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Hollande, morne plaine


Les socialistes veulent vraiment le pouvoir, voilà l’élément fondamentalement nouveau apparu au cours des primaires citoyennes qui se sont terminées par la nette victoire de François Hollande hier soir. L’ensemble de ce processus inédit a démontré que les leaders de la génération laissée en rade par Lionel Jospin le soir du 21 avril 2002 ont finalement réussi à s’apprivoiser entre eux en trouvant un moyen original d’assumer leurs divergences sans pour autant offrir le spectacle d’une lutte florentine, leur pêché mignon.

Il leur aura fallu dix ans pour retrouver des couleurs présentables à une présidentielle et afficher ce visage conquérant. Dix années partagées entre les synthèses molles d’un François Hollande premier secrétaire, une bataille qui vira au combat fratricide sur la question européenne (à l’occasion du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen, qui préfigura la campagne présidentielle atterrante de 2007), et enfin le fiasco du congrès de Reims en novembre 2008 où l’opacité le disputa à l’irrégularité pour liquider « l’épisode Royal ». Durant cette période, le PS étant devenu le « parti des territoires » vainqueur de toutes les élections locales, son incapacité à définir un projet clairement alternatif à celui de la droite pouvait laisser penser qu’il était prêt à se satisfaire de ce rôle somme toute confortable.

Puis un héros vint de l’ouest. Une vieille gloire des années Jospin qui avait trouvé un asile doré à Washington fut exhumée par la baguette magique des sondages. L’élite des journalistes avait trouvé un remplaçant à Nicolas Sarkozy, que l’encombrante impopularité commençait à rendre indéfendable. Installé sur le trône avant d’avoir fait mine d’y songer, DSK minutait son retour avec l’application d’un horloger suisse mais neuf minutes obscures dans une chambre d’hôtel firent tout chavirer. L’heure de François Hollande était venue.

Le banni de Reims, renvoyé dans sa Corrèze élective après que Martine Aubry fut intronisée cheffe de l’opposition presque contre sa volonté, sillonnait pourtant « la France des régions » depuis un an, reprenant langue avec tout ce que le monde socialiste compte de baronnies. Il a suffi de cinq jours après la sidération provoquée par les nouvelles du Sofitel et de Rikers Island pour qu’un sondage TNS-SOFRES permette au vide d’être comblé. La « prophétie auto réalisatrice », comme Jean-Luc Mélenchon baptisa la dynamique Hollande, se mit en place, sans que le premier intéressé ne fit rien. Une curieuse alchimie opéra et l’ex premier secrétaire glissa alors naturellement dans le costume prêté jusque là à DSK. Le promoteur de la présidence « normale », hier moqué, transforma soudain en moues enjouées les sourires compatissants qui se dessinaient jusqu’ici sur les visages à l’évocation de sa candidature. Il vola en tête des sondages, se composant un personnage super sérieux, aussi concentré sur son régime qu’assumant une ligne on ne plus centriste. Chirac y alla même de son bon mot de légitimation, profitant de sa proximité corrézienne avec François Hollande pour envoyer une pique à son successeur.

On verra bien le 6 mai prochain si cette tranche de peuple a eu raison. En attendant, la gauche va soutenir à l’élection présidentielle l’ex-compagnon de sa précédente candidate et offrir à leurs enfants une seconde chance d’avoir un de leurs parents à la tête du pays, chose anecdotique si elle n’était un symbole furieux de l’endogamie des élites. Au moins, « ce couple est une réussite » comme l’a finement fait remarquer Ségolène Royal.

Mais comme chacun sait, après la famille, il y a la France, « nation politique » par excellence selon un mythe qui se vérifie de façon assez irrégulière. Et c’est bien là que le bât blesse. Le choix qui nous est proposé, du moins quant aux postulants ayant une chance d’arriver au bout de la course, peut-il être autrement résumé que celui entre l’impuissance de gauche et l’impuissance de droite ? En réalité, les horizons que nous promettent Sarkozy et Hollande ne sont pas si éloignés tant leur récent discours se place sous la même tutelle : la dette.

De manière prémonitoire, ils s’étaient affichés ensemble à la une de Paris Match le 17 mars 2005 alors qu’ils défendaient le « oui » au TCE. Ils ont le même âge, furent élus pour la première fois députés en 1988 et s’élevèrent parallèlement dans les hauteurs de leurs partis respectifs en partageant un même objectif élyséen. Bref, ils ne se sont jamais vraiment quittés et l’affrontement à venir entre eux ravira les amateurs de téléologie politique. Leur seul face à face électoral direct remonte à 1999, lorsque Nicolas Sarkozy remplaça au pied levé Philippe Séguin à la tête de la liste RPR pour les élections européennes. Ce fut une déculottée mémorable pour l’actuel président et les proches de Hollande n’ont pas manqué de rappeler cet épisode pour convaincre que ce qui fut fait peut être réédité.

Quel que soit celui qui remporte le deuxième round, espérons que le match soit plus grisant que des joutes du type : « C’est moi le plus crédible pour gérer la dette », « non c’est moi, toi tu veux plus de fonctionnaires ! ». Car, si les socialistes affichent une réelle une volonté de prendre le pouvoir, ou « d’arriver aux responsabilités » comme dit Hollande, très partisan de novlangue bureaucratique, il serait intéressant de faire de son « rêve français » autre chose qu’un accompagnement du lent et progressif recul du pays[1. Même si nous avons de beaux restes et pour encore longtemps.].

Si les époques peuvent être jugées aux vertiges politiques qu’elles offrent, la notre est du genre pathétique. C’est assurément de notre faute à tous, nous avons les dirigeants que nous méritons. Et quel mérite ! « Hollande, Morne plaine entre Maastricht et Amsterdam », comme me l’a dépeint un ami socialiste cruel mais si lucide quant à l’européisme béat du candidat socialiste. A droite, Nicolas Sarkozy « devint président grâce au génie du peuple français qui a été d’éviter que ne fut ce qui ne devait pas être » me glisse un contempteur anonyme du (ségolène) royalisme.

Mais après tout, les français étant bien persuadés que « Bernard Tapie est un entrepreneur, Claire Chazal une journaliste, et BHL un philosophe », on peut leur faire confiance pour trouver à Hollande toutes les qualités d’un président comme ils l’ont fait pour Sarkozy.



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est conseiller culturel.

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