Accueil Monde « I am Mexicano »: l’insécurité culturelle existe, les Américains l’ont rencontrée

« I am Mexicano »: l’insécurité culturelle existe, les Américains l’ont rencontrée

50 millions d'hispanophones, et eux, et eux, et eux...


« I am Mexicano »: l’insécurité culturelle existe, les Américains l’ont rencontrée
Un restaurant mexicain à New-York, 2014. SIPA. SIPAUSA31294716_000022

L’histoire des enfants séparés de leurs parents à la frontière américano-mexicaine a fait beaucoup jaser. Avec raison, car cette situation est bel et bien inacceptable. Avant d’être une question politique, c’est une question d’humanité. Les gouvernements occidentaux ont le devoir de montrer l’exemple, car sans tomber dans l’humanitaire à l’eau de rose, ils demeurent malgré tout les principaux défenseurs des droits de l’homme. Le monde arabe ne pourrait pas en dire autant. L’Occident a une responsabilité particulière.

Mais cette situation nous a aussi rappelé à quel point des chroniqueurs et analystes hors des États-Unis pouvaient ne rien comprendre à l’insécurité culturelle qui sévit actuellement dans ce pays. Pour comprendre les réticences de plus en plus de citoyens américains par rapport à l’immigration, surtout illégale, il faut (évidemment) contextualiser. Tous les empires sont mortels, et le peuple américain commence vraiment à le ressentir.

50 millions d’hispanophones aux États-Unis

La peur d’une hispanisation massive du territoire américain est réelle, tangible, ce n’est pas une chimère fabriquée par les tenants de l’extrême droite conspirationniste. Les partisans de Donald Trump n’ont pas tout inventé, ils surfent sur une vague qui n’est pas leur création propre. Donald Trump peut alimenter le courant, mais il n’est pas le seul architecte de l’époque naissante. Avant lui, il y avait déjà un nouveau scénario.

Sachons que les hispanophones sont maintenant 50 millions aux États-Unis. Sur une population de 325 millions d’Américains. Les locuteurs de la langue espagnole sont tellement nombreux que des mesures plus musclées pour protéger l’anglais pourraient éventuellement voir le jour. Plusieurs États ont déjà fait de l’anglais leur langue officielle, mais il n’existe pas de loi aussi contraignante que celle du Québec pour préserver le français, la loi 101, laquelle force les entreprises et la société civile à agir. Le climat est au bilinguisme. À Montréal, dans les commerces, c’est le Bonjour/Hi. À Los Angeles et à Miami, c’est le Hi/Hola.

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Il faut aussi rappeler que la Constitution des États-Unis ne reconnait aucune langue officielle. Après la guerre d’indépendance, nombreux sont ceux qui parlent allemand dans les nouveaux États, l’immigration protestante étant ce qu’elle est. Le libéralisme à l’américaine empêchera les pères fondateurs d’adopter officiellement l’unilinguisme.

L’insécurité culturelle aux États-Unis est directement liée à cette insécurité linguistique trop souvent passée sous le radar des différents commentateurs. L’une des 22 Académies de la langue espagnole se trouve à New-York, de nombreux politiciens WASP (même républicains) parlent couramment espagnol et les stations de radio passent en bouclent les derniers succès musicaux latinos. Pour donner une idée de grandeur, en 2015, il y avait déjà plus d’hispanophones aux États-Unis qu’en Espagne !

La peur de la violence mexicaine hante les Américains

Il faut aussi souligner qu’il y a eu 25 000 homicides au Mexique en 2017, le plus grand nombre annuel de meurtres en 20 ans. Ce n’est pas un fait anodin, c’est un record d’ensauvagement. Que le Mexique soit aux prises avec un très grave problème de violence endémique est loin d’être une grande nouvelle. Pourtant, à lire les mêmes analystes qui s’indignent de la construction du mur à la frontière sud, cette réalité est secondaire, ce serait un détail. L’histoire montre pourtant que ce qui est un détail pour la gauche est souvent une préoccupation majeure pour la droite.

Non seulement le pays de Miguel Hidalgo produit annuellement autant de morts que des régions directement touchées par la guerre, mais la vision d’un Mexique à feu et à sang est entretenue par de grands producteurs audiovisuels comme Netflix. La réalité de la violence mexicaine est utilisée comme trame de fond à de nombreuses séries populaires telles que Queen of the South, lesquelles sont écoutées par des millions d’Américains dans le confort de leur foyer. La porosité entre leur État et l’ancien empire aztèque inquiète les visages pâles de l’Amérique en déclin.



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Auteur et journaliste. Rédacteur en chef de Libre Média. Derniers livres parus: Un Québécois à Mexico (L'Harmattan, 2021) et La Face cachée du multiculturalisme (Éd. du Cerf, 2018).

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