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La fin du Macumba

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Le dernier Macumba de France fermera ses portes le week-end du 22 et 23 février à Englos, dans le Nord. Pourquoi cette disparition est-elle si inquiétante ?


Pour une fois, les médias généralistes n’ont pas parlé de sentiment d’insécurité, ils n’ont pas fait preuve d’un déni du réel en cachant cette information par des statistiques sujettes à caution, ils n’ont pas insulté la population en la traitant de complotiste ou d’affabulatrice, ils ne pouvaient plus rien nous cacher. La vérité a éclaté dans sa nudité comme un parking désert offre sa désolation à quelques heures de l’ouverture. Laurent Delahousse, nordiste de cœur, a évoqué cette déflagration dans un long reportage sur France 2 et, la Voix du Nord, en date du jeudi 23 janvier titrait en Une : « On ne dansera plus au Macumba ». La vraie, l’immuable hiérarchie de l’information reprenait ses droits. Nous avons assisté à une leçon de journalisme qui a remis de l’ordre dans les priorités confuses de nos contemporains.

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Mission sanitaire

En rapport à ce bal tragique, l’investiture de Trump passait pour anecdotique, la feuille de route du gouvernement devînt accessoire et les errements de la RTBF, tellement dérisoires que l’on n’en parla même pas dans les rédactions sérieuses, la fin du Macumba écrasait la concurrence victimaire. Elle remettait la boule à facettes au centre du dancefloor. On fit même appel à l’essayiste Jean-Pierre Mader pour comprendre comment on en était arrivé là. Hier encore, les boîtes régulaient les flux d’une jeunesse en proie aux troubles hormonaux. Sans elles, leur mission sanitaire et éducative, la France connaîtrait un taux de natalité encore plus alarmant. Le chanteur toulousain qui s’y connaît en recherche du temps perdu, souvenez-vous de son cri prémonitoire : « disparue, tu as disparue » emprunta les mots de Jérôme Fourquet. Il affirma qu’une époque s’achevait, notre ère des loisirs, celle des Trente Glorieuses et de la Vème République stable, allait disparaitre et finalement, une certaine idée de la France du samedi soir. Pour une fois, les médias ont relaté le plus objectivement du monde les faits dans leur brutalité, dans leur radicalité sèche, sans artifices, avec l’émotion qui sied aux grandes bascules historiques. Les ricaneurs n’eurent pas le courage de semer la discorde car, au fond d’eux, ils savaient qu’ils perdaient un morceau de notre patrimoine. Le Macumba se meurt, il ne lui reste plus qu’un mois à vivre à Englos, dans le Nord. Après, c’en sera fini des discothèques populaires, celles qui ne pratiquaient pas la ségrégation à l’entrée, celles qui assimilaient les classes et les identités pour le bien de la nation.

Peaux et sueur

Notre pays n’a pas été assez reconnaissant pour l’œuvre civilisatrice que les « Macumba » ont tenté, partout sur le territoire, de promouvoir durant cinquante ans. Un modèle d’intégration par la fête qui vaut largement toutes les intégrations européennes par la loi. On dansait au Macumba pour oublier, pour se libérer, pour se rencontrer, pour exister enfin durant quelques heures, pour échapper à la solitude des nuits sans contact. Sans cette soupape, certains auraient sombré. Au Macumba, un jour de chance, on attrapait dans le regard de l’autre, ce petit supplément de vie qui nous permettait de nous accrocher encore une semaine de plus. Les emmerdes, le boulot, les impôts, les galères, le Macumba, rouleau au rythme disco, les aplanissait sur des tubes entraînants.

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Avec le Macumba, nous avons vécu une histoire de peaux et de sueur, de chevauchées fantastiques sur la piste, de déconnades et de chambrages, de ces minuscules instants qui scellaient jadis les peuples heureux. Le Macumba faisait barrage aux cons par le slow et le DJ, métronome de nos effleurements, était un alchimiste des platines. Au Macumba, les gens s’amusaient et se protégeaient, ils n’étaient pas des ennemis de quartier. Alors, Sardou ne chantera pas « Ne m’appelez plus Macumba ! » mais il s’agit bien d’un morceau de France qui va partir aux oubliettes, une France qui draguait sans fausse pudeur, qui s’habillait pour sortir, qui, par sa modestie, sa politique des petits pas, n’était pas dogmatique comme d’autres institutions poseuses et inefficaces ; le Macumba envisageait un destin commun à tous ses habitués. Cette France digne et aujourd’hui abandonnée, périphérique et méprisée pleurera le Macumba comme un dieu païen, généreux et pacificateur.

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Rima Hassan, l’imposture et l’inhumanité comme carte de visite

Nous venons d’assister à un joli numéro d’équilibriste politique. En refusant de voter pour la libération de Boualem Sansal, Rima Hassan semble avoir confondu défense des opprimés et soutien aux oppresseurs… Et pendant ce temps, d’autres transformaient des terroristes en « otages » à la télé.


Imaginez, vous êtes élu d’un pays démocratique et l’on vient vous demander de voter une résolution pour demander la libération d’un écrivain, embastillé arbitrairement par un pouvoir corrompu. Dans l’imaginaire politique, on imagine difficilement que c’est la gauche qui va refuser son soutien. D’habitude ce sale rôle est plutôt tenu par l’extrême-droite. Eh bien plus maintenant, les codes ont changé.

Aucun membre de LFI n’a voté pour la libération de l’écrivain

On peut se rassurer néanmoins, l’écrasante majorité des députés européens qui devaient se prononcer sur la demande de libération de Boualem Sansal a soutenu cette démarche par 533 votes pour, 24 contre et 48 abstentions. Parmi ceux qui n’ont pas voté pour, on trouve toute la délégation de LFI : ils nous font honte. Rima Hassan a ainsi voté contre, et Manon Aubry s’est abstenue. Or l’écrivain franco-algérien est notre compatriote et mérite notre mobilisation. Il est l’otage des tensions entre Paris et Alger et le prétexte trouvé par l’Algérie pour l’emprisonner est une critique faite sur un média français de la politique algérienne au Sahara. Un peu léger pour enfermer un homme âgé, inoffensif et malade. Mais de cela, les deux égéries de LFI se moquent bien.

Ces votes ont déclenché un tollé à droite, de François-Xavier Bellamy à Jordan Bardella, de Xavier Bertrand à Laurent Wauquiez en passant par Bruno Retailleau. A gauche, François Ruffin a protesté, comme Raphaël Glucksmann, mais Olivier Faure a été d’une discrétion de violette comme Sandrine Rousseau ou Marine Tondelier… L’humanisme serait-il en train de changer de camp ?

Boualem Sansal accusé par Rima Hassan d’être en quelque sorte un « Français de papier »

Mais le pire reste à venir : apostrophée sur les réseaux sociaux, Rima Hassan a tenté de justifier son vote dans un long thread sur X qui ressasse les éléments de langage d’Alger en y ajoutant ses obsessions personnelles. À commencer par l’accusation de soutenir des thèses identitaires d’extrême-droite, de reprendre la thématique du grand remplacement ou de stigmatiser les exilés. Boualem Sansal serait donc hors de « l’arc républicain ». Ce procès est juste hallucinant venant d’une femme qui soutient le Hamas, une organisation et une idéologie qui n’ont rien à envier au nazisme et remettent au goût du jour le crime contre l’humanité. Ce procès est juste hallucinant venant d’une élue qui essaie pathétiquement de convoquer les mots-clés de l’antifascisme à l’appui de son vote honteux, alors qu’elle est proche des islamistes et alliée des jihadistes, avec qui elle partage estrades et références.

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Mais ce n’est que le début. Elle finit assez rapidement par laisser entendre que Boualem Sansal ne serait qu’un Français de papier. L’extrême-droite le présenterait comme un grand auteur français alors même que l’acquisition de sa nationalité est récente. C’est exact, mais je n’aurai jamais cru la gauche, même identitaire, capable de refuser le statut de compatriote à quelqu’un parce qu’il n’avait pas acquis depuis assez longtemps sa nationalité.

Rima Hassan invente la période d’essai en matière de naturalisation, semble-t-il. Hélas pour elle, s’il existe des Français de papier, c’est-à-dire des gens qui utilisent leur nationalité comme une carte bancaire pour avoir accès aux avantages que notre société procure, tout en crachant sur les principes et idéaux qui forgent notre contrat social et en travaillant à sa destruction, c’est elle qui illustre le phénomène et non Boualem Sansal. L’écrivain maîtrise parfaitement notre langue, écrit en français depuis longtemps et porte haut les valeurs liées à l’égalité, à la laïcité, à la liberté. Il est attaché à la quête de la vérité et porte un regard singulier et non communautariste sur le monde. Il dénonce l’islamisme et rapporte les ravages de la guerre civile que les fous de Dieu ont déclenchée en Algérie. Pour cela, il a toujours été menacé dans son pays. On ignorait que les LFI, qui défendent l’élargissement du droit d’asile et refusent que l’on expulse des islamistes menaçant comme Hassan Iquioussen étaient si tatillons quant à la naturalisation des étrangers quand ils sont démocrates et humanistes…

Un hypocrite refus d’instrumentalisation pour justifier le refus d’une position humaniste

Enfin, après toutes ces contorsions aussi ridicules qu’hypocrites, l’amie du Hamas et l’égérie de LFI finit en beauté. Elle ne serait pas « contre la libération de Boualem Sansal » mais contre son « instrumentalisation ». Pourtant : la résolution était claire. Mais pas pour Rima Hassan ! Le texte appelant à la libération de l’écrivain serait porté par une coalition unissant la droite et l’extrême-droite. Des personnes avec qui on peut voter en France des motions de censure, mais pas œuvrer à la libération d’un innocent, visiblement ? Et surtout, Madame Hassan, après avoir eu à cœur les intérêts de la Syrie, se fait la voix de ceux de l’Algérie puisque le cas Sansal ne servirait selon elle qu’à entraîner une escalade diplomatique contre le régime d’Alger. Elle emploie même le terme d’ « ingérence ». Ainsi défendre et demander la libération de notre compatriote serait porter atteinte à la souveraineté algérienne… En revanche, qu’Alger embastille un Français serait donc en creux légitime et respectable. Dans cette affaire Rima Hassan a dévoilé ce qu’elle est et ce n’est une découverte pour personne.



Ce refus de voter la libération d’un écrivain a d’ailleurs été suivi par une autre prise de position qui illustre bien à qui vont les fidélités et l’allégeance de Rima Hassan. En effet, couvrant la libération des terroristes palestiniens, France Info TV a affiché à l’écran ce titre malheureux : « 200 otages palestiniens retrouvent la liberté ». Cette appellation d’ « otages » a évidemment déclenché un tollé.

L’affaire des terroristes palestiniens rebaptisés otages par France Info

Des terroristes fanatisés avec du sang sur les mains ne sont pas des otages et le pedigree des assassins libérés est souvent aussi lourd qu’effrayant. France Info a vite retiré son bandeau et son titre, suite à l’interpellation faite notamment par la députée Caroline Yadan. Muriel Attal, directrice de la communication de France télévisions, a immédiatement réagi. Pour Rima Hassan, qui pense que les terroristes du Hamas sont des résistants et que le massacre du 7-Octobre se justifie, la suppression de ce titre est une honte. Elle a donc fait en sorte que les militants LFI harcèlent Muriel Attal, laissant entendre en creux qu’elle aurait cédé au lobby juif. Connus pour être maître dans le harcèlement en ligne, les militants LFI et les islamistes ont suivi. Chloé Morin, la politologue et spécialiste de l’opinion, a alors pris la défense de Muriel Attal sur les réseaux, lui disant qu’être la cible de la vindicte d’un soutien du Hamas est un honneur. La réponse de Rima Hassan, comme à son habitude, est d’une rare violence : « Comme vous êtes prête à liquider la moindre personne qui humanise les Palestiniens, vous trouvez encore moyen de vous victimiser ». Le problème, c’est que les seuls en France qui liquident leurs ennemis idéologiques ce sont les islamistes, qu’ils ont tué des enfants, des journalistes, des dessinateurs, des professeurs, des policiers, des curés et parfois juste la première personne croisée dans la rue. Le problème, c’est que ces gens-là sont ses alliés, qu’ils sont profondément antisémites et que Rima Hassan connait les leviers émotionnels qui suscitent les passages à l’acte chez ce type de personnes. La violence de son langage est liée à la violence de son idéologie et à sa totale indifférence pour l’intégrité physique de ceux qu’elle considère comme ses ennemis. Cette femme a osé dénier à Boualem Sansal le fait d’être un écrivain des Lumières alors qu’elle est elle-même l’instrument obscur du totalitarisme islamique. Comment ce soutien de terroristes peut-elle encore être des nôtres, quand Boualem Sansal croupit en prison et que la menace islamiste ne cesse de croître ? C’est elle qui mériterait que la question d’une déchéance de nationalité soit posée en ce qui la concerne !

Elias: l’idéologie de l’excuse tue

Elias, un adolescent de 14 ans, a été poignardé à mort à Paris lors d’une tentative de vol de son téléphone portable par deux jeunes de 16 et 17 ans, déjà connus pour des faits de violence et qui devaient comparaître prochainement devant la justice. Ce drame suscite des vives réactions politiques, et relance les débats sur la violence des mineurs et sur l’autorité face à la délinquance.


Cela se passe près de chez vous. Elias a été poignardé vendredi pour un téléphone portable dans le sud du 14e arrondissement parisien. Encore une vie fauchée par la délinquance ordinaire. On pense à ses parents, et on pense aussi à tous les parents qui auront peur demain de laisser leur gosse jouer au foot.
Cette affaire dramatique est un cas chimiquement pur des ravages de l’idéologie de l’excuse. Les deux agresseurs présumés étaient « très défavorablement » connus des services de police, ce qui pour Le Parisien signifie probablement gangs[1]. À leur pedigree : port d’arme prohibée, vols avec violences et / ou en groupe notamment dans deux stades du quartier. Ce que la maire écologiste du XIVème Carine Petit qualifie pudiquement de «signaux d’alerte». Qu’a-t-on fait, face à ces signaux ? L’élue l’expliquait samedi sur BFMTV, toute honte bue : «On a mobilisé tout le monde, on a mis des mots sur ce qui se passait. Et on a apporté des réponses.»
Quelles réponses ! Le Parisien a cruellement exhumé ses déclarations de mars 2024, après l’affaire des stades: «En discutant avec les services sociaux et les associations sportives, on a identifié cinq jeunes. On leur a apporté un soutien éducatif, on a aidé leurs familles et depuis, tout va mieux». Les deux tueurs présumés en faisaient partie.
Sans surprise, la chaîne pénale a été tout aussi inefficace. Placés sous contrôle judiciaire avec interdiction formelle de se côtoyer, les voyous devaient trembler… La vérité cruelle, insupportable et qui nous met aujourd’hui tellement en colère, c’est qu’on savait que des bandes semaient la violence dans le sud du 14e, et qu’on n’a rien fait. Pis. On a apporté à ces barbares un soutien éducatif et aidé leurs familles – on croit rêver.

