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Trump et le nouveau monde

Le président Trump nous rejoue ‘The Apprentice’ en virant Zelensky, pense amadouer Poutine avec un deal douteux, et laisse l’Europe en panique. Il a prononcé mardi un discours d’une heure et quarante minutes devant le Congrès américain, et a notamment annoncé avoir reçu une lettre du président ukrainien indiquant qu’il était finalement prêt à se présenter à la table des négociations. Analyse.


C’était il y a longtemps, presque une semaine: un clash en direct à la Maison Blanche, que le président américain a décrit comme un grand moment de télévision. Comme il y a vingt ans, lorsque dans son émission de télé-réalité, il annonçait avec délectation au candidat éliminé «you are fired», Trump venait de congédier un président ukrainien qu’il qualifiait d’ingrat d’autant qu’il n’avait pas accepté ses propositions de paix sous prétexte qu’elles n’offraient pas de garantie de sécurité à son pays. Auparavant, il avait traité Zelensky de dictateur sous prétexte qu’il n’avait pas organisé d’élections présidentielles, alors que la constitution ukrainienne l’interdit explicitement  en période de loi martiale et que la loi martiale a été imposée à cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Enfin il avait prétendu que la cote de popularité de Zelensky était de 4% alors qu’un sondage lui attribuait 57%. 

Mauvais épisode

Le spectacle à la Maison Blanche m’a donné la nausée et j’ai pensé à un épisode où l’exécution n’avait pas été que verbale. C’était en Corée du Nord. Kim Jong Un avait obligé son oncle à une humiliante autocritique télévisée avant de le faire exécuter. Il se trouve que Trump, qui avait bénéficié des confidences du dictateur coréen, connaissait cette histoire. Zelensky est tombé dans un piège, mais il a évité le pire…

Trump fonctionne dans un système mental où c’est lui qui définit la vérité. Quelques jours plus tard, dans son discours au Congrès, il se félicite que l’inflation soit en voie d’être jugulée, alors qu’elle flambe, annonce que les Etats-Unis sont désormais admirés car ils sont «great again», que les enfants atteints de cancer vont enfin recevoir des traitements alors que des programmes de recherche médicale ferment faute de subsides, que la liberté va enfin fleurir et que la corruption de l’administration Biden va disparaitre alors que lorsqu’un sénateur de Californie s’était interrogé sur le rôle de Musk dans la purge administrative et les réorientations de subventions, il a été qualifié impunément de criminel par ce dernier.

A lire aussi, Eliott Mamane: Trump vs Zelensky: un coup prémédité ou un simple coup… de gueule?

Le caractère inattendu, voire saugrenu de certaines de ses propositions conduit parfois à remettre en cause des idées et des comportements répétés qui se sont révélés naïfs dans le passé et risquent de l’être dans le futur. Ce changement de perspective s’appelle pour les uns « lucidité » et pour les autres « trahison des valeurs ». En ce qui concerne l’Ukraine, l’abandon d’un pays victime d’une agression et d’une guerre menée avec une violence inouïe soulève le cœur. Il faudra pourtant constater que les sanctions contre la Russie ont échoué, que Poutine n’a pas été déstabilisé, que sa puissance de feu se renforce, qu’il possède des armes nucléaires dont il n’a pas exclu l’usage et que les contours d’un arrêt des combats sont géographiquement perceptibles. Au fond, l’image que se fait Trump de la paix est probablement proche de celle que s’en font les Européens, et Zelensky, au lendemain de la suspension de l’aide militaire américaine a été obligé d’écrire qu’il se félicite de travailler sous la direction de Trump à l’obtention d’une paix durable en Ukraine. Theodore Roosevelt, le père de l’interventionnisme américain, disait qu’il faut parler doucement, mais avec un gros bâton. Nul ne dira de Trump qu’il parle doucement, mais contre Zelensky il a utilisé son gros bâton. Avec un certain succès… La question est: serait-il capable de le faire contre Poutine?

L’Occident déboussolé

J’élude ici le problème, évidemment  très grave, de sa collusion possible avec les services de contre-espionnage  (ex-KGB, dont Poutine est l’archétype) – qui dirigent actuellement en réalité la Russie, poursuivent des objectifs à long terme et utilisent tous les moyens possibles pour déstabiliser l’Occident.

Poutine a déclaré que le démantèlement de l’URSS avait été un des pires crimes du XXe siècle, et toute sa politique  consiste à réparer ce crime, à récupérer et si possible étendre l’espace soviétique, successeur de Pierre le Grand. L’Ukraine aujourd’hui, la Moldavie demain, ainsi que les pays baltes (lesquels se demandent ce que valent pour Trump les assurances de l’article 5 de la Charte de l’OTAN) sont aux premières loges. Mais la Pologne aussi, qui se réarme effectivement et qui comptait tant sur le protecteur américain. Et également la Roumanie, qui vient d’échapper à un résultat électoral présidentiel confectionné par les services russes. Et tous les anciens pays du pacte de Varsovie, et tous les autres pays européens aussi comme la France elle-même, chassée par les Russes de ses points d’appui africains et en passe de voir s’installer une flotte russe dans les ports obligeamment mis à disposition par nos ex-amis algériens.

Le discours solennel du président Macron prend en compte le fait que la Russie est aujourd’hui un pays ennemi et que les États-Unis ne sont peut-être plus un pays allié. 

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Reste pour l’Europe à rattraper à marche forcée son comportement de cigale. Le moins qu’on puisse dire est que, à tous égards, ce n’est pas gagné. 

Trump a une sorte de fascination pour les hommes forts, car lui-même, contrairement à l’image qu’il essaye de véhiculer, n’en est pas un. Ses relations avec l’armée sont notoirement médiocres, il a osé qualifier de losers des soldats américains tombés dans la guerre de 14-18 et chacun sait qu’il s’est fait exempter de la guerre du Vietnam pour un motif grotesque. Sa volonté affichée de ne pas envoyer des soldats américains sur un théâtre d’opération extérieur en fait quelqu’un de prévisible et donc manipulable. Il pense probablement qu’en abandonnant à Poutine le contrôle de l’Ukraine, celui-ci sera rassasié et rejoindra le camp américain dans la lutte contre la Chine. Les Européens pensent strictement le contraire.

Liens indissolubles

Il existe cependant encore entre l’Europe et les États-Unis des liens indissolubles dont on peut espérer qu’ils vont résister aux foucades politiciennes. Mais il faut reconnaître que, outre le fait que l’Europe s’est confortablement endormie sous le parapluie protecteur américain, Américains et Européens ont eu des insouciances comparables.

En face il y a une Chine où des cohortes d’ingénieurs qualifiés travaillant  60 heures par semaine pour des salaires deux ou trois fois moins élevés qu’en Europe sous les instructions d’hommes politiques épargnés du souci court-termiste d’une élection démocratique, ont permis depuis trente ans une main mise sur des industries cruciales dans l’avenir. 

Trump a ainsi réveillé à juste titre le sujet des terres rares en revendiquant avec une brutalité de mafieux le Groenland et les supposées ressources ukrainiennes. C’est qu’il s’agit-là de ressources qui peuvent structurer l’avenir technologique.

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S’il y a un pays où Donald Trump est plus populaire qu’aux États-Unis, c’est Israël. Il a en effet manifesté un soutien sans réserve aux actions israéliennes et a fait de la lutte contre l’islamisme qui fleurit dans les universités américaines un thème important de sa présidence. Reste l’Iran où certains redoutent sa propension à faire des deals et à tomber ainsi dans les filets des habiles négociateurs iraniens… Il y a indiscutablement parmi les soutiens américains de Trump de véritables antisémites, mais Israël est un pays qui lutte pour son existence et doit donc définir ses priorités. Churchill et Roosevelt se sont alliés à Staline pendant la guerre car avant tout il fallait vaincre Hitler. Malgré tous ses évidents défauts, Trump n’est pas Hitler…

Et il ne faut pas l’oublier : son élection est aussi un symptôme, celui d’une Amérique déboussolée par les absurdités du wokisme, et qui fait en boomerang la part belle aux absurdités libertariennes, lesquelles véhiculant sous couvert de liberté la même intolérance à l’égard de leurs adversaires…

Le sport, terrain de jeu de l’islamisme

Voile dans le sport : Marianne doit muscler son jeu. Les islamistes sont en train de remporter la partie, s’inquiète une mission flash parlementaire


Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, annonçait la couleur : « Le sport est un moyen pour nous ». Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il aura été entendu. Sophie Germain, Directrice générale de la ligue Paris Île-de-France de football, en fait le constat : « Les clubs deviennent des lieux de conquête », déclare-t-elle. Et d’ajouter cette mise en garde : « Des tentatives de pénétration des instances dirigeantes sont à craindre ». À ce propos, sur la stratégie d’entrisme des Frères musulmans et de leurs affidés dans les différentes strates de notre société, on lira avec fruit le remarquable ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler, anhtropologue, chercheuse au CNRS, Le Frérisme et ses réseaux.

Sape du pacte républicain

« Plus de cinq-cents clubs sont confrontés à des comportements communautaristes, relèvent les députés Caroline Yadan (Ensemble pour la République), et Julien Odoul (RN) dans le rapport de la « mission flash » qu’ils ont conduite, rapport remis ce mercredi à l’Assemblée. Ils dénombrent également entre vingt-cinq et cent trente associations à visée séparatiste, dirigées par des individus organisant, à l’initiative notamment des Frères musulmans, un projet de rupture avec la République. 

https://twitter.com/CarolineYADAN/status/1897281168455639043

À lire aussi : La laïcité résistera-t-elle aux nouveaux assauts du wokisme?

« Dans ces structures, le sport est carrément un outil de diffusion de pratiques islamistes », souligne Caroline Yadan. Pratiques qui s’inscrivent donc clairement dans une stratégie de sape du pacte républicain. Le port du hidjab sur les terrains et en salle, du burkini qini dans les piscines en est la manifestation la plus visible, mais à ces provocations viennent s’ajouter nombre de comportements, d’usages, de rites totalement en opposition avec nos mœurs, nos principes, nos règles communes et qui représentent donc effectivement autant d’agressions contre notre civilisation. Refus de serrer la main, de croiser l’autre sexe, refus de s’incliner devant un adversaire ou, au judo, devant le portrait du fondateur Jigoro Kano, sous prétexte qu’on « ne se prosterne que devant Allah ». Exigence de vestiaires spécifiques pour les musulmans, d’un calendrier de compétitions et d’entraînements alignés sur le calendrier religieux, flouter sur les photos la partie du corps entre le genou et le nombril réputée impure, d’où le port de collants jusqu’au plus chaud de l’été. Instauration de sessions de prières et prosélytisme dans l’enceinte même du sport, revendication du port de signes emblématiques sur le maillot des joueurs. On a vu au basket des petites filles de onze ou douze ans obligées de porter le hidjab pour jouer. On a vu aussi, et c’est au moins aussi inquiétant, dans certaines disciplines, des arbitres, voire des membres des équipes de France, pratiquer en arborant fièrement le hijab.

Raz-de-marée et usine à gaz

Comment cela est-il possible ? Comment ne parvient-on pas à combattre ces dérives qui, en réalité, ne font que s’étendre et prospérer. Les députés Yadan et Odoul soulignent « le manque de vigilance de certaines fédérations » mais aussi « le militantisme de certaines collectivités territoriales. »

Il faut dire que, sur ces questions, pourtant essentielles puisque, redisons-le, elles concernent le pacte républicain, on a – lâchement – laissé lesdites fédérations se faire leur propre religion. Cela sur la base d’une assise juridique des plus floues. Il en résulte une usine à gaz dans laquelle chacun se perd aisément. Par exemple, ce qui est interdit – le port du voile, par exemple – dans certaines disciplines devient autorisé dès qu’il s’agit de sport universitaire. Ce n’est ici qu’un exemple tiré de l’imbroglio réglementaire dans lequel les dirigeants de clubs se trouvent empêtrés. On comprend leur découragement. On comprend aussi qu’ils se sentent parfois bien seuls et bien désarmés. Ainsi à la fédération de Taekwondo où le port du hidjab est pourtant officiellement prohibé mais où on constate qu’environ 20% des pratiquantes persistent à le porter. Sans pour autant être sanctionnées.

