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Faits divers contre faits de société

On dirait qu’il y a désormais des drames de droite et des drames de gauche, observe Elisabeth Lévy dans sa chronique.


Les assassinats récents au couteau dans un lycée de Nantes et dans une mosquée à La Grande-Combe (près d’Alès) ont entrainé interprétations hâtives et instrumentalisations de tous côtés. Les deux crimes sont spectaculaires – de par le lieu où ils sont commis qui frappe l’opinion (un lycée et une mosquée, deux endroits qui devraient être épargnés par le fracas du monde). Il est donc normal qu’on veuille comprendre. Mais, il y a eu très vite un emballement interprétatif.
Après Nantes (le drame de la lycéenne assassinée), Bruno Retailleau parle de l’ensauvagement de la société, et des commentateurs embrayent. Mais cela ne va pas beaucoup plus loin.
Après Alès, tout le monde pense évidemment à un crime antimusulman. La gauche part en fanfare sur la supposée « islamophobie » de la France en général et de Bruno Retailleau en particulier. Jusqu’à cette manifestation honteuse à Paris, dont le député Jérôme Guedj est expulsé.
Or, dans les deux cas, soyons très prudents et écoutons la Justice, cela semble des actes qui paraissent plutôt relever du parcours individuel. 
À Nantes, le texte du meurtrier semblait évoquer une haine du capitalisme et de la modernité. Mais, cela n’explique pas le passage à l’acte ; si vous avez des pulsions meurtrières, vous essayez toujours de les enrober en piochant dans ce que vous trouvez autour de vous. En tout cas, le crime ne semble pas imputable à la « crise de l’autorité ».
À Alès, d’après la procureure de Nîmes, il s’agit d’un crime « sans revendication idéologique. Les faits paraissent à ce stade construits autour de l’envie obsessionnelle de tuer une personne ». Donc, le tintouin sur l’islamophobie semble tout à fait à côté de la plaque.
Que conclure de ces faits divers ? On dirait qu’il y a des drames de droite et des drames de gauche. Ce qui est un fait divers pour les uns est un fait de société pour les autres. J’y vois le signe de la fragmentation ultime de la société : on ne pleure pas tous les mêmes victimes. Mais, je ne renverrai pas tout le monde dos à dos non plus : si tout le monde a pleuré Aboubakar Cissé, tout le monde n’avait pas pleuré Lola. Et dans l’affaire Cissé, même si ce n’est pas toujours vrai, le pompon du cynisme et de l’instrumentalisation revient bien à la gauche.
Nous avons du mal à admettre que certains crimes sont individuels. On veut toujours des explications sociales et politiques, comme si la capacité humaine à faire le mal ne nous suffisait pas (L’avocat de la famille Cissé veut ainsi à tout prix que ce soit un crime « terroriste »). Certes, il y a souvent des explications sociales et politiques. Quand un crime est commis par un migrant sous OQTF, par exemple, la responsabilité de l’État est factuelle. Refuser de le dire, ce n’est pas lutter contre l’instrumentalisation, c’est cacher la vérité.
Tout cela devrait inviter les politiques de tous bords à la décence et à la retenue. Et les commentateurs à la prudence. Quand on ne sait pas, il faut juste se taire.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Causons ! Le podcast de Causeur

Avec Renée Fregosi et Jeremy Stubbs


Renée Fregosi, philosophe et politologue de renom, vient de publier Le Sud global à la dérive : Entre décolonialisme et antisémitisme, aux éditions Intervalles. Elle nous aide à comprendre la notion de « Sud global », qui représente une alliance tacite fondée sur une certaine convergence entre les intérêts de pays aussi différents que l’Inde ou la Chine, ainsi que ceux du Moyen-Orient, de l’Afrique ou de l’Amérique du Sud. Elle explique que les éléments qui permettent de fédérer la majorité de ces acteurs sont une volonté de « déboulonner » l’Occident et une opposition à l’État d’Israël. L’hostilité anti-israélienne est le produit à la fois d’un antisémitisme profond, promu par l’islamisme, et d’une idéologie décolonialiste qui voit dans l’État juif le symbole ultime de la puissance occidentale.

Dans les pays occidentaux eux-mêmes, une « cinquième colonne » de militants islamo-wokistes s’est mise au service de ce « Sud global ». Il est urgent de combattre cet antisémitisme, non seulement pour venir en aide aux Juifs persécutés, mais aussi pour défendre les valeurs mêmes de l’Occident.

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Il y a le ciel, le soleil et la mer

Les photographies de Didier Ben Loulou nous offrent un autre visage de ces côtes méditerranéennes meurtries par les guerres. Son dernier recueil Seaside aux éditions la Table Ronde aborde des rivages ombrés et tempétueux. Les nuages se confondent avec la terre, s’agit-il alors d’une Atlantide disparue ou de la germination d’un monde nouveau ?


On attend la sortie des albums du photographe Didier Ben Loulou comme la promesse de voir enfin autre chose, d’approcher d’autres décors, de regarder ces terres fracturées par l’Histoire d’un œil non pas neuf mais sans aprioris. Sans réflexes. Sans mauvaises habitudes. Sans pitié mal placée. Sans exégèse. Seulement dans l’âpreté et la beauté radicale de leur effritement.

Leur régénérescence se niche dans leur effacement, c’est l’un des grands paradoxes de ces pays morcelés. Ben Loulou officie dans une région du monde où le fracas des images orchestré par la télévision notamment, leur répétition et leur violence, nous empêche de poser raisonnablement et sereinement nos yeux sur l’eau et la pierre en fusion. Plus qu’ailleurs, les éléments naturels prennent à cet endroit précis de la planète une configuration tantôt émouvante, tantôt inquiétante, comme si ce chaudron en perpétuelle ébullition nous disait quelque chose sur le sens de notre humanité. Est-ce la fin ou le début de l’Histoire ? Ben Loulou dépollue notre vision par un art poétique dans Seaside aux éditions la Table Ronde. Il parle même « d’expérience poétique ». « J’ai souvent longé cette frontière entre ciel et terre dans l’espoir d’aboutir à ce qu’il faut bien nommer une expérience poétique » écrit-il dans sa courte préface. Il nous rappelle que depuis longtemps, il « chemine aux abords de la Méditerranée » et qu’il arpente « la côte israélienne de la frontière de Gaza à celle du Liban ». Il n’y a rien de plus difficile que d’expliquer le travail d’un photographe au risque de le cataloguer dans un registre, de l’enfermer dans nos propres certitudes. Chez Ben Loulou, le voyeur n’est jamais instrumentalisé, saisi par la virulence d’une image artificielle, comprimé dans une pensée unique ; au contraire, sa photographie agit lentement mais profondément. Elle est ressac et onde. Cette maturation qui ne brusque pas, qui ne fige pas est la différence entre un véritable artiste et un « bon faiseur » de la photo. On ne se sépare jamais d’un recueil de Ben Loulou, on y puise au gré de nos humeurs ou des moments de notre vie, une sorte d’ancrage. Nous savons que dans notre bibliothèque, il y a quelque part, des photos qui sont à la fois un port d’attache et une méditation sur notre place dans l’existence. Un grand photographe nous ouvre d’autres portes sur une réalité méconnue, nous indique un autre chemin dans les méandres de la géopolitique. Ben Loulou pourrait s’appesantir sur la souffrance, sur les âmes brulées, sur tout ce qui sépare et rejette, il a choisi une autre voie, celle du creuset, à la manière d’un vulcanologue, il se jette dans le cratère de ces bords de mer.

A lire aussi, du même auteur: Qui se souvient de l’affaire Fualdès?

Que voit-on ? Une atmosphère en gestation, hésitant entre la noirceur des nuages qui enflent dans le ciel et l’eau qui vient taper sur les plages. Sommes-nous à Athènes ou à Carthage ? Aux prémices d’un changement ou à l’apogée d’un cycle d’or, quelque chose va se produire alors que tout semble faussement éteint. Le génie artistique de Ben Loulou est dans sa composition, dans sa peinture quasi-rupestre ; le ciel bleu nuit, instable, balayé par les vents répond à la pierre ferme, à la matière brute qu’elle soit un morceau d’habitation, un mur famélique ou une relique déconstruite. Un état sauvage, premier, qui aurait bizarrement eu une longue histoire, qui aurait connu d’autres civilisations, Ben Loulou capture cette frise chronologique arrachée aux racines des peuples. Il est un maître du dépouillement, preuve de sa grande technicité, il évoque charnellement les choses simples de la vie : des herbes folles, un fil électrique, une décharge, des traces de pneu dans le sable, des peaux collées, une chevelure, un fruit ouvert ou des barques renversées. Parfois, dans un nuancier ténébreux, une lumière éclate, elle irradie plutôt, c’est la rougeur d’une pastèque ou des tissus de chiffonniers posés à même le sol, on se croirait dans les bains de teinture marocains. Ben Loulou est le photographe du renouveau caché.

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La révolution Trump est en marche

Tous les médias viennent de commenter les cent premiers jours du nouveau mandat du président Trump. En France, la plupart dressent un bilan franchement négatif. Une autre perspective est-elle possible ? Une tribune de Philippe Karsenty, porte-parole du Comité Trump France


En évaluant les cent premiers jours de Donald Trump, les médias français insistent – avec beaucoup d’ironie – sur la côte de popularité de Donald Trump qui s’établit actuellement autour de 45%. Pourtant, ils oublient de rappeler que celle d’Emmanuel Macron se situe à 25% tandis que François Bayrou – qui a été nommé Premier ministre juste un mois avant la prise de fonction du président américain – peine à se maintenir au-dessus de 20%. Certes, la personnalité de Trump, ses outrances, ses attitudes et ses méthodes de négociations peuvent parfois décontenancer. Pourtant, l’essentiel n’est pas la forme mais le fond de sa politique et de sa stratégie. La révolution Trump est en marche et elle sera bénéfique pour les Etats-Unis et le monde libre ; et contrairement à ce que répètent en chœur la plupart des médias français, les seuls qui pourraient s’en inquiéter sont les dictatures et les régimes autoritaires, notamment la Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie et la Corée du Nord.

Les initiatives politiques du président Trump doivent être comprises comme une stratégie globale où tout est lié. Elles nécessitent des ajustements qui parfois créent des à-coups et où, parfois, l’objectif à long-terme n’apparait pas immédiatement. Certaines ne produiront d’effets positifs qu’avec le temps et la prise en compte de ses politiques par les différentes parties concernées. De plus, à la différence des politiciens professionnels et des idéologues, Donald Trump est pragmatique, il sait s’adapter aux incertitudes auxquelles il est confronté.

Lutte contre l’immigration clandestine

Lors de la présidence Biden, les Etats-Unis ont subi une vague d’immigration illégale inédite. En quelques jours, l’administration Trump est parvenue à sécuriser la frontière sud et à juguler le flot de clandestins. Parallèlement à cela, ses politiques dissuasives ont permis de réduire drastiquement l’arrivée de criminels et l’importation de drogues, notamment le fentanyl, drogue de synthèse qui a provoqué des centaines de milliers de morts aux Etats-Unis ces dernières années. De plus, un processus d’expulsion massive de clandestins a été engagé. Néanmoins, fidèle à leur travail constant de diabolisation de Donald Trump, certains médias français utilisent des terminologies mensongères pour l’accabler ; l’exemple le plus frappant étant la fausse traduction du terme anglais « deportation » en « déportation » afin de jouer sur sa connotation liée à la déportation des juifs lors de Seconde Guerre mondiale alors qu’il ne pratique que des « expulsions » d’illégaux… ce que la France peine à réaliser avec ses fameux OQTF.

Politique étrangère au service des Etats-Unis et du monde libre

L’ordre international établi en 1945 a montré son inefficacité face aux crises majeures. Ainsi, les bombardements et les invasions de pays par les Etats-Unis eux-mêmes – notamment la Serbie pilonnée par Bill Clinton en 1995 et l’Irak envahi par George W Bush en 2003 – ainsi que le génocide rwandais en 1994, les 500 000 morts en Syrie ces quinze dernières années ou l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 – après la prise de contrôle de la Crimée en 2014 – ont bien montré que l’ordre international s’est transformé en anarchie.

Face à cela, Donald Trump a choisi d’affronter les crises, de tenter de mettre un terme aux guerres en cours et de restaurer la capacité de dissuasion des Etats-Unis.

Il a mis en place une diplomatie au service des Etats-Unis et du monde libre, permettant notamment d’obtenir, depuis son arrivée au pouvoir, la libération de 47 otages ou prisonniers américains à travers le monde. Contrairement à une légende qui a cours en France, Donald Trump n’est pas intéressé par le prix Nobel de la paix qu’on le soupçonne de courtiser. En revanche, il tient compte des sphères d’influence dans les négociations qu’il engage avec les différents acteurs internationaux. C’est dans cet esprit qu’il a fait en sorte que l’entreprise chinoise qui gérait le canal de Panama soit écartée mais aussi qu’il a exprimé son souhait de se rapprocher – parfois avec trop d’empressement dois-je l’avouer – du Groenland et du Canada qui font tous deux partie de la sphère d’influence américaine et où la Chine – adversaire stratégique américain – cherche à prendre pied.
C’est aussi dans cet esprit que, loin de laisser tomber l’Europe, il l’encourage à conquérir son autonomie de défense car rien ne garantit que les futures administrations américaines seront bien disposées à l’égard de l’Europe.

À lire aussi, Elisabeth Lévy : Trump: Habemus Papam

Proche-Orient

En Israël, c’est grâce au volontarisme du nouveau président américain qu’un cessez-le-feu a été obtenu entre le Hamas et Israël en janvier 2025 et que des otages israéliens ont été libérés. C’est aussi sous son impulsion que les Houthis au Yémen – armés et financés par l’Iran – ont été considérablement affaiblis même si l’attaque au missile qui a frappé Israël ce dimanche 4 mai promet des répliques massives et décisives. Ainsi, alors que Donald Trump semble laisser une chance à la négociation avec l’Iran pour obtenir son désarmement nucléaire, il est fort probable que les récents événements précipitent la perspective d’une attaque coordonnée contre l’Iran ou une déstabilisation du régime pouvant conduire à la chute prochaine des mollahs ; pour le plus grand bien du peuple iranien et du Proche-Orient.

La nouvelle administration américaine observe avec pragmatisme les situations et cherche à trouver des solutions innovantes. Ainsi, alors que la France d’Emmanuel Macron est engluée dans des dogmes éculés – notamment le concept de « deux Etats pour deux peuples » – Donald Trump, voyant que cette solution ne fonctionne pas, s’est donc engagé dans un soutien franc et massif – militaire et diplomatique – à l’Etat d’Israël pour lui permettre d’éradiquer l’islamisme qui a tenté de détruire Israël le 7 octobre 2023 – et plus généralement le monde occidental depuis plus de 40 ans. Ici, il est important de rappeler la jeunesse de la nouvelle administration Trump qui, à quelques exceptions près, a vécu le 11 septembre comme le premier fait historique de leur vie d’adulte ; leur permettant de saisir l’ampleur des risques que cette idéologie mortifère faisait peser sur leurs vies et leur mode de vie.