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Alors, qui est responsable ? Je pourrais vous dire que nous sommes tous responsables, mais non. Politiquement, il y a une responsabilité écrasante de la gauche qui refuse la répression. Mais la droite s’est également souvent couchée. Quant à Emmanuel Macron, il a peur des quartiers. Mais le terreau de cette situation, c’est avant tout un désarmement culturel. Le commentariat convenable, la sociologie d’État, les associatifs subventionnés, la gauche angélique: toutes les voix autorisées du progressisme propagent les mêmes fadaises depuis 40 ans. Tout en niant la surreprésentation des Français issus de l’immigration dans la délinquance, ils expliquent qu’elle est la conséquence du racisme, de la misère et du colonialisme. Allez comprendre la logique… Mais, quoi qu’il arrive, c’est de notre faute. Les racailles sont toujours exonérées de leurs responsabilités et même victimisées. Quand on ne les transforme pas en pauvres petits anges… Après les émeutes, on s’est félicité des peines fermes qui avaient été prononcées par la Justice. Combien ont été réellement exécutées ?
Pourquoi des multi-agresseurs se baladent-ils en liberté? Parce que cette idéologie imprègne les institutions et l’appareil d’État: Éducation nationale, Justice, sans compter ces municipalités écolos-bobos qui luttent contre la violence à coups de subventions, de médiathèques et d’accommodements déraisonnables. Le résultat de cette haine de la répression: non seulement l’État a perdu le monopole de la force, mais il répugne à l’exercer. Et Elias n’est jamais rentré du foot.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale


[1] https://www.leparisien.fr/faits-divers/elias-14-ans-tue-pour-son-portable-a-paris-les-aveux-partiels-des-deux-suspects-mineurs-bien-connus-de-la-justice-26-01-2025-HQHVE2F6OVA4NHVWD44ONCWQMI.php

Quand le Code pénal pakistanais s’invite chez nous

En 2020, Zaheer Hassan Mahmood, un Pakistanais de 26 ans, avait agressé un homme et une femme avec un couteau de boucher de 38 cm près des locaux de Charlie Hebdo. Pendant tout son procès, la défense s’est échinée à replacer les dimensions « culturelles » et la notion de « blasphème » au cœur du dossier…


Le jeudi 23 janvier, la cour d’assisses spéciale de Paris prononçait une peine de trente années de réclusion criminelle pour tentative d’assassinat terroriste à l’encontre de Zaheer Mahmoud, ainsi que des condamnations de trois à douze ans pour association de malfaiteurs terroriste criminelle contre ses cinq co-accusés. Peines assorties d’une interdiction définitive du territoire.

Débat sociologico-psychologico-ethnologico philosophique

Zaheer Mahmoud, migrant pakistanais de trente ans venu chez nous chercher un avenir meilleur que celui qui l’attendait chez lui, s’est illustré en attaquant sauvagement à coups de hachoir deux jeunes gens dont le seul crime était de fumer tranquillement leur cigarette rue Nicolas-Appert à Paris, à hauteur des anciens locaux de Charlie Hebdo. C’était le 25 septembre 2020. Mahmoud entendait ainsi répliquer à la republication des caricatures de Mahomet par l’hebdomadaire et venger le prophète. « Je pensais que c’était la loi du Coran et du Pakistan », tenta-t-il de justifier en garde-à-vue. Plus tard, probablement bien instruit par son avocat, il dira n’avoir pris conscience de l’absurdité et de l’horreur de son crime qu’une fois en prison.

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Durant les trois semaines du procès une question s’est imposée tant à la défense qu’à l’accusation : cet acte barbare qui ne correspondait pas explicitement à une revendication djihadiste relevait-il d’un particularisme culturel ? Particularisme culturel pakistanais qui, nous enseigne-t-on complaisamment à l’audience, se caractérise par le fait que le blasphème est un crime passible de la peine de mort. On se doute combien il est important pour la résilience qu’on souhaite aux victimes qu’on puisse déterminer si la sauvagerie du hachoir ressortit au culturel ou non. Il y a des moments judiciaires comme celui-ci où la cour d’assises se mue en cénacle de haute intensité, accusation et défense s’offrant mutuellement la satisfaction de briller dans un débat sociologico-psychologico-ethnologico philosophique rappelant étrangement les foisonnantes et fumeuses disputes de la scolastique. Les temps où l’on pouvait considérer que le tribunal de la République était un lieu où avant toute chose il s’agissait de rendre la justice au nom du peuple français et sur la base d’un droit lui aussi rigoureusement français seraient-ils révolus ?

Le procureur place d’emblée la barre très haut, introduisant une nuance d’importance. Il évoque la « spécificité » de la chose car l’attentat serait le premier impliquant des auteurs adeptes d’un islam sunnite du courant Barelvi. De nouveau, on pense à la vive satisfaction des jeunes gens tailladés au hachoir d’apprendre cela.

Poursuivant dans une si bonne voie, ce même procureur s’emploie à expliquer que ces jeunes migrants ont été nourris de l’opinion que le blasphème doit être puni de mort, ce que le Code pénal pakistanais d’ailleurs prescrit. Mais aussitôt, tient-il à préciser, pour autant « nul n’a jamais été autorisé à se faire justice soi-même. » On se prend à respirer. Sur ce point précis, le Code pénal pakistanais viendrait donc au secours du nôtre.

Névrose nationale

Puis, à son tour, son heure de gloire ayant sonné, l’avocat de Mahmoud vient en quelque sorte prolonger l’œuvre pédagogique initiée par son prédécesseur. Au procureur la « spécificité » de l’affaire, au défenseur sa « singularité ». Et d’évoquer « le Pakistan et sa névrose nationale, le blasphème ». La « matrice » du passage à l’acte serait là. Quant à la dévotion à l’endroit du prophète, particulièrement vive dans ce courant sunnite Barelvi – sans aucun doute trop méconnu chez nous jusqu’à ce procès – elle serait un élément constitutif de « l’identité nationale du Pakistan, qui signifie littéralement « le pays des purs »… Le conseil de Mahmoud entend évidemment que la cour sache tenir compte de cela. Là encore, de découvrir qu’ils se sont fait massacrer à coups de hachoir par un ressortissant du Pays des Purs doit être une source de contentement bien réel pour les victimes…

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« L’effort de souplesse mentale que nous demande ce dossier est absolument énorme », lâche encore l’avocat, parfaitement dans son rôle, cela dit en passant. « Il nous demande de ne pas le juger comme d’autres dossiers terroristes dont les accusés sont des enfants de la République (…) Mahmoud est en France physiquement mais, dans sa tête, il est toujours dans ce pays. » 

Mine de rien, l’avocat pose ici le problème de fond : de combien de milliers et de milliers de migrants ne pourrait-on dire qu’ils sont en France physiquement, mais qu’ils sont encore dans leur tête là d’où ils viennent ? Et, en conséquence – et pour cette seule raison – jusqu’où devrions-nous aller dans la souplesse mentale pour que nos mœurs, nos règles et nos lois parviennent à surnager et survivre, confrontés toujours davantage à ces « spécificités », à ces « singularités », à ces « particularismes culturels » ? Ce procès, les questions soulevées, les débats qui l’ont animé devraient faire date. Ils devraient aussi inciter à la réflexion, à la prudence, à la vigilance. Durant les trois semaines qu’il a duré, il n’a cessé, en vérité, d’exhumer les pièges, les impasses – y compris judiciaires – dans lesquels se fourvoit inéluctablement toute société s’abandonnant au multiculturalisme.

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Boualem Sansal: une honte humaine plus qu’une faute politique…

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La France semble impuissante à obtenir d’Alger la libération de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné depuis deux mois.


Les sujets ne manquent pas actuellement qui intéressent le citoyen passionné par l’actualité dans ce qu’elle a de signifiant pour la France et le monde. Pourtant, toujours, l’angoisse sur le sort de Boualem Sansal. Notre pays qui n’a pas pu faire élire Kamala Harris aux Êtats-Unis trouve Donald Trump majoritairement « raciste et agressif ». Quelle découverte !

Brouillard des nouvelles

On continue à débattre de X et on voudrait nous enjoindre de le quitter comme si nous avions besoin, sur ce plan également, de maîtres guidant nos choix, nos appétences et nos indignations.

Élisabeth Borne continue avec obstination à s’occuper de tout sauf de l’Éducation nationale : elle a quitté son obsession anti-Gabriel Attal pour focaliser sur la vie intime et sexuelle. On finira un jour par raccroc à se préoccuper de ces formations dérisoires : lire, écrire et compter !

Cependant, sans cesse, derrière le brouillard confus des nouvelles de toutes sortes, la question lancinante et tragique sur ce que devient et comment va Boualem Sansal.

La mère coupable de l’atroce mort d’Amandine a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité. Le sentiment que ce n’est que justice est mêlé à la conscience de la misère humaine et sociale. Il n’est jamais simple de juger même avec de l’horreur face à soi.

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Le Premier ministre François Bayrou va s’expliquer le 27 janvier face à Darius Rochebin sur LCI, notamment sur le budget à venir. Nous aurons au moins la certitude de bonnes, de pertinentes questions formulées sur un ton courtois. J’espère que les commentaires citoyens éviteront le dérisoire pour s’attacher à l’important.

On a beau jouer les cyniques, les blasés ou les sceptiques, on ne peut s’empêcher d’éprouver un frisson d’espérance sur l’Ukraine, sur Poutine et Donald Trump qui, dans des genres différents, sont des maquignons de la politique. Qu’ils n’oublient pas l’inlassable et vaillant Zelensky.

Thomas Legrand lucide

Mais Boualem Sansal demeure dans nos têtes et malgré l’énergie de ses amis les plus chers – je songe par exemple à Arnaud Benedetti et Xavier Driencourt -, le pessimisme nous gagne. On se demande ce qu’attend la France pour répondre à l’Algérie et mettre en œuvre des ripostes et des rétorsions immédiates. Faut-il que notre pays soit encore davantage humilié ?

Le Parlement européen a voté une résolution réclamant la libération de Boualem Sansal, adoptée par 533 voix sur 605. Les Insoumis Rima Hassan, Anthony Smith, Arash Saeidi et Emma Fourreau, ainsi que l’écologiste Mounir Satouri ont voté contre. Les LFI Manon Aubry et Younous Omarjee se sont abstenus.

Le fait que Thomas Legrand les ait condamnés en invoquant une faute politique dans le quotidien Libération aurait été plutôt de nature à m’inquiéter, il va systématiquement vers la défense des mauvaises causes. Mais acceptons que pour une fois la lucidité l’ait frappé !

Je me distingue de lui dans le choix de sa dénonciation. C’est bien plus qu’une faute politique, grief qui réduirait cette ignominie à une erreur partisane. Comme si LFI ne nous avait pas habitués depuis longtemps, et avec constance, à des positions qui défient l’entendement et le bon sens…

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Non, c’est pire que cela. On a le droit de ne pas aimer les idées de cet écrivain franco-algérien de qualité et de courage, on peut, pourquoi pas, ne pas apprécier ses livres mais le problème n’est plus là : quand un écrivain, âgé de 80 ans, malade qui plus est, est incarcéré dans des conditions qui relèvent de la pure intimidation politique, pour se venger d’un revirement diplomatique de la France et humilier notre président de la République, on hiérarchise, on va vers l’essentiel, on se tourne vers l’urgent.

On ne tombe pas dans la honte humaine. On n’est pas indigne comme les bourreaux de Boualem Sansal. On n’accable pas une personne à terre. Il y a une solidarité morale qui devrait l’emporter sur l’affrontement belliqueux, au demeurant absurde.

Le souvenir de Boualem Sansal ne me quitte pas et mon impuissance, comme celle de la France, sont un crève-cœur.

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Bouquineur, la soif de l’or!

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Monsieur Nostalgie vous parle de Charles Des Guerrois (1817-1916), le plus grand bibliophile troyen, qui a laissé à la postérité, deux textes Le Bouquineur suivi d’Une Histoire de livres qui n’avaient pas été encore publiés. Épure, les éditions et presses universitaires de Reims, vient remédier à cette lacune dans sa collection Cultures et Temporalités


La bibliophilie est une maladie infantile qui s’attrape on ne sait comment. Après une forte fièvre ? À la suite d’une vision, dans la vitrine d’une librairie ancienne, un soir de la Nativité ? Le jour de nos onze ans, où une tante bien intentionnée vous offre les Mousquetaires dans une édition empourprée et, sans le vouloir, propage le virus dans votre esprit fragile ?

Si la lecture demeure ce vice impuni, le besoin vital, énergisant et financièrement dangereux d’accumuler des volumes peine à trouver des explications rationnelles. Aucune logique dans cette frénésie qui encombre les appartements et vide vos comptes. D’éminents neurologues se sont penchés sur le sujet, le collectionneur avide et enchaîné à ses bibliothèques, délaissant famille et amis pour se sustenter de nouvelles acquisitions, y abandonnant ses économies et sa santé mentale, est un cas pathologique où entrent en conflit intérieur l’objet en tant que tel et son contenu. De cette friction, naît une addiction. Ce n’est pas une question de culture, de savoir, d’érudition, nous serions plutôt du côté de la goinfrerie. La gourmandise est-elle un péché capital ? Ceux qui sont sujets à ces crises boulimiques, trouvent toutes les ruses pour acheter, emmagasiner toujours et encore plus, ils courent le risque d’être enseveli sous le papier, n’ont même pas assez d’espace pour se nourrir ou dormir, l’imprimé aura leur peau. En matière de bibliophilie, nous sommes tous des amateurs devant la grand ’œuvre de Charles Des Guerrois, cheval de Troyes de la littérature et bienfaiteur de sa ville. Dans leur avant-propos, Olivier Justafré et Jean-Louis Haquette nous en disent un peu plus sur ce drôle de zig.

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« Lecteur insatiable, Charles Des Guerrois fut aussi l’auteur de plus de 120 livres et articles. Il voua un tel amour au Livre qu’il légua les 45 732 volumes composant sa si précieuse collection à la bibliothèque de sa ville, Troyes » nous précisent-ils. Nous sommes devant un forcené, un possédé du Livre, un dissident qui se moque des nourritures terrestres. L’existence ne vaut d’être vécue que si elle regorge de livres, que si l’être humain reste en contact avec cet objet, tantôt pelisse, tantôt porte sur l’aventure. De guerre lasse, Des Guerrois engrange, compile, échafaude, se barricade, s’invente et se réinvente au contact du papier. C’est quelque chose d’épidermique, d’intime, inexplicable à une époque où la dématérialisation fait des ravages, une Odyssée qui nous apprend que certains Hommes, en dehors des contingences, ont poussé l’amour du Livre jusqu’à la « déraison ». Ce Des Guerrois commence à nous plaire, avec ses tocades et son absence de mauvaise foi. Il n’a pas la passion triste. Dans ce petit texte intitulé Le Bouquineur qui est son double de papier, il évoque la destinée d’un bibliomane (dès ses trois ans, quatre ans au plus) et du déchaînement émotionnel que lui procurèrent les livres. Quelle est la définition du mot « Bouquineur », peu usité de nos jours ?

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Nous connaissons les bouquinistes, mais les bouquineurs viennent-ils d’une contrée fantastique ? Dans leurs notes, nos chercheurs qui se font passeurs, nous disent que « le terme qui donne son titre à la nouvelle n’est pas choisi au hasard par l’auteur. Il est défini par le Grand dictionnaire universel du XIXème siècle de Pierre Larousse comme « amateurs de vieux livres ». Dans le discours sur la bibliophilie, de Paul Lacroix à Nodier notamment, il renvoie à un type de collectionneur aux moyens modestes, qui fréquente plus les étals des bouquinistes et les brocanteurs que les salles des ventes ». Ce bouquineur, c’est vous, c’est nous, le badaud qui ne résiste pas à la couverture d’un folio ou d’un livre de poche. Ce n’est pas le prix qui fait le collectionneur, c’est plutôt l’élan irrépressible, la soif de lecture. Des Guerrois nous montre la/sa trajectoire quand l’équilibre était encore possible : « Il achetait un peu et lisait beaucoup, sans compter. Il n’y avait pas lieu de souffrir et il ne souffrait pas ». Sauf que les livres sont un poison, l’engrenage fatal allait dérouler son destin immuable, entraîné par son épouse qui se passerait de robes et d’un intérieur douillet, qui allait allumer sa « flamme dangereuse » ; comme poussé par une mécanique céleste, inarrêtable, le bouquineur devint insatiable : « Il ne mesurait plus dès lors les ressources aux acquisitions : il achetait, achetait toujours ; sa grande raison, sa grande excuse à ses propres yeux (c’est celle que font valoir tous les bibliomanes) était celle-ci : « Je ne retrouverai pas ce livre ». Peur de manquer. Une Histoire de livres complète cet opuscule à ne pas mettre entre toutes les mains, car ces contes bibliophiliques sont addictifs.

Niels Arestrup l’irremplaçable

Niels Arestrup est mort le 1er décembre. Durant toute sa carrière, il a brûlé les planches et crevé l’écran. Ce passionné était de la race des Raimu et Marlon Brando qu’on venait voir, admirer et craindre à la fois. Cet être à part était un monstre-volcan, l’un des derniers.