À lire aussi, Florence Bergeaud-Blackler : «Si l’Université devient un espace ouvert aux vents des idéologies, plus aucune recherche, plus aucun enseignement n’est possible»

Face à une telle situation, qui, redisons-le, ne fait que s’aggraver saison après saison, « Marianne doit muscler son jeu », concluent les parlementaires de la mission flash. C’est l’évidence même.

En fait, il semble qu’il soit bien tard. Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il sera désormais très difficile de l’endiguer. Le Sénat, mi-février, a émis une proposition de loi « visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport ». L’intention est louable, mais n’est-ce pas jouer petit bras ? On serait en droit de préférer un projet de loi visant carrément à « interdire, poursuivre et sanctionner dans le sport tout signe et toute pratique de rupture avec le pacte républicain. » Le projet sénatorial va venir prochainement à l’Assemblée nationale. Aux députés, donc, de « muscler le jeu ». Par la suite, il reviendra à la puissance d’État de déployer le courage politique de faire vraiment appliquer les règles. Sans trembler. Et là, le match n’est pas gagné d’avance…

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À la lumière des nuits blanches

BHL est insomniaque et Nuit blanche est la somme de ses méditations nocturnes. Refusant de fermer les yeux pour dormir, il déambule à travers son monde et ses souvenirs. 


Bernard-Henri Lévy commence d’écrire ses mémoires. Son dernier livre ouvre une brèche, c’est indéniable. Un premier opus ? Oui. L’œuvre prend un tournant, c’est incontestable. Le philosophe est insomniaque depuis l’enfance, c’est son prétexte. Ne parvenant pas à trouver le sommeil – plutôt, il s’y refuse aujourd’hui, presque philosophiquement –, il compte ses vrais amis comme d’autres les moutons. Ceux qu’il a perdus, ceux qu’il a admirés, ceux qu’il a aimés : il les ressuscite. Il rend la parole à son père qui s’adresse à lui. Nuit blanche est un autoportrait baconien : l’image est brouillée, bouleversée, BHL en rit, s’en moque et s’en échappe. Nuit blanche semble être écrit d’une traite. Les souvenirs cascadent, ils tombent d’autant plus vite que leur auteur, lui, ne cède pas à la nuit ; ils surgissent sans chronologie, le passé n’est pas perdu, il est là, à pic ! Vite, l’aube va l’effacer. Il y a urgence. Nuit blanche est un livre urgent : « Il n’y a pas de vie qui vaille sans la volonté de vouloir plus que la vie. » Autant profiter d’une conscience qui ne s’éteint pas. Refus de la débrancher face au bruit du monde et ses terreurs ? Sans doute. Le corps de BHL, d’une certaine façon, est exorbitant : c’est celui d’un écrivain. Il ne rêve pas, ne se couche pas, il médite. D’où l’on apprend que refuser de fermer les yeux est une métaphysique. Ah, la nature fondamentale de la réalité ! L’idéalisme est une petite mort. La nuit est une page blanche qu’il s’agit de noircir par le flux de conscience : « Je suis ivre de me sentir vivant et éveillé. » Tout y passe : les combats, les doutes, les livres, le Livre, les amours, le vert paradis de l’enfance, les tragédies, les comédies. La bibliothèque donne le cap, c’est la boussole, elle indique le point magnétique où tout se noue : Ronsard (qui est mort d’insomnie, les yeux ouverts), Ducasse, Debord, Barthes, Joyce, Lévinas, Althusser, Nietzsche… À propos, Zarathoustra pense que le sommeil vole « des pensées aux pieds légers ». Bref, rester vigilant, c’est le but, être une vigie pour soi-même : viser, aparté, le sentiment du temps et « atteindre, par la langue et la pensée, à un état second de l’humain ». Et puis, à quoi bon dormir puisque l’inconscient « ne se tait jamais » : « L’inconscient, c’est l’hypothèse qu’on rêve aussi éveillé. Car quelle différence, alors, entre veille et réveil ? Et pourquoi s’embêter à dormir si c’est le même inconscient qui, dans les deux cas, parle, se dérobe, se cogne au réel et vous trahit ? » Quelque chose s’est « grippé » dans l’inconscient de BHL qu’il définit (alors même qu’il n’y « croyait pas », jadis), comme « une région de son existence ». Parce qu’il en a pris conscience (c’est le cas de le dire !), il a changé de style : il s’est inventé une autre liberté. Elle est à l’œuvre dans Nuit blanche. Lisible, évidente. Une liberté à cœur ouvert. Tambour battant. L’écrivain se rassemble. Le corps vient à l’âme. Ces deux-là se parlent maintenant. En plein jour, sur la page. Ils se regardent en face. Et somnambulisent.

Bernard-Henri Lévy, Nuit blanche, Grasset, 2025. 192 pages.

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Robert Ménard: le fou rire et l’effroi

Poursuivi devant les tribunaux pour avoir refusé de marier une Française à un Algérien sous OQTF, Robert Ménard observe que le Droit et le bon sens sont bafoués au nom des droits de l’homme.


Je vais être condamné. Sans l’ombre d’un doute. Malgré le vote du Sénat ce 20 février en faveur de l’interdiction des mariages aux étrangers en situation irrégulière ! Malgré l’immense soutien populaire que je reçois depuis le début de cette affaire. Malgré les prises de position de poids lourds du gouvernement comme Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, ou Gérald Darmanin, le garde des Sceaux. Oui, c’est vrai, par une douce journée de juillet 2023, j’ai refusé de marier une jeune femme française à un étranger sous le coup d’une OQTF. Comme une évidence. Et si c’était à refaire, je le referai.

J’avais une porte de sortie : celle de « plaider coupable » comme on dit dans les séries américaines. Mais j’ai refusé le scénario. Je ne suis pas acteur de série B. Je ne suis coupable de rien. Comment, en tant que maire, pouvais-je marier un étranger en situation irrégulière et, en plus, défavorablement connu des services de police, comme on dit pudiquement dans les médias ?

Le comble dans cette affaire rocambolesque, c’est que la nouvelle loi votée par le Sénat – quarante-huit heures seulement après mon passage devant le procureur – va probablement être retoquée par le Conseil constitutionnel en raison de l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme que la France a ratifiée. Cette même convention que j’ai utilisée toute ma vie pour défendre les journalistes emprisonnés dans le monde… Le Droit transformé en machette à découper le bon sens. Le Droit perverti qui se retourne contre ceux qu’il est censé défendre. Le Droit qui fait qu’expulser un jeune homme installé illégalement chez nous, délinquant violent, devient aussi hasardeux que gagner au loto.

À lire aussi, Dominique Labarrière : Robert Ménard: héros du bon sens

Plus cocasse encore si j’ose dire, le jour où je comparaissais devant la justice, nous apprenions que la Mairie de Béziers était encore une fois condamnée pour sa crèche qui, chaque année, fait trembler d’effroi les groupuscules laïcards et autres associations gauchistes. En dix ans, nos trois Palestiniens, Jésus, Joseph et Marie, ont subi pas moins de 21 procès pour avoir osé s’abriter dans la cour de l’hôtel de ville. On jugera de l’obsession de ces adorateurs de la secte laïque pour une simple étable et quelques dangereux santons.

Il faut le claironner, le bon sens est aux abonnés absents dans notre pays. Il est piétiné chaque jour. Comment, alors que l’écrasante majorité des Français n’en peut plus de l’immigration massive et incontrôlée, peut-on obliger un maire à marier un OQTF et le mettre ainsi quasiment à l’abri de toute expulsion ? Quand le droit nous oblige à escalader le réel par la face nord…

Cette histoire de mariage, c’est Roméo et Juliette réécrit par la Cimade. J’apprends, à l’instant où j’écris ces lignes, que la fameuse Eva tenterait de se marier avec son tendre Mustapha en Algérie. Mais pour cela, à Oran, il faut être… en situation régulière ! Là-bas, on ne finasse pas…

Quand les historiens du futur se pencheront sur notre époque, ils hésiteront sans doute entre le fou rire et l’effroi.

Ces stars de la télé qui bousculent la politique

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Présidentielles : la télécommande remplacera-t-elle définitivement demain les urnes ? Après le succès de Berlusconi en Italie, de Trump aux États-Unis ou de Zelensky en Ukraine, des figures du petit écran sont testées par les instituts de sondage en France. Plutôt à droite.


L’animateur de télévision sera-t-il la bouée qui sauvera la politique de son naufrage ? Un constat, en tout cas, s’impose : la société du spectacle a banalisé ses règles jusqu’au sein du bureau Ovale, à Washington. « Ca va être de la grande télévision ! », a conclu vendredi, en showman qu’il est resté, Donald Trump après son altercation spectaculaire avec Volodymyr Zelensky, lui-même ancien acteur d’une série humoristique qui aura fait son succès en Ukraine. Les deux professionnels de l’audimat ont-ils eu conscience d’alimenter leur confrontation en appliquant les ressorts de la provocation et de l’outrance, afin de prendre l’opinion à témoin ? Ce n’est pas à exclure. On n’imagine pas, en tout cas, Ronald Reagan, pourtant lui-même ancien acteur de cinéma, se prêter en direct à ce genre de déballage de linges sales. En réalité le rejet du monde politique, déconnecté du réel, est devenu tel qu’il ouvre des perspectives à ceux qui, formés aux compétitions d’audiences de l’audiovisuel privé, savent s’adresser aux gens et les fidéliser. Silvio Berlusconi, en Italie, avait ouvert la marche il y a trente ans. Eric Zemmour, créature télévisuelle plus sophistiquée, est aussi de cette école.

A ne pas manquer, notre nouveau numéro : Ferrand au sommet, Hanouna au bûcher, L’État de droit c’est plus fort que toi!

Dernièrement, un sondage Ifop-Fiducial a introduit Cyril Hanouna parmi les présidentiables, même si son score reste modeste avec 11% de soutiens. L’intéressé ne semble pas écarter l’hypothèse d’une future candidature. L’ex-animateur vedette de C8 vient d’ailleurs de rebondir sur d’autres canaux, après la fermeture de la chaîne au début de ce mois, en entrainant dès lundi soir 1,5 million de téléspectateurs. Philippe de Villiers, porté par ses audiences sur CNews, est réclamé par ses supporteurs pour briguer l’Élysée. Pascal Praud partage aussi cette notoriété. La droite populaire est la plus à l’aise dans cet univers.


Ifop / Twitter

Le dénominateur commun à ces hommes de télévision est leur proximité, souvent intuitive, avec cette partie du peuple qui, trop modeste aux yeux des dirigeants, reste oubliée des professionnels de la politique. L’ascension de ces nouvelles stars est évidemment méprisée des « élites ». Elles se contentent notamment de voir en Trump un clown impulsif et violent. Mais Montesquieu le rappelle : « Pour faire de grandes choses il ne faut pas être un si grand génie ; il ne faut pas être au-dessus des hommes. Il faut être avec eux ». Les alertes sur le risque démagogique et la tyrannie des foules, que de tels personnages pourraient porter, sont certes à entendre. Il est possible que cette politique spectacle ne soit d’ailleurs qu’une intermittence. Cependant ces symptômes sont d’abord la conséquence du dégoût que suscite la politique auprès des sondés. Ces rejets dureront tant que la caste n’aura pas compris l’urgence à partager la vie ordinaire. La théâtralisation, développée par Emmanuel Macron, se contente d’exhiber déguisements, signes et mots creux. Elle laisse voir l’insincérité du chef de l’État. Ce mercredi soir, il se servira lui aussi de la télévision, une nouvelle fois, pour tenter de se placer dans les négociations entre Trump et Poutine sur l’Ukraine. Il agitera encore, sans doute, les peurs sur une menace existentielle portée par la Russie afin de promouvoir l’Europe supranationale que les peuples refusent. Or, il ferait mieux d’écouter, sur ce sujet comme sur d’autres, ce que disent les saltimbanques du petit écran.

Les « grandes universités » et la politique américaine

Les formations académiques des dirigeants américains prouvent qu’on peut sortir de Yale ou Harvard sans jamais y être vraiment entré.