Ukraine

En Ukraine, loin des propagandistes et des généraux de plateaux qui s’affichent sur certaines télévisions françaises en appelant à prolonger la guerre au risque d’enclencher la Troisième Guerre mondiale, Donald Trump s’est donné pour objectif de mettre un terme aux combats qui ont déjà fait près d’un million de victimes (morts et blessés) russes et ukrainiennes.

Donald Trump semble perdre patience face à Vladimir Poutine et pourrait donc établir un rapport de force avec la Russie pour la contraindre à un arrêt des combats. Rien n’est certain mais Vladimir Poutine semble désormais identifié comme l’obstacle à la cessation des hostilités. A l’exception de certains jusqu’au-boutistes, tout le monde a bien compris que la Crimée, pas plus que les territoires conquis par la Russie depuis 2022, ne retourneraient dans le giron ukrainien dans un futur proche. C’est dans cet esprit que les négociations s’engagent afin de mettre un terme à la guerre et de garantir la sécurité future de Kiev, particulièrement en unissant les intérêts économiques et miniers des Etats-Unis et de l’Ukraine.

It’s the economy, stupid !

Un des principaux objectifs économiques de Donald Trump est de réduire les impôts des entreprises et des ménages, notamment de supprimer totalement l’impôt sur le revenu de ceux qui gagnent moins de 200 000 dollars par an. Pour y parvenir, il entend réduire les dépenses excessives de l’Etat mais aussi faire rentrer de l’argent dans les caisses du Trésor sans ponctionner le contribuable américain.

Pour cela, il a entamé un bras de fer commercial afin de rééquilibrer les droits de douane appliqués réciproquement entre les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux. Parmi ses objectifs tant financiers que politiques, on peut citer la réindustrialisation de certains secteurs clés en amenant de nombreuses grandes entreprises – américaines et étrangères – à s’engager à investir plusieurs milliers de milliards de dollars, ainsi que la lutte contre le dumping social et environnemental de la Chine.

Le président Donald Trump présente de nouveaux tarifs douaniers lors du « Jour de la Libération » dans la roseraie de la Maison-Blanche, le 2 avril 2025, à Washington © Samuel Corum/Sipa USA/SIPA

La hausse des droits de douane a provoqué un choc sur les marchés financiers. Un mois plus tard, les bourses mondiales ont repris le chemin de la hausse et les cours sont aujourd’hui supérieurs à ce qu’ils étaient le 2 avril 2025, à l’annonce de ces fameux droits de douane. De plus, cette stratégie commerciale avait plusieurs objectifs, notamment celui d’affaiblir les deux principales menaces géostratégiques du monde libre, l’Iran et la Russie, dont les ressources sont essentiellement indexées sur les cours des hydrocarbures qui ont fortement baissé (– 30%) depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche. Par ricochet, cela a immédiatement fait baisser le coût de l’essence à la pompe qui est un poste de dépenses important des ménages.

Afin de réduire la dépense publique, d’éradiquer les gaspillages et de faire la chasse aux subventions inutiles, le DOGE (le Département de l’Efficacité Gouvernementale) a été lancé sous la direction d’Elon Musk. Des médias ont ironisé sur le fait que « seulement » 160 milliards de dollars ont été économisés en trois mois. Face à cela, François Bayrou est toujours à la recherche de 40 milliards d’économies pour boucler son budget.

Enfin, lors du 1er trimestre 2025, le PIB américain s’est contracté de 0,3%. La plupart des médias ont attribué ce mauvais chiffre à Donald Trump et à ses droits de douane. C’est oublier qu’il n’est devenu président des Etats-Unis qu’au 20 janvier 2025 et que sa bataille commerciale n’a été lancée que le 2 avril, soit juste deux jours après la fin du premier trimestre 2025 ; la paternité de ce ralentissement économique étant donc bien à attribuer aux politiques de l’administration Biden.

À lire aussi, Anne Lejoly : Trump II: l’Amérique, miroir fêlé de l’Occident?

La lutte contre le wokisme, une révolution culturelle 

Peu après sa prise de fonction, Donald Trump a prononcé une phrase révolutionnaire : il n’y a que deux sexes, l’homme et la femme. Il a poursuivi sa campagne en mettant un terme aux programmes de DEI (« Diversité, Egalité et Inclusion »). Beaucoup l’ont immédiatement critiqué, l’accusant de racisme alors que c’est exactement l’inverse : Donald Trump refuse que les gens soient favorisés – ou pénalisés – en raison de leur couleur de peau, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle.

Il souhaite que ce refus de toute discrimination soit appliqué dans les universités ; ce qui l’a conduit à engager un bras de fer avec les établissements les plus prestigieux qui, en plus de discriminer, sont devenus les théâtres de grandes manifestations pro terroristes (Hamas, Hezbollah et Houthis).

En somme, le bilan des 100 premiers jours de Donald Trump est effectivement positif, notamment grâce au feu d’artifice de décrets présidentiels qu’il a signés. Il est amusant d’observer que ceux qui ont conduit la France à la quasi-faillite et à l’impuissance ces quarante dernières années osent le critiquer. Leurs actions ont conduit la France à perdre le leadership européen pour le céder à Giorgia Meloni, la présidente du Conseil des ministres italien qui est devenue le véritable « homme fort » de l’Europe.

Le travail qui reste à accomplir à Donald Trump est considérable mais il a encore 3 ans et demi pour restaurer le prestige et le pouvoir de dissuasion des Etats-Unis, pour le plus grand bien de son pays et du monde libre. Ne comptez pas sur la plupart des médias français pour vous informer de ses succès car, à la différence des Etats-Unis où les médias autrefois dominants ont cédé la place aux médias alternatifs – podcasts, entretiens radiophoniques et réseaux sociaux – les propagandistes « progressistes » sont toujours solidement aux commandes en France.

Soyons patients et donnons-lui rendez-vous en novembre 2026, au moment des élections de mi-mandat. C’est alors que le peuple américain qui lui a donné un mandat clair le 5 novembre 2024 pour réformer le pays pourra s’exprimer, approuver ou rejeter les politiques mises en place.

Le Roi, les ors, et l’oubli

Au Mobilier national, une exposition évoque de façon spectaculaire les fastes du sacre de Charles X, le dernier des souverains français à avoir été couronné selon des rites issus des premiers âges de la monarchie


Dans un pays, la France, où des étudiants de vingt ans ou plus ne savent plus qui était Napoléon 1er, où, plus fort encore, ils n’ont jamais entendu son nom et où, dit-on, le tout venant pense que la monarchie s’est éteinte avec la Révolution… comment ne pas s’extasier devant des érudits assez passionnés pour ressusciter l’ultime sacre des rois et des empereurs français, lequel eut lieu à Reims, il y a deux cents ans, le 29 mai 1825 ?

Frivole, aimable et dépensier au temps de sa jeunesse, vibrionnant, comploteur, mais bien peu courageux aux temps de la Révolution et de l’Armée des Princes, devenu bigot et parfaitement sourd aux exigences de la majorité des Français lors de la Restauration, Charles Philippe de France, comte d’Artois, petit-fils de Louis XV, frère de Louis XVI et de Louis XVIII, monta sur le trône des lys en septembre 1824 sous le nom de Charles X. Il devint le dernier des rois de France, alors qu’il n’avait guère plus de capacités intellectuelles qu’un danseur mondain.

Imbu de sa naissance

Charles X est l’archétype de l’imbécile élégant, urbain, chevaleresque et portant beau, un genre aujourd’hui encore si florissant chez les Français et qu’il a incarné jusqu’à la perfection. Affable certes, plutôt bienveillant, mais imbu de sa naissance comme personne et pensant qu’être un Bourbon dispensait de toute autre qualité, il fut l’emblème rêvé pour cette fraction de l’aristocratie d’Ancien Régime qui n’avait pu, ni su évoluer en dépit des tragédies et des cataclysmes. « Sur les choses comme sur les personnes, ce sont des religions qu’il a au lieu d’opinions » soulignera l’un de ses contemporains.

S’il « n’avait rien appris, ni rien oublié », selon le mot qu’on prête à l’ex-prince de Bénévent, à cette canaille de Talleyrand qui exercera au sacre de Charles X la même fonction de Grand Chambellan qu’il remplissait au sacre de Napoléon 1er, on peut tout de même imaginer à sa décharge que le roi croyait sincèrement, dans sa vision paternaliste et simpliste de la monarchie, réconcilier par cette cérémonie deux France qui s’opposaient en toutes choses : « Pour renouer la chaîne des temps que de funestes écarts avaient interrompue ».

Ce n’est donc pas Charles X qu’honore Le Dernier Sacre, cette magnifique exposition du Mobilier national, anciennement Garde Meuble de la Couronne, mais bien un événement qui eut par sa magnificence et sa signification politique un retentissement exceptionnel dans le monde civilisé et qui, survenant après la Révolution et l’Empire, renvoyait la France à des siècles en arrière comme si rien ne s’était passé.

Le sacre de Charles X, François Gérard, 1827.

Mille talents

L’exposition est aussi une célébration des mille talents qui participèrent à l’événement : architectes comme Hittorff, décorateurs comme Ciceri, peintres comme Vernet, Isabey ou Gérard, compositeurs comme Cherubini et Lesueur pour les musiques de la cérémonie, ou comme Rossini qui reçut commande d’un opéra bouffe donné aux Italiens au retour de la Cour à Paris, écrivains comme Châteaubriand, le plus lucide, Lamartine, Nodier et Hugo, lequel se gardera bien, plus tard, de rappeler qu’il avait été royaliste…

Elle est encore un tribut versé aux brodeurs, passementiers, dentelières, couturières, tailleurs, plumassiers, tisserands, tapissiers, sculpteurs, ébénistes, menuisiers, charpentiers, tailleurs de pierre, carrossiers, selliers, orfèvres, doreurs, joailliers… à toute une aristocratie d’artisans et d’ouvriers qui d’une certaine façon valaient mieux que certains ducs et pairs et dont on découvre ici le savoir-faire inouï, l’excellence, la conscience, toutes choses qui ont tragiquement disparu aujourd’hui avec l’industrialisation alors balbutiante, et qui ressurgissent des abîmes de l’oubli grâce à une exposition qui paraît à juste titre miraculeuse.

Des trésors oubliés

Miraculeuse certes, car ce sont de savoureuses circonstances qui sont à l’origine d’une manifestation surgissant deux cents ans exactement après l’événement qu’elle célèbre : on redécouvrait, il y a deux ans, au plus profond des réserves pharaoniques du Mobilier national, des quantités phénoménales d’étoffes et d’ornements qui avaient servi à la pompe funèbre de Louis XVIII à Saint- Denis comme au sacre de Charles X à Reims. Des trésors oubliés, enfouis depuis deux siècles et parfaitement conservés dans leurs caisses, même s’il leur arriva parfois d’être réutilisés sous les règnes suivants, ceux de Louis Philippe 1eret de Napoléon III, mais dûment modifiés, défleurdelysés, afin de pouvoir orner les grandes cérémonies des autres dynasties. 

A lire aussi: Qui se souvient de l’affaire Fualdès?

Des trésors, il y en avait beaucoup d’autres, stupidement dispersés sur tout le territoire du fait de décisions administratives souvent aussi arbitraires que stupides. Leur recherche minutieuse, pour ne pas dire héroïque, leur rassemblement, leur restauration, ont constitué une gageure pour les commissaires de l’exposition, Hélène Cavalié et Renaud Serrette, et pour leurs collaborateurs. Ces recherches ont permis des redécouvertes fabuleuses et donnent à voir quelque chose relevant de l’univers du rêve : le décor somptueux du sacre d’un souverain qui avait besoin de quelques savants magiciens pour réapparaître au grand jour. Et comme il faut obligatoirement, pour que débute un nouveau règne, que le précédent se soit achevé par la mort de son titulaire, Le Dernier Sacre s’ouvre théâtralement sur la pompe funèbre de Louis XVIII à Saint-Denis. Avec encens et musique !

Moins glorieusement pour les Bourbons de la branche ainée, elle se ferme sur la prestation de serment devant les Chambres de Louis-Philippe 1er, un Bourbon-Orléans devenu roi des Français.

Un travail gigantesque

En leur temps, les fêtes du couronnement de Charles X relevèrent, pour quelques mois, d’une organisation hallucinante. La restauration d’une cathédrale et d’un palais archiépiscopal ravagés par le temps et par les barbaries de la Révolution ; la reconstitution des ornements royaux détruits par haine de l’absolutisme et de la religion ; les nécessités de l’intendance ; le voyage et le logement du roi, des princes et d’une multitude de dignitaires, de courtisans, de militaires, d’artistes, d’artisans, de serviteurs ; la compilation de documents anciens alors que le dernier sacre royal remontait à Louis XVI : tout cela suscita un travail gigantesque. Enfin, après les milliers d’ouvriers destinés à ces travaux, d’autres milliers de personnes, tout Paris, mais aussi les provinces du royaume, se déverseront dans la petite ville de Reims le temps de trois journées.

Quel carrosse pour le dauphin ?

Pour célébrer le sacre de Charles X, on se réfère donc en priorité à celui de Louis XVI, en évitant soigneusement toute analogie fâcheuse pouvant faire songer au sacre de l’Autre, de l’Usurpateur, quelque vingt ans plus tôt, à Notre Dame de Paris.

Au sein de cette entreprise titanesque qu’est la préparation du sacre, dans un monde où l’on préférerait perdre la vie plutôt que de manquer aux règles sacrées de l’Etiquette, mille interrogations, mille doutes vont torturer les membres de la Maison du Roi, les princes, les ducs, les cardinaux, les archevêques. Comment par exemple doit être configuré le carrosse du nouveau dauphin jusque là duc d’Angoulême ? Le problème est de taille. Il devient même insurmontable, car on ne retrouve nulle trace d’un tel véhicule dans les documents anciens. Et pour cause : pour relever la présence d’un dauphin au sacre du roi son père, il faudra remonter à celui de Jean II… en 1350. Ce dauphin est le futur Charles V. Et en ce temps là, les carrosses n’existaient pas.

Pour loger les princes avec magnificence, mais sans trop se ruiner, on empruntera, selon l’usage, bien des pièces du mobilier à diverses résidences de la Couronne, le Trianon, le château de Fontainebleau, le palais de l’Elysée-Bourbon et même celui des Tuileries. On alla jusqu’à placer dans l’appartement du roi de France une pendule dorée ayant servi à l’appartement du roi de Rome. Ainsi que l’écritoire de vermeil ayant servi lors de l’abdication de l’empereur onze ans auparavant.

