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La croisière s’amuse

Keffieh et crème solaire : la flottille de la vanité


La croisière s’amuse
La Suédoise Greta Thunberg et la Française Rima Hassan, Catane, Italie, 1er juin 2025 © Salvatore Cavalli/AP/SIPA

À bord du voilier Madleen parti de Sicile dimanche, l’eurodéputée de La France insoumise Rima Hassan et l’activiste écologiste Greta Thunberg sont en route vers Gaza. Bien que leur initiative suscite des réactions contrastées, elles affirment mener une opération humanitaire… Tout le monde les trouve cependant un peu ridicules, et certains observateurs leur reprochent d’instrumentaliser politiquement le drame du conflit israélo-palestinien. L’armée israélienne, habituée à ces « flottilles de la liberté », a déclaré: «Nous avons acquis de l’expérience ces dernières années et nous agirons en conséquence.»


Que font les influenceuses quand elles sont positionnées sur un secteur en perte de vitesse, ou que leur image s’abîme ? Elles changent. L’investissement dans la vertu étant ce qui rapporte le plus de bons points médiatiques et la vertu se portant aujourd’hui en keffieh, Greta Thunberg (ex auto-entrepreneuse dans l’écologie accusatrice), Rima Hassan (égérie mariale du palestinisme), Thiago Avila (amoureux de l’idéologie de l’ex-leader du Hezbollah Hassan Nasrallah au point d’assister, défait, à ses obsèques) et quelques autres exaltés (Blast, Al-Jazeera…) sont partis en voilier « ouvrir un couloir humanitaire maritime vers Gaza ».

Spring Break

Bon, passons sur le fait que tout leur chargement représente un pourcentage dérisoire de ce que l’armée israélienne et américaine distribuent à Gaza, l’intention n’en reste pas moins louable. Le problème, c’est la réalisation.

Censée partir briser un « blocus » ayant causé un « génocide », les premières images de cette mission de la dernière chance ont causé quelque peu d’étonnement : larges sourires, poses minaudantes, baignades improvisées et petits dîners entre amis, nos vaillants héros voguant pour affronter d’affreux « génocidaires » ressemblaient à des étudiants américains en pleine décompensation du Spring Break. Plus jeunesse dorée sur un voilier que missionnaires habités par le devoir. Mais sans doute était-ce pour rendre plus attractif l’engagement politique ?

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Justement, en parlant d’engagement politique, Rima Hassan n’a pas été avare sur l’étalage de son courage. Pensez-vous, elle va affronter à elle toute seule l’armée israélienne. Elle se tient donc « prête à mourir », menton levé, mâchoire serrée, regard ferme. Une icône. Mais ça c’était avant de croiser des drones, de tourner une vidéo en mode panique à bord, on va tous mourir, tweetant « nous nous préparons à une possible attaque, nous avons besoin de vous », pour reconnaitre finalement qu’ils avaient été observés par des drones de surveillance grecs après être entrés dans leurs eaux territoriales. Décidément, Mykonos c’est moins sympa qu’avant.

C’est peut-être un détail pour vous

Continuons donc avec « la croisière s’amuse ». C’est le problème classique, quand tu as une super idée, avec tes potes activistes bourrés à cinq heures du matin : « Eh, vas-y, si on allait en bateau sauver la Palestine ? », parfois si ça foire dans la réalisation, c’est que déjà au moment de la conception le cahier des charges était mal défini. Or le hic, avec les activistes palestiniens en Occident, c’est qu’ils font de la géographie et de la planification comme ils font de l’histoire : selon leurs fantasmes et non selon les faits. Donc en général, quand on veut ouvrir un couloir humanitaire maritime pour Gaza, il est bon d’avoir un port de départ. Encore mieux d’avoir aussi un port d’arrivée. Or, il n’y a pas de port à Gaza… Mais, ce doit être un détail. Sauf si tout cela n’est qu’une gigantesque opération à la fois de provocation et de communication. Est-ce-que cela va aider un seul Palestinien ? Poser la question c’est y répondre.

Enfin, cerise sur le strüdel, aux dernières nouvelles, l’élégant voilier de la « flottille de la liberté » aurait une histoire aussi trouble que la nature de son voyage actuel : son port d’attache est situé en Iran et les conditions de son affrètement interrogent. Pendant ce temps la croisière continue de s’amuser, espérons que cela ne finira pas à nos dépens.



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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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