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Le patron d’Air Canada doit-il parler le français?

Air Canada ne manque pas d’air


Le patron d’Air Canada doit-il parler le français?
Image d'illustration Unsplash

À l’heure où l’économie mondialisée est dominée par l’anglais, la vie est très dure pour la langue française. Marie-Hélène Verdier revient ce matin sur une déclaration scandaleuse qui a beaucoup ému nos cousins québecois.


« Je me souviens. » Telle est la devise gravée, sous les armoiries officielles, en 1883, par Eugène-Etienne Taché, dans la pierre de l’Hôtel du Parlement du Québec, imposant édifice dont l’architecture rappelle les origines françaises de la Province. Nous n’oublierons pas le passé, disent ces trois mots : notre origine, la mémoire de notre pays, heurs et malheurs, nos traditions. Un logo a eu beau remplacer cette devise, elle demeure.

Confession unilingue scandaleuse

C’est en 1763 que, par le traité de Paris, la France perd ses territoires au Canada. En 1791, le Canada est divisé, grâce aux « loyalistes »  fuyant les Etats-Unis, en Bas Canada, francophone avec Québec, et Haut Canada, anglophone. En 1977, la Charte de la langue française (loi 101) instaure le français comme langue nationale. Après une crise politique sans précédent, un amendement à cette loi, en 1993, autorise un usage limité de l’anglais dans l’affichage commercial. En 1995, le référendum sur la souveraineté du Québec aboutit à une mince victoire pour son maintien dans la Confédération canadienne. 

Et c’est dans ce Québec français libre, que le P.D.G. d’Air Canada, Michel Rousseau, nommé par le gouvernement canadien et Air Canada, — société canadienne à vocation internationale — fait une confession unilingue scandaleuse : « J’ai été capable de vivre à Montréal sans parler français ». Et comme cela ne suffit pas, il s’en vante : « … et c’est tout à l’honneur de cette ville ! » 

Il ne compte pas apprendre la langue du pays malgré l’assujettissement d’Air Canada à la loi sur les langues officielles.

Vent mauvais

La réaction du premier ministre du Québec, François Legault, ne s’est pas fait attendre : « Imaginez-vous, demain matin, quelqu’un qui accepterait de devenir président d’une compagnie française en France et qui ne parlerait pas français ! » De leur côté, les associations francophones, vent debout, réclament plus que des excuses : le départ volontaire ou le congédiement du PDG. À tout le moins, de sévères mesures disciplinaires à l’encontre de sa responsabilité dans la marginalisation de notre langue ; la destruction du statut de langue internationale ; l’affaiblissement de notre pays et de la francophonie. 

Quel vent mauvais souffle, décidément, sur la terre de France ? Faut-il être aveugle pour ne pas voir partout, intra et extra muros, des signes de la « dé-francisation » de notre pays, à travers sa langue, ses mœurs, sa politique ? Hijab en passe de devenir un emblème de la liberté, anglophonie partout, depuis le bilinguisme de la carte d’identité et celui de la biographie de Valérie Pécresse, sur le site de l’Île-de-France, jusqu’à celui, affiché, de Villers-Cotterêts, il ne manquait que l’unilinguisme d’Air Canada : c’est chose faite. Ajoutez  le coup de Trafalgar des sous-marins de Joe, et vous aurez un aperçu de la puissance française. Notre impétueux président peut se faire gonfler les chevilles par la Chancelière Merkel. 

Que faire ? Au-delà du boycott de la compagnie que proposent les associations, se sentir partie prenante de la défense de la francophonie. Et résister, chacun à sa mesure.



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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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