Mais il fallut en revanche créer 36 lustres monumentaux en bronze doré et en cristal pour éclairer la cathédrale (il en subsiste 30 aujourd’hui), sans compter 36 luminaires fixés aux parois et 12 girandoles tout aussi somptueuses. 26 autres lustres, magnifique eux aussi, seront conçus pour la salle du festin royal. On commanda 3600 mètres de velours à fleurs de lys et 900 de taffetas pour tapisser la cathédrale et les résidences des princes, tout en puisant dans les réserves d’étoffes datant de l’Empire. La manufacture de Sèvres, à qui on demanda 52 vases décoratifs en porcelaine, avait dû produire en outre près de 5500 pièces supplémentaires pour renforcer les services de table royaux. Il fallut de même faire fabriquer 6120 verres neufs afin d’accroître le nombre de ceux nécessaires pour le service de milliers de convives régalés aux frais de la Couronne. 

Les ravages de la Révolution

Parmi les assistants essentiels au bon déroulement des cérémonies, outre un quarteron de princes étrangers invités, il ne subsistait plus guère que trois princes du sang : le duc d’Angoulême devenu dauphin de Viennois, le duc d’Orléans et le duc de Bourbon. Chez les princesses, reléguées au rôle de figurantes comme toutes les femmes présentes, on ne comptait plus que la dauphine Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI, Marie-Caroline des Deux-Siciles, duchesse de Berry et sa tante Marie-Amélie des Deux-Siciles, duchesse d’Orléans, ainsi que Marie-Adélaïde d’Orléans, sa belle-sœur, dite alors Mademoiselle d’Orléans. Les ravages de la Révolution étaient passés par là qui avaient fait une dizaine de victimes dans la famille. Quant à la nouvelle génération, le duc de Bordeaux et Mademoiselle, petits-enfants du roi, ainsi que la jolie ribambelle des princes d’Orléans, ils n’étaient pas présents, par mesure d’économie, car il aurait fallu adjoindre pour le moins cinquante à cent personnes à leur suite.

Des décors multicolores

Sur les plans de l’architecte Hittorff (qui aménagera plus tard l’actuelle place de la Concorde, les Champs-Elysées ou la place de l’Arc de Triomphe, puis édifiera la gare du Nord), ce sont les décorateurs les plus célèbres de l’Opéra comme Ciceri qui vont métamorphoser l’immense cathédrale de Reims qu’Hittorff a voulu multicolore à l’image des temples de l’Antiquité et du Moyen Age.

« L’intérieur, tel qu’on l’a fait, est beaucoup moins beau qu’il n’était dans sa nudité séculaire, commentera Victor Hugo. Les ornements sont gothiques comme la cathédrale, excepté le trône qui est d’ordre corinthien (chose absurde), et d’assez bon goût… Telle qu’elle est, cette décoration annonce encore le progrès des idées romantiques, ajoute le futur auteurd’Hernani et de Notre Dame de Paris. Il y a six mois, on eût fait un temple grec de la vieille église des Francs ».

Aux organisateurs de l’exposition, il aura fallu explorer toute la France (cathédrales, musées, palais, ministères…) pour retrouver vêtements, joyaux, ornements sacrés, mobilier, étoffes, objets précieux, malheureusement dispersés dans de multiples collections publiques ou privées et demeurés parfois entre les mains des membres actuels de la famille royale. Et constater amèrement que bien des choses parmi les plus somptueuses avaient disparu, à l’image de l’épée aux 1576 diamants de Charles X volée en 1976, ou la plupart des lustres du palais du Tau.

Avaient été distribuées aux quatre vents les ornements du jubé en velours violet fleurdelysé d’or où était disposé l’un des trônes, tout comme les éléments de la tenue d’apparat du nouveau dauphin, dalmatique, ceinture et escarpins de drap d’or, idiotement partagés en diverses institutions qui seraient bien inspirées aujourd’hui de les réunir définitivement à Reims.

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La splendeur de pièces exposées au Mobilier national et dont la valeur est décuplée quand elles reprennent place dans leur contexte original, devrait impérativement inciter les pouvoirs publics à les faire figurer définitivement dans une exposition permanente au palais du Tau, à Reims.

Les compositions éblouissantes de Philippe Le Pareux, réalisant sur logiciel une stupéfiante reconstitution des décors et du mobilier du sacre d’après les documents anciens, les objets subsistants et une intense collaboration avec les conservateurs, ne peuvent qu’inciter à une telle démarche de pérennisation. Ses travaux restituent de façon fascinante les merveilles d’alors, le luxe inouï des cérémonies et rendent ridicules les évocations misérables des sacres de Reims telles qu’elles languissent au palais du Tau.

A cela s’ajoute un formidable catalogue édité par le Mobilier national et les Editions Monelle Hayot. Formidable assurément par son poids, mais surtout par la qualité des multiples textes publiés et par une iconographie somptueuse. Une publication pensée pour les siècles à venir. Et qui permet de se plonger corps et âme dans les fastes et les rites d’un monde plus habile à briller qu’à perdurer.


Le Dernier Sacre.

Exposition présentée jusqu’au 20 juillet, du mardi au dimanche de 11h à 18h. Entrée : 7 ou 8 euros.
Mobilier national, 42, avenue des Gobelins, Paris XIIIe.
01 44 08 53 49

L’hubris démesurée des climatologues et autres faiseurs d’almanachs

Que se passe-t-il ? Une sainte fureur anime notre chroniqueur, qui n’a pas de mots assez durs pour fustiger les écolos — tous gens de raison, pas idéologues pour un sou, toujours mesurés dans leurs propos et pas du tout influencés par une quelconque pensée woke…


Je fais parfois dans l’humour bon enfant : il y a trois semaines, je me suis amusé, sur Facebook, à me moquer gentiment des prédictions catastrophistes des gourous du réchauffement climatique, pendant que tombaient sur les Alpes (et en plaine) des quantités de neige jamais vues en avril. Aubaine pour les hôteliers des stations de ski, qui purent proposer de belles descentes aux vacanciers de Pâques.

Contre la religion du climat

Ça ne cassait pas trois pattes à un canard, mais j’ai été immédiatement agressé par les plus croyants des prêcheurs d’apocalypse climatique, me reprochant de confondre météorologie et climatologie : s’il neige, s’il fait froid, s’il grêle assez pour tuer des milliers d’animaux domestiques, c’est quand même à cause du dérèglement climatique.

Et la semaine dernière il a fait soudainement chaud — preuve, à les entendre, que j’avais tort. Voici que ça se rafraîchit sérieusement, que des grêlons gros comme des œufs de poule tombent un peu partout — preuve, selon eux, qu’ils ont raison. Que leur importe que ce soit arrivé en 1788, en pleine période glaciaire…

Un récit millénaire

C’est que les croyants ont toujours raison. En fait de scientificité, les climatologues catastrophistes sont surtout des illuminés de la foi écologiste.

Les températures montent — et alors ? À terme, certaines côtes seront submergées, des régions entières désertifiées — so what ?

La Terre alterne périodes chaudes et ères froides depuis des millions d’années. Rien que sur les derniers millénaires, les refroidissements correspondent aux périodes les plus noires de l’humanité : après le pic de l’ère minoenne, qui s’achève en une série de catastrophes aux alentours de 1120 av. JC., arrivent les « dark ages » grecs. Après le réchauffement correspondant à l’apogée de la République romaine, la Terre se refroidit : c’est alors que déferlent les Barbares, qui trouvaient sans doute qu’il faisait un peu frais dans leurs solitudes d’outre-Danube. Tout au bout de cette période noire, la Peste des Antonins puis les Dark Ages anglais. Si les Xe-XIIIe siècles sont bien tempérés, le « petit âge glaciaire » qui commence au XIVe siècle (et qui coïncide avec l’arrivée de la Peste noire) engloutit l’Europe sous les glaces jusqu’au milieu du XIXe siècle. J’ai expliqué cela dans Soleil noir, le roman que j’ai publié en juin dernier et qui va sortir en édition de poche, en même temps que la suite, Les Nuits de Topkapi

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Et depuis, ça remonte. Pour le moment, nous n’en sommes pas encore à l’apogée qui fut le nôtre sous le règne de Minos et de Pasiphaé…

Comment connaissons-nous le détail de ces divers cataclysmes ? En étudiant les calottes glaciaires du Groenland : la mémoire du climat se préserve bien dans la glace. Mais en attendant, retenez bien ce détail : c’est quand il faisait chaud que nous allions mieux.

Alors, ça se réchauffe, et nous n’y pouvons rien.

Que l’Anthropocène en ait rajouté une couche, qui le nierait ? La Révolution industrielle qui a enfanté la civilisation européenne d’aujourd’hui n’y est pas allée de main morte. Mais dans tous les cas, la mise en place d’éoliennes propres à tuer les espèces protégées ou le partage des voies piétonnes avec des trottinettes électriques made in China (quels les écolos-bobos osent publier le bilan-carbone de ces petites merveilles destinées à renverser les personnes âgées ?) ne changeront rien au mouvement global. Pour le moment, nous sommes en dessous du maximum mycénien, de la Rome d’Auguste ou du climat très tempéré de la Renaissance du XIIIe siècle d’où émergèrent les cathédrales.

Eric Piolle, Marine Tondelier, Marie Toussaint, Sandrine Rousseau et Yannick Jadot. Meeting de lancement de la campagne Europe Ecologie les Verts EELV pour les elections europeennes nomme Pulsations par Marie Toussaint, tete de liste des Ecologistes pour 2024, Paris, 2 décembre 2023 © ISA HARSIN/SIPA

Le dogme contre les paysans

Ce n’est pas en végétalisant les cours de récréation (pour empêcher les garçons de jouer à des jeux virilistes) ou en stigmatisant les paysans qui roulent au gazole dans des voitures hors d’âge (ça m’étonne qu’ils se contentent pour le moment d’inverser les panneaux de signalisation, ils pourraient bien prochainement brûler les arrogants SUV des Parisiens venus visiter les campagnes pour s’en acheter des bouts) que nous viendrons à bout d’un mouvement global, prévu par les Cycles de Milankovitch, et que nous inverserons un mécanisme hors de notre portée. El Niño s’emballe ? Peu me chaut — si je puis dire… Le discours péremptoire des prédicateurs de cataclysmes est un symptôme évident d’hubris, cette volonté de dépasser sa condition humaine et de dominer les éléments. Phaéton ou Icare, dans la mythologie grecque, en ont fait les frais.

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J’ai un grand respect pour les météorologues, qui grâce aux images satellites ont fait, ces cinquante dernières années, des progrès décisifs dans la prédiction du temps à brève échéance. Mais les climatologues et autres prédicateurs de catastrophes sont autant de Professeurs Philippulus — rappelez-vous le prophète qui annonçait la fin du monde au milieu de la fournaise climatique au début de L’Étoile mystérieuse (1941). Ils agitent leurs oripeaux devant les médias, comme les moines millénaristes annonçaient la fin du monde aux alentours de l’an 1000. Il fait froid, il fait chaud — et alors ? Cela ne préoccupe que les bobos qui se sont offerts des bouts du Lubéron et s’inquiètent de ne pas pouvoir remplir leurs piscines. Le réchauffement climatique est un rideau de fumée destiné à occulter les vrais problèmes, inventé par des nantis qui n’en ont aucun. Non seulement ils offensent les dieux, mais ils méprisent les petites gens.

Il y a plus urgent que de se déplacer en voiture électrique : se débarrasser des écolos imprécateurs en les inscrivant à des programmes de rééducation — dans les rizières de Camargue, par exemple.

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Fumée blanche et idées noires

La révolution conservatrice américaine, qui ébranle 50 ans d’hégémonie progressiste en Europe, va-t-elle pénétrer l’hermétique conclave ?


Le conclave s’ouvre ce mercredi au Vatican en rassemblant, au cœur de la Chapelle Sixtine, 133 cardinaux dont une majorité désignée préalablement par le pape François, louangé par l’extrême gauche française à son décès, le 21 avril.

Un héritage vulnérable

L’addition des nominations papales laisse présager, a priori, d’une continuité dans l’affichage d’une Église réformiste et ouverte à l’air du temps, plus proche d’une ONG transfrontièriste et immigrationniste que de l’institution bimillénaire surplombant l’Occident qu’elle a conçu.

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Mais le risque d’une perpétuation dans la posture moderniste, qui a conduit François à irriter nombre d’Européens sensibles à la vulnérabilité de l’héritage chrétien, serait d’affaiblir encore davantage le christianisme en Europe, dont Alain de Benoist disait qu’il avait été tué par la modernité qu’il a engendrée, dans un « parfait parricide ». Il est certes improbable que le conservatisme symbolisé par le cardinal africain Robert Sarah puisse s’imposer in fine dans cette assemblée de dignitaires dument choisis. Mais pourquoi ne pas espérer, de la part des cardinaux, une lucidité sur la fragilité de leur Église ? Dans l’opposition qui se généralise entre progressistes et conservateurs, les progressistes partout cèdent du terrain sous l’effet du réveil des peuples et des nations maltraités. Il serait anachronique qu’une fumée blanche vienne saluer un pape héritier en tout de François et de ses naïvetés sur la paisible cohabitation avec la civilisation islamique. D’autant que le timide renouveau du catholicisme, en France, répond à ses traditions immuables et à la force de son message intemporel.

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Reste que, dans ce choc politique entre déracinés et enracinés, les « élites » ont choisi irrémédiablement le camp d’un universalisme militant, qui accélère la dilution de l’Occident angélique.

Curieux relativisme

Emmanuel Macron, soupçonné par la presse italienne d’avoir voulu peser sur l’élection papale en rencontrant certains cardinaux, s’accroche pour sa part à sa résistance contre un « populisme » – ce mot qui dévalue la crainte existentielle des oubliés – qui lui fait commettre de plus en plus d’erreurs de jugement. Ce mercredi, le chef de l’Etat va recevoir à l’Elysée l’ancien terroriste islamiste Ahmed al-Charaa, nouvel homme fort de la Syrie, dont l’organisation (HTS) a été mêlée à l’assassinat du professeur Samuel Paty, égorgé au nom d’Allah. Cet ennemi déclaré de l’Occident n’a pas à être traité comme un chef d’Etat, qu’il n’est pas d’ailleurs. D’autant que Macron avait refusé en revanche de se joindre, le 12 novembre 2023, à la « grande marche civique » contre l’antisémitisme, exacerbé depuis le pogrom du 7-Octobre perpétré par le terrorisme islamiste conte Israël. Dans sa quête de visibilité à tout prix, au risque de la provocation irréfléchie, le président a perdu de vue l’élémentaire distinction entre les ennemis et les amis de l’Occident, au profit d’un relativisme qui fut aussi celui de François. Ce piège est mortel pour la France et l’Europe.