Le 29 novembre, je passais l’après-midi avec la merveilleuse Judith Magre, comme je le fais presque chaque semaine. Judith me racontait combien elle aimait Niels Arestrup. Elle ne comprenait pas la réputation d’homme violent qui s’était abattue sur lui. Elle avait joué à ses côtés Qui a peur de Virginia Woolf d’Edward Albee. Judith avait repris le rôle de Martha après que Myriam Boyer, accusant Niels Arestrup de l’avoir étranglée réellement au cours d’une des représentations, eut quitté le projet. « Moi, j’ai rencontré un être exquis. J’en garde un souvenir magnifique. Niels est un être et un acteur extraordinaire. Il fut avec moi un partenaire adorable. On s’embrassait chaque fois qu’on terminait la pièce tellement nous étions heureux », racontait Judith. Ce jour-là, avant que je la quitte, elle me demande une dernière chose : « Je n’ai plus le numéro de Niels. Si vous l’avez, envoyez-lui un message de ma part. Dites-lui que je l’aime et que je pense à lui. »

Je trouve le numéro de l’acteur et lui adresse, dans un message, les mots de Judith. Et j’ajoute : « J’en profite pour vous demander si vous accepteriez de m’accorder une interview sur l’art de l’acteur pour le magazine Causeur. » Le lendemain matin, le téléphone sonne : Arestrup ! Je n’ose répondre : l’angoisse. Cet homme m’impressionne trop. C’est un monstre (que je sacre !). Dernière sonnerie, je décroche. C’est sa femme, Isabelle Le Nouvel. Elle m’explique que Niels Arestrup est en convalescence, qu’il n’est pas en état de parler, mais qu’il souhaitait absolument qu’elle réponde pour lui à mon message. Il veut dire à Judith qu’il l’embrasse et qu’il pense lui aussi à elle. Isabelle ajoute qu’il serait ravi de répondre à mes questions pour Causeur dès qu’il ira mieux. Il n’ira pas mieux. Un mois plus tard, le voilà parti. Terrible nouvelle. Non pas pour cette interview qui me tenait tellement à cœur, mais pour le théâtre, pour le cinéma.

Un monstre sacré

Je déplorais, il y a peu, la mort de Delon et l’arrêt de la carrière de Depardieu. Encore une lourde perte. Cette fois-ci, ça sent franchement le sapin. Les derniers êtres de lumière du monde des acteurs quittent le navire. Quels grands fauves des planches reste-t-il ? Caubère, Michel Fau, Philippe Girard et… qui d’autre ? Les noms me manquent. Qui peut franchement penser que Jean-Paul Rouve ou Pierre Niney puissent remplacer un acteur comme Arestrup ?! Qui atteint aujourd’hui la puissance, l’intensité dramatique de son jeu ? Qui pourrait rivaliser de charisme avec lui ? Il était de la race des monstres de la scène. Un seul regard à l’écran, un seul pas sur le plateau du théâtre suffisaient à susciter la fascination. Il était étrange, dangereux, terriblement humain. Comme Raimu, Michel Simon ou Marlon Brando, il était le Monstre-Volcan qu’on venait voir, admirer et craindre à la fois. C’était un être à part, avec une musique très particulière, une personnalité écrasante. Et puis, surtout, c’était un artiste pur, passionné. Sa vie, il l’avait consacrée au théâtre, servant Molière, Tchekhov, Dostoïevski, Rainer Maria Rilke, Pinter, Strindberg, Duras, Edward Albee, Racine, Pirandello ou encore Jean Genet. Il vivait pour le théâtre et avait d’ailleurs pris la direction du théâtre de la Renaissance. Il avait également monté un cours d’art dramatique. Il n’était pas de ces acteurs qui passent leur temps à donner des leçons de morale, à pétitionner. Non. Lorsqu’il prenait la parole, c’était pour parler de son art. Il se disait d’ailleurs profondément gêné par l’engagement politique des artistes. « Je n’aime pas voir les acteurs la ramener simplement parce qu’ils sont acteurs, et adhérer parfois – pour des raisons qui me paraissent obscures – à des choses qui vont tellement dans le sens du vent… Ça m’irrite parfois beaucoup, déclarait-il dans un entretien avec André Halimi. Je n’ai presque jamais rencontré un comédien ou un chanteur qui ne me dise pas qu’il était de gauche. C’est d’une unanimité extraordinaire ! Il serait tellement mal vu, tellement scandaleux de ne pas être de gauche… »

Mais revenons-en à son art, qu’il pratiquait avec une rigueur extrême. La plupart des artistes ayant travaillé avec lui que j’ai pu rencontrer ne m’ont pas parlé d’un homme violent, ni méchant, mais d’un homme obsédé par son travail, consciencieux, intransigeant. Pour lui, se présenter sur scène devant des spectateurs et porter la parole d’un poète était un acte qu’il fallait accomplir comme un sacerdoce. « La responsabilité d’être le messager du texte d’un homme parfois disparu depuis un siècle ou deux est énorme. » C’est le metteur en scène Peter Brook qui lui avait fait mesurer cette responsabilité. Il y aurait tant à dire sur cet acteur de génie.

Au-delà de l’homme, l’artiste

Je garde de lui plusieurs souvenirs qui resteront gravés en moi. Le souvenir hypnotisant, dérangeant, de son personnage de parrain corse dans Un prophète de Jacques Audiard, c’était la première fois que je le voyais. Quel choc ! Le grand frisson qui parcourait mon corps lorsqu’il entrait en scène, entraînant avec lui une douleur, une passion et un danger qui emplissaient la salle. Son interprétation de Rothko dans la pièce Rouge de John Logan adaptée par Jean-Marie Besset. Quelques extraits de lui dans Qui a peur de Virginia Woolf : un sommet ! Et surtout le souvenir de ma seule rencontre avec lui. C’était dans je ne sais plus quel cocktail. Je l’avais aperçu, un peu isolé, assis à une table avec deux ou trois personnes. Il ne parlait pas. Je désirais aller le voir, mais tout le monde me le déconseillait. « Il n’est pas sympa du tout, je te préviens », me disait-on. Prenant mon courage à deux mains, je me décide à aller vers lui. Je le salue, il me répond du bout des lèvres, peu intéressé. Je lui parle de Raimu et de Galabru, et soudain, son visage s’illumine et sa bouche esquisse un sourire plein de tendresse… Évidemment. Était-il gentil ou méchant ? Peu importe, je laisse ses interrogations à ceux que l’art n’intéresse pas.

C’est un acteur unique, irremplaçable, et le chemin pour devenir cela peut être douloureux, tumultueux. En art, la seule chose qui compte, c’est le résultat. Grâce au cinéma – cette « lampe magique qui ranime les génies éteints », disait Pagnol –, le résultat est là, et nous éblouira, pour l’éternité.

Dans la tête de Trump

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À travers ce monologue intérieur fictif, l’auteur explore les réflexions, les ambitions et les obsessions d’un Donald Trump complexe et controversé dans un style à la fois drôle et incisif


(Bruits de fond: musique et brouhaha sous la rotonde du Capitole)

Mon cochon, je vais leur en donner pour leur argent! Et le petit vieux assis, là, sur ma gauche, je vais enfin me le farcir, et publiquement. Ǫuand je pense à toutes les avanies que j’ai dû subir, il m’en a fait avaler, des couleuvres. Oui, oui, vous ne voyez que les grands titres, vous les Européens faiblards. Vous n’avez jamais reçu une lettre d’avocat américain? Où l’on vous menace de rendre bagnoles, toutes vos clefs, votre meuf, et des foudres judiciaires à perpétuité? Alors vous n’avez pas vécu. Avec évidemment les frais d’avocats qui s’empilent sur votre bureau, les heures à soupeser chaque angle de votre défense, les myriades d’options qui se présentent à vous? A ce petit jeu, les échecs relèvent de la maternelle. Et je vous dis pas, j’en ai eu pas un, pas deux, pas trois, mais des dizaines de procès! N’importe qui d’autre que moi, Donald Trump, se serait déjà pendu dans son garage. Eh bien non! Je vais leur en donner, du fil à retordre, et leur offrir un bout de corde pour leur propre bon plaisir!

Bon, il faut que je me calme, dans quelques instants, ça va être l’inauguration. Ah, si papa voyait ça. Sûr qu’il m’encadrerait mon portrait sur sa table de chevet.

(voix du maître de cérémonie: …Donald J. Trump!”)

Dans deux minutes la fête, les gars!

Ehehehehe, (regard peu amène vers les “ex”), ils sont tous parqués sur ma gauche comme des sardines, toutes ces huiles. Ca doit les vexer, hein, d’être obligés de se frotter les uns contre les autres sur des chaises. Et tous ces capitaines d’industrie, ils ne viennent que pour moi! Pas pour vous! Même Bernard prend des vues de la coupole avec son portable, tiens si ça se trouve, il fait un clip pour la prochaine pub de Dior. Accroche-toi Elon, ça va être une fusée, mon speech. A plusieurs étages, et ca va se télescoper, comme tu aimes faire. OK OK, ça va être mon tour. Il est bien ce JD Vance, sa petite Mirabel apporte juste la touche qu’il fallait du haut de ses 2 ans. C’est quoi déjà le nom de sa nounou? Faudra lui demander à l’occasion. Barron, lui, il a pas besoin de talonnettes comme certains. Je lui ai juste demandé de pas trop bailler. Et Melania! Sombre à souhait, exactement ce que je lui avais demandé. Par contre, son bolero, on aurait dû répéter pas facile de lui faire un bisou. Je suis sûr qu’elle l’a fait exprès, histoire de m’emmerder un peu, mais quand même, c’est autre chose que Jill ou Brigitte. A mon goût seule Carla fait le poids, mais son tour est passé. Où en étais-je? Ah oui, ça va être à moi. Dans deux minutes la fête, les gars!

Ǫuand je pense que tous ces prétentieux de Bruxelles et des alentours sont devant leurs écrans. Et Emmanuel, hein? Ben non, je sais même pas qui le représente. De toutes façon il m’aurait fait la leçon sur le tableau à ma gauche, avec Washington, Lafayette, et le troisième je ne me souviens plus. Ah si, Rushonboy, on m’a dit que ça se prononçait comme ça. Avant, je savais pas que le drapeau blanc était pas celui des anglais, mais des français. Faut dire qu’ils ont la réputation de se rendre facilement. C’est quand même incroyable qu’on a été sauvé par des cheese eating surrendering monkeys. “Notre plus ancien allié”, j’ai appris ça par cœur sur les fiches qu’on me donne à chaque fois que je le rencontre. Si ça lui fait plaisir… C’est pas un mauvais bougre, et puis j’ai toujours aimé les ors de Versailles, d’ailleurs c’est ma signature en décoration. Tiens, il faudra que j’y pense, il faudrait peut-être redécorer le Lincoln bedroom, plus lugubre tu meurs.

Bon, OK, revenons à nos moutons. Ah oui, j’oubliais, il faut poser la main sur la Bible. Ca tombe bien, Melania en a apporté deux, l’une d’entre elle doit venir de sa mère, l’autre de la première inauguration. Je vais faire semblant, après tout, si je pose pas la main sur la couverture, personne ne va rien me dire, non? Vous vous rendez compte, les gars! Je suis le seul! Le seul depuis Grover à être élu deux fois de suite à 4 ans d’intervalle.

Faire ! Faire ! Faire !

“45-47”, qu’on m’appelle! C’est quand même autre chose que 46! “I solemnly swear “… c’est facile, il n’y a qu’à répéter ce que me dit Roberts en face. “that I will faithfully execute the Office of President of the United States,” c’est un peu long, mais ça va encore “and will to the best of my ability” ça s’est pas mal trouvé, on s’engage juste à faire de son mieux, mais ce n’est pas une obligation de résultat. J’aurais dû mettre cette clause dans mes contrats d’Université Trump, ça aurait évité pas mal d’ennuis, “preserve, protect and defend the Constitution of the United States”. Ca, c’est pas gagné, mais ils n’ont rien compris. L’important, c’est de faire, on va pas s’embarrasser d’arguties. Faire, ne pas parler pour ne rien dire, comme ils le font tous. D’ailleurs, c’est bien pour ça qu’ils sont des millions à m’élire. Faire! Faire! Faire! Je vais leur en donner, ils ont encore rien vu. Et voilà! Voilà le travail les gars, c’est fait!! C’est fait!! Bon, à mon tour de les épater.

(brouhaha et silence, le téléprompteur affiche la première phrase: Thank you very much everybody, well, thank you very very much…”)

Bon, il faut que je pose le ton. Pas d’emballement. OK, les remerciements aux uns et aux autres, je m’en fiche un peu, mais c’est le protocole. Allez, à présent, attaque, Jeannot! “L’âge d’or des Etats-Unis commence dès maintenant. A partir de ce jour notre pays va prospérer et être à nouveau respecté à travers le monde….”

Ce qu’il y a de bien , avec le téléprompteur, c’est que je n’ai qu’à lire, à poser, et pauser entre les applaudissements. Pas mal, non? Ils sont bien nourris, beaucoup plus enthousiastes que ceux du discours de Joe il y a 4 ans, quand il m’a volé l’élection. Et regardez comme ils se lèvent, OK, certains avec difficultés, de très rares, pas du tout, mais de toutes façons c’est des has been. Ce qu’il faut bien vous mettre dans la tête, les gars, c’est que je ne plaisante pas. Ah oui!! Vos cris d’orfraie m’amusent. De toutes façons, vous n’avez jamais rien compris à l’Amérique. Pour vous c’est les cowboys et les indiens, et en plus John Wayne était un affreux facho qui cassait du Viet. Vous pensez vraiment que la planète se casse la gueule. Vous rêvez, les mecs! Si jamais vous aviez une seule fois conduit trois jours d’affilée dans l’ouest, vous comprendriez qui nous sommes, nous les Américains. Pas des mauviettes qui tendent l’obole dès que vous avez un bobo. Nous, on bâtit, on explore, on innove, et je vais te les libérer, toutes ces énergies. Mes sans-dents à moi, je vais leur en donner de l’essence, et de la bonne, et pas chère. On va évidemment trouver comment rendre la planète meilleure, c’est nous qui avons inventé l’électricité!

Et puis, toutes ces normes qui polluent la vie, ça c’est de la vraie pollution. On a failli en crever, je vais remettre les choses à l’endroit. Rendre libre le citoyen. D’ailleurs, je vais virer sur le champ 80,000 fonctionnaires, s’ils veulent rester, qu’ils aillent bosser sur la frontière mexicaine! Ah! Ils pensent que c’est pas possible de renvoyer les gens à la case départ, et comment ça? Dès que je me reviens dans le bureau ovale, ça va valser, les décrets. 200 sont déja prêts. Pourquoi attendre 100 jours?

Plan de bataille…

Bon, OK, tout ça, s’est du convenu, de l’emballage. Dans quelques instants, je vais leur dire ce que j’ai vraiment dans la tête.

C’est la Révolution du sens commun”. Pas mal, la formule, non? On m’a dit qu’il y a avait eu un parti en France, ou en Italie, je sais, qui avait déja trouvé la formule dans les années 50 je crois. Eh alors? Cest pas une marque déposée, non? Aucun sens des affaires, ces éphètes.

Bon, on va donner les têtes d’affiche, les têtes de gondoles, quoi. Je me marre!!

Primo: “urgence nationale à notre frontière sud!!” Eh, pas mal, non? Tout le monde se lève à cette annonce! Je continue… Arrêt immédiat de toutes les entrées illégales et politique d’expulsion « les immigrants illégaux doivent rester au Mexique » “Envoi de troupes à la frontière sud pour repousser l’invasion, les cartels seront désignés comme des organisations terroristes étrangères, avec la résurrection de Alien Enemy Act de 17S7 et permettre élimination des gangs étrangers. “En tant que commandant en chef, je défendrai notre pays”. Voilà, ça c’est envoyé. Ǫu’on ne vienne pas me dire que c’est pas faisable!

Secundo: “vaincre l’inflation record, faire baisser les prix. L’urgence nationale : nous allons forer, ma chérie, forer! “(Tiens au fait, qu’est-ce qu’elle est devenue la Sarah Palin, toujours avec son boyfriend en Alaska? Faudra que je demande, elle a peut-être besoin d’un poste d’ambassadrice des pôles. “Nous avons les plus grandes réserves de pétrole et de gaz sur terre, et nous les utiliserons. Nous redeviendrons une nation riche grâce à l’or liquide qui se trouve sous nos pieds…” Ca tombe tout de même sous le sens, non? “Nous taxerons les pays étrangers pour enrichir nos citoyens”. On m’a fait la réflexion, qu’un ambassadeur de France ici à Washington, dans les années 20, un Claude Paul, ou Paul Claude ou Claudel, je sais plus, avait déjà critiqué cette politique. Bon, ils vont et viennent, ces gens- là, de toute façon personne ne lit leurs dépêches. Je me marre!!

