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« Le domaine de la défense doit rester français »

Entretien avec Jérôme Rivière


« Le domaine de la défense doit rester français »
Jérôme Rivière D.R.

Le député européen Jérôme Rivière (groupe Identité et Démocratie) publie Tocsin: Chroniques contre les liquidateurs de la France (Editions La Nouvelle Librairie). Grand entretien.


Causeur. Commençons par l’actualité politique. Vous étiez député des Alpes Maritimes et vous connaissez bien les personnages clé de la campagne des régionales en PACA – Estrosi, Ciotti, Mariani. Quelle est votre analyse de la situation politique dans la région ?

Jérôme Rivière. J’attendais une recomposition politique mais je pensais qu’elle allait avoir lieu à l’issue des élections régionales. Les choses vont beaucoup plus vite qu’on ne pouvait l’imaginer et je suis donc heureusement surpris qu’elle ait lieu avant cette échéance.

Renaud Muselier, qui n’a jamais été élu président de région – en 2015 c’était Christian Estrosi qui était tête de liste – a été pris de panique et il s’est précipité dans le piège tendu par Emmanuel Macron. Sa manœuvre désespérée a exposé son véritable visage : un élu qui n’est pas assis sur un socle de convictions, mais motivé exclusivement par l’ambition de rester président de la région PACA. Pour les électeurs, ce n’est pas suffisant. On n’est pas candidat pour un poste mais pour mettre en œuvre un projet. Or il ne sait pas ce qu’il veut faire, car il ne sait pas avec qui il veut gouverner la région. En conséquence, je crois qu’il sera désavoué dans les urnes de façon très importante.

Quand aujourd’hui, l’UE choisit d’allouer des crédits aux régions plutôt que de l’allouer aux États, c’est l’expression de cette volonté de déconstruire les États.

Est-ce que les manœuvres politiques en PACA dévoilent un nouveau rapport des forces dans les relations entre les appareils nationaux et les élus des villes et des régions ? Estrosi est-il devenu un baron capable de négocier directement avec le président et les partis ?  

Il n’y a pas vraiment un rapport de force parce que le parti Les Républicains est mort, c’est une coquille vide aujourd’hui. Christian Estrosi et Valérie Pécresse ont d’ailleurs créé leur propre parti politique. L’analyse que font Christian Estrosi et Hubert Falco est que le choix politique à faire en France est entre le projet mondialiste porté par Emmanuel Macron et le projet national porté par Marine Le Pen. Ils font donc un choix idéologique cohérent « je suis avec les mondialistes, et donc je m’allie avec Macron ». Ceux qui refusent de choisir sont en difficulté. Je constate qu’Éric Ciotti est très près lui aussi de faire un choix car il a dit qu’il refuserait de s’allier avec Macron et son projet mondialiste. Il ne lui reste donc plus qu’à franchir le dernier pas et à aller jusqu’au bout de sa logique. Si son projet est de dire « je vais voter blanc », il ne pourra pas se présenter aux élections législatives. Tous ces élus qui disent refuser le projet de Macron mais n’osent pas dire que le seul autre projet est porté par Marine Le Pen, doivent faire le choix de la cohérence sinon, ils sont condamnés à disparaître.

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Des alliances au niveau régional ne sont pas forcément les mêmes que des arrangements au niveau national. Les enjeux et les compétences ne sont pas les mêmes…

Je ne partage pas cette analyse. Je pense qu’il y a des tendances politiques nationales extrêmement fortes en raison de l’état de la France. Les élections régionales arrivent à un moment où les Français sont inquiets sur des sujets comme la sécurité et l’immigration où enjeux régionaux et nationaux convergent. Ce sont des sujets très sérieux, mais qui aujourd’hui ne font pas partie des débats de la campagne des régionales. C’est la raison pour laquelle nos candidats du Rassemblement National ont souhaité mettre ces inquiétudes en matière de sécurité à l’ordre du jour et y répondre.

Mais ces sujets ne font pas partie des prérogatives des régions !

Si ! Dans le domaine des transports, des lycées, il y a des actions à mener. Nous avons des propositions concrètes, notamment de mettre partout où les collectivités mettent 1€ en matière de sécurité, 1€ supplémentaire de la part de la région. Je crois que le débat national est en train d’écraser l’enjeu régional de ces élections. C’est une sorte d’avant-premier tour des présidentielles.

D’accord, mais alors, que peut-on reprocher à Estrosi en matière de sécurité ou d’immigration ?

On peut lui reprocher de soutenir très clairement la politique de Macron ! Après avoir tenu dans le passé des propos parfois excessifs, il a basculé pour devenir le chantre du « vivre-ensemble »,  et de la  société multiculturelle. Il nie désormais le lien entre immigration et insécurité. Cela n’a rien à voir avec le personnage qu’il a pu être. En 1998, quand nous étions conseiller régional l’un et l’autre, j’ai assisté à un échange téléphonique de Christian Estrosi demandant le soutien de Jean-Marie Le Pen. Il n’a aucune conviction, les élections sont pour lui avant tout un exercice afin de « gagner le pouvoir » et de le conserver, sans réellement se préoccuper du projet qu’il propose à ces concitoyens. C’est cela qui pose un problème aux électeurs, car ils ne sont plus dupes. On ne leur propose aucun projet. Renaud Muselier, par exemple, je ne saurais pas vous dire ce qu’il propose. Nous, nous sommes cohérents.

