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L’intégration ne passera pas par la repentance


L’intégration ne passera pas par la repentance

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L’actualité remet le couvert sur le discours de Chirac de juillet 1995 reconnaissant les crimes de Vichy contre les Juifs.

D’une part, le documentaire consacré à Pétain sur France 2 présente cette reconnaissance comme une réponse à une demande de la communauté juive.

Ce qui n’est pas le cas.

D’autre part, ce discours est invoqué dans tous les débats sur l’intégration comme exemple à suivre, un exemple de repentance de la France envers les descendants de l’esclavage et de la colonisation.

Une mise au point s’impose sur ce deux plans.

La demande de reconnaissance des crimes de l’État français de Vichy n’est pas venue de la communauté juive en 1995, comme le donne à penser le documentaire consacré à Pétain, excellent par ailleurs.

En juin 1992, parut dans Le Monde un appel du comité Vel’ d’Hiv’ 42 composé de 11 citoyens français juifs et non-juifs, qui demandait au président Mitterand de reconnaître officiellement les crimes de l’État français de Vichy contre les Juifs de France à l’occasion du cinquantième anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv’.

Le Monde publiait en même temps les noms de deux cents personnalités intellectuelles et artistiques qui soutenaient l’appel de ce comité.

Le 14 juillet 1992, dans l’interview qu’on voit dans le documentaire, Paul Amar demanda à Mitterrand s’il comptait répondre à cet appel. Son refus déclencha une vaste polémique dans tous les médias, qui contribua aux huées qui accueillirent Mitterrand quand il se résigna à venir à la cérémonie de commémoration du Vel’ d’Hiv’, mais sans y prendre la parole.

La demande de reconnaissance officielle formulée d’une façon très précise par le Comité Vel’ d’Hiv’ 42 n’était pas une demande de repentance, mais de vérité. L’important était que la vérité déjà établie par les historiens soit proclamée officiellement au nom de la France, pour devenir la mémoire commune de tous les Français. La reconnaissance officielle de la vérité historique est la condition d’une mémoire partagée. C’est ce que le discours de Chirac a parfaitement accompli, d’un seul coup.

Tel est également le seul usage légitime de ce discours : que la vérité historique ne soit l’objet d’un non dit officiel, qu’elle soit officiellement reconnue.

Car de même qu’il y a en France des Juifs français dont les parents ont vécu  cette période, il y a en France des Français ayant des ascendants Arabes et Noirs issus de pays hier colonisés et en particulier de parents ayant connu la guerre d’Algérie.

S’il existait un non-dit officiel sur ce passé colonial, comme c’était le cas avant 1995 en ce qui concerne la responsabilité de l‘État français de Vichy, il faudrait impérativement supprimer officiellement ce non-dit officiel. Et si ce non dit officiel était avéré, et si la vérité restait à reconnaître officiellement, il faudrait encore qu’elle ne soit pas tronquée, réduite à nos seules fautes, en raison de la mauvaise conscience de l’ex-colonisateur. Il faudrait aussi que la vérité sur les aspects négatifs de la colonisation et de la décolonisation soit reconnue toute, par la France et par les pays hier colonisés. Dans la guerre et l’après-guerre d’Algérie, la France n’a pas eu le monopole des crimes.

De même pour l’esclavage. Les Européens n’en ont pas eu le monopole.

Le discours prononcé par Chirac en 1995 ne doit pas servir à nourrir la demande de repentance et le ressentiment au détriment de la vérité.

 

*Photo : LEMOUTON-POOL/SIPA. 00641069_000014.



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André Sénik, professeur agrégé de philosophie.

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