliser des courants islamistes. Ceux-ci exploitent les fractures sociales pour faire avancer leur idéologie, tout en attendant un contexte politique qui leur serait favorable. Pourtant, les mécanismes à l’origine de ces comportements dépassent largement la sphère religieuse.
L’islam, dans le contexte européen actuel, sert de catalyseur idéologique à ces tensions. Il offre une grille de lecture et une justification pour rejeter le modèle culturel occidental. Mais ce rejet s’inscrit dans un cadre plus large : celui de l’émergence de communautés séparées, où les caïds locaux et les prêcheurs radicaux imposent des modes de vie en rupture avec les normes occidentales.
Le défi des différences culturelles
Au cœur de cette fracture se trouve une question fondamentale : comment des groupes issus de civilisations aux valeurs profondément divergentes peuvent-ils coexister au sein d’un même espace ? L’histoire montre qu’une coexistence pacifique nécessite des concessions. Une civilisation doit accepter de renoncer à certaines de ses pratiques ou valeurs pour s’intégrer dans un ensemble commun. Ce processus, souvent appelé « assimilation », est aujourd’hui rejeté par certains comme une forme de domination culturelle. Mais refuser cette intégration revient à entretenir des sociétés parallèles, sources de tensions perpétuelles.
Les modèles de société occidentaux reposent sur des principes spécifiques : la primauté de l’individu sur le groupe, l’égalité des sexes, la liberté d’expression, et la séparation entre le religieux et le politique. Ces principes entrent parfois en conflit avec des systèmes culturels qui privilégient la communauté, la hiérarchie entre les sexes, ou l’autorité religieuse. Ces divergences profondes ne sont pas uniquement théoriques : elles se manifestent dans des comportements du quotidien qui alimentent le rejet mutuel.
Vers une unité culturelle ?
La diversité n’est pas en elle-même un obstacle. Une société peut accueillir une pluralité d’expressions culturelles, à condition que celles-ci respectent un cadre commun et ne cherchent pas à s’imposer par la force ou le rejet des autres. En revanche, la violence, qu’elle soit physique ou symbolique, devient rapidement un facteur de rupture.
Il est également essentiel de se demander si la coexistence entre civilisations est possible sans une forme de domination culturelle. Historiquement, les sociétés multiculturelles les plus stables ont été celles où une culture dominante établissait les règles communes. Cela peut être perçu comme une forme de violence symbolique, mais si cette domination est vécue positivement – comme un vecteur d’émancipation individuelle et collective –, elle peut garantir une coexistence plus pacifique.
Ce défi culturel est sans doute l’un des plus grands auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui. L’objectif ne peut être de nier les différences ou d’ignorer les tensions, mais de proposer un modèle clair où chaque individu, quelle que soit son origine, peut trouver sa place dans une société unie par des valeurs communes. Si cela s’avérait impossible, une société déjà divisée deviendrait une société d’ennemis.
Elisabeth Lévy sur Sud Radio : il faut arrêter les balivernes sur le vivre-ensemble !
Mélenchon veut passer à la 6e République comme on change un vieux canapé, mais sans se soucier du mode d’emploi constitutionnel.
La petite musique est soigneusement réglée depuis plusieurs semaines chez les Insoumis et les discours de ses dirigeants sont à l’unisson en matière institutionnelle : Emmanuel Macron doit être destitué ; à défaut il doit démissionner le plus vite possible, fût-ce sous la pression de la rue. Aussi Jean-Luc Mélenchon et son équipe ont-ils d’ores et déjà entamé la sélection des élus pour obtenir les 500 signatures qui lui permettront d’être candidat à l’élection présidentielle.
On ne pourra pas faire comme si on ne savait pas
Tant Mathilde Panot que Manuel Bompard ont parlé au début du mois de décembre d’un changement de Constitution, d’une modification de la loi électorale et par conséquent d’un déblocage de la situation de crise actuelle. Mais qu’ont en tête les Insoumis ? Les déclarations du meneur de La France Insoumise et de ses proches associées aux publications officielles de La France Insoumise en ligne depuis plusieurs années permettent de le savoir sans détour.
