Face aux attaques de Donald Trump, le Premier ministre Mark Carney a fait appel au monarque britannique pour prendre la défense de ce pays membre du Commonwealth.
Le roi Charles vient de terminer une visite d’État de deux jours au Canada en compagnie de sa reine, Camilla. Sur le papier, il est le roi du Canada, mais depuis une loi de 1982, le pays est complètement autonome sur le plan constitutionnel, ne laissant à la monarchie britannique qu’un rôle encore plus symbolique que celui qu’elle joue outre-Manche.
Invité par Mark Carney
Bien que les sondages d’opinion indiquent qu’une majorité de Canadiens préféraient vivre sous un régime strictement républicain, le couple royal a été salué partout par des foules enthousiastes. Après tout, dans un monde sans magie autre que technologique, le faste des rituels monarchiques et religieux (comme la messe d’inauguration de Léon XIV) plaît au plus grand nombre. Pourtant, la présence de Charles au Canada répondait à une demande du nouveau Premier ministre, Mark Carney, et constituait un geste diplomatique soigneusement calculé.
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Car le roi a fait le discours d’inauguration d’une nouvelle session du parlement à Ottawa. C’était seulement la troisième fois de l’histoire que le monarque était venu le faire en personne. La dernière fois, c’était en 1977, quand sa mère, la reine Elizabeth, était venue pour la deuxième fois, ayant fait le discours d’ouverture pour la première fois en 1957. En temps normal, c’est le gouverneur général qui remplace le monarque dans ce rôle. Actuellement, le gouverneur général est une femme d’origine autochtone, Mary Simon, nommée par le précédent Premier ministre, le très progressiste Justin Trudeau, en 2021. Mais l’heure n’était plus aux gestes envers l’idéologie « Diversité, Équité et Inclusion ». M. Carney, qui connaît bien l’establishment britannique, ayant été gouverneur de la Banque d’Angleterre de 2013 à 2020, a fait appel au roi Charles pour cimenter l’unité de son pays face aux déclarations du président Trump qui aimerait faire du Canada le 51e état des États-Unis. Quand Carney a succédé en mars à Trudeau à la tête du pays ainsi que du Parti libéral, sa formation politique était en grande difficulté suite aux nombreux échecs du dirigeant le plus wokiste de la planète. Ce qui a sauvé le Parti lors des élections générales fin avril, en confirmant Carney à son poste, c’est la montée parmi les électeurs du sentiment anti-trumpiste. Pourtant, Carney ne jouit pas d’une grande majorité au Parlement, d’où la nécessité de renforcer sa popularité en s’associant au roi pour mettre en avant la singularité de la souveraineté canadienne qui, à la différence des États-Unis, n’a rien d’une république. Une identité proprement canadienne s’est forgée pour la première fois de l’histoire lors de la Guerre anglo-américaine de 1812 à 1815 qui a vu les troupes américaines brûler Toronto et les troupes britanniques/canadiennes brûler Washington.
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Charlie l’équilibriste
Au cours de son discours, le roi n’a pas nommé Donald Trump, mais son évocation d’« un Canada fort et libre » a constitué une référence très claire à la situation. Sans surprise, les parlementaires se sont levés pour l’ovationner. Cette opération réussie confirme que la monarchie sous Charles reste l’arme lourde de la diplomatie britannique. Pourtant, Charles est en train de faire un numéro d’équilibriste, car son pays a besoin aussi d’être dans les bonnes grâces de Donald Trump. Le gouvernement britannique a promis à cet admirateur de la famille royale une visite d’État afin d’imprimer un nouvel élan aux relations anglo-américaines à un moment où les liens entre les États-Unis et les pays de l’Europe occidentale sont tendus. Le président américain a déjà montré sa jalousie quand le roi a reçu le président Zelensky début mars. Pour le rassurer, la diplomatie a dû lui expliquer que le passage du dirigeant ukrainien ne représentait nullement une visite d’État. Les efforts du Premier ministre, Keir Starmer, pour se distinguer des autres Européens et éviter de subir de plein fouet l’agressivité commerciale de Trump commencent à porter quelques fruits modestes. Après l’accord de libre-échange, certes modeste, entre Londres et Washington annoncé le 8 mai, Toyota vient de signaler son intention d’investir dans la construction d’un nouveau site outre-Manche pour la fabrication de son modèle GR Corolla. Ces voitures seront destinées en partie au marché américain.
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Harry, un ami qui vous veut du mal
Au moment même où Charles travaillait au service de son pays, son fils prétendument rebelle, mais surtout capricieux, Harry, se trouvait en Chine. Il a fait un discours à Shanghai en tant que co-fondateur d’une entreprise, Travalyst, spécialisée dans les voyages respectueux de l’environnement. Les mauvaises langues dans la presse britannique ont demandé s’il y était allé en première classe ou carrément en jet privé… Cette coïncidence n’en est pas une. Harry essaie désespérément de rivaliser avec son père en attirant les feux de la rampe sur lui-même, peut-être à l’instigation de sa femme, Meghan. Depuis la rupture avec sa famille, le prince a connu une série de déboires, dont les plus récents, en mars, concernent une association caritative, Sentebale, qu’il a co-fondée en 2006 en mémoire de sa mère, la princesse Diana. L’objectif de l’association est d’aider les enfants pauvres et les orphelins – notamment ceux qui ont perdu leurs parents à cause du SIDA – du Lesotho, royaume enclavé complètement entouré par le territoire de l’Afrique du Sud. Or, Harry et ses coadministrateurs sont accusés de mauvaise gestion et même de racisme sexiste – « misogynoir » – par la présidente de l’association. Harry et ses collègues ont démissionné. Au mois de février, réagissant au fait que la procédure d’obtention du visa américain de Harry présentait des irrégularités, le président Trump – bon prince ? – a refusé de l’expulser, car selon lui Harry aurait « déjà assez de problèmes avec son épouse. Elle est affreuse » (« She’s terrible »). Ce faisant, Trump a compris qu’il pouvait plaire au public britannique et même à la famille royale qui n’ont aucune envie de voir Harry revenir dans son pays natal. C’est ainsi que les voies de la diplomatie britannique restent quelque peu à part dans le monde contemporain.
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