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Charlie et les mollahs ramollos

Le pouvoir, déjà malmené en Iran, menace la France


Charlie et les mollahs ramollos
Le ministre des Affaires étrangères de l'Iran Hossein Amirabdollahian a convoqué l'ambassadeur de France, après la nouvelle publication de "Charlie Hebdo" © Vahid Salemi/AP/SIPA

Pour le huitième anniversaire du massacre de Charlie Hebdo, l’hebdomadaire publie un numéro de caricatures anti-mollahs.


C’est la réponse des rigolos aux peine-à-jouir. « Mollah, retournez d’où vous venez ! », proclame la une, dessinée par Riss, où on voit des petits hommes enturbannés et penauds entrer tout entiers dans le sexe d’une femme à la mine hilare. 

Dans son édito, Riss rappelle qu’en 1993  Téhéran avait lancé un concours de caricatures de Salman Rushdie, doté de 160 pièces d’or… En 2006, Ahmadinejad récidivait en appelant les dessinateurs à caricaturer la Shoah. Charlie a donc concocté un concours international de caricatures « Dégagez les mollahs», lancé par un Khamenei de Coco, cuir et tétons percés, clamant « Enfin libre! », après la suppression de la police des mœurs. Le guide suprême, rare dans les médias, a selon Riss «une bonne tête à caricaturer» – et il faut dire que le couvre-chef en forme de tourte des dignitaires iraniens est très visuel. 300 dessins ont été reçus, et une trentaine publiés dont beaucoup mettent en scène Khamenei et ses sicaires dans des positions inconvenantes. 

La France menacée d’une réponse « efficace et ferme »

D’autres jouent l’humour le plus noir comme ce mollah dans une forêt de pendus dont on ne voit que les jambes: « C’est moi ou ça sent les pieds ? » La seule récompense, comme l’écrit Riss, n’a pas de prix: c’est la liberté. Et la rigolade qui va avec. 

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Le numéro, bourré de bons papiers, parle assez peu de l’attentat – tout a été dit et redit. À la différence des starlettes qui se coupent une mèche de cheveux, les Charlie ont payé le prix du sang. Quand ils disent « leur combat est le nôtre », on les croit. La preuve : les mollahs s’énervent. Réaction par voie de tweet du ministre des Affaires étrangères iranien : « L’acte insultant et indécent d’une publication française contre l’autorité religieuse et politique ne restera pas sans réponse efficace et ferme. Nous ne permettrons pas au gouvernement français de dépasser les bornes. » C’est ce qu’on appelle une menace. Espérons que nos dirigeants ne joueront pas l’apaisement. 

On me dira que la France n’est pas l’Iran. Nous ne vivons pas sous la férule de religieux et nous ne risquons pas nos vies. 

Vous et moi c’est vrai. Mais combien de gens, de femmes notamment, vivent en Europe sous l’emprise islamiste en marge des institutions ? Combien d’autres risquent leur vie pour défendre un islam laïcisé, ouvert à la controverse ? Combien de fanatiques en liberté ? Les attaques au couteau, comme à Reims fin décembre, deviennent des faits divers.

Bataille des esprits

Surtout, nous perdons la bataille des esprits. Dans la jeunesse musulmane, une vision rigide et séparatiste du religieux continue de progresser. Au-delà, l’idée qu’on doit respecter les croyances et manies de chacun et qu’il est interdit d’en rire est de plus en plus répandue, y compris dans les salles des profs. 

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Charlie n’oublie pas d’être de gauche-potache bouffeuse de curés. J’ai honte mais je me suis marrée avec Khamenei proposant à Benoit XVI de se reproduire (je ne vous fais pas de dessin). Ou avec ce cartouche « Plus de 18 000 manifestants arrêtés, 500 tués en Iran. Un bilan bien supérieur à celui du mollah Lallement».

Dans ces temps moroses où l’humour est menacé de tous côtés, Charlie est un conservatoire de ce qui reste d’esprit français, blagueur et persifleur. D’ailleurs, ne racontons pas de craques, les dessins les plus drôles sont ceux de la rédaction. Qu’elle soit remerciée pour cela. 



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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