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Condamnation de Nicolas Sarkozy: et l’image de la France?


Condamnation de Nicolas Sarkozy: et l’image de la France?
3 mars 2021 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage: 01007355_000009

Nicolas Sarkozy, ses juges et la nation française


Dans l’entretien qu’il a eu avec Gilles Bouleau au 20 heures de TF1, Nicolas Sarkozy a vigoureusement dénoncé l’injustice de sa condamnation par le tribunal correctionnel de Paris. Trois jours plus tard, sur le plateau de TV Libertés, Régis de Castelnau a dit tout ce qu’il pensait de cette condamnation et, plus généralement, de cette justice bien pressée, à ses yeux, de s’emparer des dossiers concernant la droite. Un débat entre cet avocat et l’ancien magistrat Philippe Bilger, plus conciliant sur cette affaire, mériterait d’être organisé. Il y a fort à parier que les téléspectateurs se précipiteraient chez leur libraire pour acheter le livre du premier, Une justice politique. Des années Chirac au système Macron, histoire d’un dévoiement, paru en janvier dernier aux éditions de L’Artilleur.

Cette décision de justice qui est une première dans l’histoire de la Vème République puisqu’elle condamne un ancien président à trois ans de prison dont un an ferme, est d’autant plus surprenante que la preuve de la culpabilité du prévenu n’a pu être apportée.

Si celui-ci a fait immédiatement appel, il a également pris les devants et déclaré qu’il irait, s’il le fallait, jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Que des décisions de justice puissent être politiques, cela est difficilement contestable, sauf à se complaire dans la naïveté ou la mauvaise foi. Il n’en reste pas moins que la chose est inacceptable, et qu’elle est scandaleuse lorsqu’elle est avérée.

Le séparatisme des juges

L’inquiétant est peut-être ailleurs. Reconnaissant que leur décision ne s’appuyait que sur un faisceau d’indices qui ne pouvait tenir lieu de preuve, les juges auraient pu être soulagés de n’avoir pas à condamner à de la prison ferme un ancien président de la République et ainsi à n’avoir pas à porter atteinte à l’image de la France. Aussi est-on amené à se demander si la séparation des pouvoirs ne serait pas peu à peu interprétée par certains magistrats comme l’autorisation pour le pouvoir judiciaire d’inaugurer… un séparatisme d’un nouveau genre !

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Ne serait-on pas également en droit de se demander si Nicolas Sarkozy et certains juges, malgré ce qui peut les opposer politiquement, ne communieraient pas dans un même abandon de l’idée de nation devenue à leurs yeux obsolète ? Pour Nicolas Sarkozy, comme pour tous les européistes, la nation serait en attente de son dépassement dans une supranationalité européenne, d’où sa décision prématurée, et comme allant de soi, de se tourner en dernier ressort vers la Cour européenne des droits de l’homme.

Pour les autres, fidèles à de vieilles lunes internationalistes, l’idée nationale serait à dépasser au profit d’une vision communautariste de la société, d’où leur indifférence à l’image du pays et à ce que son identité peut encore représenter aux yeux du monde.

Un drame national

« J’irai jusqu’au bout parce que je n’ai rien perdu de mon énergie malgré mon âge », a conclu l’ancien président. Cette énergie est une qualité qu’on lui reconnaît encore volontiers. Elle apparaît toutefois surjouée et un peu dérisoire. Que ne l’a-t-il mise au service des Français quand il était aux responsabilités ? Que n’a-t-il commencé par respecter leur rejet, en 2005, du projet de traité constitutionnel européen ? Ne s’agissait-il pas là aussi d’une profonde injustice ? À quel drame sa surdité et sa désinvolture d’hier n’ont-elles pas condamné le pays ?

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Ancien collaborateur parlementaire, Jérôme Serri est journaliste et essayiste. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke/Gallimard), Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées), et participé à la rédaction du Dictionnaire André Malraux (éditions du CNRS).

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