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Pourquoi les Américains sont si gros

Au Kentucky, même le petit-déjeuner s’accompagne d’un menu de desserts…


Vous avez faim, une petite envie, ou alors vous êtes carrément famélique ? Rejoignez-moi au Josie’s Diner à Lexington, Kentucky1, au cœur du pays du Bluegrass, où les chevaux sont sveltes et, soyons francs, beaucoup de gens ne le sont pas. À 8 heures du matin, le Josie’s est bondé, les clients bien en chair affluent pour le repas matinal. Une étudiante mince, heureusement, de l’Université du Kentucky, est ma serveuse.

« G’day, y’all! I Madeline Rose et je serai votre serveuse aujourd’hui », annonce-t-elle avec l’intonation sérieuse des serveurs dans un pays où le terminal de carte bancaire propose une option de pourboire à 25 %. Le menu qu’elle me tend est déjà copieux, mais ce n’est pas tout. Elle énumère les spécialités du jour hors menu pour le petit-déjeuner, au cas où quelqu’un ne serait pas satisfait par le Santa Cruz Burrito signature de Josie’s, composé d’œufs brouillés frais, de saucisse chorizo, de poulet grillé, d’avocat, de fromage cheddar-jack et d’un « filet de sauce Santa Cruz savoureuse » (18,50 $).

« Alors, aujourd’hui, notre quiche contient du jambon, de la tomate et de la mozzarella », annonce-t-elle, terminant ses phrases sur une note ascendante, typique des jeunes blondes américaines. « Notre spécial pancake est le panwhich Oreo [un sandwich de pancakes, apparemment], donc il y a deux pancakes aux biscuits Oreo avec, au milieu, de la crème sucrée, et bien sûr, de la crème fouettée et du sucre glace par-dessus. » Un homme plus audacieux que moi l’aurait arrêtée sur-le-champ. Qu’on m’apporte ce panwhich Oreo ! Mais Mme Miller arborait un air désapprobateur. L’exégèse de Madeline Rose se poursuit :

« Notre smoothie du jour est une limonade à la cerise. La quesadilla est au porc carnitas, avec des poivrons et une sauce ranch à l’avocat. Notre soupe [car qui refuserait une soupe au petit-déjeuner ?] est une soupe au poulet buffalo [pas un croisement entre un bison et un poulet, mais du poulet épicé], et notre spécial petit-déjeuner principal est un croissant avec du jambon, du cheddar et de la mozzarella. C’est une croissantlette [sic] – un genre d’omelette ouverte avec un croissant au milieu, et vous avez un autre croissant à côté aussi. »

Une explication de la corpulence américaine commence à émerger, mais attendez, ce n’est pas fini. « Et pour le dessert, nous avons un pudding de pain ; c’est au chocolat blanc et aux noix de pécan. »

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Moi, l’interrompant : « On peut prendre un dessert au petit-déjeuner ? »

Madeline : « Bien sûr que oui ! »

Mme Miller m’autorise un œuf et une saucisse. Nous sommes dans la Bible Belt. « Ne cessez pas de prier », proclame une pancarte sur le mur de Josie’s. Un conseil judicieux vu les dangers cardiovasculaires proposés dans cet établissement, où un full English breakfast passerait pour un simple amuse-bouche.

Un dessert au petit-déjeuner ! Une anecdote dont je compte me délecter pendant des années. J’ai ma première occasion l’après-midi même au Kentucky Horse Park, où je soutiens loyalement Happy Boy, le cheval de concours de Mme Miller, qu’elle a fait venir d’Angleterre pour l’occasion. (Puisque vous demandez – par FedEx, dans une écurie aérienne, à un coût qu’il est gênant d’admettre.)

Dans le chalet VIP où je me suis infiltré, un déjeuner copieux est servi. La direction étant occupée ailleurs, je me régale et raconte ma découverte du dessert au petit-déjeuner à une connaissance européenne, qui me surpasse immédiatement.

Il me raconte une scène dans un Dairy Queen (une chaîne emblématique de glaces américaines) où une femme de proportions impressionnantes s’était retrouvée coincée dans sa chaise après avoir consommé une concoction fantastique qui l’avait rendue incapable de se lever. Il avait fallu quatre hommes robustes pour la libérer, accompagnés de lamentations pitoyables. « Je reste traumatisé par cette vision », confie mon ami.

En flân-errant vers le stand Mars, où l’on m’offre des M&M’s gratuits, je discute avec deux agents de la police d’État du Kentucky, eux-mêmes non obèses, et leur demande pourquoi il y a tant de personnes XXL en Amérique. « Parce que la nourriture est bonne », répond l’un d’eux. Et c’est vrai. Josie’s était excellent. J’ai mangé une nourriture mexicaine sensationnelle à Midway, Kentucky – une ville plus petite que mon village en France – à la hauteur de tout ce que j’ai mangé au Mexique. Chez moi, en France, vous avez de la chance si vous obtenez plus qu’un croissant rassis dans le café de village moyen.

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Le cheval de Mme Miller s’étant distingué en saut d’obstacles au Horse Park, mon élégie gustative se déplace à l’aéroport de Cincinnati Northern Kentucky, où la spécialité est le chili cinq voies – un lit de spaghettis garni de chili, recouvert de fromage râpé, d’oignons émincés et de haricots rouges. J’ai laissé Mme Miller dans le salon Delta et je me suis régalé, une dernière folie avant mon vol pour Paris.

Je lis qu’une nouvelle génération de médicaments pourrait enfin résoudre la crise de l’obésité. J’en doute. Beaucoup d’Américains semblent prendre plaisir à manger jusqu’à en mourir – mais pas tous, heureusement. L’hôtesse du vol retour, Channelle, était (j’espère que Mme Miller ne lira pas ceci) incroyablement belle, charmante et mince, une Afro-Américaine. Je l’ai félicitée pour sa silhouette exceptionnelle et lui ai partagé ma découverte du dessert au petit-déjeuner.

Elle a sorti son téléphone et m’a montré une photo d’une personne obèse : des bourrelets de graisse, des bajoues de lard. « Qui est-ce ? » ai-je demandé. « C’est moi, il y a un an », a-t-elle répondu. Ce sont vraiment des jours de miracles et de merveilles. Son sauveur, dit-elle, était le régime cétogène, qui induit la cétose (c’est quelque chose, apparemment) où le corps brûle les graisses pour produire de l’énergie au lieu des glucides, entraînant une perte de poids spectaculaire – dans son cas, de 117 à 53 kg. Adieu les pancakes Oreo, bonjour la viande maigre et le poisson.

Son obésité avait failli la tuer, m’a-t-elle dit. Après avoir perdu du poids, elle a dû subir un triple pontage coronarien pour réparer les dégâts. Channelle, au moins, a découvert le remède à l’obésité : la volonté. Comme c’est une qualité qui me fait défaut, il est heureux que je laisse derrière moi le pudding du petit-déjeuner et que je retourne à l’austérité (toute relative) des tables de France.

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  1. https://www.josies-ky.com/ ↩︎

Ne pas jurer

Annoncé comme un film fort du cinéma d’auteur, Je le jure, avec Marina Foïs à l’affiche (notre photo) a vu sa sortie éclipsée par une affaire judiciaire visant son réalisateur, Samuel Theis, accusé de viol en cours de tournage. Bien qu’aucune mise en examen n’ait été prononcée, un protocole exceptionnel avait été mis en place pour isoler le cinéaste durant le tournage, reléguant le septième art au second plan.


Des têtes d’affiche glamour (Marina Foïs, Louise Bourgoin), un sujet fort et humaniste (la responsabilité pénale d’un jeune pyromane confronté à un jury de cour d’assises) : le film Je le jure cochait toutes les cases pour être un des succès du cinéma d’auteur français de ce début d’année.

C’était sans compter avec la plainte pour viol déposée, en cours de tournage, par un technicien à l’endroit de son scénariste-réalisateur, Samuel Theis. Armée du livre blanc du collectif féministe 50/50, la productrice Caroline Bonmarchand met alors illico un « protocole », aussi inédit qu’effarant, en place : confiner le metteur en scène dans une pièce isolée du reste de l’équipe, qu’il doit désormais diriger… à distance.

Le cordon sanitaire est renforcé au moment de la sortie du long-métrage, le 26 mars. Pas de télé, de radio ou de communication sur les réseaux sociaux pour le présumé violeur. Conditions drastiques que l’intéressé accepte, même si, comme l’admet cocassement la distributrice Alexandra Henochsberg dans les colonnes de Télérama, « défendre un film d’auteur sans auteur, c’est évidemment problématique ». Une sortie en catimini (moins de cent copies distribuées) qui embarrasse les critiques de cinéma gênés aux entournures par un film qu’il convient (paraît-il) de qualifier d’« abîmé » – « entaché » aurait plutôt écrit feu Philip Roth. Avec 3 456 entrées le premier jour de son exploitation, le fiasco est effectivement sans appel.

« Il ne faut pas comprendre les faits, il faut comprendre les gens », explique la procureur (Marina Foïs) dans Je le jure, dont le propos est précisément d’interroger la juste mesure de la sanction pénale. Le milieu du cinéma français post-MeToo, lui, expédie les affaires de mœurs qui l’agitent sans autre forme de procès. Sous l’étendard conjoint du principe de précaution et de la transparence absolue, il cancel par anticipation. Rappelons tout de même que Samuel Theis n’a finalement pas été mis en examen, mais placé sous le statut de témoin assisté. Pour l’acteur d’Anatomie d’une chute, plus dur sera l’atterrissage.

La volupté de la transgression ou la douleur de la sanction?

En mars 2024, à Brest, une jeune femme perdait la vie, fauchée en pleine nuit par un conducteur sous l’emprise de stupéfiants et sans permis, au volant d’une moto lors d’un rodéo urbain. Déjà condamné pour des faits similaires, l’homme a été sanctionné le 5 mai par le tribunal correctionnel à dix ans de prison ferme. Une décision saluée par notre chroniqueur comme un exemple de fermeté enfin retrouvée, à l’heure où la justice est accusée d’impuissance face à une violence endémique.


L’alternative que je propose dans mon titre va faire, je n’en doute pas, hurler les belles âmes. Pourtant il faut savoir ce qu’on veut.

Laxisme et ensauvagement

On ne peut pas à la fois s’indigner face à l’ensauvagement d’une société – du fait de majeurs souvent multicondamnés et de mineurs de plus en plus précocement engagés dans la violence – et refuser de mettre en œuvre la dureté pénale qui au moins permettrait de le réduire. J’avoue que j’ai pu moi-même, à mon époque d’accusateur public, être coupable de cette inconséquence quand je tentais de concilier ma volonté de réprimer avec un humanisme qui, quoique sincère, faisait pencher la balance probablement vers une sorte de faiblesse.

Parce que, contrairement à ce que croit le commun des citoyens persuadé qu’il est facile d’être infiniment sévère, que ce mouvement est naturel qui devrait conduire les magistrats de la constatation de l’infraction à la rigueur la plus extrême, le processus est beaucoup plus complexe. Il y a parfois même, j’en suis sûr, une mauvaise conscience à l’idée de châtier le crime ou le délit à la hauteur de ce que l’un ou l’autre mérite.

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Pourtant, si l’on a ces états d’âme, il faut choisir un autre métier, une mission moins éprouvante. En matière pénale en tout cas. C’est pour cela que sous la forme d’une provocation, j’avais suggéré que deux fonctions étaient inutiles dans l’univers pénal : les juges des enfants et les juges de l’application des peines.

L’insécurité, plus qu’un « sentiment »

Ce qui était déjà difficilement admissible quand l’insécurité semblait encore freinée dans son développement est devenu franchement insupportable avec le dépassement de ce qu’une société est capable de tolérer. Il est bien fini le temps où un garde des Sceaux aveugle pouvait évoquer seulement « un sentiment d’insécurité » quand aujourd’hui, grandes cités, périphéries et provinces sont touchées par la gangrène d’une malfaisance prenant mille formes, et d’abord celle effroyable du narcotrafic mêlant le lucre, les meurtres, les assassinats comme s’il en pleuvait !

L’ancien garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, à l’Assemblée nationale, 3 juillet 2023 © Jacques Witt/SIPA

Il est d’autant plus nécessaire de changer radicalement son logiciel, comme le souligne souvent Pascal Praud sur CNews, que malgré cette dérive qui incite même les citoyens les plus équilibrés à juger prioritaire l’ensauvagement national, la vision de la police et de la Justice n’a pas radicalement changé. Y compris à droite, puisque la gauche et l’extrême gauche s’obstinent dans une antienne qui ressasse que la société est coupable et le délinquant victime.

À lire aussi : Les malfaisants ont pris le pouvoir !

Ce qui a été décisif dans ma réflexion, outre la nausée devant ce que la quotidienneté fait surgir avec un pire toujours plus indigne, est la profonde lucidité d’un Maurice Berger, pédopsychiatre et psychiatre d’adultes qui un jour, questionné par Sonia Mabrouk, a énoncé cette évidence toute simple, au sujet de l’enfermement : qu’il devrait être plus inconfortable, plus douloureux que la vie d’avant.

Revenir sur la « crainte de la sanction »

On peut bien sûr continuer à applaudir des deux mains tout ce qui adoucit, infléchit, assouplit, fragilise, relativise cette règle d’or. En se félicitant aussi que la crainte de la sanction, en définitive, pèse peu face à la volupté immédiate de la transgression. Mais qu’on ne s’étonne pas alors que le choix soit vite fait pour la plupart des délinquants qui, incapables d’ailleurs de se projeter, optent pour la drogue de l’interdit plus que pour une honnêteté que la rigueur de la Justice devrait imposer.

Et il n’est même pas nécessaire de faire référence au Salvador en se moquant absurdement de ce qu’a très bien dit son président : « Combien de millions de personnes ont ainsi été sauvées par cette sévérité ? »

À lire aussi : « Wallah, tu vas pas tirer, t’es filmé! »

Ce billet m’a été directement inspiré par le jugement selon mes vœux du tribunal correctionnel de Brest ayant condamné à dix ans d’emprisonnement (le parquet en avait requis douze) l’auteur d’un rodéo urbain qui, sous l’emprise de stupéfiants et sans permis, avait fauché une jeune femme au cours d’une nuit de mars 2024. Le prévenu était déjà connu pour des infractions similaires sur le plan de la drogue et de la conduite. Si l’exécution de cette peine n’est, pour une fois, pas totalement dénaturée, nous aurons là l’illustration de ce que ce post cherche à démontrer.

Pour espérer une France moins dégradée, attaquée et meurtrie au quotidien, il faut que la douleur de la sanction relègue au second plan la volupté de la transgression. Ce serait cruel ?

La cruauté serait de ne pas le faire.

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Faits divers contre faits de société

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On dirait qu’il y a désormais des drames de droite et des drames de gauche, observe Elisabeth Lévy dans sa chronique.