Alors l’un des douze, appelé Judas Iscariot, alla vers les principaux sacrificateurs, et dit: Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai? Et ils lui payèrent trente pièces d’argent.
Mathieu 26 :14-15


Ces universités sont-elles un gage d’excellence et de probité? Penchons-nous sur quelques personnalités.

Il y eut le président Richard Nixon, qui reçut son diplôme de droit de l’université Duke en Caroline du Nord. Sa contribution au développement du droit constitutionnel fut historique, mais pas vraiment celle qu’il eût souhaitée. Lui succéda son vice-président Gerald Ford, sorti avec un rang honorable de la faculté de droit de l’université Yale, alors que, selon le truculent président Lyndon Johnson, son faible quotient intellectuel le rendait incapable de coordonner sa mastication du chewing-gum, d’une part, et, d’autre part, ses exhalaisons digestives.

Les choses s’accélèrent avec George « Dubya » Bush, qui obtint son BA en histoire de l’université Yale et son MBA de l’université Harvard. Il va sans dire qu’il fut admis dans ces deux universités en dépit de sa grammaire fort idiosyncratique, sur interventions de papa, grâce aux programmes de discrimination positive (« affirmative action » en v.o.), ou « diversité, équité et inclusion » profitant aux WASPs millionnaires.

[Note technique : cette catégorie de candidats, qui offrent, selon l’euphémisme codé, un « potentiel de développement », « achètent », de manière tacite, leur place en contrepartie de la « promesse », non moins tacite, d’une généreuse contribution à la fondation des anciens de l’institution dans les années à suivre; à son tour, celle-ci « s’engage », toujours de manière tacite, à accorder des facilités d’admission à la progéniture des donateurs, et ainsi de suite.]

Bienvenue à la Trump University

En ce qui concerne la première campagne électorale de Donald Trump en 2017, l’universitaire d’origine canadienne, Francis H. Buckley, eut l’honneur de se joindre à sa garde prétorienne à titre de conseiller. Cet ex-étudiant de la faculté de droit de l’université McGill à Montréal (51e Etat) y revint à titre d’enseignant par la suite, après être passé par Harvard. Cette éminente réincarnation de Socrate y eut pour collègue Hermann Hahlo, un humaniste convaincu que les femmes et les noirs n’étaient pas faits pour le droit. Frank Buckley avait donc tout le bagage intellectuel pour servir un jour le fondateur de la célèbre Trump University. Il fut demandé au grand ponte de quelle manière un milliardaire champion de l’évasion fiscale pouvait prétendre au titre de sauveur de la classe moyenne saignée à blanc :

En 1935… quand Roosevelt a nommé Joseph Kennedy… à la tête de la commission de contrôle des marchés financiers, tout le monde a rappelé qu’il était un corrompu. Le président a répondu qu’il en fallait un pour en attraper un.

Pour assurer la justice fiscale, la solution était simple, mais il fallait un Canadien devenu citoyen américain en 2014… « on Tax Day » (le « jour de l’impôt » en v.f., ça ne s’invente pas…) pour y penser. La boucle était bouclée pour Frank Buckley.

(Signalons au passage un autre lauréat de la faculté de droit de Yale, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, lequel assimile audacieusement l’immigration illégale à une forme d’ « invasion » au sens militaire du terme).

Nous en arrivons au vice-président JD Vance (et oui, lui aussi) de Yale, qui vient d’étonner le monde juridique en montant d’un gros cran : les juges n’ont pas le pouvoir de contrôler l’action du pouvoir exécutif! Une thèse constitutionnelle on ne peut plus innovatrice.

A lire aussi, Gerald Olivier: Universités américaines: la fin de la préférence raciale

Et enfin, le bagage universitaire de Donald Trump. Cet homme d’affaires, dont on ne compte plus les faillites (bon-papa, efficace tenancier de maison close, a dû se retourner dans sa tombe), a obtenu son BA en économie politique de la prestigieuse Wharton School de l’université de Pennsylvanie. Manifestement, il semble avoir pris quelques distances des enseignements reçus vu que sa politique économique se heurte aux réticences du Wall Street Journal, par exemple. Milton Friedman le taxerait d’hérésie.

Quelles leçons tirer? Il faut rendre hommage aux talents de bateleurs de ces facultés américaines, sur le plan marketing international; des « country clubs » qui font rêver…

Inoubliable George W. Bush

Selon certaines études, le nombre de gestionnaires titulaires du MBA harvardesque ayant conduit leur entreprise à la faillite est fort impressionnant, et Dubya, fidèle à la tradition, coula toutes les unités commerciales que la famille lui avait confiées.

Son parcours interpelle aussi sur le niveau des cours d’histoire et de culture générale dispensés par la faculté des Arts de Yale. Il déclara un jour en campagne électorale que « Jésus était son philosophe préféré » (sic). Profession de foi fort judicieuse pour séduire l’électorat évangélique redneck, mais révélatrice d’une grave confusion. En France, le prêtre le plus conservateur, le plus traditionaliste et célébrant la messe en latin après son autoflagellation matinale comprend les domaines respectifs de la révélation et des injonctions divines, d’une part, et, d’autre part, de la raison humaine. Cela dit, chacun a le droit le plus absolu de hiérarchiser ses sources d’inspiration, mais il est quand même permis de douter que Dubya se fût livré à d’exhaustives lectures complémentaires de penseurs profanes comme David Hume ou Bertrand Russell. Avoir consacré un été à L’étranger de Camus est louable, mais insuffisant pour comprendre le monde. Il eût dû, au minimum, poursuivre avec La peste, d’une actualité encore plus brûlante, même si, vu le plus grand nombre de pages, deux étés eussent été nécessaires.

De manière plus générale, la récente rencontre du président Macron et de Sa Majesté Orange, pendant laquelle celui-là a remis les pendules de celui-ci à l’heure au sujet de l’aide accordée à l’Ukraine par l’Europe et les États-Unis, a permis aux observateurs de faire la comparaison entre la classe européenne, d’une part, et, d’autre part, la rugueuse rusticité américaine. La prestation du chef de l’État français sur la scène internationale s’inscrit dans la tradition des Valéry Giscard d’Estaing et des François Mitterrand, qui comptaient deux millénaires de civilisation. Les diplômés des grandes écoles françaises n’ont, au final, rien à envier aux plombiers ayant suivi leur surfaite formation technique dans de luxueux campus, dont l’horizon se limite à la grande banlieue de Kansas City. Yale, qui a produit le visqueux « Uncle Tom », Clarence Thomas, juge à la Cour suprême, semble d’ailleurs se distinguer particulièrement.

On imagine mal un futur Trump en formation à Jouy-en-Josas.

Où en est donc l’Amérique aujourd’hui?

À l’époque de la guerre froide, elle vivait dans la hantise des discrètes « taupes » susceptibles d’avoir infiltré les institutions américaines. Vladimir Poutine, lui, a réussi ce coup de maître historique de s’emparer, au grand jour, de la totalité de l’exécutif, comme il ressort de l’embuscade télévisée dans laquelle est tombé le président ukrainien Zelinsky le 28 février 2025 dans le bureau ovale, organisée par le truchement de Donald Trump et de son vice-Rottweiler, qui n’a jamais autant mérité sa qualité autoproclamée de « hillbilly » (« péquenaud » en v.f.). Faire passer l’agressé pour l’agresseur est un procédé orwellien qui a acquis ses lettres de noblesse dans les années 1930.

Camus n’aurait pas aimé les César…

Les César ont fêté leurs 50 ans avec une soirée plutôt sobre, épargnée par les habituels discours militants… enfin, presque.


La cérémonie des César a eu lieu dans la soirée du 28 février et on fêtait son cinquantième anniversaire. Par rapport à beaucoup de ses devancières, elle a été réussie, relativement sobre et, sur le plan idéologique, on n’a eu droit qu’au propos militant d’un syndicaliste avant le spectacle, au déchaînement partisan du réalisateur de l’excellent La Ferme des Bertrand1 et à une allusion légère de Josiane Balasko. On a évidemment connu bien pire. Ce qui s’est déroulé à Paris n’est pas tombé dans le ridicule comme par exemple aux Magritte du cinéma belge à Bruxelles où Charline Vanhoenacker a tenté en vain de faire rire un public avec une diatribe anti-RN ratée.

Artistes et justiciers

Aussi la pensée d’Albert Camus qui m’inspire ce billet – citée par Vincent Duclert dans un article du Monde– se rapporte en général à toutes ces interventions publiques, médiatiques, d’artistes venant déclamer leurs convictions, toujours de gauche, avec une constance qui n’est animée que par la plus ou moins grande violence de leur phrasé. Albert Camus affirmait dans son discours au banquet de son prix Nobel : « Les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel ».

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Le juge est fondamental dans une société pour, grâce au droit, la pacifier, répondre aux attentes citoyennes, trancher les conflits, défendre les victimes et sanctionner les coupables.

Mais on comprend bien la manière dont Camus, en usant de ce terme, cherche à discréditer les faux artistes qui politisent, dévoient leur art, stigmatisent, sont intolérants, se posent en « juges », voire en justiciers et qui, au lieu de dialoguer, d’expliquer et de « comprendre », apposent sur l’infinie diversité de la vie et des idées, la chape de plomb de leur idéologie.

Forcément de gauche…

Parce que, bien sûr, il faut être de gauche qui est précisément la propension à juger, à départager le bon et le mauvais côté et à mettre l’art entre parenthèses puisque ce dernier est complexité, ambiguïté, profondeur, force du langage, respect de l’autre.

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Albert Camus, louant les « vrais artistes », ceux qui créent, qui jouent et cherchent avec leur âme singulière à offrir de l’universel, n’aurait pas vu dans les César son rêve de théâtre, son exigence d’humanité et son sens de la fête. Mais il n’aurait pas été homme à juger, pire, à condamner. Grand écrivain, véritable artiste, il se contentait de comprendre. On ne l’oublie pas.

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  1. Gilles Perret NDLR ↩︎

Kemi Seba, faux prophète du panafricanisme et vrai relai des autocrates

Il se rêve en leader de l’Afrique libre, mais il est surtout le porte-voix des puissances autoritaires. Entre Moscou, Bakou, Téhéran et son projet chimérique de conquête du pouvoir au Bénin, Kémi Séba joue une partition de plus en plus grotesque.


Président du Bénin ? L’absurde mise en scène

La dernière lubie de Kémi Séba aurait pu prêter à sourire si elle ne révélait pas un profond mépris des réalités politiques béninoises. Début janvier 2025, l’activiste franco-béninois a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2026, dans une mise en scène millimétrée, bras levés face à une foule acquise à sa cause, diffusée sur ses réseaux sociaux. « Nous ne laisserons plus notre destin entre les mains des valets de l’Occident », tonnait-il, oubliant au passage qu’il a lui-même, pendant des années, servi de porte-voix aux intérêts russes et azerbaïdjanais en Afrique.

Son problème ? Outre l’absence totale de programme concret – un détail fâcheux lorsqu’on prétend briguer la magistrature suprême – il ne remplit même pas les conditions élémentaires pour se présenter. Au Bénin, les candidats doivent être parrainés par des députés et des maires. Et ces élus ne peuvent parrainer une candidature autre que celui adoubé par leur parti. Or, à ce jour, aucun élu béninois ou parti politique éligible ne semble disposé à lui accorder son soutien. « Il n’a aucune assise locale, aucune vision politique autre que ses diatribes anti-occidentales », résume un analyste politique basé à Cotonou. Sa candidature ressemble plus à une performance médiatique qu’à une ambition présidentielle. Une manière d’alimenter sa posture de martyr en prévision de son inévitable disqualification par les autorités électorales.

Mais cette escroquerie politique cache une réalité bien plus inquiétante. Car derrière son discours enflammé sur la « souveraineté africaine », Seba demeure avant tout un instrument d’influence entre les mains de puissances étrangères.

L’ombre de Moscou et la prédation russe en Afrique

Derrière la façade du panafricanisme radical, c’est bien le Kremlin qui tire les ficelles. En 2023, une enquête de Jeune Afrique, Arte et Die Welt a révélé comment, entre 2018 et 2019, Kemi Seba a été financé par Evgueni Prigojine, le sulfureux patron de Wagner. Son rôle ? Mobiliser les foules africaines contre la présence française en Afrique tout en évitant soigneusement d’évoquer les exactions de la milice russe sur le continent.