Ce qui est frappant chez eux, c’est que tout est annoncé, même si leurs objectifs sont inavouables. On ne pourra donc pas dire qu’on ne savait pas. Ainsi en est-il des cibles électorales, les jeunes, les femmes et les musulmans des villes et des banlieues, comme cela a été signifié par Jean-Luc Mélenchon lui-même. Quant à la question institutionnelle, elle a été présentée de manière adamantine dans une brochure lors de la campagne présidentielle de 2022 et intitulée sans fard « Comment nous allons passer à la 6e République ».
Voici donc ce qu’il va se passer selon les Insoumis : une fois élu, leur chef débloquera la situation pour la simple et bonne raison qu’il ne sera pas bridé par la Constitution actuelle qui interdit au chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale avant juillet 2025, donc qui en pratique interdit la tenue d’élections avant septembre prochain. Dès après son élection, Jean-Luc Mélenchon utilisera l’article 11 de la Constitution, un pouvoir personnel du chef de l’État. Non pas pour la réviser comme l’avait fait le général de Gaulle à plusieurs reprises au grand dam de l’ensemble des constitutionnalistes sérieux qui jugeaient que cet article ne pouvait concerner que des textes de valeur législative et que seul l’article 89 pouvait être utilisé pour modifier la Constitution, c’est-à-dire avec l’accord des deux chambres du Parlement. Mais pour carrément changer de Constitution.
Le peuple en liesse votant au referendum en faveur du changement de Constitution, une Assemblée constituante, composée à la fois de personnes tirées au sort et d’élus à la représentation proportionnelle (pour assurer le succès de LFI), rédigerait un projet de Constitution qui serait soumis au peuple pour ratification. Un peuple éclairé par des médias aux ordres, cela va de soi…
Un horizon rouge-vert radieux !
Le processus ferait fi de la Constitution actuelle. Comment est-ce possible ? Les Insoumis se réfèrent à la Constitution de 1793, dite montagnarde, jamais appliquée mais rédigée par les ancêtres de nos gauchistes et donc mythique aux yeux de ces derniers. Une constitution révolutionnaire qui dispose notamment qu’« un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures » (sauf manifestement en leur laissant une dette abyssale…).
Mais il y a un auteur sulfureux qui a bien pensé le même type de mécanisme et qui doit être l’un des inspirateurs des Insoumis, à tout le moins des spécialistes qu’ils consultent. Juriste allemand, antisémite et antilibéral notoire avant de se perdre dans le nazisme, paradoxalement très goûté de l’extrême gauche depuis la fin du XXe siècle, Carl Schmitt estimait qu’une nouvelle Constitution n’avait en aucun cas à se conformer aux règles de celle qu’elle remplaçait, le fait effaçant le droit. En ce sens, la 6e République, chère au cœur de Jean-Luc Mélenchon, pourra être portée sur les fonts baptismaux sans aucun respect des dispositions de la Constitution de la Ve République à l’issue de l’élection présidentielle victorieuse.
Et que nous réservent nos futures institutions concoctées par cet admirateur de la République bolivarienne qu’est le meneur des Insoumis ? Une intervention populaire permanente (exeunt les garanties des droits et la justice constitutionnelle), une « règle verte » pour subvertir la liberté économique, une république des « biens communs », des « droits nouveaux », « de l’égalité réelle ». Bref, une dictature rouge-verte. Oui, LFI et Jean-Luc Mélenchon sont des dangers publics !
Nous avons eu peur, à Causeur, en recevant le dernier article de notre chroniqueur mal embouché. « L’anti-France », cela sentait bon le complot judéo-maçonnique des années 1900, Charles Maurras, Léon Daudet et autres thuriféraires d’extrême-droite. Mais en le lisant, finalement…
Bien sûr, l’expression « anti-France » remonte aux grandes années de l’affaire Dreyfus. L’anti-France, c’étaient, pour la droite nationale, les dreyfusards, tous agents de l’étranger (en l’espèce, la Prusse), habités de sentiments anti-patriotiques — ce qui, quelques années avant la Grande Guerre, signifiait davantage qu’en nos temps de paix et de concorde universelle…
Mais notre contemporanéité se caractérise par l’inversion de toutes les valeurs. Nous vivons ce moment orwellien où « l’ignorance, c’est la force », « la liberté, c’est l’esclavage » et le Hamas est une organisation pacifiste. Ou pourquoi pas l’État islamique tant qu’on y est, que Jean-Luc Mélenchon donnait dernièrement le sentiment de défendre dans sa critique acerbe des frappes françaises sur la Syrie. Ce moment où les vieilles lubies antisémites de l’extrême-droite sont ramassées dans le caniveau par la gauche et le Camp du Bien.
