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Omar m’a gonfler

Le regard libre d’Elisabeth Lévy


Omar m’a gonfler
Après la polémique liée à ses propos après son interview dans "Le Parisien", Omar Sy a indiqué sur TMC qu'il ne "devait rien à personne" Image: Capture d'écran MyTF1.

Il a beau être l’acteur préféré des Français, Omar Sy, qui réside désormais dans la très woke Californie, ne manque pas une occasion de les vilipender. Pourtant, que les Français se sentent plus concernés par les guerres se déroulant en Europe que par celles du continent africain n’a rien de honteux.


C’est aujourd’hui que sort « Tirailleurs », qui, d’après Jean Chauvet, l’excellent chroniqueur cinéma de Causeur, est un « film-programme sans âme dans lequel Omar Sy tente de ne pas cabotiner, ce qui est peut-être pire que quand il se lâche ». Mais ce n’est pas pour manquement à l’art que le comédien installé à Los Angeles fait causer.

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Dans l’entretien qu’il a accordé au Parisien, on lui demande si la guerre en Ukraine ne le décourage pas. D’après le journaliste qui a publié un « making-of » de la rencontre, sa réponse n’avait rien de polémique. En tout cas dans le ton. Sur le fond, chacun en jugera : «L’Ukraine n’a pas été une révélation dingue pour moi. Comme j’ai de la famille en Afrique, je sais qu’il y a toujours eu des enfants en guerre, des familles brisées (…). Ça n’a jamais cessé depuis 1945. Je suis surpris que les gens soient si atteints. Ça veut dire que quand c’est en Afrique vous êtes moins atteints ?»

Oui, nous sommes plus préoccupés par les petits Européens que par les petits Africains

Factuellement, Omar Sy a raison. Oui, la guerre en Ukraine a plus de consistance pour nombre d’Européens que la guerre en Ethiopie, et pour beaucoup d’Africains, c’est le contraire.  La Shoah pèse moins sur la conscience asiatique que sur la conscience européenne et c’est normal.

Les peuples, comme les humains, se soucient plus de ceux qui sont proches d’eux culturellement et géographiquement. On a le droit de penser que les Africains sont plus proches de nous. Je ne le crois pas. Certes, nous avons avec l’Afrique une histoire commune. Cependant, on n’efface pas l’anthropologie, les structures familiales et les mœurs et de ce point de vue l’Afrique est beaucoup plus lointaine. Que cela nous plaise ou pas, nos frères humains n’occupent pas tous la même place dans notre conscience. L’histoire n’est pas une distribution équitable de compassion et de bons sentiments. Du reste, Omar Sy s’était ému du sort des Rohingyas en Birmanie, pas de celui des chrétiens d’Orient. Faut-il en déduire que, quand c’est des musulmans, ça le touche plus ?

Clémentine Autain enthousiaste

En réalité, ses propos ne laissent pas d’être problématiques,  raison pour laquelle ils ont enthousiasmé Clémentine Autain. Que ces deux là communient dans la détestation du passé français, réduit à une litanie de crimes à expier, n’étonne guère.

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Pour commencer, qui est ce « vous » qu’interpelle le comédien ? Vous les Français ? Mais lui aussi est Français ! On n’ose pas penser que c’est «vous les Blancs» (ou encore les « non-racisés »), assignation raciale qui serait indigne de lui. D’après Le Parisien, « vous », « ce sont ceux qui se sentent moins concernés quand des enfants sont massacrés par des bombardements à l’autre bout du monde, où qu’ils se trouvent. Il le dit sans aucune virulence. Il ne s’agit que d’un débat, d’un « vous » qui pourrait tout aussi bien être en chacun de nous ». Admettons, même si à l’écrit, ce n’est pas absolument évident. Entre les lignes, Omar Sy accuse-t-il la société française de racisme ? je l’ignore. On oublierait les guerres africaines parce qu’ils sont noirs et ex-colonisés. Non, en réalité, c’est uniquement parce qu’ils sont loin !  

Par ailleurs, Omar Sy fait preuve d’une ingratitude sidérante pour un pays où beaucoup d’Africains ont fait souche, et qui a perdu 58 soldats pour tenter d’endiguer le djihadisme au Sahel. Et qui met beaucoup de zèle, beaucoup trop d’ailleurs,  à déconstruire son histoire… Cette ingratitude a été pointée par plusieurs élus RN mais aussi par l’eurodéputée macroniste Nathalie Loiseau, qui a ensuite rétropédalé, comme si elle était effrayée par son audace – contredire une telle icône.

Surtout, Sy relance le jeu funeste de la concurrence victimaire – le festival des ressentiments. Chacun veut sa part de repentance, sa loi Gayssot, ses réparations pour les souffrances passées. Les communautés se regardent en chiens de faïence, soupçonnant les autres de vouloir s’arroger le pompon victimaire. Si c’est ça le vivre-ensemble dont rêve Omar Sy, merci, qu’il reste aux Etats-Unis. 


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin après le journal de 8 heures.




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