Depuis la mort de Prigojine en 2023, Seba a continué à fréquenter les sphères du pouvoir russe. En mars 2024, il était encore invité à Moscou pour intervenir lors d’une conférence sur les « nouvelles alliances stratégiques » entre l’Afrique et la Russie. Là encore, il n’a eu aucun mot pour dénoncer la prédation économique des Russes en Afrique : exploitation minière illégale, accaparement des ressources naturelles en Centrafrique et au Soudan, pillage systématique des richesses africaines sous couvert de contrats militaires.

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Pourtant, les méthodes de Moscou ne sont guère plus reluisantes que celles qu’il dénonce du côté occidental. Wagner et ses héritiers sont aujourd’hui impliqués dans des assassinats ciblés, des massacres de civils et des détournements massifs de fonds issus des ressources minières africaines. Mais Seba n’a pas un mot sur ces pratiques. Comme le souligne un diplomate africain en poste en Europe : « Il est plus préoccupé par le franc CFA que par les diamants du sang que Moscou extrait du continent. »

Bakou, autre financeur de l’ombre

Kemi Seba ne fréquente pas que Moscou, il a aussi trouvé une oreille attentive à Bakou. L’Azerbaïdjan, qui tente depuis plusieurs années de tisser des liens discrets mais solides avec l’Afrique, a fait du militant un relais de son influence sur le continent.

Seba s’est rendu en Azerbaïdjan, où il a rencontré plusieurs représentants du régime d’Ilham Aliyev. Il a participé à une conférence internationale à Bakou le 3 octobre 2024, intitulée « La politique néocoloniale de la France en Afrique », organisée par le Baku Initiative Group. Officiellement, ces échanges portaient sur la nécessité de « renforcer les relations Sud-Sud » et de promouvoir une « coopération mutuelle entre les peuples opprimés ». En réalité, il s’agissait surtout d’une opération de communication pour blanchir l’image de Bakou, régulièrement accusé de réprimer l’opposition et de bafouer les droits humains.

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Le régime azerbaïdjanais, en quête d’alliés sur la scène internationale, a compris l’intérêt stratégique d’un porte-voix comme Seba, capable de vendre son discours anti-occidental aux jeunesses africaines. Une stratégie qui s’inscrit dans une vaste campagne de l’Azerbaïdjan sur le continent, où Bakou multiplie les promesses d’investissements et les accords de coopération, notamment dans le secteur énergétique.

Un haut fonctionnaire africain, qui a préféré garder l’anonymat, résume l’ironie de la situation : « Kemi Seba se présente comme un chantre de la souveraineté africaine, mais il sert d’outil de propagande à des régimes autoritaires étrangers. »

Un populisme dangereux

En se positionnant comme l’ennemi juré de l’Occident, Kemi Seba a réussi à fédérer une partie de la jeunesse africaine en quête de nouveaux repères. Mais derrière les discours martiaux, c’est un opportuniste qui navigue d’une influence à une autre, toujours prêt à embrasser les causes qui servent ses intérêts.

Son populisme agressif et son absence totale de projet politique cohérent font de lui un instrument idéal pour les autocraties en quête d’influence en Afrique. Que ce soit à Moscou, à Bakou, Téhéran, Caracas ou ailleurs, il reste un relais médiatique, plus soucieux de son propre pouvoir que de celui des peuples africains.

Si sa candidature présidentielle au Bénin prête à sourire, son influence, elle, ne doit pas être sous-estimée. Car derrière le verbe haut se cache un projet bien plus insidieux : celui de faire de l’Afrique le terrain de jeu des grandes puissances qui ont compris que, sous couvert de souverainisme, Kemi Seba pouvait être un allié de choix.

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Un chef d’œuvre de Debussy porté par une nouvelle production fabuleuse

La nouvelle production de Pelléas et Mélisande à l’Opéra Bastille, mise en scène par Wajdi Mouawad, propose une relecture visuellement fascinante du chef-d’œuvre de Debussy, portée par la direction musicale raffinée d’Antonello Manacorda…


Blanchâtre, une taie de brouillard rasant se traîne sur le tuf noirâtre, au pied d’une forêt parcourue des bruits de la nature, et que douche trois faisceaux de lumière tombante, humide, tamisée. Apparemment blessé, un sanglier à forme humaine, une flèche fichée dans l’échine, traverse la scène d’un pas lourd.  

Un chef d’œuvre de 1902

Dans le silence bruissant de ce tableau sylvestre s’ouvrent les premières mesures de cette partition sans équivalent dans le répertoire : comme une toile peinte, ou un vieux film un peu rayé, l’écran vidéo plein cadre forme un rideau qui, d’un bout à l’autre de Pelléas et Mélisande, « drame lyrique en cinq actes et douze tableaux », occupe toute la largeur de la scène. Au premier plan, chargés par les trois « pauvres » du livret, ici vêtus de tabliers d’équarisseurs, s’accumuleront au fil du spectacle les trophées du gros gibier.  Sacrifié à la cruauté humaine…

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L’image projetée sera appelée à se métamorphoser, dans un perpétuel fondu enchaîné qui, tour à tour, figure le château du royaume d’Allemonde et ses aires – fontaine, tour, grotte, cascade, eaux dormantes et profondeur de l’onde…  jusqu’à imager la longue chevelure ondoyante de Mélisande… Au deuxième acte, le cheval éviscéré du macabre Golaud s’abîme des ceintres, comme dans un ralenti de cauchemar…  Espaces à plusieurs dimensions, dans lesquels apparaissent, se fondent, s’évanouissent les personnages du chef d’œuvre que Debussy, en 1902, adapta de la pièce symboliste de Maurice Maeterlinck, écrite près de dix ans plus tôt.

© Benoîte Fanton / Opéra national de Paris

Bob Wilson tenait seul la rampe de Pelleas… à l’Opéra de Paris, à travers une régie reprise pas moins de sept fois depuis 1997, et devenue mythique, à force. Autant dire que cette production inédite était attendue : n’en déplaise à un ou deux critiques ombrageux, la relève est assurée, et haut-la-main ! Car plastiquement, sur ce décor signé Emmanuel Clolus et cette vidéo en continu créée par Stéphanie Jasmin, la mise en scène du Libano- québécois Wajdi Mouawad, également écrivain, s’avère d’une beauté sans mélange. Elle magnifie autant qu’il se pouvait, d’une lecture à la fois sobre et parfaitement limpide, l’univers éthéré, elliptique, suggestif, intemporel de cet opéra au travail duquel le compositeur du Prélude à l’après-midi d’un faune ou du Martyre de saint Sébastien avouait avoir passé douze ans de sa vie. Ne prenons pas le risque de déflorer cet étagement subtil où les arrière-plans énigmatiques propre à l’esthétique symboliste se manifestent comme dans un rêve éveillé : aucune description n’en rendra l’enchantement.  Dans ce dispositif, tout fait sens,  jamais de manière trop explicite ni appuyée.

Pelléas juvénile

La baguette ductile, enveloppante, au chromatisme raffiné, du chef natif de Turin (mais Français d’adoption) Antonello Manacorda (également violoniste et fondateur du Mahler Chamber Orchestra), fait sonner l’orchestre de l’Opéra de Paris  (a fortiori dans cette salle de la Bastille, surdimensionnée pour ce répertoire) avec une intensité de tous les instants, – et pas seulement dans les rares bouffées lyriques de la partition. Se pourrait-il que Manacorda succède à Alexander Neef comme directeur musical de la maison comme le bruit en court parfois ? Elle n’y perdra rien, à coup sûr.  

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Pour s’en tenir à Pelléas, dans cette œuvre à la prosodie délicate et si particulière, exigeant des chanteurs un phrasé de haute précision et une parfaite maîtrise de la langue, le vibrato serré, l’articulation du baryton britannique Huw Montague Rendall, à la physionomie adolescente, rendent un Pelléas candide, juvénile, proprement inoubliable. À ses côtés, sous les traits de Sabine Devieilhe, Mélisande dispense une pureté vocale à la ligne impeccablement soutenue, tandis que le baryton-basse canadien Gordon Bintner offre un timbre de métal glacé qui sied bien à l’emploi du mari jaloux, fruste et univoque qu’est Golaud. Quant à notre émérite compatriote Jean Teitgen, il campe de sa puissante voix de basse un roi Arkel souverain, d’ailleurs moins âgé, au physique, que la vieillesse prêtée par convention au grand-père de Golaud et de son demi-frère Pelléas.  

Une production d’anthologie pour servir ce monument unique de l’art lyrique français ? Cela se pourrait bien.         


Pelléas et Mélisande. Opéra de Claude Debussy. Avec Huw Montague Rendall, Sabine Devieilh, Gordon Bintner, Sophie Koch, Jean Tietgen… Direction : Antonello Manacorda. Mise en scène : Wajdi Mouawad. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris.

Durée : 3h05
Opéra-Bastille, les 12, 15, 18, 20, 25, 27 mars à 19h30. Le 9 mars à 14h30

Farishta Jami, une terroriste offusquée


Après sa condamnation pour terrorisme, la police britannique a accepté de remplacer la photo d’identité judiciaire initiale de Farishta Jami par une image où elle porte le niqab…


Jusqu’où les autorités publiques doivent-elles aller afin de respecter les sensibilités culturelles et religieuses des citoyens ? Outre-Manche, le cas de Farishta Jami pose la question sur le mode absurde. Cette mère de 36 ans habite la ville de Stratford-upon-Avon, la ville natale du grand dramaturge anglais, site du prestigieux Royal Shakespeare Theatre.

Née en Afghanistan, Jami est venue s’établir en Angleterre avec son mari en 2008. Or, le 13 février, un tribunal l’a reconnue coupable de deux chefs d’accusation selon la loi contre le terrorisme. En 2022, elle avait commencé les préparatifs d’un voyage vers son pays natal afin de rejoindre la branche afghane de l’État islamique, Daech-Khorassan.

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Son objectif ? Devenir martyre. Elle avait économisé de quoi payer un aller simple pour elle et ses enfants. Elle avait partagé en ligne des contenus ultra-violents et participé à des forums islamistes. Elle s’était renseignée sur l’obtention et le maniement des armes, notamment le montage et le démontage d’une AK-47.

Parmi les 7 000 vidéos stockées sur son ordinateur, certaines mettaient en scène des enfants auteurs d’attentats-suicides, préfigurant peut-être le sort qu’elle réservait à sa propre progéniture. Suivant la procédure routinière, la police a publié d’elle une photographie d’identité judiciaire. Cette pratique est bien sûr courante, car elle permet à d’autres services de police et à d’autres victimes éventuelles de reconnaître un suspect.

Or, l’avocat de Jami a fait savoir aux autorités que cette publication avait plongé sa cliente dans un état de « détresse considérable ». Pour cette musulmane pieuse, rendre son visage visible en public était offensant. Le lendemain, la police de la région a publié une nouvelle photo qui la montre en niqab. Ou plutôt qui ne la montre pas du tout, elle. Pudeur religieuse ou ruse de terroriste ? Comme le dit Hamlet : « Dieu vous a donné un visage, et vous vous en faites un autre ».

Trump et le nouveau monde

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Le président Donald Trump s'adresse à une session conjointe du Congrès au Capitole à Washington, le mardi 4 mars 2025 © Win McNamee/AP/SIPA

Le président Trump nous rejoue ‘The Apprentice’ en virant Zelensky, pense amadouer Poutine avec un deal douteux, et laisse l’Europe en panique. Il a prononcé mardi un discours d’une heure et quarante minutes devant le Congrès américain, et a notamment annoncé avoir reçu une lettre du président ukrainien indiquant qu’il était finalement prêt à se présenter à la table des négociations. Analyse.