À noter que le socialisme des origines n’était pas forcément dreyfusard. Jean-Numa Ducange, dans Marianne, a tout récemment expliqué que Jules Guesde et ses partisans, acharnés à combattre les bourgeois et les militaires, n’avaient aucune sympathie pour Dreyfus, officier qui jamais ne renia le corps qui l’avait formé. Quant à l’assimilation des Juifs et des bourgeois — et plus spécifiquement des banquiers —, il suffit de lire L’Argent pour connaître le sentiment de Zola sur la « race maudite », bien loin des opinions qu’on lui a forgées dans la légende républicaine après J’accuse. La gauche qui soutient mordicus le Hamas et accable Boualem Sansal parce qu’il déplaît aux Algériens manipulés par le régime, dont les immigrés sont les électeurs potentiels de Mélenchonet de ses épigones, est la même que celle qui méprisait Dreyfus.
L’anti-France, aujourd’hui, rassemble ceux qui luttent contre la République. Contre l’État. Contre la civilisation. Woke, blacks blocs, féministes de dernière dégénération, gauchistes professionnels en quête d’un nouveau prolétariat sur lequel marcher pour arriver au pouvoir, trotskistes d’hier et d’aujourd’hui, lambertistes de la première et de la dernière heure.
Et tant d’autres…
Dans un grand mouvement à 180°, la gauche est passée de l’autre côté, et la droite en quête de respectabilité en serait presque à revendiquer des idées de gauche.
La mort de Maïté, icône des années 1970-1980, m’a amené à redéfinir l’anti-France culinaire. La France, c’est le bœuf en daube ou le bourguignon, ce n’est pas la salade de quinoa. La France, c’est le cassoulet, les pieds-paquets ou la marmite dieppoise, ce n’est pas le surimi pour menus anorexiques. La France, c’est la poule au pot, le lapin chasseur et le civet de lièvre. Pas le steak de soja. Dans Le Tour de France d’Astérix (1965 — soixante ans déjà), le petit Gaulois fait le tour de l’Hexagone pour récolter les spécialités bien de chez nous, bêtises de Cambrai, saucisson de Lyon (on ne disait pas encore « Jésus », à l’époque), bouillabaisse et autres spécialités.
Mais je suis un Moderne, et je ne crache pas sur un couscous mitonné au Fémina (1, rue du Musée, à Marseille) ni sur une pizza sortie du four de la Mère Buonavista (10, avenue du Prado, Marseille aussi). Nous avons au cours de notre histoire cousu au tissu français des mœurs exotiques arrivées d’Espagne, d’Italie ou du Maghreb — tant que les immigrés de ces pays se fondaient dans la culture nationale. Mes appétits ne sont pas forcément franco-français.
Mais ils ne sont pas anti-Français. La France est omnivore, elle n’est pas végane. Elle aime les barbecues, elle n’aime pas Sardine Ruisseau. Elle a inventé jadis les banquets républicains, où, comme le souligne Pierre Birnbaum dans La République et le cochon (2013), les Juifs en quête d’intégration savaient manger les cochonnailles offertes à l’appétit national. Parce qu’ils distinguaient, eux, ce qu’ils devaient à la nation et ce qu’ils devaient à leur dieu.
La France a des racines paysannes, elle est puissamment périphérique, comme dit Christophe Guilluy, elle existe surtout au-delà des boulevards des Maréchaux. L’anti-France vote en deçà du périphérique : seuls des agents de l’internationalisme prolétarien et de la boboïtude, escroqueries majeures, auraient l’idée d’élire Aymeric Caron, Sofia Chikirou, Rodrigo Arenas, ou Danièle Obono.
Mais nous savons depuis lurette qu’elle est bien finie, l’époque où l’on prétendait qu’« il n’est bon bec que de Paris ». La vraie France est ailleurs, dans ces campagnes dont les panneaux de signalisation ont été rendus illisibles par ceux qui refusent le Mercosur et leur mort programmée.
Il est urgent de rétablir la vérité sur les valeurs que défendent les uns et les autres. D’un côté la vérité, de l’autre les illusions d’optique. Je me suis attelé à la tâche immense de rendre la vue aux aveugles et des neurones aux décervelés. Je leur souhaite une bonne année, pourvu qu’ils consentent à chausser des lunettes.