Vous critiquez dans votre livre l’Europe, en pointant sa sur-bureaucratisation mais aussi le déficit démocratique structurel de ses institutions. Mais est-ce que cela n’est pas finalement la même chose en France ? En France, n’y a-t-il pas également un problème de sur-bureaucratisation, un de déficit de démocratie (les scores de RN en sont l’exemple parfait : 35% aux présidentielles mais sous-représenté au Parlement) . Autrement dit, ne reproche-t-on pas à l’Europe nos propres maux à nous ?

Vous avez raison, mais c’est parce qu’elles marchent main dans la main. Le projet qui est porté par Macron a été porté précédemment par de très nombreux gouvernements, que ce soit ceux des présidences Hollande, Sarkozy ou Chirac. Ils ont porté un projet qui est celui de la mondialisation, d’un monde qui n’est pas organisé autour des nations. Depuis 1992 et le traité de Maastricht, il y a une volonté d’un certain nombre de dirigeants politiques de dépasser les nations qu’ils jugent obsolètes, en ayant placé au-dessus d’elles une institution supranationale, l’Union Européenne, qui obère gravement  la souveraineté des Etats. Par ailleurs, ceux qui sont aux commandes de l’UE sont des personnalités inconnues des électeurs et sans légitimité démocratique. La désorganisation a été en partie voulue. Quand aujourd’hui, l’UE choisit d’allouer des crédits aux régions plutôt que de l’allouer aux États, c’est l’expression de cette volonté de déconstruire les États.

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En tant que député européen, vous avez choisi de vous impliquer dans les affaires étrangères, et dans la sécurité et la défense, ce sont les deux domaines régaliens par excellence. Pourquoi avez-vous fait le choix de vous engager dans le domaine où l’Europe est la moins légitime ?

C’est une excellente question, et c’est parce que c’est le sujet sur lequel l’UE est le moins légitime. Il est indispensable de veiller à ce qu’elle ne s’empare pas de sujets qui ne sont pas de ses compétences. Malheureusement c’est aujourd’hui la tentation de beaucoup de dirigeants, et notamment de Macron qui parle en permanence de « souveraineté européenne », mais aussi d’Ursula Van Der Leyen qui parle de « défense européenne ». Il existe une vraie tentative d’essayer de faire passer ces domaines régaliens au niveau européen. Il faut donc être  présent dans ces commissions pour voir la façon dont ils sont en train d’avancer afin de s’y opposer. Il n’est pas question que le domaine de la défense soit un domaine européen, cela serait synonyme d’inefficacité. On le voit en matière diplomatique, la posture de l’UE est une posture d’immense faiblesse. Ce sont des sujets graves, car ils touchent au cœur même de ce qui fait nos nations. C’est encore plus vrai pour la France, unique au sein de l’UE par la possession de l’arme nucléaire, le siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU, et la seule véritable armée depuis le départ de la Grande Bretagne. Ma présence dans ces commissions est pour défendre ces atouts. Dans les textes étudiés, les attaques contre ces forces de la France y sont régulières, et d’ailleurs souvent votées par les députés En Marche.

Quelle est la stratégie de l’UE en matière de politique étrangère ? Quel grand plan, quelles lettres de mission reçoit un commissaire européen aux affaires étrangères ?

Ce que je constate sur la façon dont ils sont aujourd’hui en train de gérer les crises, c’est une posture de compromissions permanentes. C’est Alain Juppé qui évoquait des « accommodements raisonnables » au niveau français, et c’est ce qui est fait au niveau du Haut-Commissaire pour la politique extérieure, qui s’emploie à réaliser de petits arrangements. Et ces petits arrangements conduisent à l’humiliation qui a été vécue à Ankara lorsque, en respectant le protocole, le président turc ridiculise la Commission, les instances de l’UE et démontre qu’en représentant une nation sachant ce qu’elle veut, il met à mal une institution qui ne représente personne et ne peut donc pas savoirce qu’elle veut. Vous interrogez les Français aujourd’hui, il est évident qu’ils ne souhaitent pas que la Turquie adhère à l’UE. Or les dirigeants de l’UE vont en Turquie en continuant de prétendre que la Turquie pourrait devenir membre de l’UE, et en continuant de payer chaque année des milliards de crédit de pré-adhésion. C’est une position de faiblesse absolue !

Est-ce qu’il y a un consensus en Europe sur ses frontières ? On ne peut pas avoir une politique étrangère d’un objet dont on ne connaît pas même les frontières. Dans la tête des instances européennes, pour ceux qui souhaitent une UE forte et qui la dirige, quelles sont pour eux et selon vous les frontières de l’Union ?

Les frontières de l’UE, dans la tête de ses actuels dirigeants gonflent en permanence. Ils essaient d’introduire les Balkans dans le processus d’élargissement, ils continuent de penser que l’Ukraine devrait intégrer l’UE. Tout en disant le contraire, les technocrates de Bruxelles poursuivent l’élargissement y compris à la Turquie. Ils pensent que l’UE a une vocation mondiale, comme s’il s’agissait de l’ONU. La notion de frontières n’existe pas pour eux, ce sont des mondialistes sans-frontiéristes.  L’exemple de l’immigration est révélateur : sous de fallacieux prétextes humanitaires, des millions de migrants ont été acceptés dans l’UE qui est devenue une véritable « passoire ».

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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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