C’était il y a longtemps, presque une semaine: un clash en direct à la Maison Blanche, que le président américain a décrit comme un grand moment de télévision. Comme il y a vingt ans, lorsque dans son émission de télé-réalité, il annonçait avec délectation au candidat éliminé «you are fired», Trump venait de congédier un président ukrainien qu’il qualifiait d’ingrat d’autant qu’il n’avait pas accepté ses propositions de paix sous prétexte qu’elles n’offraient pas de garantie de sécurité à son pays. Auparavant, il avait traité Zelensky de dictateur sous prétexte qu’il n’avait pas organisé d’élections présidentielles, alors que la constitution ukrainienne l’interdit explicitement  en période de loi martiale et que la loi martiale a été imposée à cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Enfin il avait prétendu que la cote de popularité de Zelensky était de 4% alors qu’un sondage lui attribuait 57%. 

Mauvais épisode

Le spectacle à la Maison Blanche m’a donné la nausée et j’ai pensé à un épisode où l’exécution n’avait pas été que verbale. C’était en Corée du Nord. Kim Jong Un avait obligé son oncle à une humiliante autocritique télévisée avant de le faire exécuter. Il se trouve que Trump, qui avait bénéficié des confidences du dictateur coréen, connaissait cette histoire. Zelensky est tombé dans un piège, mais il a évité le pire…

Trump fonctionne dans un système mental où c’est lui qui définit la vérité. Quelques jours plus tard, dans son discours au Congrès, il se félicite que l’inflation soit en voie d’être jugulée, alors qu’elle flambe, annonce que les Etats-Unis sont désormais admirés car ils sont «great again», que les enfants atteints de cancer vont enfin recevoir des traitements alors que des programmes de recherche médicale ferment faute de subsides, que la liberté va enfin fleurir et que la corruption de l’administration Biden va disparaitre alors que lorsqu’un sénateur de Californie s’était interrogé sur le rôle de Musk dans la purge administrative et les réorientations de subventions, il a été qualifié impunément de criminel par ce dernier.

A lire aussi, Eliott Mamane: Trump vs Zelensky: un coup prémédité ou un simple coup… de gueule?

Le caractère inattendu, voire saugrenu de certaines de ses propositions conduit parfois à remettre en cause des idées et des comportements répétés qui se sont révélés naïfs dans le passé et risquent de l’être dans le futur. Ce changement de perspective s’appelle pour les uns « lucidité » et pour les autres « trahison des valeurs ». En ce qui concerne l’Ukraine, l’abandon d’un pays victime d’une agression et d’une guerre menée avec une violence inouïe soulève le cœur. Il faudra pourtant constater que les sanctions contre la Russie ont échoué, que Poutine n’a pas été déstabilisé, que sa puissance de feu se renforce, qu’il possède des armes nucléaires dont il n’a pas exclu l’usage et que les contours d’un arrêt des combats sont géographiquement perceptibles. Au fond, l’image que se fait Trump de la paix est probablement proche de celle que s’en font les Européens, et Zelensky, au lendemain de la suspension de l’aide militaire américaine a été obligé d’écrire qu’il se félicite de travailler sous la direction de Trump à l’obtention d’une paix durable en Ukraine. Theodore Roosevelt, le père de l’interventionnisme américain, disait qu’il faut parler doucement, mais avec un gros bâton. Nul ne dira de Trump qu’il parle doucement, mais contre Zelensky il a utilisé son gros bâton. Avec un certain succès… La question est: serait-il capable de le faire contre Poutine?

L’Occident déboussolé

J’élude ici le problème, évidemment  très grave, de sa collusion possible avec les services de contre-espionnage  (ex-KGB, dont Poutine est l’archétype) – qui dirigent actuellement en réalité la Russie, poursuivent des objectifs à long terme et utilisent tous les moyens possibles pour déstabiliser l’Occident.

Poutine a déclaré que le démantèlement de l’URSS avait été un des pires crimes du XXe siècle, et toute sa politique  consiste à réparer ce crime, à récupérer et si possible étendre l’espace soviétique, successeur de Pierre le Grand. L’Ukraine aujourd’hui, la Moldavie demain, ainsi que les pays baltes (lesquels se demandent ce que valent pour Trump les assurances de l’article 5 de la Charte de l’OTAN) sont aux premières loges. Mais la Pologne aussi, qui se réarme effectivement et qui comptait tant sur le protecteur américain. Et également la Roumanie, qui vient d’échapper à un résultat électoral présidentiel confectionné par les services russes. Et tous les anciens pays du pacte de Varsovie, et tous les autres pays européens aussi comme la France elle-même, chassée par les Russes de ses points d’appui africains et en passe de voir s’installer une flotte russe dans les ports obligeamment mis à disposition par nos ex-amis algériens.

Le discours solennel du président Macron prend en compte le fait que la Russie est aujourd’hui un pays ennemi et que les États-Unis ne sont peut-être plus un pays allié. 

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Reste pour l’Europe à rattraper à marche forcée son comportement de cigale. Le moins qu’on puisse dire est que, à tous égards, ce n’est pas gagné. 

Trump a une sorte de fascination pour les hommes forts, car lui-même, contrairement à l’image qu’il essaye de véhiculer, n’en est pas un. Ses relations avec l’armée sont notoirement médiocres, il a osé qualifier de losers des soldats américains tombés dans la guerre de 14-18 et chacun sait qu’il s’est fait exempter de la guerre du Vietnam pour un motif grotesque. Sa volonté affichée de ne pas envoyer des soldats américains sur un théâtre d’opération extérieur en fait quelqu’un de prévisible et donc manipulable. Il pense probablement qu’en abandonnant à Poutine le contrôle de l’Ukraine, celui-ci sera rassasié et rejoindra le camp américain dans la lutte contre la Chine. Les Européens pensent strictement le contraire.

Liens indissolubles

Il existe cependant encore entre l’Europe et les États-Unis des liens indissolubles dont on peut espérer qu’ils vont résister aux foucades politiciennes. Mais il faut reconnaître que, outre le fait que l’Europe s’est confortablement endormie sous le parapluie protecteur américain, Américains et Européens ont eu des insouciances comparables.

En face il y a une Chine où des cohortes d’ingénieurs qualifiés travaillant  60 heures par semaine pour des salaires deux ou trois fois moins élevés qu’en Europe sous les instructions d’hommes politiques épargnés du souci court-termiste d’une élection démocratique, ont permis depuis trente ans une main mise sur des industries cruciales dans l’avenir. 

Trump a ainsi réveillé à juste titre le sujet des terres rares en revendiquant avec une brutalité de mafieux le Groenland et les supposées ressources ukrainiennes. C’est qu’il s’agit-là de ressources qui peuvent structurer l’avenir technologique.

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S’il y a un pays où Donald Trump est plus populaire qu’aux États-Unis, c’est Israël. Il a en effet manifesté un soutien sans réserve aux actions israéliennes et a fait de la lutte contre l’islamisme qui fleurit dans les universités américaines un thème important de sa présidence. Reste l’Iran où certains redoutent sa propension à faire des deals et à tomber ainsi dans les filets des habiles négociateurs iraniens… Il y a indiscutablement parmi les soutiens américains de Trump de véritables antisémites, mais Israël est un pays qui lutte pour son existence et doit donc définir ses priorités. Churchill et Roosevelt se sont alliés à Staline pendant la guerre car avant tout il fallait vaincre Hitler. Malgré tous ses évidents défauts, Trump n’est pas Hitler…

Et il ne faut pas l’oublier : son élection est aussi un symptôme, celui d’une Amérique déboussolée par les absurdités du wokisme, et qui fait en boomerang la part belle aux absurdités libertariennes, lesquelles véhiculant sous couvert de liberté la même intolérance à l’égard de leurs adversaires…

Le sport, terrain de jeu de l’islamisme

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Le collectif communautariste "Les Hijabeuses" se dresse contre la Fédération française de football, et demande à jouer avec un voile islamique, Paris, 24 février 2022 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Voile dans le sport : Marianne doit muscler son jeu. Les islamistes sont en train de remporter la partie, s’inquiète une mission flash parlementaire


Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, annonçait la couleur : « Le sport est un moyen pour nous ». Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il aura été entendu. Sophie Germain, Directrice générale de la ligue Paris Île-de-France de football, en fait le constat : « Les clubs deviennent des lieux de conquête », déclare-t-elle. Et d’ajouter cette mise en garde : « Des tentatives de pénétration des instances dirigeantes sont à craindre ». À ce propos, sur la stratégie d’entrisme des Frères musulmans et de leurs affidés dans les différentes strates de notre société, on lira avec fruit le remarquable ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler, anhtropologue, chercheuse au CNRS, Le Frérisme et ses réseaux.

Sape du pacte républicain

« Plus de cinq-cents clubs sont confrontés à des comportements communautaristes, relèvent les députés Caroline Yadan (Ensemble pour la République), et Julien Odoul (RN) dans le rapport de la « mission flash » qu’ils ont conduite, rapport remis ce mercredi à l’Assemblée. Ils dénombrent également entre vingt-cinq et cent trente associations à visée séparatiste, dirigées par des individus organisant, à l’initiative notamment des Frères musulmans, un projet de rupture avec la République. 

https://twitter.com/CarolineYADAN/status/1897281168455639043

À lire aussi : La laïcité résistera-t-elle aux nouveaux assauts du wokisme?

« Dans ces structures, le sport est carrément un outil de diffusion de pratiques islamistes », souligne Caroline Yadan. Pratiques qui s’inscrivent donc clairement dans une stratégie de sape du pacte républicain. Le port du hidjab sur les terrains et en salle, du burkini qini dans les piscines en est la manifestation la plus visible, mais à ces provocations viennent s’ajouter nombre de comportements, d’usages, de rites totalement en opposition avec nos mœurs, nos principes, nos règles communes et qui représentent donc effectivement autant d’agressions contre notre civilisation. Refus de serrer la main, de croiser l’autre sexe, refus de s’incliner devant un adversaire ou, au judo, devant le portrait du fondateur Jigoro Kano, sous prétexte qu’on « ne se prosterne que devant Allah ». Exigence de vestiaires spécifiques pour les musulmans, d’un calendrier de compétitions et d’entraînements alignés sur le calendrier religieux, flouter sur les photos la partie du corps entre le genou et le nombril réputée impure, d’où le port de collants jusqu’au plus chaud de l’été. Instauration de sessions de prières et prosélytisme dans l’enceinte même du sport, revendication du port de signes emblématiques sur le maillot des joueurs. On a vu au basket des petites filles de onze ou douze ans obligées de porter le hidjab pour jouer. On a vu aussi, et c’est au moins aussi inquiétant, dans certaines disciplines, des arbitres, voire des membres des équipes de France, pratiquer en arborant fièrement le hijab.

Raz-de-marée et usine à gaz

Comment cela est-il possible ? Comment ne parvient-on pas à combattre ces dérives qui, en réalité, ne font que s’étendre et prospérer. Les députés Yadan et Odoul soulignent « le manque de vigilance de certaines fédérations » mais aussi « le militantisme de certaines collectivités territoriales. »

Il faut dire que, sur ces questions, pourtant essentielles puisque, redisons-le, elles concernent le pacte républicain, on a – lâchement – laissé lesdites fédérations se faire leur propre religion. Cela sur la base d’une assise juridique des plus floues. Il en résulte une usine à gaz dans laquelle chacun se perd aisément. Par exemple, ce qui est interdit – le port du voile, par exemple – dans certaines disciplines devient autorisé dès qu’il s’agit de sport universitaire. Ce n’est ici qu’un exemple tiré de l’imbroglio réglementaire dans lequel les dirigeants de clubs se trouvent empêtrés. On comprend leur découragement. On comprend aussi qu’ils se sentent parfois bien seuls et bien désarmés. Ainsi à la fédération de Taekwondo où le port du hidjab est pourtant officiellement prohibé mais où on constate qu’environ 20% des pratiquantes persistent à le porter. Sans pour autant être sanctionnées.

À lire aussi, Florence Bergeaud-Blackler : «Si l’Université devient un espace ouvert aux vents des idéologies, plus aucune recherche, plus aucun enseignement n’est possible»

Face à une telle situation, qui, redisons-le, ne fait que s’aggraver saison après saison, « Marianne doit muscler son jeu », concluent les parlementaires de la mission flash. C’est l’évidence même.

