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Le révisionnisme progressiste du peintre Kehinde Wiley

L'appropriation culturelle autorisée


Le révisionnisme progressiste du peintre Kehinde Wiley
Kehinde Wiley en décembre 2019 © Michele Eve Sandberg/REX/SIPA Numéro de reportage: Shutterstock40739334_000014

Race et histoire


Le vent du Nouveau monde souffle à nouveau sur l’hexagone. À travers les toiles de Kehinde Wiley, les inconditionnels de la race et du genre débarquent sur La Croisette. À la fois noir et homosexuel, ce Californien quarantenaire s’est naturellement imposé comme la nouvelle coqueluche des identitaires progressistes. Jusqu’au 1er novembre, une trentaine de ses toiles sont exposées au centre d’art La Malmaison. « Quand l’exposition qui se tient à Cannes a été décidée, George Floyd n’avait pas été assassiné et le mouvement Black Lives Matter n’avait pas encore sa puissance actuelle. C’est dire combien cette présentation tombe juste », s’enflamment nos confrères du journal Le Monde.

Repeindre le monde en noir

L’artiste « black queer » a connu la consécration en faisant le portrait officiel de Barack Obama il y a deux ans. On lui doit aussi un Christo Redendor campé par un Noir torse nu exhibant ses abdos « plaquette de chocolat », un portrait de Michael Jackson sur un cheval blanc inspiré de Rubens et surtout, un Napoleon Leading The Army over the Alps, où l’empereur est incarné par un homme noir coiffé d’un bandana de type gangsta rap sur un majestueux cheval qui se cabre. La toile est directement calquée sur Le Premier consul franchissant les Alpes au col du Grand-Saint-Bernard peint par Jacques David il y a deux siècles. Une appropriation culturelle bénie par ses adeptes qui voient dans leur idole un premier de cordée des luttes antiracistes et LGBT.

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En effet, s’il a longtemps peint pour palier « l’absence du corps noir dans les tableaux », Kehinde Wiley œuvre désormais pour le troisième sexe en mettant en scène des transgenres tahitiennes. « Si séduisante avec ses harmonies chamarrées et ses beaux modèles, la peinture de Wiley est une machine à dissiper les mythes d’une froide efficacité », se pâme Le Monde qui voit là une revanche sur les missionnaires catholiques qui obligeaient les belles vahinés à « cacher leur nudité sous des robes dites de « mission »». D’aucuns y décèleront le coup de grâce porté au colon blanc Paul Gauguin, déjà étiqueté infréquentable adepte de chair fraîche exotique par le New York Times en novembre dernier.

Appropriation culturelle à sens unique

En s’appropriant l’iconographie catholique – à travers des vitraux mettant en scène ses personnages noirs en guise de martyres -, Kehinde Wiley a suscité les louanges des promoteurs habituels de la repentance occidentale. Si Wiley avait osé peindre les compagnons du prophète Mahomet en hommes noirs issus de clips de gangsta rap, ces mêmes groupies auraient-elles soutenu leur égérie du moment avec autant de zèle? N’incriminons pas les fans si vite. En effet, certains décèlent un caractère épique dans l’œuvre de réécriture de l’histoire occidentale par leur idole. L’exposition de La Malmaison est d’ailleurs intitulée « Kehinde Wiley, peintre de l’épopée ».

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Vous souhaitez savoir quelles sont les influences de l’artiste? Rebroussez chemin. L’œuvre de Wiley est uniquement abordée par le prisme du révisionnisme historique si cher aux serviteurs des minorités bruyantes ou autres déboulonneurs de statues. Pourtant, hormis ses avalanches de couleurs exubérantes qui pourraient donner la nausée à certains, ses toiles sont extrêmement soignées et découlent d’un travail suffisamment minutieux pour que cela mérite d’être souligné. À force de voir des symboles de « Black Pride » ou autre revanche des minorités écrasées par le mâle occidental dans le moindre coup de pinceau de Kehinde Wiley, ses thuriféraires pourraient vite nous dégoûter de ses toiles. Pas sûr que l’artiste apprécie: « Quand vous êtes un artiste noir, on ne vous autorise pas à être complexe. On vous colle une étiquette politique, comme si vous ne pouviez pas aussi être poétique », déclarait-il au Monde en 2019.

Si vous parvenez à oublier qu’il est l’icône des antiracistes qui ne jurent que par la race et si vous souhaitez restituer à l’artiste la dimension poétique que ses groupies aux accents indigénistes lui ont spolié, vous pourrez donc vous faire une idée de l’œuvre de Wiley sur La Croisette. Elle en vaut quand même la peine.

Kehinde Wiley, peintre de l’épopée, Centre d’art La Malmaison, 47, boulevard de La Croisette, Cannes. De 3 € à 6 €



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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