Tercio– “Création d’un Département de l’Efficacité Gouvernementale”. A toi de jouer, Elon! Tu vas me les faire maigrir, tous ces rapiats! Je peux pas les piffrer. Tous à vivre à nos crochets, et prétentieux, et imbus d’eux même, et sentencieux, et obséquieux, non mais, pour qui ils se prennent?? “Arrêt de la censure gouvernementale”, “retour de la liberté d’expression en Amérique”, “Rétablir une justice équitable, égale et impartiale dans le cadre de l’État de droit”, “Rétablir la loi et l’ordre dans nos villes”, “Mettre fin à la politique d’ingénierie sociale du gouvernement en matière de race et de sexe dans tous les aspects de la vie publique”, “affirmer l’absence de couleur de peau et le principe du mérite” (ça, ça devrait impressionner Macron, non??) “réaffirmation de l’existence des deux sexes : masculin et féminin”, et toc! un point c’est tout, toutes ces conneries, au placard! “reversement intégral des salaires à ceux qui ont été expulsés du service militaire en raison de leurs refus de vaccination anti-Covid”, là, je trouve qu’on fait très fort, et qu’on ne vienne pas me dire que je ne fais pas dans le social!

Pour les forces armées, leur seule mission est de vaincre les ennemis de l’Amérique” “Une armée la plus forte nous permettra de gagner des batailles, ou mieux encore, des guerres dans lesquelles nous n’entrerons jamais”, “Je veux être un artisan de la paix et un rassembleur”, “inspirer la crainte et l’admiration du monde entier”. On aurait tort de me chatouiller, qu’on se le dise! Ils n’ont pas encore vu comment l’Oncle Sam pouvait donner des baffes à qui il veut.

Le golfe du Mexique n’est plus, vive le Golfe d’Amérique, le mont McKinley reprendra son nom d’origine, le Panama sera récupéré, car le traité a été violé, les navires américains ont été surtaxés et n’ont pas été traités équitablement. De plus, nous ne l’avons pas donné à la Chine, nous l’avions donné au Panama et nous le reprenons.” Voilà, c’est dit, et ça va mieux en le disant, comme me le disait Macron l’autre jour à Notre-Dame. Je n’ai pas voulu le vexer, mais je crois que c’est bien nous les Yankees qui avons donné plus de 60 millions de dollars, mais un bon nombre d’entre eux pensaient donner à l’équipe de football de Notre Dame. Enfin, tant pis, c’est quand même pas mal cette rénovation. Melania a trouvé les chasubles pas mal, je me fie à elle. Par contre les gribouillis de maternelle sur les fanions des paroisses qui ont défilé alors là, j’ai rien compris, eux qui ont des fanions fleurs-de-lys depuis 1000 ans, même que chez nous c’est le summum du style, même dans l’Indiana des villes ont la fleur de lys sur leurs logos. Enfin, c’est leur affaire, si ça leur fait plaisir, il y a plus important quand même. J’espère qu’ils ont mis des sprinklers comme à la Trump Tower, mon poste incendie-sécurité que j’ai installé en 1988 est toujours au top.

Un phénix renait de ses cendres

OK, OK, je m’égare, où en étais-je? Ah oui, c’est pas mal, non? de ressusciter

La doctrine Monroe, vieille de 200 ans. J’ai pas re-cité le Danemark, mais franchement, il n’a rien à faire au Groenland. Et puis, soyons bon prince, je laisserai St Pierre et Miquelon à Macron.

Allez, c’est le moment “JFK”: “nous irons sur la planète Mars, et on y plantera la bannière étoilée!” Génial, je vois Elon sauter de joie. Eh oui chers amis du monde entier, “nous sommes un people d’explorateurs, de bâtisseurs, d’aventuriers”… le far ouest est “dans notre cœur, dans notre âme.” “La nature sauvage, les déserts, la fin de l’esclavage, la maîtrise de l’électricité, la séparation des atomes, c’est nous. Il n’y a rien que nous ne puissions faire, aucun rêve que nous ne puissions réaliser ». “Le peuple américain a parlé. En Amérique, l’impossible est ce que nous faisons de mieux. Nous allons gagner comme jamais auparavant”, “Rien ne se mettra en travers de notre chemin”, “L’âge d’or ne fait que commencer”.

“Thank you, thank you, thank you very much”. Ça a de la gueule, non?

Fin du discours, poignées de mains – DJT se retrouve quelques instants plus tard dans la salle Emancipation Hall du rez-de-chaussée, où l’attendent tous ses fidèles et proches.

Ǫuel plaisir d’être enfin entre amis! Tous ceux là, ce sont vraiment les miens. Je vais leur dire que j’en ai un peu gros sur la patate de ne pas avoir pu tout dire dans la salle du haut. Mais là, je vais me lâcher, et attendez un peu mon discours à l’Arena, j’ai prévu d’offrir huit stylos à la foule, et 200 autres décrets m’attendent au bureau ce soir. On va se régaler!

Faudra quand même que je lui dise, à Johnny qui m’a conseillé dans mon speech. Je n’ai pas eu le temps de le lire, mais il était quand même pas mal, ce Zarathoustra. J’ai bien noté, et je re-servirai sa formule à l’occasion: “Deviens celui que tu es”. À demain, si vous le voulez bien!

Jacques Darras dans le Labyrinthe

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Je ne pouvais pas manquer ça ; j’ai donc entraîné mon amoureuse, ma Sauvageonne, à la librairie du Labyrinthe à Amiens où le poète-écrivain Jacques Darras dédicaçait son dernier livre, Je m’approche de la fin (Gallimard, 130 p. ; 17 €). Le maître des lieux, le libraire-éditeur Philippe Leleux, était sur place ; les deux hommes se connaissent bien. Philippe l’a édité. Ils ont en commun un goût prononcé pour la langue picarde. Il y avait du monde ; beaucoup de monde. Jacques est aussi connu dans sa Picardie natale que Jack Kerouac l’est aux Etats-Unis. Il signait à tour de bras. Afin de ne point l’importuner, je baguenaudais, discret, vers le cubitainer, précieuse source d’un chardonnay qui, ma foi, se laissait boire.

Ma Sauvageonne bavardait avec l’écrivain Hervé Jovelin ; je parlais aux livres, nombreux (normal : une librairie ; il eût été curieux que les cubis fussent plus nombreux que les ouvrages !), et tentais de lire sur les visages des lecteurs, fans de Jacques. Dès que ce dernier fut seul, en tout cas non occupé à signer, je courus le saluer.

A lire aussi: Les vignes saignent

J’apprécie cet homme haut, avec sa casquette irlandaise, passionné par la poésie de la Beat Generation. Jacques et moi, nous nous connaissons depuis longtemps ; si mes souvenirs sont bons, nous nous sommes rencontrés aux obsèques de Max Lejeune, en 1995, sur le parvis d’église Saint-Sépulcre, à Abbeville. Tout de go, je lui demandais pourquoi avait-il intitulé son livre Je m’approche de la fin, titre assez pessimiste. « Je m’approche de la fin ; bien entendu, il s’agit de la mienne », répondit-il, sourire aux lèvres. « Je n’ai pas l’outrecuidance de m’excepter du troupeau humain, mais je m’approche de la fin en général, non pas de la fin de vie, mais de la fin des fins, la fin dernière, et de la notion de fin. Donc, j’interroge ça en disant : « Je ne suis pas plus avancé que quiconque, ni moins avancé.» Et je me dis à quel point il y a assez peu d’intérêt pour ce stade final. J’y pense avec énormément de vigueur, et d’une certaine façon en me cabrant contre l’injustice – ou ce qui nous apparaît comme une injustice et qui n’en est peut-être pas une – et j’ouvre toutes les possibilités qui s’offrent à la fin. Nous ne savons pas si ça se ferme ou si ça s’ouvre. Je veux laisser les choses ouvertes. » Je lui demandai alors s’il n’était pas agnostique. « Oui », lâche-t-il. « Je suis une sorte de chrétien (car j’ai été converti à l’âge de 21 ans) mais aussi anticlérical ; je n’ai pas de sympathie pour les Eglises quelles qu’elles soient, dans leurs structures meurtrières, mais je ne méprise pas pour autant la notion de la croyance. »

Bientôt, notre conversation prit fin : un lecteur tendait son opus afin d’y recueillir une dédicace. Je retournais dans le fond de la librairie, parler aux livres et lire sur les visages des visiteurs. Et je me mis à regarder le fond de mon gobelet de chardonnay. « Je m’approche de la fin », songeai-je sous le regard de ma Sauvageonne ; elle devait se demander si j’allais en prendre un deuxième.

Brigade littéraire

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Version 1.0.0

On réécrit les classiques ; on interdit les ouvrages jugés incorrects par rapport à la nouvelle morale ; on fait appel, dans les plus illustres maisons d’édition, à des sensitivity readers, prédits par Philippe Sollers dans son roman Portrait du Joueur (1985) ; on déstructure la langue française, on n’enseigne plus le passé simple en primaire, elle devient une « langue fantôme » selon l’expression de Richard Millet, lanceur d’alertes – immigration de masse, avènement d’une « novlangue », défaite de l’Éducation nationale, perte de sens – cloué au pilori par Tahar Ben Jelloun et Annie Ernaux, cette dernière étant à l’origine d’une liste signée par cent vingt écrivains de l’ère post-littéraire. Bref, c’est la vague scélérate de la cancel culture née dans les universités américaines.

Préfacé par Stéphane Barsacq

Marc Alpozzo, très présent sur les réseaux sociaux, est philosophe et critique littéraire. Il a publié une douzaine de livres et il est coauteur de plusieurs ouvrages collectifs, dont L’humain au centre du monde (Cerf). Il a décidé de rassembler un certain nombre de ses articles parus dans la presse depuis quinze ans en un volume intitulé Galaxie Houellebecq (et autres étoiles). Dans sa préface, Stéphane Barsacq, toujours précis, résume l’enjeu : « Sommes-nous destinés, à la suite de la mort de Dieu, à mourir d’épuisement pour rien ? À devenir des fonctionnaires de l’inessentiel ? Des prothèses de l’intelligence artificielle ? Des cellules souches pour le triomphe de l’eugénisme de type néo-libéral ‘’infra nazi’’ ? » En d’autres termes, nous sommes la première civilisation sans valeurs suprêmes, et ce n’est pas rien. Alors soumission, pour reprendre le titre d’un roman de Houellebecq ? Ou, au contraire, comme le demande Barsacq : « Sommes-nous sur le seuil d’une résurrection, au terme d’une descente aux enfers – soit le chemin même qui a mené Jésus au point où il est devenu le Christ ? » À chacun sa réponse. Pour nous aider à y voir clair, dans cette nuit aussi noire que celle de Goya, Marc Alpozzo réunit cette galerie improbable où se côtoient Maurice Barrès, Milan Kundera, Céline, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Philippe Muray, Marcel Jouhandeau, Richard Millet et d’autres qui ont refusé de participer à la danse des spectres shakespeariens. Ça offre un ouvrage de respiration mentale assez salutaire.

Houellebecq, c’est une littérature « de fin de siècle » écrit Alpozzo, qui ajoute : « Ça n’est pas une littérature éveillée. C’est une littérature qui protège et prolonge le grand sommeil des peuples. C’est une littérature mortifère, sans espoir de hauteur. C’est une littérature de petit homme. » C’est pour cela qu’elle plait tant aux bobos. Houellebecq est grand dans la dépression et les Monoprix, à la recherche d’une bouteille d’alcool et de préservatif goût fraise. Son talent excelle lorsqu’il s’agit de précipiter ses personnages essoufflés dans le vice, la déchéance, le vide. Le nihilisme, c’est son fonds de commerce. Il pressent une guerre de civilisation entre la France et l’islam. Et il annonce une défaite française, une « soumission » pour reprendre le titre d’un de ses plus impeccables romans. Mais le vainqueur, toujours selon Houellebecq, ne sera pas l’islam, mais le capitalisme. Le bonheur est une idée dangereuse, puisque lors de sa conférence au Cercle de Flore, il lança d’une voix blanche : « Tout bonheur est d’essence religieuse. On est plus heureux, même avec des religions merdiques. » Difficile de voir en lui l’écrivain qui sortira la France de l’ornière. Sauf à considérer qu’il peut jouer le rôle du négatif d’une photo.

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Difficile également de faire coexister Sollers et Houellebecq. Sollers, c’est Mozart joué parmi les oiseaux sur l’île de Ré. Pas de dépression en vue à lire Sollers, mais un hennissement de vitalité, une ligne à haute tension rimbaldienne, une palette qui ignore le noir. Pas de corps triste, pas de sexualité en berne. Le bonheur, chez le Vénitien de Bordeaux, est une idée éternellement jeune, expérimentée individuellement. À la différence de Houellebecq qui se complait dans les eaux stagnantes, Sollers navigue sur l’Atlantique, indiquant d’un doigt ferme les récifs à éviter : « L’émotion est très contagieuse, et la victimisation permanente. L’infantilisation progresse donc vers un langage de plus en plus punitif, où les élites sont toujours coupables. » (Extrait tiré de Légende, cité par Alpozzo). Il convient alors de prendre le chemin de l’école buissonnière pour échapper à la Société dont on a clairement identifié les dévots zélés.

On ferme

Cette galaxie hétérogène est-elle efficace ? Trop de contrastes existent entre les écrivains répertoriés par Marc Alpozzo. D’autant plus que les intellectuels sont en grande partie discrédités depuis la fin du XXe siècle. Beaucoup se sont fourvoyés en soutenant des idéologies mortifères. Être là, où il faut, quand il le faut, requiert clairvoyance, courage et honnêteté. On ne citera pas ceux qui furent dépourvus de ces qualités fondamentales. La liste serait interminable. Marc Alpozzo cite l’étude de François Dosse, La saga des intellectuels français (Gallimard, 2018) et conclut ainsi : « Notons également qu’on ne ressort pas indemne de la lecture de cette somme. Car elle trace l’itinérance et les errances d’une saga d’intellectuels engagés, qui ont souvent échoué dans leurs idéaux, et n’ont su sauver l’homme du désastre de la modernité. »

Il faut cependant lire le livre de Marc Alpozzo, et choisir l’écrivain qui correspond le mieux à nos aspirations salvatrices. Il sera le passage de l’ombre à la lumière pour reprendre une image chère à Victor Hugo. Ses livres seront, ou sont déjà, sur la table de chevet. On les feuillète au hasard. On les relit, à des époques différentes de la vie. On les laisse tomber, jamais longtemps. L’écrivain devient alors un compagnon de route. Sa « voix » ne nous quitte pas. Elle résonne (raisonne) quand le brouillage social est trop puissant. Il arrive parfois que l’espoir s’absente. Dans Les Derniers jours, cahier « politique et littéraire » (1927), Drieu la Rochelle laisse éclater son pessimisme : « Tout est foutu. Tout ? Tout un monde, toutes les vieilles civilisations – celles d’Europe en même temps que celles d’Asie. Tout le passé, qui a été magnifique, s’en va à l’eau, corps et âme. »

Marc Alpozzo, Galaxie Houellebecq (et autres étoiles). Éloge de l’exercice littéraire, préface de Stéphane Barsacq, LESEDITIONSOVADIA, 333 pages

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La fin du Macumba

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John Travolta, "La fièvre du samedi soir" (1977) © ProfilesInHistory/BNPS/SIPA

Le dernier Macumba de France fermera ses portes le week-end du 22 et 23 février à Englos, dans le Nord. Pourquoi cette disparition est-elle si inquiétante ?