En fait, il semble qu’il soit bien tard. Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il sera désormais très difficile de l’endiguer. Le Sénat, mi-février, a émis une proposition de loi « visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport ». L’intention est louable, mais n’est-ce pas jouer petit bras ? On serait en droit de préférer un projet de loi visant carrément à « interdire, poursuivre et sanctionner dans le sport tout signe et toute pratique de rupture avec le pacte républicain. » Le projet sénatorial va venir prochainement à l’Assemblée nationale. Aux députés, donc, de « muscler le jeu ». Par la suite, il reviendra à la puissance d’État de déployer le courage politique de faire vraiment appliquer les règles. Sans trembler. Et là, le match n’est pas gagné d’avance…

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Le Frérisme et ses réseaux: l'enquête

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À la lumière des nuits blanches

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Bernard Henri-Lévy © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00927658_000012

BHL est insomniaque et Nuit blanche est la somme de ses méditations nocturnes. Refusant de fermer les yeux pour dormir, il déambule à travers son monde et ses souvenirs. 


Bernard-Henri Lévy commence d’écrire ses mémoires. Son dernier livre ouvre une brèche, c’est indéniable. Un premier opus ? Oui. L’œuvre prend un tournant, c’est incontestable. Le philosophe est insomniaque depuis l’enfance, c’est son prétexte. Ne parvenant pas à trouver le sommeil – plutôt, il s’y refuse aujourd’hui, presque philosophiquement –, il compte ses vrais amis comme d’autres les moutons. Ceux qu’il a perdus, ceux qu’il a admirés, ceux qu’il a aimés : il les ressuscite. Il rend la parole à son père qui s’adresse à lui. Nuit blanche est un autoportrait baconien : l’image est brouillée, bouleversée, BHL en rit, s’en moque et s’en échappe. Nuit blanche semble être écrit d’une traite. Les souvenirs cascadent, ils tombent d’autant plus vite que leur auteur, lui, ne cède pas à la nuit ; ils surgissent sans chronologie, le passé n’est pas perdu, il est là, à pic ! Vite, l’aube va l’effacer. Il y a urgence. Nuit blanche est un livre urgent : « Il n’y a pas de vie qui vaille sans la volonté de vouloir plus que la vie. » Autant profiter d’une conscience qui ne s’éteint pas. Refus de la débrancher face au bruit du monde et ses terreurs ? Sans doute. Le corps de BHL, d’une certaine façon, est exorbitant : c’est celui d’un écrivain. Il ne rêve pas, ne se couche pas, il médite. D’où l’on apprend que refuser de fermer les yeux est une métaphysique. Ah, la nature fondamentale de la réalité ! L’idéalisme est une petite mort. La nuit est une page blanche qu’il s’agit de noircir par le flux de conscience : « Je suis ivre de me sentir vivant et éveillé. » Tout y passe : les combats, les doutes, les livres, le Livre, les amours, le vert paradis de l’enfance, les tragédies, les comédies. La bibliothèque donne le cap, c’est la boussole, elle indique le point magnétique où tout se noue : Ronsard (qui est mort d’insomnie, les yeux ouverts), Ducasse, Debord, Barthes, Joyce, Lévinas, Althusser, Nietzsche… À propos, Zarathoustra pense que le sommeil vole « des pensées aux pieds légers ». Bref, rester vigilant, c’est le but, être une vigie pour soi-même : viser, aparté, le sentiment du temps et « atteindre, par la langue et la pensée, à un état second de l’humain ». Et puis, à quoi bon dormir puisque l’inconscient « ne se tait jamais » : « L’inconscient, c’est l’hypothèse qu’on rêve aussi éveillé. Car quelle différence, alors, entre veille et réveil ? Et pourquoi s’embêter à dormir si c’est le même inconscient qui, dans les deux cas, parle, se dérobe, se cogne au réel et vous trahit ? » Quelque chose s’est « grippé » dans l’inconscient de BHL qu’il définit (alors même qu’il n’y « croyait pas », jadis), comme « une région de son existence ». Parce qu’il en a pris conscience (c’est le cas de le dire !), il a changé de style : il s’est inventé une autre liberté. Elle est à l’œuvre dans Nuit blanche. Lisible, évidente. Une liberté à cœur ouvert. Tambour battant. L’écrivain se rassemble. Le corps vient à l’âme. Ces deux-là se parlent maintenant. En plein jour, sur la page. Ils se regardent en face. Et somnambulisent.

Bernard-Henri Lévy, Nuit blanche, Grasset, 2025. 192 pages.

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Robert Ménard: le fou rire et l’effroi

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Robert Ménard au tribunal judiciaire de Montpellier, 18 février 2025 © Alain Robert/SIPA

Poursuivi devant les tribunaux pour avoir refusé de marier une Française à un Algérien sous OQTF, Robert Ménard observe que le Droit et le bon sens sont bafoués au nom des droits de l’homme.


Je vais être condamné. Sans l’ombre d’un doute. Malgré le vote du Sénat ce 20 février en faveur de l’interdiction des mariages aux étrangers en situation irrégulière ! Malgré l’immense soutien populaire que je reçois depuis le début de cette affaire. Malgré les prises de position de poids lourds du gouvernement comme Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, ou Gérald Darmanin, le garde des Sceaux. Oui, c’est vrai, par une douce journée de juillet 2023, j’ai refusé de marier une jeune femme française à un étranger sous le coup d’une OQTF. Comme une évidence. Et si c’était à refaire, je le referai.

J’avais une porte de sortie : celle de « plaider coupable » comme on dit dans les séries américaines. Mais j’ai refusé le scénario. Je ne suis pas acteur de série B. Je ne suis coupable de rien. Comment, en tant que maire, pouvais-je marier un étranger en situation irrégulière et, en plus, défavorablement connu des services de police, comme on dit pudiquement dans les médias ?

Le comble dans cette affaire rocambolesque, c’est que la nouvelle loi votée par le Sénat – quarante-huit heures seulement après mon passage devant le procureur – va probablement être retoquée par le Conseil constitutionnel en raison de l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme que la France a ratifiée. Cette même convention que j’ai utilisée toute ma vie pour défendre les journalistes emprisonnés dans le monde… Le Droit transformé en machette à découper le bon sens. Le Droit perverti qui se retourne contre ceux qu’il est censé défendre. Le Droit qui fait qu’expulser un jeune homme installé illégalement chez nous, délinquant violent, devient aussi hasardeux que gagner au loto.

À lire aussi, Dominique Labarrière : Robert Ménard: héros du bon sens

Plus cocasse encore si j’ose dire, le jour où je comparaissais devant la justice, nous apprenions que la Mairie de Béziers était encore une fois condamnée pour sa crèche qui, chaque année, fait trembler d’effroi les groupuscules laïcards et autres associations gauchistes. En dix ans, nos trois Palestiniens, Jésus, Joseph et Marie, ont subi pas moins de 21 procès pour avoir osé s’abriter dans la cour de l’hôtel de ville. On jugera de l’obsession de ces adorateurs de la secte laïque pour une simple étable et quelques dangereux santons.

Il faut le claironner, le bon sens est aux abonnés absents dans notre pays. Il est piétiné chaque jour. Comment, alors que l’écrasante majorité des Français n’en peut plus de l’immigration massive et incontrôlée, peut-on obliger un maire à marier un OQTF et le mettre ainsi quasiment à l’abri de toute expulsion ? Quand le droit nous oblige à escalader le réel par la face nord…

Cette histoire de mariage, c’est Roméo et Juliette réécrit par la Cimade. J’apprends, à l’instant où j’écris ces lignes, que la fameuse Eva tenterait de se marier avec son tendre Mustapha en Algérie. Mais pour cela, à Oran, il faut être… en situation régulière ! Là-bas, on ne finasse pas…

Quand les historiens du futur se pencheront sur notre époque, ils hésiteront sans doute entre le fou rire et l’effroi.

Ces stars de la télé qui bousculent la politique

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De gauche à droite : Donald Trump, Volodymyr Zelensky et Cyril Hanouna © Sipa

Présidentielles : la télécommande remplacera-t-elle définitivement demain les urnes ? Après le succès de Berlusconi en Italie, de Trump aux États-Unis ou de Zelensky en Ukraine, des figures du petit écran sont testées par les instituts de sondage en France. Plutôt à droite.


L’animateur de télévision sera-t-il la bouée qui sauvera la politique de son naufrage ? Un constat, en tout cas, s’impose : la société du spectacle a banalisé ses règles jusqu’au sein du bureau Ovale, à Washington. « Ca va être de la grande télévision ! », a conclu vendredi, en showman qu’il est resté, Donald Trump après son altercation spectaculaire avec Volodymyr Zelensky, lui-même ancien acteur d’une série humoristique qui aura fait son succès en Ukraine. Les deux professionnels de l’audimat ont-ils eu conscience d’alimenter leur confrontation en appliquant les ressorts de la provocation et de l’outrance, afin de prendre l’opinion à témoin ? Ce n’est pas à exclure. On n’imagine pas, en tout cas, Ronald Reagan, pourtant lui-même ancien acteur de cinéma, se prêter en direct à ce genre de déballage de linges sales. En réalité le rejet du monde politique, déconnecté du réel, est devenu tel qu’il ouvre des perspectives à ceux qui, formés aux compétitions d’audiences de l’audiovisuel privé, savent s’adresser aux gens et les fidéliser. Silvio Berlusconi, en Italie, avait ouvert la marche il y a trente ans. Eric Zemmour, créature télévisuelle plus sophistiquée, est aussi de cette école.

A ne pas manquer, notre nouveau numéro : Ferrand au sommet, Hanouna au bûcher, L’État de droit c’est plus fort que toi!

Dernièrement, un sondage Ifop-Fiducial a introduit Cyril Hanouna parmi les présidentiables, même si son score reste modeste avec 11% de soutiens. L’intéressé ne semble pas écarter l’hypothèse d’une future candidature. L’ex-animateur vedette de C8 vient d’ailleurs de rebondir sur d’autres canaux, après la fermeture de la chaîne au début de ce mois, en entrainant dès lundi soir 1,5 million de téléspectateurs. Philippe de Villiers, porté par ses audiences sur CNews, est réclamé par ses supporteurs pour briguer l’Élysée. Pascal Praud partage aussi cette notoriété. La droite populaire est la plus à l’aise dans cet univers.


Ifop / Twitter

Le dénominateur commun à ces hommes de télévision est leur proximité, souvent intuitive, avec cette partie du peuple qui, trop modeste aux yeux des dirigeants, reste oubliée des professionnels de la politique. L’ascension de ces nouvelles stars est évidemment méprisée des « élites ». Elles se contentent notamment de voir en Trump un clown impulsif et violent. Mais Montesquieu le rappelle : « Pour faire de grandes choses il ne faut pas être un si grand génie ; il ne faut pas être au-dessus des hommes. Il faut être avec eux ». Les alertes sur le risque démagogique et la tyrannie des foules, que de tels personnages pourraient porter, sont certes à entendre. Il est possible que cette politique spectacle ne soit d’ailleurs qu’une intermittence. Cependant ces symptômes sont d’abord la conséquence du dégoût que suscite la politique auprès des sondés. Ces rejets dureront tant que la caste n’aura pas compris l’urgence à partager la vie ordinaire. La théâtralisation, développée par Emmanuel Macron, se contente d’exhiber déguisements, signes et mots creux. Elle laisse voir l’insincérité du chef de l’État. Ce mercredi soir, il se servira lui aussi de la télévision, une nouvelle fois, pour tenter de se placer dans les négociations entre Trump et Poutine sur l’Ukraine. Il agitera encore, sans doute, les peurs sur une menace existentielle portée par la Russie afin de promouvoir l’Europe supranationale que les peuples refusent. Or, il ferait mieux d’écouter, sur ce sujet comme sur d’autres, ce que disent les saltimbanques du petit écran.

Les « grandes universités » et la politique américaine

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Sur cette photo d’archives du 23 mai 2005, Donald Trump, à gauche, écoute tandis que Michael Sexton l’introduit lors d’une conférence de presse à New York, où il annonce la création de la Trump University © Bebeto Matthews/AP/SIPA

Les formations académiques des dirigeants américains prouvent qu’on peut sortir de Yale ou Harvard sans jamais y être vraiment entré.