Les assassinats récents au couteau dans un lycée de Nantes et dans une mosquée à La Grande-Combe (près d’Alès) ont entrainé interprétations hâtives et instrumentalisations de tous côtés. Les deux crimes sont spectaculaires – de par le lieu où ils sont commis qui frappe l’opinion (un lycée et une mosquée, deux endroits qui devraient être épargnés par le fracas du monde). Il est donc normal qu’on veuille comprendre. Mais, il y a eu très vite un emballement interprétatif.
Après Nantes (le drame de la lycéenne assassinée), Bruno Retailleau parle de l’ensauvagement de la société, et des commentateurs embrayent. Mais cela ne va pas beaucoup plus loin.
Après Alès, tout le monde pense évidemment à un crime antimusulman. La gauche part en fanfare sur la supposée « islamophobie » de la France en général et de Bruno Retailleau en particulier. Jusqu’à cette manifestation honteuse à Paris, dont le député Jérôme Guedj est expulsé.
Or, dans les deux cas, soyons très prudents et écoutons la Justice, cela semble des actes qui paraissent plutôt relever du parcours individuel. 
À Nantes, le texte du meurtrier semblait évoquer une haine du capitalisme et de la modernité. Mais, cela n’explique pas le passage à l’acte ; si vous avez des pulsions meurtrières, vous essayez toujours de les enrober en piochant dans ce que vous trouvez autour de vous. En tout cas, le crime ne semble pas imputable à la « crise de l’autorité ».
À Alès, d’après la procureure de Nîmes, il s’agit d’un crime « sans revendication idéologique. Les faits paraissent à ce stade construits autour de l’envie obsessionnelle de tuer une personne ». Donc, le tintouin sur l’islamophobie semble tout à fait à côté de la plaque.
Que conclure de ces faits divers ? On dirait qu’il y a des drames de droite et des drames de gauche. Ce qui est un fait divers pour les uns est un fait de société pour les autres. J’y vois le signe de la fragmentation ultime de la société : on ne pleure pas tous les mêmes victimes. Mais, je ne renverrai pas tout le monde dos à dos non plus : si tout le monde a pleuré Aboubakar Cissé, tout le monde n’avait pas pleuré Lola. Et dans l’affaire Cissé, même si ce n’est pas toujours vrai, le pompon du cynisme et de l’instrumentalisation revient bien à la gauche.
Nous avons du mal à admettre que certains crimes sont individuels. On veut toujours des explications sociales et politiques, comme si la capacité humaine à faire le mal ne nous suffisait pas (L’avocat de la famille Cissé veut ainsi à tout prix que ce soit un crime « terroriste »). Certes, il y a souvent des explications sociales et politiques. Quand un crime est commis par un migrant sous OQTF, par exemple, la responsabilité de l’État est factuelle. Refuser de le dire, ce n’est pas lutter contre l’instrumentalisation, c’est cacher la vérité.
Tout cela devrait inviter les politiques de tous bords à la décence et à la retenue. Et les commentateurs à la prudence. Quand on ne sait pas, il faut juste se taire.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Causons ! Le podcast de Causeur

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Renée Frégosi © BALTEL/SIPA

Avec Renée Fregosi et Jeremy Stubbs


Renée Fregosi, philosophe et politologue de renom, vient de publier Le Sud global à la dérive : Entre décolonialisme et antisémitisme, aux éditions Intervalles. Elle nous aide à comprendre la notion de « Sud global », qui représente une alliance tacite fondée sur une certaine convergence entre les intérêts de pays aussi différents que l’Inde ou la Chine, ainsi que ceux du Moyen-Orient, de l’Afrique ou de l’Amérique du Sud. Elle explique que les éléments qui permettent de fédérer la majorité de ces acteurs sont une volonté de « déboulonner » l’Occident et une opposition à l’État d’Israël. L’hostilité anti-israélienne est le produit à la fois d’un antisémitisme profond, promu par l’islamisme, et d’une idéologie décolonialiste qui voit dans l’État juif le symbole ultime de la puissance occidentale.

Dans les pays occidentaux eux-mêmes, une « cinquième colonne » de militants islamo-wokistes s’est mise au service de ce « Sud global ». Il est urgent de combattre cet antisémitisme, non seulement pour venir en aide aux Juifs persécutés, mais aussi pour défendre les valeurs mêmes de l’Occident.

Le Sud global à la dérive: Entre décolonialisme et antisémitisme

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Il y a le ciel, le soleil et la mer

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"Seaside" (détail) © Didier Ben Loulou

Les photographies de Didier Ben Loulou nous offrent un autre visage de ces côtes méditerranéennes meurtries par les guerres. Son dernier recueil Seaside aux éditions la Table Ronde aborde des rivages ombrés et tempétueux. Les nuages se confondent avec la terre, s’agit-il alors d’une Atlantide disparue ou de la germination d’un monde nouveau ?


On attend la sortie des albums du photographe Didier Ben Loulou comme la promesse de voir enfin autre chose, d’approcher d’autres décors, de regarder ces terres fracturées par l’Histoire d’un œil non pas neuf mais sans aprioris. Sans réflexes. Sans mauvaises habitudes. Sans pitié mal placée. Sans exégèse. Seulement dans l’âpreté et la beauté radicale de leur effritement.

Leur régénérescence se niche dans leur effacement, c’est l’un des grands paradoxes de ces pays morcelés. Ben Loulou officie dans une région du monde où le fracas des images orchestré par la télévision notamment, leur répétition et leur violence, nous empêche de poser raisonnablement et sereinement nos yeux sur l’eau et la pierre en fusion. Plus qu’ailleurs, les éléments naturels prennent à cet endroit précis de la planète une configuration tantôt émouvante, tantôt inquiétante, comme si ce chaudron en perpétuelle ébullition nous disait quelque chose sur le sens de notre humanité. Est-ce la fin ou le début de l’Histoire ? Ben Loulou dépollue notre vision par un art poétique dans Seaside aux éditions la Table Ronde. Il parle même « d’expérience poétique ». « J’ai souvent longé cette frontière entre ciel et terre dans l’espoir d’aboutir à ce qu’il faut bien nommer une expérience poétique » écrit-il dans sa courte préface. Il nous rappelle que depuis longtemps, il « chemine aux abords de la Méditerranée » et qu’il arpente « la côte israélienne de la frontière de Gaza à celle du Liban ». Il n’y a rien de plus difficile que d’expliquer le travail d’un photographe au risque de le cataloguer dans un registre, de l’enfermer dans nos propres certitudes. Chez Ben Loulou, le voyeur n’est jamais instrumentalisé, saisi par la virulence d’une image artificielle, comprimé dans une pensée unique ; au contraire, sa photographie agit lentement mais profondément. Elle est ressac et onde. Cette maturation qui ne brusque pas, qui ne fige pas est la différence entre un véritable artiste et un « bon faiseur » de la photo. On ne se sépare jamais d’un recueil de Ben Loulou, on y puise au gré de nos humeurs ou des moments de notre vie, une sorte d’ancrage. Nous savons que dans notre bibliothèque, il y a quelque part, des photos qui sont à la fois un port d’attache et une méditation sur notre place dans l’existence. Un grand photographe nous ouvre d’autres portes sur une réalité méconnue, nous indique un autre chemin dans les méandres de la géopolitique. Ben Loulou pourrait s’appesantir sur la souffrance, sur les âmes brulées, sur tout ce qui sépare et rejette, il a choisi une autre voie, celle du creuset, à la manière d’un vulcanologue, il se jette dans le cratère de ces bords de mer.

A lire aussi, du même auteur: Qui se souvient de l’affaire Fualdès?

Que voit-on ? Une atmosphère en gestation, hésitant entre la noirceur des nuages qui enflent dans le ciel et l’eau qui vient taper sur les plages. Sommes-nous à Athènes ou à Carthage ? Aux prémices d’un changement ou à l’apogée d’un cycle d’or, quelque chose va se produire alors que tout semble faussement éteint. Le génie artistique de Ben Loulou est dans sa composition, dans sa peinture quasi-rupestre ; le ciel bleu nuit, instable, balayé par les vents répond à la pierre ferme, à la matière brute qu’elle soit un morceau d’habitation, un mur famélique ou une relique déconstruite. Un état sauvage, premier, qui aurait bizarrement eu une longue histoire, qui aurait connu d’autres civilisations, Ben Loulou capture cette frise chronologique arrachée aux racines des peuples. Il est un maître du dépouillement, preuve de sa grande technicité, il évoque charnellement les choses simples de la vie : des herbes folles, un fil électrique, une décharge, des traces de pneu dans le sable, des peaux collées, une chevelure, un fruit ouvert ou des barques renversées. Parfois, dans un nuancier ténébreux, une lumière éclate, elle irradie plutôt, c’est la rougeur d’une pastèque ou des tissus de chiffonniers posés à même le sol, on se croirait dans les bains de teinture marocains. Ben Loulou est le photographe du renouveau caché.

Seaside de Didier Ben Loulou – la table ronde
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La révolution Trump est en marche

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Donald Trump et la gouverneure du Dakota du Sud, Kristi Noem, dansent sur la chanson « Y.M.C.A. » lors d'une réunion publique de campagne au Greater Philadelphia Expo Center & Fairgrounds, le lundi 14 octobre 2024, à Oaks, en Pennsylvanie © Matt Rourke/AP/SIPA

Tous les médias viennent de commenter les cent premiers jours du nouveau mandat du président Trump. En France, la plupart dressent un bilan franchement négatif. Une autre perspective est-elle possible ? Une tribune de Philippe Karsenty, porte-parole du Comité Trump France


En évaluant les cent premiers jours de Donald Trump, les médias français insistent – avec beaucoup d’ironie – sur la côte de popularité de Donald Trump qui s’établit actuellement autour de 45%. Pourtant, ils oublient de rappeler que celle d’Emmanuel Macron se situe à 25% tandis que François Bayrou – qui a été nommé Premier ministre juste un mois avant la prise de fonction du président américain – peine à se maintenir au-dessus de 20%. Certes, la personnalité de Trump, ses outrances, ses attitudes et ses méthodes de négociations peuvent parfois décontenancer. Pourtant, l’essentiel n’est pas la forme mais le fond de sa politique et de sa stratégie. La révolution Trump est en marche et elle sera bénéfique pour les Etats-Unis et le monde libre ; et contrairement à ce que répètent en chœur la plupart des médias français, les seuls qui pourraient s’en inquiéter sont les dictatures et les régimes autoritaires, notamment la Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie et la Corée du Nord.

Les initiatives politiques du président Trump doivent être comprises comme une stratégie globale où tout est lié. Elles nécessitent des ajustements qui parfois créent des à-coups et où, parfois, l’objectif à long-terme n’apparait pas immédiatement. Certaines ne produiront d’effets positifs qu’avec le temps et la prise en compte de ses politiques par les différentes parties concernées. De plus, à la différence des politiciens professionnels et des idéologues, Donald Trump est pragmatique, il sait s’adapter aux incertitudes auxquelles il est confronté.

Lutte contre l’immigration clandestine

Lors de la présidence Biden, les Etats-Unis ont subi une vague d’immigration illégale inédite. En quelques jours, l’administration Trump est parvenue à sécuriser la frontière sud et à juguler le flot de clandestins. Parallèlement à cela, ses politiques dissuasives ont permis de réduire drastiquement l’arrivée de criminels et l’importation de drogues, notamment le fentanyl, drogue de synthèse qui a provoqué des centaines de milliers de morts aux Etats-Unis ces dernières années. De plus, un processus d’expulsion massive de clandestins a été engagé. Néanmoins, fidèle à leur travail constant de diabolisation de Donald Trump, certains médias français utilisent des terminologies mensongères pour l’accabler ; l’exemple le plus frappant étant la fausse traduction du terme anglais « deportation » en « déportation » afin de jouer sur sa connotation liée à la déportation des juifs lors de Seconde Guerre mondiale alors qu’il ne pratique que des « expulsions » d’illégaux… ce que la France peine à réaliser avec ses fameux OQTF.

Politique étrangère au service des Etats-Unis et du monde libre

L’ordre international établi en 1945 a montré son inefficacité face aux crises majeures. Ainsi, les bombardements et les invasions de pays par les Etats-Unis eux-mêmes – notamment la Serbie pilonnée par Bill Clinton en 1995 et l’Irak envahi par George W Bush en 2003 – ainsi que le génocide rwandais en 1994, les 500 000 morts en Syrie ces quinze dernières années ou l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 – après la prise de contrôle de la Crimée en 2014 – ont bien montré que l’ordre international s’est transformé en anarchie.

Face à cela, Donald Trump a choisi d’affronter les crises, de tenter de mettre un terme aux guerres en cours et de restaurer la capacité de dissuasion des Etats-Unis.

Il a mis en place une diplomatie au service des Etats-Unis et du monde libre, permettant notamment d’obtenir, depuis son arrivée au pouvoir, la libération de 47 otages ou prisonniers américains à travers le monde. Contrairement à une légende qui a cours en France, Donald Trump n’est pas intéressé par le prix Nobel de la paix qu’on le soupçonne de courtiser. En revanche, il tient compte des sphères d’influence dans les négociations qu’il engage avec les différents acteurs internationaux. C’est dans cet esprit qu’il a fait en sorte que l’entreprise chinoise qui gérait le canal de Panama soit écartée mais aussi qu’il a exprimé son souhait de se rapprocher – parfois avec trop d’empressement dois-je l’avouer – du Groenland et du Canada qui font tous deux partie de la sphère d’influence américaine et où la Chine – adversaire stratégique américain – cherche à prendre pied.
C’est aussi dans cet esprit que, loin de laisser tomber l’Europe, il l’encourage à conquérir son autonomie de défense car rien ne garantit que les futures administrations américaines seront bien disposées à l’égard de l’Europe.

À lire aussi, Elisabeth Lévy : Trump: Habemus Papam

Proche-Orient

En Israël, c’est grâce au volontarisme du nouveau président américain qu’un cessez-le-feu a été obtenu entre le Hamas et Israël en janvier 2025 et que des otages israéliens ont été libérés. C’est aussi sous son impulsion que les Houthis au Yémen – armés et financés par l’Iran – ont été considérablement affaiblis même si l’attaque au missile qui a frappé Israël ce dimanche 4 mai promet des répliques massives et décisives. Ainsi, alors que Donald Trump semble laisser une chance à la négociation avec l’Iran pour obtenir son désarmement nucléaire, il est fort probable que les récents événements précipitent la perspective d’une attaque coordonnée contre l’Iran ou une déstabilisation du régime pouvant conduire à la chute prochaine des mollahs ; pour le plus grand bien du peuple iranien et du Proche-Orient.

La nouvelle administration américaine observe avec pragmatisme les situations et cherche à trouver des solutions innovantes. Ainsi, alors que la France d’Emmanuel Macron est engluée dans des dogmes éculés – notamment le concept de « deux Etats pour deux peuples » – Donald Trump, voyant que cette solution ne fonctionne pas, s’est donc engagé dans un soutien franc et massif – militaire et diplomatique – à l’Etat d’Israël pour lui permettre d’éradiquer l’islamisme qui a tenté de détruire Israël le 7 octobre 2023 – et plus généralement le monde occidental depuis plus de 40 ans. Ici, il est important de rappeler la jeunesse de la nouvelle administration Trump qui, à quelques exceptions près, a vécu le 11 septembre comme le premier fait historique de leur vie d’adulte ; leur permettant de saisir l’ampleur des risques que cette idéologie mortifère faisait peser sur leurs vies et leur mode de vie.

