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« Faire des enfants sans faire l’amour est terrifiant »

On commence par accepter les enfants "made in labo" pour toutes. On finira par avoir la GPA


« Faire des enfants sans faire l’amour est terrifiant »
Gay pride à Lyon. © Photo : SIPA / KONRAD K.

Alors que la PMA pour toutes se profile à l’horizon, Marie-Hélène Verdier s’inquiète. L’auteur de La fabrique d’orphelins, aux éditions Téqui, craint que PMA et GPA ne fassent qu’un.


Le président Macron avait dit au magazine Têtu qu’il ne porterait pas la loi de la PMA comme un combat identitaire et sans un large consensus des Français. Le consensus n’y est pas. Alors, pourquoi  cette loi  « antigénéalogique » est-elle annoncée par le premier ministre dans son discours de politique générale ? Pression des lobbys ? Garantie donnée à la gauche, maintenant qu’il est rassuré sur sa droite ? Pour détourner les Français de leurs préoccupations : chômage, retraites, santé ? Par entêtement ? Ou pour le plaisir de voir, après les gilets jaunes et les blouses blanches, d’autres couleurs dans les rues ? Quelle que soit la réponse, la voie choisie par le gouvernement est scabreuse.

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Cette loi concernera tout le monde

On imagine bien que Madame Buzyn et Madame Belloubet sont à leur tâche. Sauf que les arguments égalitaires ont fait long feu. Lisons Made in Labo, paru récemment aux éditions du Cerf,  sous la plume de Dominique Folscheid, en particulier le chapitre  «  Dialectique de la sexualité clivée ». On ne peut être plus concret sur « la procréatique » dans ses œuvres et ses acteurs : le donneur, la femme, le médecin, le témoin. Cette technicité du propos sur la « faisabilité » de l’être humain livré à la technique, permettrait aux Français, sondés régulièrement, de se poser les vraies questions, éthiques, de la conception, de la filiation, en évacuant l’idéologie des phobies qu’on leur impute ainsi que leur sentimentalité concernant la souffrance de la femme en mal d’enfant. Ne nous leurrons pas : avec cette loi, il en va de l’égalité de tous les Français devant la loi. Cette loi antigénéalogique remettrait, en effet, au goût du jour le « privilège » hautement symbolique et aboli, de la naissance. Et pas seulement. Elle ouvre la voie, au transhumanisme : la fin de la filiation par l’engendrement. C’est ce que montre, dans le domaine juridique, le livre de Gregor Puppinck au titre si expressif Les Droits de l’homme dénaturé.

Car, ne nous leurrons pas : PMA et GPA ne font qu’un.

Acte sexuel « désexualisé »

Egalité et droits des femmes, dites-vous ? Parlons plutôt de machisme et de violence faite au corps de la femme. Envisageons la PMA  au sens extensif. On connaît l’insémination artisanale. La méthode artificielle avec la pipette. La méthode « semi naturelle » du donneur, appelée : « la minute chrono ». Il y a encore la méthode, minoritaire, dite « naturelle ». Après un traitement de cheval d’hyperovulation, la femme fait l’amour (pour de vrai, enfin, pas tout à fait) avec un inconnu, en pensant très fort au petit à naître. Et sous le contrôle d’un tiers témoin qui veille à ce que ce soit « un acte sexuel désexualisé ». En d’autres termes, la femme s’en remet au « soldat inconnu » et s’investit à fond dans l’extériorité de son corps, au prix d’un « clivage intérieur ». Peut-on parler de viol ? Non, puisque la femme est consentante. On parle même d’« anti-viol ». Mais de violence, assurément. Consentie, elle n’en demeure pas moins. Voilà pourquoi, on milite, sur tous les fronts et en haut lieu, pour les droits des femmes, l’égalité des sexes, et on pénalise les clients des prostituées ! Certains donneurs exigent qu’un témoin, en tenue d’Adam, assiste à la scène. Afin de parfaire la désexualisation de l’acte et neutraliser sa charge érotique potentielle : à chacun sa délicatesse. C’est ce qu’on appelle la règle du jeu.

Fabrique d’enfants made in labo

Dans Femmes entre sexe et genre, paru au Seuil, en 2012, Sylviane Agacinski dit de la PMA qu’elle a réduit les femmes à être « des corps disponibles ». Heureusement que la nature a plus d’un tour dans son sac : une femme reste une femme, capable de surcompenser la neutralisation du sexuel par la technique. Ainsi, une patiente, citée par Jacques Testard dans l’Oeuf transparent, déclare, en parlant du fournisseur et des deux médecins : « J’ai fait l’amour avec les trois. » Nous voilà rassurés sur la fragilité des femmes. Au moins, dans un couple hétéro, l’enfant peut-il s’imaginer, dans le cas d’une insémination avec un tiers donneur qu’il a été conçu par le père avec qui il vit. Sans violer le secret de l’alcôve, reconnaissons que cette fabrique d’enfants, made in labo, est terrifiante.

Comment faire des enfants sans faire l’amour : est-ce vraiment une préoccupation des Français ? Est-ce que cela devrait être une préoccupation politique ? Cette loi « antigénéalogique », faite pour une minorité, sera donc débattue à la Chambre, si bien nommée ? Et que fait-on, dans notre monde éclaté, de l’autre « minorité  – l’enfant – et de son droit à connaître ses parents « dans la mesure du possible », reconnu par la France dans l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant, signée le 26 janvier 1990 et mise en application, le 6 septembre 1990 ? L’enfant appartient-il à une minorité négligeable ? Il semblerait que oui. Sauf que le mot «  donneur » va bientôt disparaître puisque cette loi inclut la levée de l’anonymat !

Pour éluder la question de la PMA, on parle GPA. Courage, fuyons ! Il faudrait pourtant voir les choses en face, pour ne pas ajouter au malheur du monde. En attendant, pour cliver la société, on ne saurait pas mieux s’y prendre. Question : à qui tout ce mic-mac procréatif profite-t-il ?

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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