Alors l’un des douze, appelé Judas Iscariot, alla vers les principaux sacrificateurs, et dit: Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai? Et ils lui payèrent trente pièces d’argent.
Mathieu 26 :14-15


Ces universités sont-elles un gage d’excellence et de probité? Penchons-nous sur quelques personnalités.

Il y eut le président Richard Nixon, qui reçut son diplôme de droit de l’université Duke en Caroline du Nord. Sa contribution au développement du droit constitutionnel fut historique, mais pas vraiment celle qu’il eût souhaitée. Lui succéda son vice-président Gerald Ford, sorti avec un rang honorable de la faculté de droit de l’université Yale, alors que, selon le truculent président Lyndon Johnson, son faible quotient intellectuel le rendait incapable de coordonner sa mastication du chewing-gum, d’une part, et, d’autre part, ses exhalaisons digestives.

Les choses s’accélèrent avec George « Dubya » Bush, qui obtint son BA en histoire de l’université Yale et son MBA de l’université Harvard. Il va sans dire qu’il fut admis dans ces deux universités en dépit de sa grammaire fort idiosyncratique, sur interventions de papa, grâce aux programmes de discrimination positive (« affirmative action » en v.o.), ou « diversité, équité et inclusion » profitant aux WASPs millionnaires.

[Note technique : cette catégorie de candidats, qui offrent, selon l’euphémisme codé, un « potentiel de développement », « achètent », de manière tacite, leur place en contrepartie de la « promesse », non moins tacite, d’une généreuse contribution à la fondation des anciens de l’institution dans les années à suivre; à son tour, celle-ci « s’engage », toujours de manière tacite, à accorder des facilités d’admission à la progéniture des donateurs, et ainsi de suite.]

Bienvenue à la Trump University

En ce qui concerne la première campagne électorale de Donald Trump en 2017, l’universitaire d’origine canadienne, Francis H. Buckley, eut l’honneur de se joindre à sa garde prétorienne à titre de conseiller. Cet ex-étudiant de la faculté de droit de l’université McGill à Montréal (51e Etat) y revint à titre d’enseignant par la suite, après être passé par Harvard. Cette éminente réincarnation de Socrate y eut pour collègue Hermann Hahlo, un humaniste convaincu que les femmes et les noirs n’étaient pas faits pour le droit. Frank Buckley avait donc tout le bagage intellectuel pour servir un jour le fondateur de la célèbre Trump University. Il fut demandé au grand ponte de quelle manière un milliardaire champion de l’évasion fiscale pouvait prétendre au titre de sauveur de la classe moyenne saignée à blanc :

En 1935… quand Roosevelt a nommé Joseph Kennedy… à la tête de la commission de contrôle des marchés financiers, tout le monde a rappelé qu’il était un corrompu. Le président a répondu qu’il en fallait un pour en attraper un.

Pour assurer la justice fiscale, la solution était simple, mais il fallait un Canadien devenu citoyen américain en 2014… « on Tax Day » (le « jour de l’impôt » en v.f., ça ne s’invente pas…) pour y penser. La boucle était bouclée pour Frank Buckley.

(Signalons au passage un autre lauréat de la faculté de droit de Yale, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, lequel assimile audacieusement l’immigration illégale à une forme d’ « invasion » au sens militaire du terme).

Nous en arrivons au vice-président JD Vance (et oui, lui aussi) de Yale, qui vient d’étonner le monde juridique en montant d’un gros cran : les juges n’ont pas le pouvoir de contrôler l’action du pouvoir exécutif! Une thèse constitutionnelle on ne peut plus innovatrice.

A lire aussi, Gerald Olivier: Universités américaines: la fin de la préférence raciale

Et enfin, le bagage universitaire de Donald Trump. Cet homme d’affaires, dont on ne compte plus les faillites (bon-papa, efficace tenancier de maison close, a dû se retourner dans sa tombe), a obtenu son BA en économie politique de la prestigieuse Wharton School de l’université de Pennsylvanie. Manifestement, il semble avoir pris quelques distances des enseignements reçus vu que sa politique économique se heurte aux réticences du Wall Street Journal, par exemple. Milton Friedman le taxerait d’hérésie.

Quelles leçons tirer? Il faut rendre hommage aux talents de bateleurs de ces facultés américaines, sur le plan marketing international; des « country clubs » qui font rêver…

Inoubliable George W. Bush

Selon certaines études, le nombre de gestionnaires titulaires du MBA harvardesque ayant conduit leur entreprise à la faillite est fort impressionnant, et Dubya, fidèle à la tradition, coula toutes les unités commerciales que la famille lui avait confiées.

Son parcours interpelle aussi sur le niveau des cours d’histoire et de culture générale dispensés par la faculté des Arts de Yale. Il déclara un jour en campagne électorale que « Jésus était son philosophe préféré » (sic). Profession de foi fort judicieuse pour séduire l’électorat évangélique redneck, mais révélatrice d’une grave confusion. En France, le prêtre le plus conservateur, le plus traditionaliste et célébrant la messe en latin après son autoflagellation matinale comprend les domaines respectifs de la révélation et des injonctions divines, d’une part, et, d’autre part, de la raison humaine. Cela dit, chacun a le droit le plus absolu de hiérarchiser ses sources d’inspiration, mais il est quand même permis de douter que Dubya se fût livré à d’exhaustives lectures complémentaires de penseurs profanes comme David Hume ou Bertrand Russell. Avoir consacré un été à L’étranger de Camus est louable, mais insuffisant pour comprendre le monde. Il eût dû, au minimum, poursuivre avec La peste, d’une actualité encore plus brûlante, même si, vu le plus grand nombre de pages, deux étés eussent été nécessaires.

De manière plus générale, la récente rencontre du président Macron et de Sa Majesté Orange, pendant laquelle celui-là a remis les pendules de celui-ci à l’heure au sujet de l’aide accordée à l’Ukraine par l’Europe et les États-Unis, a permis aux observateurs de faire la comparaison entre la classe européenne, d’une part, et, d’autre part, la rugueuse rusticité américaine. La prestation du chef de l’État français sur la scène internationale s’inscrit dans la tradition des Valéry Giscard d’Estaing et des François Mitterrand, qui comptaient deux millénaires de civilisation. Les diplômés des grandes écoles françaises n’ont, au final, rien à envier aux plombiers ayant suivi leur surfaite formation technique dans de luxueux campus, dont l’horizon se limite à la grande banlieue de Kansas City. Yale, qui a produit le visqueux « Uncle Tom », Clarence Thomas, juge à la Cour suprême, semble d’ailleurs se distinguer particulièrement.

On imagine mal un futur Trump en formation à Jouy-en-Josas.

Où en est donc l’Amérique aujourd’hui?

À l’époque de la guerre froide, elle vivait dans la hantise des discrètes « taupes » susceptibles d’avoir infiltré les institutions américaines. Vladimir Poutine, lui, a réussi ce coup de maître historique de s’emparer, au grand jour, de la totalité de l’exécutif, comme il ressort de l’embuscade télévisée dans laquelle est tombé le président ukrainien Zelinsky le 28 février 2025 dans le bureau ovale, organisée par le truchement de Donald Trump et de son vice-Rottweiler, qui n’a jamais autant mérité sa qualité autoproclamée de « hillbilly » (« péquenaud » en v.f.). Faire passer l’agressé pour l’agresseur est un procédé orwellien qui a acquis ses lettres de noblesse dans les années 1930.

Camus n’aurait pas aimé les César…

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Discours de Josiane Balasko à la 50ᵉ cérémonie des César, où elle interpelle Rachida Dati sur une Europe de la culture, Paris, 28 février 2025 © Jean-Phlippe Pariente/SIPA

Les César ont fêté leurs 50 ans avec une soirée plutôt sobre, épargnée par les habituels discours militants… enfin, presque.


La cérémonie des César a eu lieu dans la soirée du 28 février et on fêtait son cinquantième anniversaire. Par rapport à beaucoup de ses devancières, elle a été réussie, relativement sobre et, sur le plan idéologique, on n’a eu droit qu’au propos militant d’un syndicaliste avant le spectacle, au déchaînement partisan du réalisateur de l’excellent La Ferme des Bertrand1 et à une allusion légère de Josiane Balasko. On a évidemment connu bien pire. Ce qui s’est déroulé à Paris n’est pas tombé dans le ridicule comme par exemple aux Magritte du cinéma belge à Bruxelles où Charline Vanhoenacker a tenté en vain de faire rire un public avec une diatribe anti-RN ratée.

Artistes et justiciers

Aussi la pensée d’Albert Camus qui m’inspire ce billet – citée par Vincent Duclert dans un article du Monde– se rapporte en général à toutes ces interventions publiques, médiatiques, d’artistes venant déclamer leurs convictions, toujours de gauche, avec une constance qui n’est animée que par la plus ou moins grande violence de leur phrasé. Albert Camus affirmait dans son discours au banquet de son prix Nobel : « Les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel ».

A lire aussi, Didier Desrimais: De Jacques Weber à Solann, Oh ! les belles âmes

Le juge est fondamental dans une société pour, grâce au droit, la pacifier, répondre aux attentes citoyennes, trancher les conflits, défendre les victimes et sanctionner les coupables.

Mais on comprend bien la manière dont Camus, en usant de ce terme, cherche à discréditer les faux artistes qui politisent, dévoient leur art, stigmatisent, sont intolérants, se posent en « juges », voire en justiciers et qui, au lieu de dialoguer, d’expliquer et de « comprendre », apposent sur l’infinie diversité de la vie et des idées, la chape de plomb de leur idéologie.

Forcément de gauche…

Parce que, bien sûr, il faut être de gauche qui est précisément la propension à juger, à départager le bon et le mauvais côté et à mettre l’art entre parenthèses puisque ce dernier est complexité, ambiguïté, profondeur, force du langage, respect de l’autre.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Du wokisme comme bien-pensance et déni généralisé: l’affaire Karla Sofía Gascón

Albert Camus, louant les « vrais artistes », ceux qui créent, qui jouent et cherchent avec leur âme singulière à offrir de l’universel, n’aurait pas vu dans les César son rêve de théâtre, son exigence d’humanité et son sens de la fête. Mais il n’aurait pas été homme à juger, pire, à condamner. Grand écrivain, véritable artiste, il se contentait de comprendre. On ne l’oublie pas.

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  1. Gilles Perret NDLR ↩︎

Kemi Seba, faux prophète du panafricanisme et vrai relai des autocrates

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Kemi Seba participe à une session sur la construction d'un avenir commun : opportunités éducatives et scientifiques de la Russie pour l'Afrique dans le cadre du deuxième sommet économique et humanitaire Russie-Afrique 2023, Saint-Pétersbourg, 28 juillet 2023 © SOPA Images/SIPA

Il se rêve en leader de l’Afrique libre, mais il est surtout le porte-voix des puissances autoritaires. Entre Moscou, Bakou, Téhéran et son projet chimérique de conquête du pouvoir au Bénin, Kémi Séba joue une partition de plus en plus grotesque.


Président du Bénin ? L’absurde mise en scène

La dernière lubie de Kémi Séba aurait pu prêter à sourire si elle ne révélait pas un profond mépris des réalités politiques béninoises. Début janvier 2025, l’activiste franco-béninois a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2026, dans une mise en scène millimétrée, bras levés face à une foule acquise à sa cause, diffusée sur ses réseaux sociaux. « Nous ne laisserons plus notre destin entre les mains des valets de l’Occident », tonnait-il, oubliant au passage qu’il a lui-même, pendant des années, servi de porte-voix aux intérêts russes et azerbaïdjanais en Afrique.

Son problème ? Outre l’absence totale de programme concret – un détail fâcheux lorsqu’on prétend briguer la magistrature suprême – il ne remplit même pas les conditions élémentaires pour se présenter. Au Bénin, les candidats doivent être parrainés par des députés et des maires. Et ces élus ne peuvent parrainer une candidature autre que celui adoubé par leur parti. Or, à ce jour, aucun élu béninois ou parti politique éligible ne semble disposé à lui accorder son soutien. « Il n’a aucune assise locale, aucune vision politique autre que ses diatribes anti-occidentales », résume un analyste politique basé à Cotonou. Sa candidature ressemble plus à une performance médiatique qu’à une ambition présidentielle. Une manière d’alimenter sa posture de martyr en prévision de son inévitable disqualification par les autorités électorales.