Ukraine

En Ukraine, loin des propagandistes et des généraux de plateaux qui s’affichent sur certaines télévisions françaises en appelant à prolonger la guerre au risque d’enclencher la Troisième Guerre mondiale, Donald Trump s’est donné pour objectif de mettre un terme aux combats qui ont déjà fait près d’un million de victimes (morts et blessés) russes et ukrainiennes.

Donald Trump semble perdre patience face à Vladimir Poutine et pourrait donc établir un rapport de force avec la Russie pour la contraindre à un arrêt des combats. Rien n’est certain mais Vladimir Poutine semble désormais identifié comme l’obstacle à la cessation des hostilités. A l’exception de certains jusqu’au-boutistes, tout le monde a bien compris que la Crimée, pas plus que les territoires conquis par la Russie depuis 2022, ne retourneraient dans le giron ukrainien dans un futur proche. C’est dans cet esprit que les négociations s’engagent afin de mettre un terme à la guerre et de garantir la sécurité future de Kiev, particulièrement en unissant les intérêts économiques et miniers des Etats-Unis et de l’Ukraine.

It’s the economy, stupid !

Un des principaux objectifs économiques de Donald Trump est de réduire les impôts des entreprises et des ménages, notamment de supprimer totalement l’impôt sur le revenu de ceux qui gagnent moins de 200 000 dollars par an. Pour y parvenir, il entend réduire les dépenses excessives de l’Etat mais aussi faire rentrer de l’argent dans les caisses du Trésor sans ponctionner le contribuable américain.

Pour cela, il a entamé un bras de fer commercial afin de rééquilibrer les droits de douane appliqués réciproquement entre les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux. Parmi ses objectifs tant financiers que politiques, on peut citer la réindustrialisation de certains secteurs clés en amenant de nombreuses grandes entreprises – américaines et étrangères – à s’engager à investir plusieurs milliers de milliards de dollars, ainsi que la lutte contre le dumping social et environnemental de la Chine.

Le président Donald Trump présente de nouveaux tarifs douaniers lors du « Jour de la Libération » dans la roseraie de la Maison-Blanche, le 2 avril 2025, à Washington © Samuel Corum/Sipa USA/SIPA

La hausse des droits de douane a provoqué un choc sur les marchés financiers. Un mois plus tard, les bourses mondiales ont repris le chemin de la hausse et les cours sont aujourd’hui supérieurs à ce qu’ils étaient le 2 avril 2025, à l’annonce de ces fameux droits de douane. De plus, cette stratégie commerciale avait plusieurs objectifs, notamment celui d’affaiblir les deux principales menaces géostratégiques du monde libre, l’Iran et la Russie, dont les ressources sont essentiellement indexées sur les cours des hydrocarbures qui ont fortement baissé (– 30%) depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche. Par ricochet, cela a immédiatement fait baisser le coût de l’essence à la pompe qui est un poste de dépenses important des ménages.

Afin de réduire la dépense publique, d’éradiquer les gaspillages et de faire la chasse aux subventions inutiles, le DOGE (le Département de l’Efficacité Gouvernementale) a été lancé sous la direction d’Elon Musk. Des médias ont ironisé sur le fait que « seulement » 160 milliards de dollars ont été économisés en trois mois. Face à cela, François Bayrou est toujours à la recherche de 40 milliards d’économies pour boucler son budget.

Enfin, lors du 1er trimestre 2025, le PIB américain s’est contracté de 0,3%. La plupart des médias ont attribué ce mauvais chiffre à Donald Trump et à ses droits de douane. C’est oublier qu’il n’est devenu président des Etats-Unis qu’au 20 janvier 2025 et que sa bataille commerciale n’a été lancée que le 2 avril, soit juste deux jours après la fin du premier trimestre 2025 ; la paternité de ce ralentissement économique étant donc bien à attribuer aux politiques de l’administration Biden.

À lire aussi, Anne Lejoly : Trump II: l’Amérique, miroir fêlé de l’Occident?

La lutte contre le wokisme, une révolution culturelle 

Peu après sa prise de fonction, Donald Trump a prononcé une phrase révolutionnaire : il n’y a que deux sexes, l’homme et la femme. Il a poursuivi sa campagne en mettant un terme aux programmes de DEI (« Diversité, Egalité et Inclusion »). Beaucoup l’ont immédiatement critiqué, l’accusant de racisme alors que c’est exactement l’inverse : Donald Trump refuse que les gens soient favorisés – ou pénalisés – en raison de leur couleur de peau, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle.

Il souhaite que ce refus de toute discrimination soit appliqué dans les universités ; ce qui l’a conduit à engager un bras de fer avec les établissements les plus prestigieux qui, en plus de discriminer, sont devenus les théâtres de grandes manifestations pro terroristes (Hamas, Hezbollah et Houthis).

En somme, le bilan des 100 premiers jours de Donald Trump est effectivement positif, notamment grâce au feu d’artifice de décrets présidentiels qu’il a signés. Il est amusant d’observer que ceux qui ont conduit la France à la quasi-faillite et à l’impuissance ces quarante dernières années osent le critiquer. Leurs actions ont conduit la France à perdre le leadership européen pour le céder à Giorgia Meloni, la présidente du Conseil des ministres italien qui est devenue le véritable « homme fort » de l’Europe.

Le travail qui reste à accomplir à Donald Trump est considérable mais il a encore 3 ans et demi pour restaurer le prestige et le pouvoir de dissuasion des Etats-Unis, pour le plus grand bien de son pays et du monde libre. Ne comptez pas sur la plupart des médias français pour vous informer de ses succès car, à la différence des Etats-Unis où les médias autrefois dominants ont cédé la place aux médias alternatifs – podcasts, entretiens radiophoniques et réseaux sociaux – les propagandistes « progressistes » sont toujours solidement aux commandes en France.

Soyons patients et donnons-lui rendez-vous en novembre 2026, au moment des élections de mi-mandat. C’est alors que le peuple américain qui lui a donné un mandat clair le 5 novembre 2024 pour réformer le pays pourra s’exprimer, approuver ou rejeter les politiques mises en place.

Le Roi, les ors, et l’oubli

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© Mobilier national

Au Mobilier national, une exposition évoque de façon spectaculaire les fastes du sacre de Charles X, le dernier des souverains français à avoir été couronné selon des rites issus des premiers âges de la monarchie


Dans un pays, la France, où des étudiants de vingt ans ou plus ne savent plus qui était Napoléon 1er, où, plus fort encore, ils n’ont jamais entendu son nom et où, dit-on, le tout venant pense que la monarchie s’est éteinte avec la Révolution… comment ne pas s’extasier devant des érudits assez passionnés pour ressusciter l’ultime sacre des rois et des empereurs français, lequel eut lieu à Reims, il y a deux cents ans, le 29 mai 1825 ?

Frivole, aimable et dépensier au temps de sa jeunesse, vibrionnant, comploteur, mais bien peu courageux aux temps de la Révolution et de l’Armée des Princes, devenu bigot et parfaitement sourd aux exigences de la majorité des Français lors de la Restauration, Charles Philippe de France, comte d’Artois, petit-fils de Louis XV, frère de Louis XVI et de Louis XVIII, monta sur le trône des lys en septembre 1824 sous le nom de Charles X. Il devint le dernier des rois de France, alors qu’il n’avait guère plus de capacités intellectuelles qu’un danseur mondain.

Imbu de sa naissance

Charles X est l’archétype de l’imbécile élégant, urbain, chevaleresque et portant beau, un genre aujourd’hui encore si florissant chez les Français et qu’il a incarné jusqu’à la perfection. Affable certes, plutôt bienveillant, mais imbu de sa naissance comme personne et pensant qu’être un Bourbon dispensait de toute autre qualité, il fut l’emblème rêvé pour cette fraction de l’aristocratie d’Ancien Régime qui n’avait pu, ni su évoluer en dépit des tragédies et des cataclysmes. « Sur les choses comme sur les personnes, ce sont des religions qu’il a au lieu d’opinions » soulignera l’un de ses contemporains.

S’il « n’avait rien appris, ni rien oublié », selon le mot qu’on prête à l’ex-prince de Bénévent, à cette canaille de Talleyrand qui exercera au sacre de Charles X la même fonction de Grand Chambellan qu’il remplissait au sacre de Napoléon 1er, on peut tout de même imaginer à sa décharge que le roi croyait sincèrement, dans sa vision paternaliste et simpliste de la monarchie, réconcilier par cette cérémonie deux France qui s’opposaient en toutes choses : « Pour renouer la chaîne des temps que de funestes écarts avaient interrompue ».

Ce n’est donc pas Charles X qu’honore Le Dernier Sacre, cette magnifique exposition du Mobilier national, anciennement Garde Meuble de la Couronne, mais bien un événement qui eut par sa magnificence et sa signification politique un retentissement exceptionnel dans le monde civilisé et qui, survenant après la Révolution et l’Empire, renvoyait la France à des siècles en arrière comme si rien ne s’était passé.

Le sacre de Charles X, François Gérard, 1827.

Mille talents

L’exposition est aussi une célébration des mille talents qui participèrent à l’événement : architectes comme Hittorff, décorateurs comme Ciceri, peintres comme Vernet, Isabey ou Gérard, compositeurs comme Cherubini et Lesueur pour les musiques de la cérémonie, ou comme Rossini qui reçut commande d’un opéra bouffe donné aux Italiens au retour de la Cour à Paris, écrivains comme Châteaubriand, le plus lucide, Lamartine, Nodier et Hugo, lequel se gardera bien, plus tard, de rappeler qu’il avait été royaliste…

Elle est encore un tribut versé aux brodeurs, passementiers, dentelières, couturières, tailleurs, plumassiers, tisserands, tapissiers, sculpteurs, ébénistes, menuisiers, charpentiers, tailleurs de pierre, carrossiers, selliers, orfèvres, doreurs, joailliers… à toute une aristocratie d’artisans et d’ouvriers qui d’une certaine façon valaient mieux que certains ducs et pairs et dont on découvre ici le savoir-faire inouï, l’excellence, la conscience, toutes choses qui ont tragiquement disparu aujourd’hui avec l’industrialisation alors balbutiante, et qui ressurgissent des abîmes de l’oubli grâce à une exposition qui paraît à juste titre miraculeuse.

Des trésors oubliés

Miraculeuse certes, car ce sont de savoureuses circonstances qui sont à l’origine d’une manifestation surgissant deux cents ans exactement après l’événement qu’elle célèbre : on redécouvrait, il y a deux ans, au plus profond des réserves pharaoniques du Mobilier national, des quantités phénoménales d’étoffes et d’ornements qui avaient servi à la pompe funèbre de Louis XVIII à Saint- Denis comme au sacre de Charles X à Reims. Des trésors oubliés, enfouis depuis deux siècles et parfaitement conservés dans leurs caisses, même s’il leur arriva parfois d’être réutilisés sous les règnes suivants, ceux de Louis Philippe 1eret de Napoléon III, mais dûment modifiés, défleurdelysés, afin de pouvoir orner les grandes cérémonies des autres dynasties. 

A lire aussi: Qui se souvient de l’affaire Fualdès?

Des trésors, il y en avait beaucoup d’autres, stupidement dispersés sur tout le territoire du fait de décisions administratives souvent aussi arbitraires que stupides. Leur recherche minutieuse, pour ne pas dire héroïque, leur rassemblement, leur restauration, ont constitué une gageure pour les commissaires de l’exposition, Hélène Cavalié et Renaud Serrette, et pour leurs collaborateurs. Ces recherches ont permis des redécouvertes fabuleuses et donnent à voir quelque chose relevant de l’univers du rêve : le décor somptueux du sacre d’un souverain qui avait besoin de quelques savants magiciens pour réapparaître au grand jour. Et comme il faut obligatoirement, pour que débute un nouveau règne, que le précédent se soit achevé par la mort de son titulaire, Le Dernier Sacre s’ouvre théâtralement sur la pompe funèbre de Louis XVIII à Saint-Denis. Avec encens et musique !

Moins glorieusement pour les Bourbons de la branche ainée, elle se ferme sur la prestation de serment devant les Chambres de Louis-Philippe 1er, un Bourbon-Orléans devenu roi des Français.

Un travail gigantesque

En leur temps, les fêtes du couronnement de Charles X relevèrent, pour quelques mois, d’une organisation hallucinante. La restauration d’une cathédrale et d’un palais archiépiscopal ravagés par le temps et par les barbaries de la Révolution ; la reconstitution des ornements royaux détruits par haine de l’absolutisme et de la religion ; les nécessités de l’intendance ; le voyage et le logement du roi, des princes et d’une multitude de dignitaires, de courtisans, de militaires, d’artistes, d’artisans, de serviteurs ; la compilation de documents anciens alors que le dernier sacre royal remontait à Louis XVI : tout cela suscita un travail gigantesque. Enfin, après les milliers d’ouvriers destinés à ces travaux, d’autres milliers de personnes, tout Paris, mais aussi les provinces du royaume, se déverseront dans la petite ville de Reims le temps de trois journées.

Quel carrosse pour le dauphin ?

Pour célébrer le sacre de Charles X, on se réfère donc en priorité à celui de Louis XVI, en évitant soigneusement toute analogie fâcheuse pouvant faire songer au sacre de l’Autre, de l’Usurpateur, quelque vingt ans plus tôt, à Notre Dame de Paris.

Au sein de cette entreprise titanesque qu’est la préparation du sacre, dans un monde où l’on préférerait perdre la vie plutôt que de manquer aux règles sacrées de l’Etiquette, mille interrogations, mille doutes vont torturer les membres de la Maison du Roi, les princes, les ducs, les cardinaux, les archevêques. Comment par exemple doit être configuré le carrosse du nouveau dauphin jusque là duc d’Angoulême ? Le problème est de taille. Il devient même insurmontable, car on ne retrouve nulle trace d’un tel véhicule dans les documents anciens. Et pour cause : pour relever la présence d’un dauphin au sacre du roi son père, il faudra remonter à celui de Jean II… en 1350. Ce dauphin est le futur Charles V. Et en ce temps là, les carrosses n’existaient pas.

Pour loger les princes avec magnificence, mais sans trop se ruiner, on empruntera, selon l’usage, bien des pièces du mobilier à diverses résidences de la Couronne, le Trianon, le château de Fontainebleau, le palais de l’Elysée-Bourbon et même celui des Tuileries. On alla jusqu’à placer dans l’appartement du roi de France une pendule dorée ayant servi à l’appartement du roi de Rome. Ainsi que l’écritoire de vermeil ayant servi lors de l’abdication de l’empereur onze ans auparavant.

