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Mourir légalement assisté? Plutôt crever!

Cyril Bennasar nous livre son point de vue sur l'euthanasie


Mourir légalement assisté? Plutôt crever!
Marche annuelle contre l’avortement et l’euthanasie, à l’approche du débat parlementaire sur la fin de vie, Lyon, 6 avril 2025 © KONRAD K./SIPA

Rien n’arrête le progressisme. La mort souffrait d’un vide juridique, la loi euthanasie l’a comblé. Le monde flou du privé, de l’intime et du discret a vécu, le droit et la transparence s’imposent. On mourra désormais dans le cadre prévu pour, assisté et couvert légalement.


En ce moment, quand j’entends le mot, la chanson des Olivensteins me revient.

Vite vite vite y’a encore une fuite
Que le médecin colmate…
Euthanasie papy euthanasie mamy
Votre calvaire est fini.

Je ne les écoutais pas en 1979. J’aurais pu, j’avais 15 ans. À l’époque, c’est par les grands frères de mes copines que je me suis branché, et les grands frères de mes copines n’écoutaient que des trucs de hippies. J’ai envie de dire que je leur dois tout. C’est mon côté modeste. En fait non, il a quand même fallu que j’aille y jeter un coup d’œil à leurs disques, que je trouve l’audace de leur demander de m’en prêter, que j’écoute, que j’insiste avec ce qui ne me plaisait pas tout de suite. Le goût pour la nouveauté, pour l’étrangeté, la curiosité, tout ça, on ne l’avait pas tous. Pour la plupart des mecs, c’était « Allez les Verts ! ». Il y avait beaucoup de « Pascal Praud » dans les classes. Des fans de Platini, de Rocheteau et des autres. Y avait-il un Noir dans l’équipe ? Je ne sais plus. Aujourd’hui, on se demande s’il y aura un Blanc dans la prochaine sélection. Enfin moi je me demande. Mais passons, aujourd’hui, je ne parlerai pas de tiers-mondisation, je parlerai d’euthanasie.

Un accessoire de la panoplie progressiste

Je ne peux pas dire que le sujet me passionne, je dirais même qu’il ne m’intéresse pas. Voilà c’est très simple. Absence d’intérêt. C’est le genre de thème qui m’éloigne aussi sûrement de mes contemporains qu’une finale de Coupe du monde. Ces soirs-là, je regarde un western, comme un juif dans un film de Desplechin qui le soir de Noël mange des pâtes.

Je suis juste effaré que tant de gens s’activent jusqu’au militantisme pour ça. Des gens veulent mourir quand ils veulent et comme ils veulent. Grand bien leur fasse, mais qui les en empêche ? Personne, mais ce n’est pas dans la loi. Alors voilà, on réclame un cadre légal pour mourir. Le droit qui s’est emparé de tout sur terre convoite le monde des ténèbres. Il ne suffisait pas qu’il régente la vie, le voici appelé à contrôler la mort. Chez La Fontaine, les grenouilles réclament un roi. Chez nous, les citoyens braillent : Une loi, une loi !

Je vois bien qu’il y a deux camps et toutes les nuances qu’il faut entre les deux, mais déjà que le thème m’ennuie, alors les nuances… Le seul truc un peu drôle, c’est l’affrontement. Un peu Don Camillo. L’autre soir, à un dîner, une fille à qui je disais que je m’en foutais me répond donc tu es contre et me demande si je suis aussi pour la peine de mort parce qu’en général, ça va ensemble. Je n’ai pas eu le réflexe de lui demander puisqu’elle était pour l’euthanasie, si elle était aussi pour la légalisation du cannabis, le mariage gay et la régularisation des « sans-papiers » parce qu’en général, ça va ensemble. Ça ne m’est pas venu, c’est comme ça chez les introvertis, ça arrive avec deux métros de retard alors je vous le sers dans le journal. Rien ne se perd.

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Elle a raison la patronne, le droit de mourir « dans la dignité » comme ils disent est un accessoire de la panoplie progressiste. Et puisque c’est un accessoire qui contrarie le catho réac, à gauche on ne s’en prive pas. Même ceux qui n’y ont pas réfléchi savent qu’il faut pencher de ce côté-là puisqu’il suffit d’être contre la droite pour être dans le bon sens.

Un Dieu jaloux

Et qu’avons-nous en face ? Les cathos. Eux sont farouchement contre pour des raisons aussi peu originales et personnelles que les autres. Ils n’ont simplement pas le droit. C’est Dieu qui leur a dit. Tu ne te feras pas sauter le caisson, même assisté, je suis le seul à pouvoir le faire, à te rappeler quand ça me chante, n’oublie pas que je suis un Dieu jaloux.

Voilà, c’est dans la Bible, pas comme ça, mais vous avez compris. Et c’est pour ça qu’ils sont contre. Que disent-ils à leur grand-mère qui les a assez vus, qui se tord de douleur et qui se chie dessus ? Allez mémé, un peu de courage, il ne vous a pas rappelée, et priez au lieu de gémir. Évidemment, ils ne la ramènent pas avec leur bondieuserie à la télé, ils invoquent la protection des plus faibles, les dérives, les abus, le basculement civilisationnel, et la toute vieille qu’en finit pas d’vibrer et qu’on attend qu’elle crève vu qu’c’est elle qu’a l’oseille, de la chanson de Brel.

Là, ils marquent un point. L’insistance malsaine et intéressée d’une famille impatiente pour qu’on cesse de « s’acharner », pour « qu’on en finisse », c’est un argument. Mais que faire ? Je crois que dans cette situation, je déshériterais les petits vautours pour échapper aux pressions. Enfin je ne m’inquiète pas, je n’aurai rien à léguer qui mérite qu’on se conduise mal.

Liberté encadrée, très peu pour moi…

Pour le reste, le changement de civilisation, je ne vois pas trop. Le médecin qui a juré de sauver la vie et qui donnerait la mort, une rupture anthropologique ? Il faudrait qu’on m’explique mieux. Il me semble qu’on peut être multicarte. L’alcool, ça sert à désinfecter ou à se bourrer la gueule ? Les deux. On trahirait le serment d’Hippocrate en accordant une dernière volonté au condamné ? J’ai des doutes.

D’ailleurs, on en débat mais tout ça existe déjà. Les soignants le disent, l’euthanasie ou le suicide assisté se pratiquent couramment à la demande d’un patient et dans la discrétion d’une famille et d’une équipe médicale. Et c’est peut-être ça qui dérange : la discrétion. Il s’agit donc sans tarder d’aller jusqu’au seuil de la mort poser un cadre légal et imposer plus de transparence. Olivier Falorni le dit très bien, la loi permettra « d’accéder à une nouvelle liberté, mais une liberté strictement encadrée sur la base de critères rigoureusement établis ».

Une liberté strictement encadrée, ce n’est pas le genre que je préfère. Des critères rigoureusement établis pour mourir. Plutôt crever ! Mais de grâce, sans être encadré ni assisté, seul et par mes propres moyens. Dans la dignité, comme ils disent, enfin dans l’idée que je m’en fais. Et là il y en a toujours un qui me répond : Et si tu ne peux pas, mon vieux ? Pas de bras, pas de trépas. J’y ai pensé. Je cherche depuis à me faire un ami sûr ou un ennemi solide pour me faire passer de l’autre côté en cas de besoin. Et si à l’agonie, je n’ai trouvé personne, j’en conclurai que j’ai raté ma vie. Alors, je pourrai bien rater ma mort.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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