Pour une fois, les médias généralistes n’ont pas parlé de sentiment d’insécurité, ils n’ont pas fait preuve d’un déni du réel en cachant cette information par des statistiques sujettes à caution, ils n’ont pas insulté la population en la traitant de complotiste ou d’affabulatrice, ils ne pouvaient plus rien nous cacher. La vérité a éclaté dans sa nudité comme un parking désert offre sa désolation à quelques heures de l’ouverture. Laurent Delahousse, nordiste de cœur, a évoqué cette déflagration dans un long reportage sur France 2 et, la Voix du Nord, en date du jeudi 23 janvier titrait en Une : « On ne dansera plus au Macumba ». La vraie, l’immuable hiérarchie de l’information reprenait ses droits. Nous avons assisté à une leçon de journalisme qui a remis de l’ordre dans les priorités confuses de nos contemporains.

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Mission sanitaire

En rapport à ce bal tragique, l’investiture de Trump passait pour anecdotique, la feuille de route du gouvernement devînt accessoire et les errements de la RTBF, tellement dérisoires que l’on n’en parla même pas dans les rédactions sérieuses, la fin du Macumba écrasait la concurrence victimaire. Elle remettait la boule à facettes au centre du dancefloor. On fit même appel à l’essayiste Jean-Pierre Mader pour comprendre comment on en était arrivé là. Hier encore, les boîtes régulaient les flux d’une jeunesse en proie aux troubles hormonaux. Sans elles, leur mission sanitaire et éducative, la France connaîtrait un taux de natalité encore plus alarmant. Le chanteur toulousain qui s’y connaît en recherche du temps perdu, souvenez-vous de son cri prémonitoire : « disparue, tu as disparue » emprunta les mots de Jérôme Fourquet. Il affirma qu’une époque s’achevait, notre ère des loisirs, celle des Trente Glorieuses et de la Vème République stable, allait disparaitre et finalement, une certaine idée de la France du samedi soir. Pour une fois, les médias ont relaté le plus objectivement du monde les faits dans leur brutalité, dans leur radicalité sèche, sans artifices, avec l’émotion qui sied aux grandes bascules historiques. Les ricaneurs n’eurent pas le courage de semer la discorde car, au fond d’eux, ils savaient qu’ils perdaient un morceau de notre patrimoine. Le Macumba se meurt, il ne lui reste plus qu’un mois à vivre à Englos, dans le Nord. Après, c’en sera fini des discothèques populaires, celles qui ne pratiquaient pas la ségrégation à l’entrée, celles qui assimilaient les classes et les identités pour le bien de la nation.

Peaux et sueur

Notre pays n’a pas été assez reconnaissant pour l’œuvre civilisatrice que les « Macumba » ont tenté, partout sur le territoire, de promouvoir durant cinquante ans. Un modèle d’intégration par la fête qui vaut largement toutes les intégrations européennes par la loi. On dansait au Macumba pour oublier, pour se libérer, pour se rencontrer, pour exister enfin durant quelques heures, pour échapper à la solitude des nuits sans contact. Sans cette soupape, certains auraient sombré. Au Macumba, un jour de chance, on attrapait dans le regard de l’autre, ce petit supplément de vie qui nous permettait de nous accrocher encore une semaine de plus. Les emmerdes, le boulot, les impôts, les galères, le Macumba, rouleau au rythme disco, les aplanissait sur des tubes entraînants.

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Avec le Macumba, nous avons vécu une histoire de peaux et de sueur, de chevauchées fantastiques sur la piste, de déconnades et de chambrages, de ces minuscules instants qui scellaient jadis les peuples heureux. Le Macumba faisait barrage aux cons par le slow et le DJ, métronome de nos effleurements, était un alchimiste des platines. Au Macumba, les gens s’amusaient et se protégeaient, ils n’étaient pas des ennemis de quartier. Alors, Sardou ne chantera pas « Ne m’appelez plus Macumba ! » mais il s’agit bien d’un morceau de France qui va partir aux oubliettes, une France qui draguait sans fausse pudeur, qui s’habillait pour sortir, qui, par sa modestie, sa politique des petits pas, n’était pas dogmatique comme d’autres institutions poseuses et inefficaces ; le Macumba envisageait un destin commun à tous ses habitués. Cette France digne et aujourd’hui abandonnée, périphérique et méprisée pleurera le Macumba comme un dieu païen, généreux et pacificateur.

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Rima Hassan, l’imposture et l’inhumanité comme carte de visite

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Rima Hassan et le recteur de la mosquée de Paris. Image : Twitter.

Nous venons d’assister à un joli numéro d’équilibriste politique. En refusant de voter pour la libération de Boualem Sansal, Rima Hassan semble avoir confondu défense des opprimés et soutien aux oppresseurs… Et pendant ce temps, d’autres transformaient des terroristes en « otages » à la télé.


Imaginez, vous êtes élu d’un pays démocratique et l’on vient vous demander de voter une résolution pour demander la libération d’un écrivain, embastillé arbitrairement par un pouvoir corrompu. Dans l’imaginaire politique, on imagine difficilement que c’est la gauche qui va refuser son soutien. D’habitude ce sale rôle est plutôt tenu par l’extrême-droite. Eh bien plus maintenant, les codes ont changé.

Aucun membre de LFI n’a voté pour la libération de l’écrivain

On peut se rassurer néanmoins, l’écrasante majorité des députés européens qui devaient se prononcer sur la demande de libération de Boualem Sansal a soutenu cette démarche par 533 votes pour, 24 contre et 48 abstentions. Parmi ceux qui n’ont pas voté pour, on trouve toute la délégation de LFI : ils nous font honte. Rima Hassan a ainsi voté contre, et Manon Aubry s’est abstenue. Or l’écrivain franco-algérien est notre compatriote et mérite notre mobilisation. Il est l’otage des tensions entre Paris et Alger et le prétexte trouvé par l’Algérie pour l’emprisonner est une critique faite sur un média français de la politique algérienne au Sahara. Un peu léger pour enfermer un homme âgé, inoffensif et malade. Mais de cela, les deux égéries de LFI se moquent bien.

Ces votes ont déclenché un tollé à droite, de François-Xavier Bellamy à Jordan Bardella, de Xavier Bertrand à Laurent Wauquiez en passant par Bruno Retailleau. A gauche, François Ruffin a protesté, comme Raphaël Glucksmann, mais Olivier Faure a été d’une discrétion de violette comme Sandrine Rousseau ou Marine Tondelier… L’humanisme serait-il en train de changer de camp ?

Boualem Sansal accusé par Rima Hassan d’être en quelque sorte un « Français de papier »

Mais le pire reste à venir : apostrophée sur les réseaux sociaux, Rima Hassan a tenté de justifier son vote dans un long thread sur X qui ressasse les éléments de langage d’Alger en y ajoutant ses obsessions personnelles. À commencer par l’accusation de soutenir des thèses identitaires d’extrême-droite, de reprendre la thématique du grand remplacement ou de stigmatiser les exilés. Boualem Sansal serait donc hors de « l’arc républicain ». Ce procès est juste hallucinant venant d’une femme qui soutient le Hamas, une organisation et une idéologie qui n’ont rien à envier au nazisme et remettent au goût du jour le crime contre l’humanité. Ce procès est juste hallucinant venant d’une élue qui essaie pathétiquement de convoquer les mots-clés de l’antifascisme à l’appui de son vote honteux, alors qu’elle est proche des islamistes et alliée des jihadistes, avec qui elle partage estrades et références.

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Mais ce n’est que le début. Elle finit assez rapidement par laisser entendre que Boualem Sansal ne serait qu’un Français de papier. L’extrême-droite le présenterait comme un grand auteur français alors même que l’acquisition de sa nationalité est récente. C’est exact, mais je n’aurai jamais cru la gauche, même identitaire, capable de refuser le statut de compatriote à quelqu’un parce qu’il n’avait pas acquis depuis assez longtemps sa nationalité.

Rima Hassan invente la période d’essai en matière de naturalisation, semble-t-il. Hélas pour elle, s’il existe des Français de papier, c’est-à-dire des gens qui utilisent leur nationalité comme une carte bancaire pour avoir accès aux avantages que notre société procure, tout en crachant sur les principes et idéaux qui forgent notre contrat social et en travaillant à sa destruction, c’est elle qui illustre le phénomène et non Boualem Sansal. L’écrivain maîtrise parfaitement notre langue, écrit en français depuis longtemps et porte haut les valeurs liées à l’égalité, à la laïcité, à la liberté. Il est attaché à la quête de la vérité et porte un regard singulier et non communautariste sur le monde. Il dénonce l’islamisme et rapporte les ravages de la guerre civile que les fous de Dieu ont déclenchée en Algérie. Pour cela, il a toujours été menacé dans son pays. On ignorait que les LFI, qui défendent l’élargissement du droit d’asile et refusent que l’on expulse des islamistes menaçant comme Hassan Iquioussen étaient si tatillons quant à la naturalisation des étrangers quand ils sont démocrates et humanistes…

Un hypocrite refus d’instrumentalisation pour justifier le refus d’une position humaniste

Enfin, après toutes ces contorsions aussi ridicules qu’hypocrites, l’amie du Hamas et l’égérie de LFI finit en beauté. Elle ne serait pas « contre la libération de Boualem Sansal » mais contre son « instrumentalisation ». Pourtant : la résolution était claire. Mais pas pour Rima Hassan ! Le texte appelant à la libération de l’écrivain serait porté par une coalition unissant la droite et l’extrême-droite. Des personnes avec qui on peut voter en France des motions de censure, mais pas œuvrer à la libération d’un innocent, visiblement ? Et surtout, Madame Hassan, après avoir eu à cœur les intérêts de la Syrie, se fait la voix de ceux de l’Algérie puisque le cas Sansal ne servirait selon elle qu’à entraîner une escalade diplomatique contre le régime d’Alger. Elle emploie même le terme d’ « ingérence ». Ainsi défendre et demander la libération de notre compatriote serait porter atteinte à la souveraineté algérienne… En revanche, qu’Alger embastille un Français serait donc en creux légitime et respectable. Dans cette affaire Rima Hassan a dévoilé ce qu’elle est et ce n’est une découverte pour personne.



Ce refus de voter la libération d’un écrivain a d’ailleurs été suivi par une autre prise de position qui illustre bien à qui vont les fidélités et l’allégeance de Rima Hassan. En effet, couvrant la libération des terroristes palestiniens, France Info TV a affiché à l’écran ce titre malheureux : « 200 otages palestiniens retrouvent la liberté ». Cette appellation d’ « otages » a évidemment déclenché un tollé.

L’affaire des terroristes palestiniens rebaptisés otages par France Info

Des terroristes fanatisés avec du sang sur les mains ne sont pas des otages et le pedigree des assassins libérés est souvent aussi lourd qu’effrayant. France Info a vite retiré son bandeau et son titre, suite à l’interpellation faite notamment par la députée Caroline Yadan. Muriel Attal, directrice de la communication de France télévisions, a immédiatement réagi. Pour Rima Hassan, qui pense que les terroristes du Hamas sont des résistants et que le massacre du 7-Octobre se justifie, la suppression de ce titre est une honte. Elle a donc fait en sorte que les militants LFI harcèlent Muriel Attal, laissant entendre en creux qu’elle aurait cédé au lobby juif. Connus pour être maître dans le harcèlement en ligne, les militants LFI et les islamistes ont suivi. Chloé Morin, la politologue et spécialiste de l’opinion, a alors pris la défense de Muriel Attal sur les réseaux, lui disant qu’être la cible de la vindicte d’un soutien du Hamas est un honneur. La réponse de Rima Hassan, comme à son habitude, est d’une rare violence : « Comme vous êtes prête à liquider la moindre personne qui humanise les Palestiniens, vous trouvez encore moyen de vous victimiser ». Le problème, c’est que les seuls en France qui liquident leurs ennemis idéologiques ce sont les islamistes, qu’ils ont tué des enfants, des journalistes, des dessinateurs, des professeurs, des policiers, des curés et parfois juste la première personne croisée dans la rue. Le problème, c’est que ces gens-là sont ses alliés, qu’ils sont profondément antisémites et que Rima Hassan connait les leviers émotionnels qui suscitent les passages à l’acte chez ce type de personnes. La violence de son langage est liée à la violence de son idéologie et à sa totale indifférence pour l’intégrité physique de ceux qu’elle considère comme ses ennemis. Cette femme a osé dénier à Boualem Sansal le fait d’être un écrivain des Lumières alors qu’elle est elle-même l’instrument obscur du totalitarisme islamique. Comment ce soutien de terroristes peut-elle encore être des nôtres, quand Boualem Sansal croupit en prison et que la menace islamiste ne cesse de croître ? C’est elle qui mériterait que la question d’une déchéance de nationalité soit posée en ce qui la concerne !

Elias: l’idéologie de l’excuse tue

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Le maire du 14e arrondissement de Paris Carine Petit est venue s'exprimer à la télévision samedi après le drame. Capture BFMTV.

Elias, un adolescent de 14 ans, a été poignardé à mort à Paris lors d’une tentative de vol de son téléphone portable par deux jeunes de 16 et 17 ans, déjà connus pour des faits de violence et qui devaient comparaître prochainement devant la justice. Ce drame suscite des vives réactions politiques, et relance les débats sur la violence des mineurs et sur l’autorité face à la délinquance.


Cela se passe près de chez vous. Elias a été poignardé vendredi pour un téléphone portable dans le sud du 14e arrondissement parisien. Encore une vie fauchée par la délinquance ordinaire. On pense à ses parents, et on pense aussi à tous les parents qui auront peur demain de laisser leur gosse jouer au foot.
Cette affaire dramatique est un cas chimiquement pur des ravages de l’idéologie de l’excuse. Les deux agresseurs présumés étaient « très défavorablement » connus des services de police, ce qui pour Le Parisien signifie probablement gangs[1]. À leur pedigree : port d’arme prohibée, vols avec violences et / ou en groupe notamment dans deux stades du quartier. Ce que la maire écologiste du XIVème Carine Petit qualifie pudiquement de «signaux d’alerte». Qu’a-t-on fait, face à ces signaux ? L’élue l’expliquait samedi sur BFMTV, toute honte bue : «On a mobilisé tout le monde, on a mis des mots sur ce qui se passait. Et on a apporté des réponses.»
Quelles réponses ! Le Parisien a cruellement exhumé ses déclarations de mars 2024, après l’affaire des stades: «En discutant avec les services sociaux et les associations sportives, on a identifié cinq jeunes. On leur a apporté un soutien éducatif, on a aidé leurs familles et depuis, tout va mieux». Les deux tueurs présumés en faisaient partie.
Sans surprise, la chaîne pénale a été tout aussi inefficace. Placés sous contrôle judiciaire avec interdiction formelle de se côtoyer, les voyous devaient trembler… La vérité cruelle, insupportable et qui nous met aujourd’hui tellement en colère, c’est qu’on savait que des bandes semaient la violence dans le sud du 14e, et qu’on n’a rien fait. Pis. On a apporté à ces barbares un soutien éducatif et aidé leurs familles – on croit rêver.

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Alors, qui est responsable ? Je pourrais vous dire que nous sommes tous responsables, mais non. Politiquement, il y a une responsabilité écrasante de la gauche qui refuse la répression. Mais la droite s’est également souvent couchée. Quant à Emmanuel Macron, il a peur des quartiers. Mais le terreau de cette situation, c’est avant tout un désarmement culturel. Le commentariat convenable, la sociologie d’État, les associatifs subventionnés, la gauche angélique: toutes les voix autorisées du progressisme propagent les mêmes fadaises depuis 40 ans. Tout en niant la surreprésentation des Français issus de l’immigration dans la délinquance, ils expliquent qu’elle est la conséquence du racisme, de la misère et du colonialisme. Allez comprendre la logique… Mais, quoi qu’il arrive, c’est de notre faute. Les racailles sont toujours exonérées de leurs responsabilités et même victimisées. Quand on ne les transforme pas en pauvres petits anges… Après les émeutes, on s’est félicité des peines fermes qui avaient été prononcées par la Justice. Combien ont été réellement exécutées ?
Pourquoi des multi-agresseurs se baladent-ils en liberté? Parce que cette idéologie imprègne les institutions et l’appareil d’État: Éducation nationale, Justice, sans compter ces municipalités écolos-bobos qui luttent contre la violence à coups de subventions, de médiathèques et d’accommodements déraisonnables. Le résultat de cette haine de la répression: non seulement l’État a perdu le monopole de la force, mais il répugne à l’exercer. Et Elias n’est jamais rentré du foot.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale


[1] https://www.leparisien.fr/faits-divers/elias-14-ans-tue-pour-son-portable-a-paris-les-aveux-partiels-des-deux-suspects-mineurs-bien-connus-de-la-justice-26-01-2025-HQHVE2F6OVA4NHVWD44ONCWQMI.php

Quand le Code pénal pakistanais s’invite chez nous

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Des gendarmes devant le passage Sainte-Anne Popincourt, perpendiculaire à la rue Nicolas Appert, où a eu lieu l'attentat, le 25 septembre 2020 © CELINE BREGAND/SIPA Numéro de reportage: 00983038_000044

En 2020, Zaheer Hassan Mahmood, un Pakistanais de 26 ans, avait agressé un homme et une femme avec un couteau de boucher de 38 cm près des locaux de Charlie Hebdo. Pendant tout son procès, la défense s’est échinée à replacer les dimensions « culturelles » et la notion de « blasphème » au cœur du dossier…


Le jeudi 23 janvier, la cour d’assisses spéciale de Paris prononçait une peine de trente années de réclusion criminelle pour tentative d’assassinat terroriste à l’encontre de Zaheer Mahmoud, ainsi que des condamnations de trois à douze ans pour association de malfaiteurs terroriste criminelle contre ses cinq co-accusés. Peines assorties d’une interdiction définitive du territoire.