Mais il fallut en revanche créer 36 lustres monumentaux en bronze doré et en cristal pour éclairer la cathédrale (il en subsiste 30 aujourd’hui), sans compter 36 luminaires fixés aux parois et 12 girandoles tout aussi somptueuses. 26 autres lustres, magnifique eux aussi, seront conçus pour la salle du festin royal. On commanda 3600 mètres de velours à fleurs de lys et 900 de taffetas pour tapisser la cathédrale et les résidences des princes, tout en puisant dans les réserves d’étoffes datant de l’Empire. La manufacture de Sèvres, à qui on demanda 52 vases décoratifs en porcelaine, avait dû produire en outre près de 5500 pièces supplémentaires pour renforcer les services de table royaux. Il fallut de même faire fabriquer 6120 verres neufs afin d’accroître le nombre de ceux nécessaires pour le service de milliers de convives régalés aux frais de la Couronne. 

Les ravages de la Révolution

Parmi les assistants essentiels au bon déroulement des cérémonies, outre un quarteron de princes étrangers invités, il ne subsistait plus guère que trois princes du sang : le duc d’Angoulême devenu dauphin de Viennois, le duc d’Orléans et le duc de Bourbon. Chez les princesses, reléguées au rôle de figurantes comme toutes les femmes présentes, on ne comptait plus que la dauphine Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI, Marie-Caroline des Deux-Siciles, duchesse de Berry et sa tante Marie-Amélie des Deux-Siciles, duchesse d’Orléans, ainsi que Marie-Adélaïde d’Orléans, sa belle-sœur, dite alors Mademoiselle d’Orléans. Les ravages de la Révolution étaient passés par là qui avaient fait une dizaine de victimes dans la famille. Quant à la nouvelle génération, le duc de Bordeaux et Mademoiselle, petits-enfants du roi, ainsi que la jolie ribambelle des princes d’Orléans, ils n’étaient pas présents, par mesure d’économie, car il aurait fallu adjoindre pour le moins cinquante à cent personnes à leur suite.

Des décors multicolores

Sur les plans de l’architecte Hittorff (qui aménagera plus tard l’actuelle place de la Concorde, les Champs-Elysées ou la place de l’Arc de Triomphe, puis édifiera la gare du Nord), ce sont les décorateurs les plus célèbres de l’Opéra comme Ciceri qui vont métamorphoser l’immense cathédrale de Reims qu’Hittorff a voulu multicolore à l’image des temples de l’Antiquité et du Moyen Age.

« L’intérieur, tel qu’on l’a fait, est beaucoup moins beau qu’il n’était dans sa nudité séculaire, commentera Victor Hugo. Les ornements sont gothiques comme la cathédrale, excepté le trône qui est d’ordre corinthien (chose absurde), et d’assez bon goût… Telle qu’elle est, cette décoration annonce encore le progrès des idées romantiques, ajoute le futur auteurd’Hernani et de Notre Dame de Paris. Il y a six mois, on eût fait un temple grec de la vieille église des Francs ».

Aux organisateurs de l’exposition, il aura fallu explorer toute la France (cathédrales, musées, palais, ministères…) pour retrouver vêtements, joyaux, ornements sacrés, mobilier, étoffes, objets précieux, malheureusement dispersés dans de multiples collections publiques ou privées et demeurés parfois entre les mains des membres actuels de la famille royale. Et constater amèrement que bien des choses parmi les plus somptueuses avaient disparu, à l’image de l’épée aux 1576 diamants de Charles X volée en 1976, ou la plupart des lustres du palais du Tau.

Avaient été distribuées aux quatre vents les ornements du jubé en velours violet fleurdelysé d’or où était disposé l’un des trônes, tout comme les éléments de la tenue d’apparat du nouveau dauphin, dalmatique, ceinture et escarpins de drap d’or, idiotement partagés en diverses institutions qui seraient bien inspirées aujourd’hui de les réunir définitivement à Reims.

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La splendeur de pièces exposées au Mobilier national et dont la valeur est décuplée quand elles reprennent place dans leur contexte original, devrait impérativement inciter les pouvoirs publics à les faire figurer définitivement dans une exposition permanente au palais du Tau, à Reims.

Les compositions éblouissantes de Philippe Le Pareux, réalisant sur logiciel une stupéfiante reconstitution des décors et du mobilier du sacre d’après les documents anciens, les objets subsistants et une intense collaboration avec les conservateurs, ne peuvent qu’inciter à une telle démarche de pérennisation. Ses travaux restituent de façon fascinante les merveilles d’alors, le luxe inouï des cérémonies et rendent ridicules les évocations misérables des sacres de Reims telles qu’elles languissent au palais du Tau.

A cela s’ajoute un formidable catalogue édité par le Mobilier national et les Editions Monelle Hayot. Formidable assurément par son poids, mais surtout par la qualité des multiples textes publiés et par une iconographie somptueuse. Une publication pensée pour les siècles à venir. Et qui permet de se plonger corps et âme dans les fastes et les rites d’un monde plus habile à briller qu’à perdurer.


Le Dernier Sacre.

Exposition présentée jusqu’au 20 juillet, du mardi au dimanche de 11h à 18h. Entrée : 7 ou 8 euros.
Mobilier national, 42, avenue des Gobelins, Paris XIIIe.
01 44 08 53 49

L’hubris démesurée des climatologues et autres faiseurs d’almanachs

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Un grêlon de la taille d'une grosse bille pendant un orage à Paris, le 3 mai 2025 © Xavier Francolon/SIPA

Que se passe-t-il ? Une sainte fureur anime notre chroniqueur, qui n’a pas de mots assez durs pour fustiger les écolos — tous gens de raison, pas idéologues pour un sou, toujours mesurés dans leurs propos et pas du tout influencés par une quelconque pensée woke…


Je fais parfois dans l’humour bon enfant : il y a trois semaines, je me suis amusé, sur Facebook, à me moquer gentiment des prédictions catastrophistes des gourous du réchauffement climatique, pendant que tombaient sur les Alpes (et en plaine) des quantités de neige jamais vues en avril. Aubaine pour les hôteliers des stations de ski, qui purent proposer de belles descentes aux vacanciers de Pâques.

Contre la religion du climat

Ça ne cassait pas trois pattes à un canard, mais j’ai été immédiatement agressé par les plus croyants des prêcheurs d’apocalypse climatique, me reprochant de confondre météorologie et climatologie : s’il neige, s’il fait froid, s’il grêle assez pour tuer des milliers d’animaux domestiques, c’est quand même à cause du dérèglement climatique.

Et la semaine dernière il a fait soudainement chaud — preuve, à les entendre, que j’avais tort. Voici que ça se rafraîchit sérieusement, que des grêlons gros comme des œufs de poule tombent un peu partout — preuve, selon eux, qu’ils ont raison. Que leur importe que ce soit arrivé en 1788, en pleine période glaciaire…

Un récit millénaire

C’est que les croyants ont toujours raison. En fait de scientificité, les climatologues catastrophistes sont surtout des illuminés de la foi écologiste.

Les températures montent — et alors ? À terme, certaines côtes seront submergées, des régions entières désertifiées — so what ?

La Terre alterne périodes chaudes et ères froides depuis des millions d’années. Rien que sur les derniers millénaires, les refroidissements correspondent aux périodes les plus noires de l’humanité : après le pic de l’ère minoenne, qui s’achève en une série de catastrophes aux alentours de 1120 av. JC., arrivent les « dark ages » grecs. Après le réchauffement correspondant à l’apogée de la République romaine, la Terre se refroidit : c’est alors que déferlent les Barbares, qui trouvaient sans doute qu’il faisait un peu frais dans leurs solitudes d’outre-Danube. Tout au bout de cette période noire, la Peste des Antonins puis les Dark Ages anglais. Si les Xe-XIIIe siècles sont bien tempérés, le « petit âge glaciaire » qui commence au XIVe siècle (et qui coïncide avec l’arrivée de la Peste noire) engloutit l’Europe sous les glaces jusqu’au milieu du XIXe siècle. J’ai expliqué cela dans Soleil noir, le roman que j’ai publié en juin dernier et qui va sortir en édition de poche, en même temps que la suite, Les Nuits de Topkapi

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Et depuis, ça remonte. Pour le moment, nous n’en sommes pas encore à l’apogée qui fut le nôtre sous le règne de Minos et de Pasiphaé…

Comment connaissons-nous le détail de ces divers cataclysmes ? En étudiant les calottes glaciaires du Groenland : la mémoire du climat se préserve bien dans la glace. Mais en attendant, retenez bien ce détail : c’est quand il faisait chaud que nous allions mieux.

Alors, ça se réchauffe, et nous n’y pouvons rien.

Que l’Anthropocène en ait rajouté une couche, qui le nierait ? La Révolution industrielle qui a enfanté la civilisation européenne d’aujourd’hui n’y est pas allée de main morte. Mais dans tous les cas, la mise en place d’éoliennes propres à tuer les espèces protégées ou le partage des voies piétonnes avec des trottinettes électriques made in China (quels les écolos-bobos osent publier le bilan-carbone de ces petites merveilles destinées à renverser les personnes âgées ?) ne changeront rien au mouvement global. Pour le moment, nous sommes en dessous du maximum mycénien, de la Rome d’Auguste ou du climat très tempéré de la Renaissance du XIIIe siècle d’où émergèrent les cathédrales.

Eric Piolle, Marine Tondelier, Marie Toussaint, Sandrine Rousseau et Yannick Jadot. Meeting de lancement de la campagne Europe Ecologie les Verts EELV pour les elections europeennes nomme Pulsations par Marie Toussaint, tete de liste des Ecologistes pour 2024, Paris, 2 décembre 2023 © ISA HARSIN/SIPA

Le dogme contre les paysans

Ce n’est pas en végétalisant les cours de récréation (pour empêcher les garçons de jouer à des jeux virilistes) ou en stigmatisant les paysans qui roulent au gazole dans des voitures hors d’âge (ça m’étonne qu’ils se contentent pour le moment d’inverser les panneaux de signalisation, ils pourraient bien prochainement brûler les arrogants SUV des Parisiens venus visiter les campagnes pour s’en acheter des bouts) que nous viendrons à bout d’un mouvement global, prévu par les Cycles de Milankovitch, et que nous inverserons un mécanisme hors de notre portée. El Niño s’emballe ? Peu me chaut — si je puis dire… Le discours péremptoire des prédicateurs de cataclysmes est un symptôme évident d’hubris, cette volonté de dépasser sa condition humaine et de dominer les éléments. Phaéton ou Icare, dans la mythologie grecque, en ont fait les frais.

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J’ai un grand respect pour les météorologues, qui grâce aux images satellites ont fait, ces cinquante dernières années, des progrès décisifs dans la prédiction du temps à brève échéance. Mais les climatologues et autres prédicateurs de catastrophes sont autant de Professeurs Philippulus — rappelez-vous le prophète qui annonçait la fin du monde au milieu de la fournaise climatique au début de L’Étoile mystérieuse (1941). Ils agitent leurs oripeaux devant les médias, comme les moines millénaristes annonçaient la fin du monde aux alentours de l’an 1000. Il fait froid, il fait chaud — et alors ? Cela ne préoccupe que les bobos qui se sont offerts des bouts du Lubéron et s’inquiètent de ne pas pouvoir remplir leurs piscines. Le réchauffement climatique est un rideau de fumée destiné à occulter les vrais problèmes, inventé par des nantis qui n’en ont aucun. Non seulement ils offensent les dieux, mais ils méprisent les petites gens.

Il y a plus urgent que de se déplacer en voiture électrique : se débarrasser des écolos imprécateurs en les inscrivant à des programmes de rééducation — dans les rizières de Camargue, par exemple.

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Fumée blanche et idées noires

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Saint-Pierre, Vatican, 7 mai 2025 © Francesco Farina/LiveMedia/Shutt/SIPA

La révolution conservatrice américaine, qui ébranle 50 ans d’hégémonie progressiste en Europe, va-t-elle pénétrer l’hermétique conclave ?


Le conclave s’ouvre ce mercredi au Vatican en rassemblant, au cœur de la Chapelle Sixtine, 133 cardinaux dont une majorité désignée préalablement par le pape François, louangé par l’extrême gauche française à son décès, le 21 avril.

Un héritage vulnérable

L’addition des nominations papales laisse présager, a priori, d’une continuité dans l’affichage d’une Église réformiste et ouverte à l’air du temps, plus proche d’une ONG transfrontièriste et immigrationniste que de l’institution bimillénaire surplombant l’Occident qu’elle a conçu.

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Mais le risque d’une perpétuation dans la posture moderniste, qui a conduit François à irriter nombre d’Européens sensibles à la vulnérabilité de l’héritage chrétien, serait d’affaiblir encore davantage le christianisme en Europe, dont Alain de Benoist disait qu’il avait été tué par la modernité qu’il a engendrée, dans un « parfait parricide ». Il est certes improbable que le conservatisme symbolisé par le cardinal africain Robert Sarah puisse s’imposer in fine dans cette assemblée de dignitaires dument choisis. Mais pourquoi ne pas espérer, de la part des cardinaux, une lucidité sur la fragilité de leur Église ? Dans l’opposition qui se généralise entre progressistes et conservateurs, les progressistes partout cèdent du terrain sous l’effet du réveil des peuples et des nations maltraités. Il serait anachronique qu’une fumée blanche vienne saluer un pape héritier en tout de François et de ses naïvetés sur la paisible cohabitation avec la civilisation islamique. D’autant que le timide renouveau du catholicisme, en France, répond à ses traditions immuables et à la force de son message intemporel.

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Reste que, dans ce choc politique entre déracinés et enracinés, les « élites » ont choisi irrémédiablement le camp d’un universalisme militant, qui accélère la dilution de l’Occident angélique.

Curieux relativisme

Emmanuel Macron, soupçonné par la presse italienne d’avoir voulu peser sur l’élection papale en rencontrant certains cardinaux, s’accroche pour sa part à sa résistance contre un « populisme » – ce mot qui dévalue la crainte existentielle des oubliés – qui lui fait commettre de plus en plus d’erreurs de jugement. Ce mercredi, le chef de l’Etat va recevoir à l’Elysée l’ancien terroriste islamiste Ahmed al-Charaa, nouvel homme fort de la Syrie, dont l’organisation (HTS) a été mêlée à l’assassinat du professeur Samuel Paty, égorgé au nom d’Allah. Cet ennemi déclaré de l’Occident n’a pas à être traité comme un chef d’Etat, qu’il n’est pas d’ailleurs. D’autant que Macron avait refusé en revanche de se joindre, le 12 novembre 2023, à la « grande marche civique » contre l’antisémitisme, exacerbé depuis le pogrom du 7-Octobre perpétré par le terrorisme islamiste conte Israël. Dans sa quête de visibilité à tout prix, au risque de la provocation irréfléchie, le président a perdu de vue l’élémentaire distinction entre les ennemis et les amis de l’Occident, au profit d’un relativisme qui fut aussi celui de François. Ce piège est mortel pour la France et l’Europe.