Mais cette escroquerie politique cache une réalité bien plus inquiétante. Car derrière son discours enflammé sur la « souveraineté africaine », Seba demeure avant tout un instrument d’influence entre les mains de puissances étrangères.

L’ombre de Moscou et la prédation russe en Afrique

Derrière la façade du panafricanisme radical, c’est bien le Kremlin qui tire les ficelles. En 2023, une enquête de Jeune Afrique, Arte et Die Welt a révélé comment, entre 2018 et 2019, Kemi Seba a été financé par Evgueni Prigojine, le sulfureux patron de Wagner. Son rôle ? Mobiliser les foules africaines contre la présence française en Afrique tout en évitant soigneusement d’évoquer les exactions de la milice russe sur le continent.

Depuis la mort de Prigojine en 2023, Seba a continué à fréquenter les sphères du pouvoir russe. En mars 2024, il était encore invité à Moscou pour intervenir lors d’une conférence sur les « nouvelles alliances stratégiques » entre l’Afrique et la Russie. Là encore, il n’a eu aucun mot pour dénoncer la prédation économique des Russes en Afrique : exploitation minière illégale, accaparement des ressources naturelles en Centrafrique et au Soudan, pillage systématique des richesses africaines sous couvert de contrats militaires.

À lire aussi : Faut-il déchoir Kémi Séba de sa nationalité ou le laisser parler?

Pourtant, les méthodes de Moscou ne sont guère plus reluisantes que celles qu’il dénonce du côté occidental. Wagner et ses héritiers sont aujourd’hui impliqués dans des assassinats ciblés, des massacres de civils et des détournements massifs de fonds issus des ressources minières africaines. Mais Seba n’a pas un mot sur ces pratiques. Comme le souligne un diplomate africain en poste en Europe : « Il est plus préoccupé par le franc CFA que par les diamants du sang que Moscou extrait du continent. »

Bakou, autre financeur de l’ombre

Kemi Seba ne fréquente pas que Moscou, il a aussi trouvé une oreille attentive à Bakou. L’Azerbaïdjan, qui tente depuis plusieurs années de tisser des liens discrets mais solides avec l’Afrique, a fait du militant un relais de son influence sur le continent.

Seba s’est rendu en Azerbaïdjan, où il a rencontré plusieurs représentants du régime d’Ilham Aliyev. Il a participé à une conférence internationale à Bakou le 3 octobre 2024, intitulée « La politique néocoloniale de la France en Afrique », organisée par le Baku Initiative Group. Officiellement, ces échanges portaient sur la nécessité de « renforcer les relations Sud-Sud » et de promouvoir une « coopération mutuelle entre les peuples opprimés ». En réalité, il s’agissait surtout d’une opération de communication pour blanchir l’image de Bakou, régulièrement accusé de réprimer l’opposition et de bafouer les droits humains.

À lire aussi : Indépendantisme martiniquais: l’influence délétère de Kémi Séba

Le régime azerbaïdjanais, en quête d’alliés sur la scène internationale, a compris l’intérêt stratégique d’un porte-voix comme Seba, capable de vendre son discours anti-occidental aux jeunesses africaines. Une stratégie qui s’inscrit dans une vaste campagne de l’Azerbaïdjan sur le continent, où Bakou multiplie les promesses d’investissements et les accords de coopération, notamment dans le secteur énergétique.

Un haut fonctionnaire africain, qui a préféré garder l’anonymat, résume l’ironie de la situation : « Kemi Seba se présente comme un chantre de la souveraineté africaine, mais il sert d’outil de propagande à des régimes autoritaires étrangers. »

Un populisme dangereux

En se positionnant comme l’ennemi juré de l’Occident, Kemi Seba a réussi à fédérer une partie de la jeunesse africaine en quête de nouveaux repères. Mais derrière les discours martiaux, c’est un opportuniste qui navigue d’une influence à une autre, toujours prêt à embrasser les causes qui servent ses intérêts.

Son populisme agressif et son absence totale de projet politique cohérent font de lui un instrument idéal pour les autocraties en quête d’influence en Afrique. Que ce soit à Moscou, à Bakou, Téhéran, Caracas ou ailleurs, il reste un relais médiatique, plus soucieux de son propre pouvoir que de celui des peuples africains.

Si sa candidature présidentielle au Bénin prête à sourire, son influence, elle, ne doit pas être sous-estimée. Car derrière le verbe haut se cache un projet bien plus insidieux : celui de faire de l’Afrique le terrain de jeu des grandes puissances qui ont compris que, sous couvert de souverainisme, Kemi Seba pouvait être un allié de choix.

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Un chef d’œuvre de Debussy porté par une nouvelle production fabuleuse

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Pelléas et Mélisande 24-25 © Benoîte Fanton / Opéra national de Paris

La nouvelle production de Pelléas et Mélisande à l’Opéra Bastille, mise en scène par Wajdi Mouawad, propose une relecture visuellement fascinante du chef-d’œuvre de Debussy, portée par la direction musicale raffinée d’Antonello Manacorda…


Blanchâtre, une taie de brouillard rasant se traîne sur le tuf noirâtre, au pied d’une forêt parcourue des bruits de la nature, et que douche trois faisceaux de lumière tombante, humide, tamisée. Apparemment blessé, un sanglier à forme humaine, une flèche fichée dans l’échine, traverse la scène d’un pas lourd.  

Un chef d’œuvre de 1902

Dans le silence bruissant de ce tableau sylvestre s’ouvrent les premières mesures de cette partition sans équivalent dans le répertoire : comme une toile peinte, ou un vieux film un peu rayé, l’écran vidéo plein cadre forme un rideau qui, d’un bout à l’autre de Pelléas et Mélisande, « drame lyrique en cinq actes et douze tableaux », occupe toute la largeur de la scène. Au premier plan, chargés par les trois « pauvres » du livret, ici vêtus de tabliers d’équarisseurs, s’accumuleront au fil du spectacle les trophées du gros gibier.  Sacrifié à la cruauté humaine…

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L’image projetée sera appelée à se métamorphoser, dans un perpétuel fondu enchaîné qui, tour à tour, figure le château du royaume d’Allemonde et ses aires – fontaine, tour, grotte, cascade, eaux dormantes et profondeur de l’onde…  jusqu’à imager la longue chevelure ondoyante de Mélisande… Au deuxième acte, le cheval éviscéré du macabre Golaud s’abîme des ceintres, comme dans un ralenti de cauchemar…  Espaces à plusieurs dimensions, dans lesquels apparaissent, se fondent, s’évanouissent les personnages du chef d’œuvre que Debussy, en 1902, adapta de la pièce symboliste de Maurice Maeterlinck, écrite près de dix ans plus tôt.

© Benoîte Fanton / Opéra national de Paris

Bob Wilson tenait seul la rampe de Pelleas… à l’Opéra de Paris, à travers une régie reprise pas moins de sept fois depuis 1997, et devenue mythique, à force. Autant dire que cette production inédite était attendue : n’en déplaise à un ou deux critiques ombrageux, la relève est assurée, et haut-la-main ! Car plastiquement, sur ce décor signé Emmanuel Clolus et cette vidéo en continu créée par Stéphanie Jasmin, la mise en scène du Libano- québécois Wajdi Mouawad, également écrivain, s’avère d’une beauté sans mélange. Elle magnifie autant qu’il se pouvait, d’une lecture à la fois sobre et parfaitement limpide, l’univers éthéré, elliptique, suggestif, intemporel de cet opéra au travail duquel le compositeur du Prélude à l’après-midi d’un faune ou du Martyre de saint Sébastien avouait avoir passé douze ans de sa vie. Ne prenons pas le risque de déflorer cet étagement subtil où les arrière-plans énigmatiques propre à l’esthétique symboliste se manifestent comme dans un rêve éveillé : aucune description n’en rendra l’enchantement.  Dans ce dispositif, tout fait sens,  jamais de manière trop explicite ni appuyée.

Pelléas juvénile

La baguette ductile, enveloppante, au chromatisme raffiné, du chef natif de Turin (mais Français d’adoption) Antonello Manacorda (également violoniste et fondateur du Mahler Chamber Orchestra), fait sonner l’orchestre de l’Opéra de Paris  (a fortiori dans cette salle de la Bastille, surdimensionnée pour ce répertoire) avec une intensité de tous les instants, – et pas seulement dans les rares bouffées lyriques de la partition. Se pourrait-il que Manacorda succède à Alexander Neef comme directeur musical de la maison comme le bruit en court parfois ? Elle n’y perdra rien, à coup sûr.  

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Pour s’en tenir à Pelléas, dans cette œuvre à la prosodie délicate et si particulière, exigeant des chanteurs un phrasé de haute précision et une parfaite maîtrise de la langue, le vibrato serré, l’articulation du baryton britannique Huw Montague Rendall, à la physionomie adolescente, rendent un Pelléas candide, juvénile, proprement inoubliable. À ses côtés, sous les traits de Sabine Devieilhe, Mélisande dispense une pureté vocale à la ligne impeccablement soutenue, tandis que le baryton-basse canadien Gordon Bintner offre un timbre de métal glacé qui sied bien à l’emploi du mari jaloux, fruste et univoque qu’est Golaud. Quant à notre émérite compatriote Jean Teitgen, il campe de sa puissante voix de basse un roi Arkel souverain, d’ailleurs moins âgé, au physique, que la vieillesse prêtée par convention au grand-père de Golaud et de son demi-frère Pelléas.  

Une production d’anthologie pour servir ce monument unique de l’art lyrique français ? Cela se pourrait bien.         


Pelléas et Mélisande. Opéra de Claude Debussy. Avec Huw Montague Rendall, Sabine Devieilh, Gordon Bintner, Sophie Koch, Jean Tietgen… Direction : Antonello Manacorda. Mise en scène : Wajdi Mouawad. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris.

Durée : 3h05
Opéra-Bastille, les 12, 15, 18, 20, 25, 27 mars à 19h30. Le 9 mars à 14h30

Farishta Jami, une terroriste offusquée

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Farishta Jami © D.R.


Après sa condamnation pour terrorisme, la police britannique a accepté de remplacer la photo d’identité judiciaire initiale de Farishta Jami par une image où elle porte le niqab…


Jusqu’où les autorités publiques doivent-elles aller afin de respecter les sensibilités culturelles et religieuses des citoyens ? Outre-Manche, le cas de Farishta Jami pose la question sur le mode absurde. Cette mère de 36 ans habite la ville de Stratford-upon-Avon, la ville natale du grand dramaturge anglais, site du prestigieux Royal Shakespeare Theatre.

Née en Afghanistan, Jami est venue s’établir en Angleterre avec son mari en 2008. Or, le 13 février, un tribunal l’a reconnue coupable de deux chefs d’accusation selon la loi contre le terrorisme. En 2022, elle avait commencé les préparatifs d’un voyage vers son pays natal afin de rejoindre la branche afghane de l’État islamique, Daech-Khorassan.

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Son objectif ? Devenir martyre. Elle avait économisé de quoi payer un aller simple pour elle et ses enfants. Elle avait partagé en ligne des contenus ultra-violents et participé à des forums islamistes. Elle s’était renseignée sur l’obtention et le maniement des armes, notamment le montage et le démontage d’une AK-47.

Parmi les 7 000 vidéos stockées sur son ordinateur, certaines mettaient en scène des enfants auteurs d’attentats-suicides, préfigurant peut-être le sort qu’elle réservait à sa propre progéniture. Suivant la procédure routinière, la police a publié d’elle une photographie d’identité judiciaire. Cette pratique est bien sûr courante, car elle permet à d’autres services de police et à d’autres victimes éventuelles de reconnaître un suspect.

Or, l’avocat de Jami a fait savoir aux autorités que cette publication avait plongé sa cliente dans un état de « détresse considérable ». Pour cette musulmane pieuse, rendre son visage visible en public était offensant. Le lendemain, la police de la région a publié une nouvelle photo qui la montre en niqab. Ou plutôt qui ne la montre pas du tout, elle. Pudeur religieuse ou ruse de terroriste ? Comme le dit Hamlet : « Dieu vous a donné un visage, et vous vous en faites un autre ».