Débat sociologico-psychologico-ethnologico philosophique

Zaheer Mahmoud, migrant pakistanais de trente ans venu chez nous chercher un avenir meilleur que celui qui l’attendait chez lui, s’est illustré en attaquant sauvagement à coups de hachoir deux jeunes gens dont le seul crime était de fumer tranquillement leur cigarette rue Nicolas-Appert à Paris, à hauteur des anciens locaux de Charlie Hebdo. C’était le 25 septembre 2020. Mahmoud entendait ainsi répliquer à la republication des caricatures de Mahomet par l’hebdomadaire et venger le prophète. « Je pensais que c’était la loi du Coran et du Pakistan », tenta-t-il de justifier en garde-à-vue. Plus tard, probablement bien instruit par son avocat, il dira n’avoir pris conscience de l’absurdité et de l’horreur de son crime qu’une fois en prison.

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Durant les trois semaines du procès une question s’est imposée tant à la défense qu’à l’accusation : cet acte barbare qui ne correspondait pas explicitement à une revendication djihadiste relevait-il d’un particularisme culturel ? Particularisme culturel pakistanais qui, nous enseigne-t-on complaisamment à l’audience, se caractérise par le fait que le blasphème est un crime passible de la peine de mort. On se doute combien il est important pour la résilience qu’on souhaite aux victimes qu’on puisse déterminer si la sauvagerie du hachoir ressortit au culturel ou non. Il y a des moments judiciaires comme celui-ci où la cour d’assises se mue en cénacle de haute intensité, accusation et défense s’offrant mutuellement la satisfaction de briller dans un débat sociologico-psychologico-ethnologico philosophique rappelant étrangement les foisonnantes et fumeuses disputes de la scolastique. Les temps où l’on pouvait considérer que le tribunal de la République était un lieu où avant toute chose il s’agissait de rendre la justice au nom du peuple français et sur la base d’un droit lui aussi rigoureusement français seraient-ils révolus ?

Le procureur place d’emblée la barre très haut, introduisant une nuance d’importance. Il évoque la « spécificité » de la chose car l’attentat serait le premier impliquant des auteurs adeptes d’un islam sunnite du courant Barelvi. De nouveau, on pense à la vive satisfaction des jeunes gens tailladés au hachoir d’apprendre cela.

Poursuivant dans une si bonne voie, ce même procureur s’emploie à expliquer que ces jeunes migrants ont été nourris de l’opinion que le blasphème doit être puni de mort, ce que le Code pénal pakistanais d’ailleurs prescrit. Mais aussitôt, tient-il à préciser, pour autant « nul n’a jamais été autorisé à se faire justice soi-même. » On se prend à respirer. Sur ce point précis, le Code pénal pakistanais viendrait donc au secours du nôtre.

Névrose nationale

Puis, à son tour, son heure de gloire ayant sonné, l’avocat de Mahmoud vient en quelque sorte prolonger l’œuvre pédagogique initiée par son prédécesseur. Au procureur la « spécificité » de l’affaire, au défenseur sa « singularité ». Et d’évoquer « le Pakistan et sa névrose nationale, le blasphème ». La « matrice » du passage à l’acte serait là. Quant à la dévotion à l’endroit du prophète, particulièrement vive dans ce courant sunnite Barelvi – sans aucun doute trop méconnu chez nous jusqu’à ce procès – elle serait un élément constitutif de « l’identité nationale du Pakistan, qui signifie littéralement « le pays des purs »… Le conseil de Mahmoud entend évidemment que la cour sache tenir compte de cela. Là encore, de découvrir qu’ils se sont fait massacrer à coups de hachoir par un ressortissant du Pays des Purs doit être une source de contentement bien réel pour les victimes…

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« L’effort de souplesse mentale que nous demande ce dossier est absolument énorme », lâche encore l’avocat, parfaitement dans son rôle, cela dit en passant. « Il nous demande de ne pas le juger comme d’autres dossiers terroristes dont les accusés sont des enfants de la République (…) Mahmoud est en France physiquement mais, dans sa tête, il est toujours dans ce pays. » 

Mine de rien, l’avocat pose ici le problème de fond : de combien de milliers et de milliers de migrants ne pourrait-on dire qu’ils sont en France physiquement, mais qu’ils sont encore dans leur tête là d’où ils viennent ? Et, en conséquence – et pour cette seule raison – jusqu’où devrions-nous aller dans la souplesse mentale pour que nos mœurs, nos règles et nos lois parviennent à surnager et survivre, confrontés toujours davantage à ces « spécificités », à ces « singularités », à ces « particularismes culturels » ? Ce procès, les questions soulevées, les débats qui l’ont animé devraient faire date. Ils devraient aussi inciter à la réflexion, à la prudence, à la vigilance. Durant les trois semaines qu’il a duré, il n’a cessé, en vérité, d’exhumer les pièges, les impasses – y compris judiciaires – dans lesquels se fourvoit inéluctablement toute société s’abandonnant au multiculturalisme.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

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Boualem Sansal: une honte humaine plus qu’une faute politique…

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Boualem SANSAL (Président d'honneur), sur la 28e edition du "Festival du Livre de Nice", Jardin Albert Premier à Nice en France le 6 juin 2024 © SYSPEO/SIPA

La France semble impuissante à obtenir d’Alger la libération de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné depuis deux mois.


Les sujets ne manquent pas actuellement qui intéressent le citoyen passionné par l’actualité dans ce qu’elle a de signifiant pour la France et le monde. Pourtant, toujours, l’angoisse sur le sort de Boualem Sansal. Notre pays qui n’a pas pu faire élire Kamala Harris aux Êtats-Unis trouve Donald Trump majoritairement « raciste et agressif ». Quelle découverte !

Brouillard des nouvelles

On continue à débattre de X et on voudrait nous enjoindre de le quitter comme si nous avions besoin, sur ce plan également, de maîtres guidant nos choix, nos appétences et nos indignations.

Élisabeth Borne continue avec obstination à s’occuper de tout sauf de l’Éducation nationale : elle a quitté son obsession anti-Gabriel Attal pour focaliser sur la vie intime et sexuelle. On finira un jour par raccroc à se préoccuper de ces formations dérisoires : lire, écrire et compter !

Cependant, sans cesse, derrière le brouillard confus des nouvelles de toutes sortes, la question lancinante et tragique sur ce que devient et comment va Boualem Sansal.

La mère coupable de l’atroce mort d’Amandine a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité. Le sentiment que ce n’est que justice est mêlé à la conscience de la misère humaine et sociale. Il n’est jamais simple de juger même avec de l’horreur face à soi.

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Le Premier ministre François Bayrou va s’expliquer le 27 janvier face à Darius Rochebin sur LCI, notamment sur le budget à venir. Nous aurons au moins la certitude de bonnes, de pertinentes questions formulées sur un ton courtois. J’espère que les commentaires citoyens éviteront le dérisoire pour s’attacher à l’important.

On a beau jouer les cyniques, les blasés ou les sceptiques, on ne peut s’empêcher d’éprouver un frisson d’espérance sur l’Ukraine, sur Poutine et Donald Trump qui, dans des genres différents, sont des maquignons de la politique. Qu’ils n’oublient pas l’inlassable et vaillant Zelensky.

Thomas Legrand lucide

Mais Boualem Sansal demeure dans nos têtes et malgré l’énergie de ses amis les plus chers – je songe par exemple à Arnaud Benedetti et Xavier Driencourt -, le pessimisme nous gagne. On se demande ce qu’attend la France pour répondre à l’Algérie et mettre en œuvre des ripostes et des rétorsions immédiates. Faut-il que notre pays soit encore davantage humilié ?

Le Parlement européen a voté une résolution réclamant la libération de Boualem Sansal, adoptée par 533 voix sur 605. Les Insoumis Rima Hassan, Anthony Smith, Arash Saeidi et Emma Fourreau, ainsi que l’écologiste Mounir Satouri ont voté contre. Les LFI Manon Aubry et Younous Omarjee se sont abstenus.

Le fait que Thomas Legrand les ait condamnés en invoquant une faute politique dans le quotidien Libération aurait été plutôt de nature à m’inquiéter, il va systématiquement vers la défense des mauvaises causes. Mais acceptons que pour une fois la lucidité l’ait frappé !

Je me distingue de lui dans le choix de sa dénonciation. C’est bien plus qu’une faute politique, grief qui réduirait cette ignominie à une erreur partisane. Comme si LFI ne nous avait pas habitués depuis longtemps, et avec constance, à des positions qui défient l’entendement et le bon sens…

A lire aussi, Charles Rojzman: Algérie: les Insoumis sont les héritiers de la contre-culture des années 60

Non, c’est pire que cela. On a le droit de ne pas aimer les idées de cet écrivain franco-algérien de qualité et de courage, on peut, pourquoi pas, ne pas apprécier ses livres mais le problème n’est plus là : quand un écrivain, âgé de 80 ans, malade qui plus est, est incarcéré dans des conditions qui relèvent de la pure intimidation politique, pour se venger d’un revirement diplomatique de la France et humilier notre président de la République, on hiérarchise, on va vers l’essentiel, on se tourne vers l’urgent.

On ne tombe pas dans la honte humaine. On n’est pas indigne comme les bourreaux de Boualem Sansal. On n’accable pas une personne à terre. Il y a une solidarité morale qui devrait l’emporter sur l’affrontement belliqueux, au demeurant absurde.

Le souvenir de Boualem Sansal ne me quitte pas et mon impuissance, comme celle de la France, sont un crève-cœur.

Un avocat général s'est échappé

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Bouquineur, la soif de l’or!

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DR.

Monsieur Nostalgie vous parle de Charles Des Guerrois (1817-1916), le plus grand bibliophile troyen, qui a laissé à la postérité, deux textes Le Bouquineur suivi d’Une Histoire de livres qui n’avaient pas été encore publiés. Épure, les éditions et presses universitaires de Reims, vient remédier à cette lacune dans sa collection Cultures et Temporalités


La bibliophilie est une maladie infantile qui s’attrape on ne sait comment. Après une forte fièvre ? À la suite d’une vision, dans la vitrine d’une librairie ancienne, un soir de la Nativité ? Le jour de nos onze ans, où une tante bien intentionnée vous offre les Mousquetaires dans une édition empourprée et, sans le vouloir, propage le virus dans votre esprit fragile ?

Si la lecture demeure ce vice impuni, le besoin vital, énergisant et financièrement dangereux d’accumuler des volumes peine à trouver des explications rationnelles. Aucune logique dans cette frénésie qui encombre les appartements et vide vos comptes. D’éminents neurologues se sont penchés sur le sujet, le collectionneur avide et enchaîné à ses bibliothèques, délaissant famille et amis pour se sustenter de nouvelles acquisitions, y abandonnant ses économies et sa santé mentale, est un cas pathologique où entrent en conflit intérieur l’objet en tant que tel et son contenu. De cette friction, naît une addiction. Ce n’est pas une question de culture, de savoir, d’érudition, nous serions plutôt du côté de la goinfrerie. La gourmandise est-elle un péché capital ? Ceux qui sont sujets à ces crises boulimiques, trouvent toutes les ruses pour acheter, emmagasiner toujours et encore plus, ils courent le risque d’être enseveli sous le papier, n’ont même pas assez d’espace pour se nourrir ou dormir, l’imprimé aura leur peau. En matière de bibliophilie, nous sommes tous des amateurs devant la grand ’œuvre de Charles Des Guerrois, cheval de Troyes de la littérature et bienfaiteur de sa ville. Dans leur avant-propos, Olivier Justafré et Jean-Louis Haquette nous en disent un peu plus sur ce drôle de zig.

A lire aussi, du même auteur: Pour un cinéma décomplexé!

« Lecteur insatiable, Charles Des Guerrois fut aussi l’auteur de plus de 120 livres et articles. Il voua un tel amour au Livre qu’il légua les 45 732 volumes composant sa si précieuse collection à la bibliothèque de sa ville, Troyes » nous précisent-ils. Nous sommes devant un forcené, un possédé du Livre, un dissident qui se moque des nourritures terrestres. L’existence ne vaut d’être vécue que si elle regorge de livres, que si l’être humain reste en contact avec cet objet, tantôt pelisse, tantôt porte sur l’aventure. De guerre lasse, Des Guerrois engrange, compile, échafaude, se barricade, s’invente et se réinvente au contact du papier. C’est quelque chose d’épidermique, d’intime, inexplicable à une époque où la dématérialisation fait des ravages, une Odyssée qui nous apprend que certains Hommes, en dehors des contingences, ont poussé l’amour du Livre jusqu’à la « déraison ». Ce Des Guerrois commence à nous plaire, avec ses tocades et son absence de mauvaise foi. Il n’a pas la passion triste. Dans ce petit texte intitulé Le Bouquineur qui est son double de papier, il évoque la destinée d’un bibliomane (dès ses trois ans, quatre ans au plus) et du déchaînement émotionnel que lui procurèrent les livres. Quelle est la définition du mot « Bouquineur », peu usité de nos jours ?

A lire aussi: La boîte du bouquiniste

Nous connaissons les bouquinistes, mais les bouquineurs viennent-ils d’une contrée fantastique ? Dans leurs notes, nos chercheurs qui se font passeurs, nous disent que « le terme qui donne son titre à la nouvelle n’est pas choisi au hasard par l’auteur. Il est défini par le Grand dictionnaire universel du XIXème siècle de Pierre Larousse comme « amateurs de vieux livres ». Dans le discours sur la bibliophilie, de Paul Lacroix à Nodier notamment, il renvoie à un type de collectionneur aux moyens modestes, qui fréquente plus les étals des bouquinistes et les brocanteurs que les salles des ventes ». Ce bouquineur, c’est vous, c’est nous, le badaud qui ne résiste pas à la couverture d’un folio ou d’un livre de poche. Ce n’est pas le prix qui fait le collectionneur, c’est plutôt l’élan irrépressible, la soif de lecture. Des Guerrois nous montre la/sa trajectoire quand l’équilibre était encore possible : « Il achetait un peu et lisait beaucoup, sans compter. Il n’y avait pas lieu de souffrir et il ne souffrait pas ». Sauf que les livres sont un poison, l’engrenage fatal allait dérouler son destin immuable, entraîné par son épouse qui se passerait de robes et d’un intérieur douillet, qui allait allumer sa « flamme dangereuse » ; comme poussé par une mécanique céleste, inarrêtable, le bouquineur devint insatiable : « Il ne mesurait plus dès lors les ressources aux acquisitions : il achetait, achetait toujours ; sa grande raison, sa grande excuse à ses propres yeux (c’est celle que font valoir tous les bibliomanes) était celle-ci : « Je ne retrouverai pas ce livre ». Peur de manquer. Une Histoire de livres complète cet opuscule à ne pas mettre entre toutes les mains, car ces contes bibliophiliques sont addictifs.

Niels Arestrup l’irremplaçable

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Niels Arestrup © BALKAR/FREGE/SIPA

Niels Arestrup est mort le 1er décembre. Durant toute sa carrière, il a brûlé les planches et crevé l’écran. Ce passionné était de la race des Raimu et Marlon Brando qu’on venait voir, admirer et craindre à la fois. Cet être à part était un monstre-volcan, l’un des derniers.