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Pourquoi les Américains sont si gros

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Image d'illustration

Au Kentucky, même le petit-déjeuner s’accompagne d’un menu de desserts…


Vous avez faim, une petite envie, ou alors vous êtes carrément famélique ? Rejoignez-moi au Josie’s Diner à Lexington, Kentucky1, au cœur du pays du Bluegrass, où les chevaux sont sveltes et, soyons francs, beaucoup de gens ne le sont pas. À 8 heures du matin, le Josie’s est bondé, les clients bien en chair affluent pour le repas matinal. Une étudiante mince, heureusement, de l’Université du Kentucky, est ma serveuse.

« G’day, y’all! I Madeline Rose et je serai votre serveuse aujourd’hui », annonce-t-elle avec l’intonation sérieuse des serveurs dans un pays où le terminal de carte bancaire propose une option de pourboire à 25 %. Le menu qu’elle me tend est déjà copieux, mais ce n’est pas tout. Elle énumère les spécialités du jour hors menu pour le petit-déjeuner, au cas où quelqu’un ne serait pas satisfait par le Santa Cruz Burrito signature de Josie’s, composé d’œufs brouillés frais, de saucisse chorizo, de poulet grillé, d’avocat, de fromage cheddar-jack et d’un « filet de sauce Santa Cruz savoureuse » (18,50 $).

« Alors, aujourd’hui, notre quiche contient du jambon, de la tomate et de la mozzarella », annonce-t-elle, terminant ses phrases sur une note ascendante, typique des jeunes blondes américaines. « Notre spécial pancake est le panwhich Oreo [un sandwich de pancakes, apparemment], donc il y a deux pancakes aux biscuits Oreo avec, au milieu, de la crème sucrée, et bien sûr, de la crème fouettée et du sucre glace par-dessus. » Un homme plus audacieux que moi l’aurait arrêtée sur-le-champ. Qu’on m’apporte ce panwhich Oreo ! Mais Mme Miller arborait un air désapprobateur. L’exégèse de Madeline Rose se poursuit :

« Notre smoothie du jour est une limonade à la cerise. La quesadilla est au porc carnitas, avec des poivrons et une sauce ranch à l’avocat. Notre soupe [car qui refuserait une soupe au petit-déjeuner ?] est une soupe au poulet buffalo [pas un croisement entre un bison et un poulet, mais du poulet épicé], et notre spécial petit-déjeuner principal est un croissant avec du jambon, du cheddar et de la mozzarella. C’est une croissantlette [sic] – un genre d’omelette ouverte avec un croissant au milieu, et vous avez un autre croissant à côté aussi. »

Une explication de la corpulence américaine commence à émerger, mais attendez, ce n’est pas fini. « Et pour le dessert, nous avons un pudding de pain ; c’est au chocolat blanc et aux noix de pécan. »

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Moi, l’interrompant : « On peut prendre un dessert au petit-déjeuner ? »

Madeline : « Bien sûr que oui ! »

Mme Miller m’autorise un œuf et une saucisse. Nous sommes dans la Bible Belt. « Ne cessez pas de prier », proclame une pancarte sur le mur de Josie’s. Un conseil judicieux vu les dangers cardiovasculaires proposés dans cet établissement, où un full English breakfast passerait pour un simple amuse-bouche.

Un dessert au petit-déjeuner ! Une anecdote dont je compte me délecter pendant des années. J’ai ma première occasion l’après-midi même au Kentucky Horse Park, où je soutiens loyalement Happy Boy, le cheval de concours de Mme Miller, qu’elle a fait venir d’Angleterre pour l’occasion. (Puisque vous demandez – par FedEx, dans une écurie aérienne, à un coût qu’il est gênant d’admettre.)

Dans le chalet VIP où je me suis infiltré, un déjeuner copieux est servi. La direction étant occupée ailleurs, je me régale et raconte ma découverte du dessert au petit-déjeuner à une connaissance européenne, qui me surpasse immédiatement.

Il me raconte une scène dans un Dairy Queen (une chaîne emblématique de glaces américaines) où une femme de proportions impressionnantes s’était retrouvée coincée dans sa chaise après avoir consommé une concoction fantastique qui l’avait rendue incapable de se lever. Il avait fallu quatre hommes robustes pour la libérer, accompagnés de lamentations pitoyables. « Je reste traumatisé par cette vision », confie mon ami.

En flân-errant vers le stand Mars, où l’on m’offre des M&M’s gratuits, je discute avec deux agents de la police d’État du Kentucky, eux-mêmes non obèses, et leur demande pourquoi il y a tant de personnes XXL en Amérique. « Parce que la nourriture est bonne », répond l’un d’eux. Et c’est vrai. Josie’s était excellent. J’ai mangé une nourriture mexicaine sensationnelle à Midway, Kentucky – une ville plus petite que mon village en France – à la hauteur de tout ce que j’ai mangé au Mexique. Chez moi, en France, vous avez de la chance si vous obtenez plus qu’un croissant rassis dans le café de village moyen.

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Le cheval de Mme Miller s’étant distingué en saut d’obstacles au Horse Park, mon élégie gustative se déplace à l’aéroport de Cincinnati Northern Kentucky, où la spécialité est le chili cinq voies – un lit de spaghettis garni de chili, recouvert de fromage râpé, d’oignons émincés et de haricots rouges. J’ai laissé Mme Miller dans le salon Delta et je me suis régalé, une dernière folie avant mon vol pour Paris.

Je lis qu’une nouvelle génération de médicaments pourrait enfin résoudre la crise de l’obésité. J’en doute. Beaucoup d’Américains semblent prendre plaisir à manger jusqu’à en mourir – mais pas tous, heureusement. L’hôtesse du vol retour, Channelle, était (j’espère que Mme Miller ne lira pas ceci) incroyablement belle, charmante et mince, une Afro-Américaine. Je l’ai félicitée pour sa silhouette exceptionnelle et lui ai partagé ma découverte du dessert au petit-déjeuner.

Elle a sorti son téléphone et m’a montré une photo d’une personne obèse : des bourrelets de graisse, des bajoues de lard. « Qui est-ce ? » ai-je demandé. « C’est moi, il y a un an », a-t-elle répondu. Ce sont vraiment des jours de miracles et de merveilles. Son sauveur, dit-elle, était le régime cétogène, qui induit la cétose (c’est quelque chose, apparemment) où le corps brûle les graisses pour produire de l’énergie au lieu des glucides, entraînant une perte de poids spectaculaire – dans son cas, de 117 à 53 kg. Adieu les pancakes Oreo, bonjour la viande maigre et le poisson.

Son obésité avait failli la tuer, m’a-t-elle dit. Après avoir perdu du poids, elle a dû subir un triple pontage coronarien pour réparer les dégâts. Channelle, au moins, a découvert le remède à l’obésité : la volonté. Comme c’est une qualité qui me fait défaut, il est heureux que je laisse derrière moi le pudding du petit-déjeuner et que je retourne à l’austérité (toute relative) des tables de France.

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  1. https://www.josies-ky.com/ ↩︎

Ne pas jurer

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© AVENUE B PRODUCTIONS

Annoncé comme un film fort du cinéma d’auteur, Je le jure, avec Marina Foïs à l’affiche (notre photo) a vu sa sortie éclipsée par une affaire judiciaire visant son réalisateur, Samuel Theis, accusé de viol en cours de tournage. Bien qu’aucune mise en examen n’ait été prononcée, un protocole exceptionnel avait été mis en place pour isoler le cinéaste durant le tournage, reléguant le septième art au second plan.


Des têtes d’affiche glamour (Marina Foïs, Louise Bourgoin), un sujet fort et humaniste (la responsabilité pénale d’un jeune pyromane confronté à un jury de cour d’assises) : le film Je le jure cochait toutes les cases pour être un des succès du cinéma d’auteur français de ce début d’année.

C’était sans compter avec la plainte pour viol déposée, en cours de tournage, par un technicien à l’endroit de son scénariste-réalisateur, Samuel Theis. Armée du livre blanc du collectif féministe 50/50, la productrice Caroline Bonmarchand met alors illico un « protocole », aussi inédit qu’effarant, en place : confiner le metteur en scène dans une pièce isolée du reste de l’équipe, qu’il doit désormais diriger… à distance.

Le cordon sanitaire est renforcé au moment de la sortie du long-métrage, le 26 mars. Pas de télé, de radio ou de communication sur les réseaux sociaux pour le présumé violeur. Conditions drastiques que l’intéressé accepte, même si, comme l’admet cocassement la distributrice Alexandra Henochsberg dans les colonnes de Télérama, « défendre un film d’auteur sans auteur, c’est évidemment problématique ». Une sortie en catimini (moins de cent copies distribuées) qui embarrasse les critiques de cinéma gênés aux entournures par un film qu’il convient (paraît-il) de qualifier d’« abîmé » – « entaché » aurait plutôt écrit feu Philip Roth. Avec 3 456 entrées le premier jour de son exploitation, le fiasco est effectivement sans appel.

« Il ne faut pas comprendre les faits, il faut comprendre les gens », explique la procureur (Marina Foïs) dans Je le jure, dont le propos est précisément d’interroger la juste mesure de la sanction pénale. Le milieu du cinéma français post-MeToo, lui, expédie les affaires de mœurs qui l’agitent sans autre forme de procès. Sous l’étendard conjoint du principe de précaution et de la transparence absolue, il cancel par anticipation. Rappelons tout de même que Samuel Theis n’a finalement pas été mis en examen, mais placé sous le statut de témoin assisté. Pour l’acteur d’Anatomie d’une chute, plus dur sera l’atterrissage.

La volupté de la transgression ou la douleur de la sanction?

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Un rodéo urbain en banlieue parisienne © HADJ/SIPA

En mars 2024, à Brest, une jeune femme perdait la vie, fauchée en pleine nuit par un conducteur sous l’emprise de stupéfiants et sans permis, au volant d’une moto lors d’un rodéo urbain. Déjà condamné pour des faits similaires, l’homme a été sanctionné le 5 mai par le tribunal correctionnel à dix ans de prison ferme. Une décision saluée par notre chroniqueur comme un exemple de fermeté enfin retrouvée, à l’heure où la justice est accusée d’impuissance face à une violence endémique.


L’alternative que je propose dans mon titre va faire, je n’en doute pas, hurler les belles âmes. Pourtant il faut savoir ce qu’on veut.

Laxisme et ensauvagement

On ne peut pas à la fois s’indigner face à l’ensauvagement d’une société – du fait de majeurs souvent multicondamnés et de mineurs de plus en plus précocement engagés dans la violence – et refuser de mettre en œuvre la dureté pénale qui au moins permettrait de le réduire. J’avoue que j’ai pu moi-même, à mon époque d’accusateur public, être coupable de cette inconséquence quand je tentais de concilier ma volonté de réprimer avec un humanisme qui, quoique sincère, faisait pencher la balance probablement vers une sorte de faiblesse.

Parce que, contrairement à ce que croit le commun des citoyens persuadé qu’il est facile d’être infiniment sévère, que ce mouvement est naturel qui devrait conduire les magistrats de la constatation de l’infraction à la rigueur la plus extrême, le processus est beaucoup plus complexe. Il y a parfois même, j’en suis sûr, une mauvaise conscience à l’idée de châtier le crime ou le délit à la hauteur de ce que l’un ou l’autre mérite.

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Pourtant, si l’on a ces états d’âme, il faut choisir un autre métier, une mission moins éprouvante. En matière pénale en tout cas. C’est pour cela que sous la forme d’une provocation, j’avais suggéré que deux fonctions étaient inutiles dans l’univers pénal : les juges des enfants et les juges de l’application des peines.

L’insécurité, plus qu’un « sentiment »

Ce qui était déjà difficilement admissible quand l’insécurité semblait encore freinée dans son développement est devenu franchement insupportable avec le dépassement de ce qu’une société est capable de tolérer. Il est bien fini le temps où un garde des Sceaux aveugle pouvait évoquer seulement « un sentiment d’insécurité » quand aujourd’hui, grandes cités, périphéries et provinces sont touchées par la gangrène d’une malfaisance prenant mille formes, et d’abord celle effroyable du narcotrafic mêlant le lucre, les meurtres, les assassinats comme s’il en pleuvait !

L’ancien garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, à l’Assemblée nationale, 3 juillet 2023 © Jacques Witt/SIPA

Il est d’autant plus nécessaire de changer radicalement son logiciel, comme le souligne souvent Pascal Praud sur CNews, que malgré cette dérive qui incite même les citoyens les plus équilibrés à juger prioritaire l’ensauvagement national, la vision de la police et de la Justice n’a pas radicalement changé. Y compris à droite, puisque la gauche et l’extrême gauche s’obstinent dans une antienne qui ressasse que la société est coupable et le délinquant victime.

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Ce qui a été décisif dans ma réflexion, outre la nausée devant ce que la quotidienneté fait surgir avec un pire toujours plus indigne, est la profonde lucidité d’un Maurice Berger, pédopsychiatre et psychiatre d’adultes qui un jour, questionné par Sonia Mabrouk, a énoncé cette évidence toute simple, au sujet de l’enfermement : qu’il devrait être plus inconfortable, plus douloureux que la vie d’avant.

Revenir sur la « crainte de la sanction »

On peut bien sûr continuer à applaudir des deux mains tout ce qui adoucit, infléchit, assouplit, fragilise, relativise cette règle d’or. En se félicitant aussi que la crainte de la sanction, en définitive, pèse peu face à la volupté immédiate de la transgression. Mais qu’on ne s’étonne pas alors que le choix soit vite fait pour la plupart des délinquants qui, incapables d’ailleurs de se projeter, optent pour la drogue de l’interdit plus que pour une honnêteté que la rigueur de la Justice devrait imposer.

Et il n’est même pas nécessaire de faire référence au Salvador en se moquant absurdement de ce qu’a très bien dit son président : « Combien de millions de personnes ont ainsi été sauvées par cette sévérité ? »

À lire aussi : « Wallah, tu vas pas tirer, t’es filmé! »

Ce billet m’a été directement inspiré par le jugement selon mes vœux du tribunal correctionnel de Brest ayant condamné à dix ans d’emprisonnement (le parquet en avait requis douze) l’auteur d’un rodéo urbain qui, sous l’emprise de stupéfiants et sans permis, avait fauché une jeune femme au cours d’une nuit de mars 2024. Le prévenu était déjà connu pour des infractions similaires sur le plan de la drogue et de la conduite. Si l’exécution de cette peine n’est, pour une fois, pas totalement dénaturée, nous aurons là l’illustration de ce que ce post cherche à démontrer.

Pour espérer une France moins dégradée, attaquée et meurtrie au quotidien, il faut que la douleur de la sanction relègue au second plan la volupté de la transgression. Ce serait cruel ?

La cruauté serait de ne pas le faire.

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