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De David Jones à David Bowie

Un documentaire sur David Bowie sur Arte


De David Jones à David Bowie
Le chanteur David Bowie, 1973 © R BAMBER/Shutterstock/SIPA Numéro de reportage: REX40412294_000004

Un documentaire de Francis Whately retrace la vie et l’œuvre de Bowie, du petit gars à l’accent cockney jusqu’à l’icône  extraterrestre de la pop.


Arte est toujours « the place to be » pour regarder un bon documentaire sur les légendes du rock’n’roll. Après Brian Jones, c’est de Bowie qu’il s’agit. Depuis le 30 avril dernier David avant Bowie de Francis Whately est disponible en replay pour le plus grand plaisir des nombreux fans. Parlons-en des fans, toujours à l’affût de la moindre erreur, toujours aptes à dénicher, ce qui pour eux serait une trahison, ou un anachronisme, ou un crime de lèse-Bowie. Quand un personnage entre à ce point dans la légende, dans l’imaginaire collectif, il devient sacré. Et comme chacun sait, on ne touche pas au sacré. Je demande donc par avance aux lecteurs de me pardonner si ma vision du Thin White Duke / Ziggy / Major Tom ne correspond pas à la leur. Nous le vénérons chacun à notre façon.

Construction d’un mythe

À travers ce documentaire, Whately a voulu retracer le long parcours de David Jones pour devenir Bowie. Comment le petit cockney (les anglophones auront peut-être remarqué que Bowie n’a jamais perdu son fort accent de prolo londonien) né à Brixton est devenu cette star mi inaccessible mi familière. Et cela lui prit du temps. Onze longues années, pendant lesquelles David s’est éparpillé, tour à tour Mods et disciple du mime Marceau, pour s’unifier enfin, de la même manière que l’on assemble un puzzle, et construire le mythe Bowie.

Le réalisateur essaie donc de reconstituer ce puzzle, voire de lui donner un sens. Pour cela il a réuni un nombre impressionnant d’images d’archives, de témoignages d’anciens musiciens compagnons de galère, de camarades de classe, d’anciennes petites amies, de membres de la famille.

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Et nous comprenons qu’il s’agit de l’histoire finalement banale d’un jeune banlieusard, plus doué que les autres, qui cherche à s’extraire de la douce morosité de la brique rouge sous fond de ciel gris de Bromley, une lointaine banlieue du sud de Londres. Avec une seule obsession : devenir célèbre. Pour, entre autres raisons, celle, banale également, d’attirer l’attention de sa mère, une femme revêche qui ne parlait jamais.

Bowie, l’extra-terrestre

Whately, comme un écho à cette personnalité morcelée fait, au début du film, se télescoper les images : lumières clignotantes de Soho, clichés de David enfant dans sa morne banlieue, de David au parfait look Mod’s dans ses nombreux premiers groupes, le tout panaché d’images de concert du flamboyant Bowie. Avec de très courts extraits de chansons, certainement pas choisis au hasard, ainsi Five Years du mythique et merveilleux album Ziggy Stardust and the rise ans fall of the spiders from Mars : « Never thought I needed so many people / A girl of my age went off her head ». Oui Bowie a eu besoin de tant de gens pour s’accomplir et tant de filles ont perdu la tête pour lui, « Être amoureuse de Bowie, c’est dire adieu à sa santé mentale », dira sa première petite amie.

Cependant, à partir de Space Oddity, en 1969, qui lui fit finalement atteindre la célébrité – le compte à rebours du début de la chanson résonne comme autant de marches à gravir – la narration se fait plus linéaire, jusqu’à l’apothéose de Ziggy, son incarnation la plus emblématique.

On a souvent parlé des multiples influences de Bowie, de son talent pour se trouver au bon endroit au bon moment, on l’a même accusé de plagiat. A l’image de Gainsbourg, avec qui il partage la lente ascension vers la célébrité, Bowie est un fan sincère. Il rend hommage, comme il le fit avec le Velvet Underground, la genèse de la pop torturée et magnifiée. On dit qu’il fut le premier en Angleterre à posséder l’album à la banane, et ne cessa de clamer son admiration pour cet autre génie qu’était Lou Reed. Et il cherche. Partout. Dans la littérature, dans le cinéma, dans le théâtre. Ainsi, pour Space Oddity, il s’inspira de 2001 l’Odyssée de l’espace de Kubrick, car il s’est toujours senti comme un extraterrestre, qui s’incarnera des années plus tard en ce Major Tom, sorte de synthèse de David Jones et de David Bowie « My mother said do get thinks done//You’d better not mess with Major Tom ». On ne saura jamais si Madame Jones fut finalement satisfaite de son fils.

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Comme son alter ego, il a longtemps erré et s’est quelquefois perdu, en essayant  par exemple de singer Anthony Newley, sorte de Brel britannique ou encore de s’improviser mime. Il était ridicule, diront ses amis.

L’apogée de 1973

Comme au théâtre, l’ascension de Bowie s’accomplira à mon sens en trois actes. Le concert à l’Ile de Wright  en 1970, où Bowie apparaît dans la brume à cinq heures du matin, devant un public clairsemé mais fasciné. C’est l’homme venu d’ailleurs. Puis sa rencontre avec le producteur mythique Tony Visconti, qui fut le premier sans doute à l’apprivoiser, et surtout avec le guitariste Mick Ronson qui fit, avec son son de guitare un peu discordant et très maîtrisé, de l’album Ziggy Srardust une sorte d’épopée. Enfin Angie, qui deviendra son épouse, le poussa dans des retranchements vestimentaires et esthétiques. Et Ziggy apparut enfin. A son apogée lors du concert au Hammersmith Odeon à Londres en 73. Concert que j’ai regardé tant de fois qu’il fait presque partie de mon ADN. Concert de la mort annoncée de Ziggy. Rock’n’roll suicide.

La nuit du 10 janvier 2016, date de sa mort, des centaines de Londoniens se sont rassemblés, bougies ou briquets allumés, devant sa maison de Brixton pour chanter Starman. Autant de petites étoiles pour accompagner David Jones au firmament.

David avant Bowie de Francis Wathely, (Arte.tv)



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