Le 29 novembre, je passais l’après-midi avec la merveilleuse Judith Magre, comme je le fais presque chaque semaine. Judith me racontait combien elle aimait Niels Arestrup. Elle ne comprenait pas la réputation d’homme violent qui s’était abattue sur lui. Elle avait joué à ses côtés Qui a peur de Virginia Woolf d’Edward Albee. Judith avait repris le rôle de Martha après que Myriam Boyer, accusant Niels Arestrup de l’avoir étranglée réellement au cours d’une des représentations, eut quitté le projet. « Moi, j’ai rencontré un être exquis. J’en garde un souvenir magnifique. Niels est un être et un acteur extraordinaire. Il fut avec moi un partenaire adorable. On s’embrassait chaque fois qu’on terminait la pièce tellement nous étions heureux », racontait Judith. Ce jour-là, avant que je la quitte, elle me demande une dernière chose : « Je n’ai plus le numéro de Niels. Si vous l’avez, envoyez-lui un message de ma part. Dites-lui que je l’aime et que je pense à lui. »

Je trouve le numéro de l’acteur et lui adresse, dans un message, les mots de Judith. Et j’ajoute : « J’en profite pour vous demander si vous accepteriez de m’accorder une interview sur l’art de l’acteur pour le magazine Causeur. » Le lendemain matin, le téléphone sonne : Arestrup ! Je n’ose répondre : l’angoisse. Cet homme m’impressionne trop. C’est un monstre (que je sacre !). Dernière sonnerie, je décroche. C’est sa femme, Isabelle Le Nouvel. Elle m’explique que Niels Arestrup est en convalescence, qu’il n’est pas en état de parler, mais qu’il souhaitait absolument qu’elle réponde pour lui à mon message. Il veut dire à Judith qu’il l’embrasse et qu’il pense lui aussi à elle. Isabelle ajoute qu’il serait ravi de répondre à mes questions pour Causeur dès qu’il ira mieux. Il n’ira pas mieux. Un mois plus tard, le voilà parti. Terrible nouvelle. Non pas pour cette interview qui me tenait tellement à cœur, mais pour le théâtre, pour le cinéma.

Un monstre sacré

Je déplorais, il y a peu, la mort de Delon et l’arrêt de la carrière de Depardieu. Encore une lourde perte. Cette fois-ci, ça sent franchement le sapin. Les derniers êtres de lumière du monde des acteurs quittent le navire. Quels grands fauves des planches reste-t-il ? Caubère, Michel Fau, Philippe Girard et… qui d’autre ? Les noms me manquent. Qui peut franchement penser que Jean-Paul Rouve ou Pierre Niney puissent remplacer un acteur comme Arestrup ?! Qui atteint aujourd’hui la puissance, l’intensité dramatique de son jeu ? Qui pourrait rivaliser de charisme avec lui ? Il était de la race des monstres de la scène. Un seul regard à l’écran, un seul pas sur le plateau du théâtre suffisaient à susciter la fascination. Il était étrange, dangereux, terriblement humain. Comme Raimu, Michel Simon ou Marlon Brando, il était le Monstre-Volcan qu’on venait voir, admirer et craindre à la fois. C’était un être à part, avec une musique très particulière, une personnalité écrasante. Et puis, surtout, c’était un artiste pur, passionné. Sa vie, il l’avait consacrée au théâtre, servant Molière, Tchekhov, Dostoïevski, Rainer Maria Rilke, Pinter, Strindberg, Duras, Edward Albee, Racine, Pirandello ou encore Jean Genet. Il vivait pour le théâtre et avait d’ailleurs pris la direction du théâtre de la Renaissance. Il avait également monté un cours d’art dramatique. Il n’était pas de ces acteurs qui passent leur temps à donner des leçons de morale, à pétitionner. Non. Lorsqu’il prenait la parole, c’était pour parler de son art. Il se disait d’ailleurs profondément gêné par l’engagement politique des artistes. « Je n’aime pas voir les acteurs la ramener simplement parce qu’ils sont acteurs, et adhérer parfois – pour des raisons qui me paraissent obscures – à des choses qui vont tellement dans le sens du vent… Ça m’irrite parfois beaucoup, déclarait-il dans un entretien avec André Halimi. Je n’ai presque jamais rencontré un comédien ou un chanteur qui ne me dise pas qu’il était de gauche. C’est d’une unanimité extraordinaire ! Il serait tellement mal vu, tellement scandaleux de ne pas être de gauche… »

Mais revenons-en à son art, qu’il pratiquait avec une rigueur extrême. La plupart des artistes ayant travaillé avec lui que j’ai pu rencontrer ne m’ont pas parlé d’un homme violent, ni méchant, mais d’un homme obsédé par son travail, consciencieux, intransigeant. Pour lui, se présenter sur scène devant des spectateurs et porter la parole d’un poète était un acte qu’il fallait accomplir comme un sacerdoce. « La responsabilité d’être le messager du texte d’un homme parfois disparu depuis un siècle ou deux est énorme. » C’est le metteur en scène Peter Brook qui lui avait fait mesurer cette responsabilité. Il y aurait tant à dire sur cet acteur de génie.

Au-delà de l’homme, l’artiste

Je garde de lui plusieurs souvenirs qui resteront gravés en moi. Le souvenir hypnotisant, dérangeant, de son personnage de parrain corse dans Un prophète de Jacques Audiard, c’était la première fois que je le voyais. Quel choc ! Le grand frisson qui parcourait mon corps lorsqu’il entrait en scène, entraînant avec lui une douleur, une passion et un danger qui emplissaient la salle. Son interprétation de Rothko dans la pièce Rouge de John Logan adaptée par Jean-Marie Besset. Quelques extraits de lui dans Qui a peur de Virginia Woolf : un sommet ! Et surtout le souvenir de ma seule rencontre avec lui. C’était dans je ne sais plus quel cocktail. Je l’avais aperçu, un peu isolé, assis à une table avec deux ou trois personnes. Il ne parlait pas. Je désirais aller le voir, mais tout le monde me le déconseillait. « Il n’est pas sympa du tout, je te préviens », me disait-on. Prenant mon courage à deux mains, je me décide à aller vers lui. Je le salue, il me répond du bout des lèvres, peu intéressé. Je lui parle de Raimu et de Galabru, et soudain, son visage s’illumine et sa bouche esquisse un sourire plein de tendresse… Évidemment. Était-il gentil ou méchant ? Peu importe, je laisse ses interrogations à ceux que l’art n’intéresse pas.

C’est un acteur unique, irremplaçable, et le chemin pour devenir cela peut être douloureux, tumultueux. En art, la seule chose qui compte, c’est le résultat. Grâce au cinéma – cette « lampe magique qui ranime les génies éteints », disait Pagnol –, le résultat est là, et nous éblouira, pour l’éternité.

Dans la tête de Trump

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Le président Donald Trump et la première dame Melania Trump arrivent au Liberty Ball, dans le cadre de la 60e investiture présidentielle, le lundi 20 janvier 2025, à Washington © Evan Vucci/AP/SIPA

À travers ce monologue intérieur fictif, l’auteur explore les réflexions, les ambitions et les obsessions d’un Donald Trump complexe et controversé dans un style à la fois drôle et incisif


(Bruits de fond: musique et brouhaha sous la rotonde du Capitole)

Mon cochon, je vais leur en donner pour leur argent! Et le petit vieux assis, là, sur ma gauche, je vais enfin me le farcir, et publiquement. Ǫuand je pense à toutes les avanies que j’ai dû subir, il m’en a fait avaler, des couleuvres. Oui, oui, vous ne voyez que les grands titres, vous les Européens faiblards. Vous n’avez jamais reçu une lettre d’avocat américain? Où l’on vous menace de rendre bagnoles, toutes vos clefs, votre meuf, et des foudres judiciaires à perpétuité? Alors vous n’avez pas vécu. Avec évidemment les frais d’avocats qui s’empilent sur votre bureau, les heures à soupeser chaque angle de votre défense, les myriades d’options qui se présentent à vous? A ce petit jeu, les échecs relèvent de la maternelle. Et je vous dis pas, j’en ai eu pas un, pas deux, pas trois, mais des dizaines de procès! N’importe qui d’autre que moi, Donald Trump, se serait déjà pendu dans son garage. Eh bien non! Je vais leur en donner, du fil à retordre, et leur offrir un bout de corde pour leur propre bon plaisir!

Bon, il faut que je me calme, dans quelques instants, ça va être l’inauguration. Ah, si papa voyait ça. Sûr qu’il m’encadrerait mon portrait sur sa table de chevet.

(voix du maître de cérémonie: …Donald J. Trump!”)

Dans deux minutes la fête, les gars!

Ehehehehe, (regard peu amène vers les “ex”), ils sont tous parqués sur ma gauche comme des sardines, toutes ces huiles. Ca doit les vexer, hein, d’être obligés de se frotter les uns contre les autres sur des chaises. Et tous ces capitaines d’industrie, ils ne viennent que pour moi! Pas pour vous! Même Bernard prend des vues de la coupole avec son portable, tiens si ça se trouve, il fait un clip pour la prochaine pub de Dior. Accroche-toi Elon, ça va être une fusée, mon speech. A plusieurs étages, et ca va se télescoper, comme tu aimes faire. OK OK, ça va être mon tour. Il est bien ce JD Vance, sa petite Mirabel apporte juste la touche qu’il fallait du haut de ses 2 ans. C’est quoi déjà le nom de sa nounou? Faudra lui demander à l’occasion. Barron, lui, il a pas besoin de talonnettes comme certains. Je lui ai juste demandé de pas trop bailler. Et Melania! Sombre à souhait, exactement ce que je lui avais demandé. Par contre, son bolero, on aurait dû répéter pas facile de lui faire un bisou. Je suis sûr qu’elle l’a fait exprès, histoire de m’emmerder un peu, mais quand même, c’est autre chose que Jill ou Brigitte. A mon goût seule Carla fait le poids, mais son tour est passé. Où en étais-je? Ah oui, ça va être à moi. Dans deux minutes la fête, les gars!

Ǫuand je pense que tous ces prétentieux de Bruxelles et des alentours sont devant leurs écrans. Et Emmanuel, hein? Ben non, je sais même pas qui le représente. De toutes façon il m’aurait fait la leçon sur le tableau à ma gauche, avec Washington, Lafayette, et le troisième je ne me souviens plus. Ah si, Rushonboy, on m’a dit que ça se prononçait comme ça. Avant, je savais pas que le drapeau blanc était pas celui des anglais, mais des français. Faut dire qu’ils ont la réputation de se rendre facilement. C’est quand même incroyable qu’on a été sauvé par des cheese eating surrendering monkeys. “Notre plus ancien allié”, j’ai appris ça par cœur sur les fiches qu’on me donne à chaque fois que je le rencontre. Si ça lui fait plaisir… C’est pas un mauvais bougre, et puis j’ai toujours aimé les ors de Versailles, d’ailleurs c’est ma signature en décoration. Tiens, il faudra que j’y pense, il faudrait peut-être redécorer le Lincoln bedroom, plus lugubre tu meurs.

Bon, OK, revenons à nos moutons. Ah oui, j’oubliais, il faut poser la main sur la Bible. Ca tombe bien, Melania en a apporté deux, l’une d’entre elle doit venir de sa mère, l’autre de la première inauguration. Je vais faire semblant, après tout, si je pose pas la main sur la couverture, personne ne va rien me dire, non? Vous vous rendez compte, les gars! Je suis le seul! Le seul depuis Grover à être élu deux fois de suite à 4 ans d’intervalle.

Faire ! Faire ! Faire !

“45-47”, qu’on m’appelle! C’est quand même autre chose que 46! “I solemnly swear “… c’est facile, il n’y a qu’à répéter ce que me dit Roberts en face. “that I will faithfully execute the Office of President of the United States,” c’est un peu long, mais ça va encore “and will to the best of my ability” ça s’est pas mal trouvé, on s’engage juste à faire de son mieux, mais ce n’est pas une obligation de résultat. J’aurais dû mettre cette clause dans mes contrats d’Université Trump, ça aurait évité pas mal d’ennuis, “preserve, protect and defend the Constitution of the United States”. Ca, c’est pas gagné, mais ils n’ont rien compris. L’important, c’est de faire, on va pas s’embarrasser d’arguties. Faire, ne pas parler pour ne rien dire, comme ils le font tous. D’ailleurs, c’est bien pour ça qu’ils sont des millions à m’élire. Faire! Faire! Faire! Je vais leur en donner, ils ont encore rien vu. Et voilà! Voilà le travail les gars, c’est fait!! C’est fait!! Bon, à mon tour de les épater.

(brouhaha et silence, le téléprompteur affiche la première phrase: Thank you very much everybody, well, thank you very very much…”)

Bon, il faut que je pose le ton. Pas d’emballement. OK, les remerciements aux uns et aux autres, je m’en fiche un peu, mais c’est le protocole. Allez, à présent, attaque, Jeannot! “L’âge d’or des Etats-Unis commence dès maintenant. A partir de ce jour notre pays va prospérer et être à nouveau respecté à travers le monde….”

Ce qu’il y a de bien , avec le téléprompteur, c’est que je n’ai qu’à lire, à poser, et pauser entre les applaudissements. Pas mal, non? Ils sont bien nourris, beaucoup plus enthousiastes que ceux du discours de Joe il y a 4 ans, quand il m’a volé l’élection. Et regardez comme ils se lèvent, OK, certains avec difficultés, de très rares, pas du tout, mais de toutes façons c’est des has been. Ce qu’il faut bien vous mettre dans la tête, les gars, c’est que je ne plaisante pas. Ah oui!! Vos cris d’orfraie m’amusent. De toutes façons, vous n’avez jamais rien compris à l’Amérique. Pour vous c’est les cowboys et les indiens, et en plus John Wayne était un affreux facho qui cassait du Viet. Vous pensez vraiment que la planète se casse la gueule. Vous rêvez, les mecs! Si jamais vous aviez une seule fois conduit trois jours d’affilée dans l’ouest, vous comprendriez qui nous sommes, nous les Américains. Pas des mauviettes qui tendent l’obole dès que vous avez un bobo. Nous, on bâtit, on explore, on innove, et je vais te les libérer, toutes ces énergies. Mes sans-dents à moi, je vais leur en donner de l’essence, et de la bonne, et pas chère. On va évidemment trouver comment rendre la planète meilleure, c’est nous qui avons inventé l’électricité!

Et puis, toutes ces normes qui polluent la vie, ça c’est de la vraie pollution. On a failli en crever, je vais remettre les choses à l’endroit. Rendre libre le citoyen. D’ailleurs, je vais virer sur le champ 80,000 fonctionnaires, s’ils veulent rester, qu’ils aillent bosser sur la frontière mexicaine! Ah! Ils pensent que c’est pas possible de renvoyer les gens à la case départ, et comment ça? Dès que je me reviens dans le bureau ovale, ça va valser, les décrets. 200 sont déja prêts. Pourquoi attendre 100 jours?

Plan de bataille…

Bon, OK, tout ça, s’est du convenu, de l’emballage. Dans quelques instants, je vais leur dire ce que j’ai vraiment dans la tête.

C’est la Révolution du sens commun”. Pas mal, la formule, non? On m’a dit qu’il y a avait eu un parti en France, ou en Italie, je sais, qui avait déja trouvé la formule dans les années 50 je crois. Eh alors? Cest pas une marque déposée, non? Aucun sens des affaires, ces éphètes.

Bon, on va donner les têtes d’affiche, les têtes de gondoles, quoi. Je me marre!!

Primo: “urgence nationale à notre frontière sud!!” Eh, pas mal, non? Tout le monde se lève à cette annonce! Je continue… Arrêt immédiat de toutes les entrées illégales et politique d’expulsion « les immigrants illégaux doivent rester au Mexique » “Envoi de troupes à la frontière sud pour repousser l’invasion, les cartels seront désignés comme des organisations terroristes étrangères, avec la résurrection de Alien Enemy Act de 17S7 et permettre élimination des gangs étrangers. “En tant que commandant en chef, je défendrai notre pays”. Voilà, ça c’est envoyé. Ǫu’on ne vienne pas me dire que c’est pas faisable!

Secundo: “vaincre l’inflation record, faire baisser les prix. L’urgence nationale : nous allons forer, ma chérie, forer! “(Tiens au fait, qu’est-ce qu’elle est devenue la Sarah Palin, toujours avec son boyfriend en Alaska? Faudra que je demande, elle a peut-être besoin d’un poste d’ambassadrice des pôles. “Nous avons les plus grandes réserves de pétrole et de gaz sur terre, et nous les utiliserons. Nous redeviendrons une nation riche grâce à l’or liquide qui se trouve sous nos pieds…” Ca tombe tout de même sous le sens, non? “Nous taxerons les pays étrangers pour enrichir nos citoyens”. On m’a fait la réflexion, qu’un ambassadeur de France ici à Washington, dans les années 20, un Claude Paul, ou Paul Claude ou Claudel, je sais plus, avait déjà critiqué cette politique. Bon, ils vont et viennent, ces gens- là, de toute façon personne ne lit leurs dépêches. Je me marre!!

Tercio– “Création d’un Département de l’Efficacité Gouvernementale”. A toi de jouer, Elon! Tu vas me les faire maigrir, tous ces rapiats! Je peux pas les piffrer. Tous à vivre à nos crochets, et prétentieux, et imbus d’eux même, et sentencieux, et obséquieux, non mais, pour qui ils se prennent?? “Arrêt de la censure gouvernementale”, “retour de la liberté d’expression en Amérique”, “Rétablir une justice équitable, égale et impartiale dans le cadre de l’État de droit”, “Rétablir la loi et l’ordre dans nos villes”, “Mettre fin à la politique d’ingénierie sociale du gouvernement en matière de race et de sexe dans tous les aspects de la vie publique”, “affirmer l’absence de couleur de peau et le principe du mérite” (ça, ça devrait impressionner Macron, non??) “réaffirmation de l’existence des deux sexes : masculin et féminin”, et toc! un point c’est tout, toutes ces conneries, au placard! “reversement intégral des salaires à ceux qui ont été expulsés du service militaire en raison de leurs refus de vaccination anti-Covid”, là, je trouve qu’on fait très fort, et qu’on ne vienne pas me dire que je ne fais pas dans le social!

Pour les forces armées, leur seule mission est de vaincre les ennemis de l’Amérique” “Une armée la plus forte nous permettra de gagner des batailles, ou mieux encore, des guerres dans lesquelles nous n’entrerons jamais”, “Je veux être un artisan de la paix et un rassembleur”, “inspirer la crainte et l’admiration du monde entier”. On aurait tort de me chatouiller, qu’on se le dise! Ils n’ont pas encore vu comment l’Oncle Sam pouvait donner des baffes à qui il veut.

Le golfe du Mexique n’est plus, vive le Golfe d’Amérique, le mont McKinley reprendra son nom d’origine, le Panama sera récupéré, car le traité a été violé, les navires américains ont été surtaxés et n’ont pas été traités équitablement. De plus, nous ne l’avons pas donné à la Chine, nous l’avions donné au Panama et nous le reprenons.” Voilà, c’est dit, et ça va mieux en le disant, comme me le disait Macron l’autre jour à Notre-Dame. Je n’ai pas voulu le vexer, mais je crois que c’est bien nous les Yankees qui avons donné plus de 60 millions de dollars, mais un bon nombre d’entre eux pensaient donner à l’équipe de football de Notre Dame. Enfin, tant pis, c’est quand même pas mal cette rénovation. Melania a trouvé les chasubles pas mal, je me fie à elle. Par contre les gribouillis de maternelle sur les fanions des paroisses qui ont défilé alors là, j’ai rien compris, eux qui ont des fanions fleurs-de-lys depuis 1000 ans, même que chez nous c’est le summum du style, même dans l’Indiana des villes ont la fleur de lys sur leurs logos. Enfin, c’est leur affaire, si ça leur fait plaisir, il y a plus important quand même. J’espère qu’ils ont mis des sprinklers comme à la Trump Tower, mon poste incendie-sécurité que j’ai installé en 1988 est toujours au top.

Un phénix renait de ses cendres

OK, OK, je m’égare, où en étais-je? Ah oui, c’est pas mal, non? de ressusciter

La doctrine Monroe, vieille de 200 ans. J’ai pas re-cité le Danemark, mais franchement, il n’a rien à faire au Groenland. Et puis, soyons bon prince, je laisserai St Pierre et Miquelon à Macron.

Allez, c’est le moment “JFK”: “nous irons sur la planète Mars, et on y plantera la bannière étoilée!” Génial, je vois Elon sauter de joie. Eh oui chers amis du monde entier, “nous sommes un people d’explorateurs, de bâtisseurs, d’aventuriers”… le far ouest est “dans notre cœur, dans notre âme.” “La nature sauvage, les déserts, la fin de l’esclavage, la maîtrise de l’électricité, la séparation des atomes, c’est nous. Il n’y a rien que nous ne puissions faire, aucun rêve que nous ne puissions réaliser ». “Le peuple américain a parlé. En Amérique, l’impossible est ce que nous faisons de mieux. Nous allons gagner comme jamais auparavant”, “Rien ne se mettra en travers de notre chemin”, “L’âge d’or ne fait que commencer”.

“Thank you, thank you, thank you very much”. Ça a de la gueule, non?

Fin du discours, poignées de mains – DJT se retrouve quelques instants plus tard dans la salle Emancipation Hall du rez-de-chaussée, où l’attendent tous ses fidèles et proches.

Ǫuel plaisir d’être enfin entre amis! Tous ceux là, ce sont vraiment les miens. Je vais leur dire que j’en ai un peu gros sur la patate de ne pas avoir pu tout dire dans la salle du haut. Mais là, je vais me lâcher, et attendez un peu mon discours à l’Arena, j’ai prévu d’offrir huit stylos à la foule, et 200 autres décrets m’attendent au bureau ce soir. On va se régaler!

Faudra quand même que je lui dise, à Johnny qui m’a conseillé dans mon speech. Je n’ai pas eu le temps de le lire, mais il était quand même pas mal, ce Zarathoustra. J’ai bien noté, et je re-servirai sa formule à l’occasion: “Deviens celui que tu es”. À demain, si vous le voulez bien!

Jacques Darras dans le Labyrinthe

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Le poète Jacques Darras photographié à Amiens © Philippe Lacoche.

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Je ne pouvais pas manquer ça ; j’ai donc entraîné mon amoureuse, ma Sauvageonne, à la librairie du Labyrinthe à Amiens où le poète-écrivain Jacques Darras dédicaçait son dernier livre, Je m’approche de la fin (Gallimard, 130 p. ; 17 €). Le maître des lieux, le libraire-éditeur Philippe Leleux, était sur place ; les deux hommes se connaissent bien. Philippe l’a édité. Ils ont en commun un goût prononcé pour la langue picarde. Il y avait du monde ; beaucoup de monde. Jacques est aussi connu dans sa Picardie natale que Jack Kerouac l’est aux Etats-Unis. Il signait à tour de bras. Afin de ne point l’importuner, je baguenaudais, discret, vers le cubitainer, précieuse source d’un chardonnay qui, ma foi, se laissait boire.

Ma Sauvageonne bavardait avec l’écrivain Hervé Jovelin ; je parlais aux livres, nombreux (normal : une librairie ; il eût été curieux que les cubis fussent plus nombreux que les ouvrages !), et tentais de lire sur les visages des lecteurs, fans de Jacques. Dès que ce dernier fut seul, en tout cas non occupé à signer, je courus le saluer.

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J’apprécie cet homme haut, avec sa casquette irlandaise, passionné par la poésie de la Beat Generation. Jacques et moi, nous nous connaissons depuis longtemps ; si mes souvenirs sont bons, nous nous sommes rencontrés aux obsèques de Max Lejeune, en 1995, sur le parvis d’église Saint-Sépulcre, à Abbeville. Tout de go, je lui demandais pourquoi avait-il intitulé son livre Je m’approche de la fin, titre assez pessimiste. « Je m’approche de la fin ; bien entendu, il s’agit de la mienne », répondit-il, sourire aux lèvres. « Je n’ai pas l’outrecuidance de m’excepter du troupeau humain, mais je m’approche de la fin en général, non pas de la fin de vie, mais de la fin des fins, la fin dernière, et de la notion de fin. Donc, j’interroge ça en disant : « Je ne suis pas plus avancé que quiconque, ni moins avancé.» Et je me dis à quel point il y a assez peu d’intérêt pour ce stade final. J’y pense avec énormément de vigueur, et d’une certaine façon en me cabrant contre l’injustice – ou ce qui nous apparaît comme une injustice et qui n’en est peut-être pas une – et j’ouvre toutes les possibilités qui s’offrent à la fin. Nous ne savons pas si ça se ferme ou si ça s’ouvre. Je veux laisser les choses ouvertes. » Je lui demandai alors s’il n’était pas agnostique. « Oui », lâche-t-il. « Je suis une sorte de chrétien (car j’ai été converti à l’âge de 21 ans) mais aussi anticlérical ; je n’ai pas de sympathie pour les Eglises quelles qu’elles soient, dans leurs structures meurtrières, mais je ne méprise pas pour autant la notion de la croyance. »

Bientôt, notre conversation prit fin : un lecteur tendait son opus afin d’y recueillir une dédicace. Je retournais dans le fond de la librairie, parler aux livres et lire sur les visages des visiteurs. Et je me mis à regarder le fond de mon gobelet de chardonnay. « Je m’approche de la fin », songeai-je sous le regard de ma Sauvageonne ; elle devait se demander si j’allais en prendre un deuxième.

Brigade littéraire

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Marc Alpozzo © D.R.

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On réécrit les classiques ; on interdit les ouvrages jugés incorrects par rapport à la nouvelle morale ; on fait appel, dans les plus illustres maisons d’édition, à des sensitivity readers, prédits par Philippe Sollers dans son roman Portrait du Joueur (1985) ; on déstructure la langue française, on n’enseigne plus le passé simple en primaire, elle devient une « langue fantôme » selon l’expression de Richard Millet, lanceur d’alertes – immigration de masse, avènement d’une « novlangue », défaite de l’Éducation nationale, perte de sens – cloué au pilori par Tahar Ben Jelloun et Annie Ernaux, cette dernière étant à l’origine d’une liste signée par cent vingt écrivains de l’ère post-littéraire. Bref, c’est la vague scélérate de la cancel culture née dans les universités américaines.

Préfacé par Stéphane Barsacq

Marc Alpozzo, très présent sur les réseaux sociaux, est philosophe et critique littéraire. Il a publié une douzaine de livres et il est coauteur de plusieurs ouvrages collectifs, dont L’humain au centre du monde (Cerf). Il a décidé de rassembler un certain nombre de ses articles parus dans la presse depuis quinze ans en un volume intitulé Galaxie Houellebecq (et autres étoiles). Dans sa préface, Stéphane Barsacq, toujours précis, résume l’enjeu : « Sommes-nous destinés, à la suite de la mort de Dieu, à mourir d’épuisement pour rien ? À devenir des fonctionnaires de l’inessentiel ? Des prothèses de l’intelligence artificielle ? Des cellules souches pour le triomphe de l’eugénisme de type néo-libéral ‘’infra nazi’’ ? » En d’autres termes, nous sommes la première civilisation sans valeurs suprêmes, et ce n’est pas rien. Alors soumission, pour reprendre le titre d’un roman de Houellebecq ? Ou, au contraire, comme le demande Barsacq : « Sommes-nous sur le seuil d’une résurrection, au terme d’une descente aux enfers – soit le chemin même qui a mené Jésus au point où il est devenu le Christ ? » À chacun sa réponse. Pour nous aider à y voir clair, dans cette nuit aussi noire que celle de Goya, Marc Alpozzo réunit cette galerie improbable où se côtoient Maurice Barrès, Milan Kundera, Céline, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Philippe Muray, Marcel Jouhandeau, Richard Millet et d’autres qui ont refusé de participer à la danse des spectres shakespeariens. Ça offre un ouvrage de respiration mentale assez salutaire.

Houellebecq, c’est une littérature « de fin de siècle » écrit Alpozzo, qui ajoute : « Ça n’est pas une littérature éveillée. C’est une littérature qui protège et prolonge le grand sommeil des peuples. C’est une littérature mortifère, sans espoir de hauteur. C’est une littérature de petit homme. » C’est pour cela qu’elle plait tant aux bobos. Houellebecq est grand dans la dépression et les Monoprix, à la recherche d’une bouteille d’alcool et de préservatif goût fraise. Son talent excelle lorsqu’il s’agit de précipiter ses personnages essoufflés dans le vice, la déchéance, le vide. Le nihilisme, c’est son fonds de commerce. Il pressent une guerre de civilisation entre la France et l’islam. Et il annonce une défaite française, une « soumission » pour reprendre le titre d’un de ses plus impeccables romans. Mais le vainqueur, toujours selon Houellebecq, ne sera pas l’islam, mais le capitalisme. Le bonheur est une idée dangereuse, puisque lors de sa conférence au Cercle de Flore, il lança d’une voix blanche : « Tout bonheur est d’essence religieuse. On est plus heureux, même avec des religions merdiques. » Difficile de voir en lui l’écrivain qui sortira la France de l’ornière. Sauf à considérer qu’il peut jouer le rôle du négatif d’une photo.

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Difficile également de faire coexister Sollers et Houellebecq. Sollers, c’est Mozart joué parmi les oiseaux sur l’île de Ré. Pas de dépression en vue à lire Sollers, mais un hennissement de vitalité, une ligne à haute tension rimbaldienne, une palette qui ignore le noir. Pas de corps triste, pas de sexualité en berne. Le bonheur, chez le Vénitien de Bordeaux, est une idée éternellement jeune, expérimentée individuellement. À la différence de Houellebecq qui se complait dans les eaux stagnantes, Sollers navigue sur l’Atlantique, indiquant d’un doigt ferme les récifs à éviter : « L’émotion est très contagieuse, et la victimisation permanente. L’infantilisation progresse donc vers un langage de plus en plus punitif, où les élites sont toujours coupables. » (Extrait tiré de Légende, cité par Alpozzo). Il convient alors de prendre le chemin de l’école buissonnière pour échapper à la Société dont on a clairement identifié les dévots zélés.

On ferme

Cette galaxie hétérogène est-elle efficace ? Trop de contrastes existent entre les écrivains répertoriés par Marc Alpozzo. D’autant plus que les intellectuels sont en grande partie discrédités depuis la fin du XXe siècle. Beaucoup se sont fourvoyés en soutenant des idéologies mortifères. Être là, où il faut, quand il le faut, requiert clairvoyance, courage et honnêteté. On ne citera pas ceux qui furent dépourvus de ces qualités fondamentales. La liste serait interminable. Marc Alpozzo cite l’étude de François Dosse, La saga des intellectuels français (Gallimard, 2018) et conclut ainsi : « Notons également qu’on ne ressort pas indemne de la lecture de cette somme. Car elle trace l’itinérance et les errances d’une saga d’intellectuels engagés, qui ont souvent échoué dans leurs idéaux, et n’ont su sauver l’homme du désastre de la modernité. »

Il faut cependant lire le livre de Marc Alpozzo, et choisir l’écrivain qui correspond le mieux à nos aspirations salvatrices. Il sera le passage de l’ombre à la lumière pour reprendre une image chère à Victor Hugo. Ses livres seront, ou sont déjà, sur la table de chevet. On les feuillète au hasard. On les relit, à des époques différentes de la vie. On les laisse tomber, jamais longtemps. L’écrivain devient alors un compagnon de route. Sa « voix » ne nous quitte pas. Elle résonne (raisonne) quand le brouillage social est trop puissant. Il arrive parfois que l’espoir s’absente. Dans Les Derniers jours, cahier « politique et littéraire » (1927), Drieu la Rochelle laisse éclater son pessimisme : « Tout est foutu. Tout ? Tout un monde, toutes les vieilles civilisations – celles d’Europe en même temps que celles d’Asie. Tout le passé, qui a été magnifique, s’en va à l’eau, corps et âme. »

Marc Alpozzo, Galaxie Houellebecq (et autres étoiles). Éloge de l’exercice littéraire, préface de Stéphane Barsacq, LESEDITIONSOVADIA, 333 pages

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