Nucléaire iranien: un accord à haut risque


Nucléaire iranien: un accord à haut risque

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Le 21 octobre 1994, les Etats-Unis signaient un accord cadre avec la Corée du Nord devant permettre l’arrêt immédiat de la recherche nucléaire nord-coréenne à des fins militaires. Cet accord était, selon Bill Clinton, « bon pour les Etats-Unis, bon pour nos alliés et bon pour la sécurité du monde entier ». Il ne s’agissait pas d’un accord reposant « sur la confiance » car sa « conformité serait certifiée par l’Agence internationale de l’énergie atomique ».

Moins de dix ans plus tard, la Corée du Nord dénonçait l’accord cadre. En 2006, elle procédait à l’explosion de sa première bombe atomique. A ce jour, la Corée du Nord compterait une trentaine d’ogives nucléaires.

Comparaison n’est pas raison. D’accord. Mais tout de même.

Le 14 juillet 2015, Barak Obama déclarait prétentieusement « nous avons mis fin à la prolifération de l’arme nucléaire dans la région » assurant que « cet accord n’est pas basé sur la confiance mais sur la vérification ». Et comme si cela ne suffisait pas à rassurer les sceptiques échaudés par les – déjà nombreuses – tricheries et manipulations du régime des Mollahs, le Président iranien déclarait, quant à lui, que « l’Iran ne cherchera jamais à avoir l’arme nucléaire ». Si la situation n’était pas aussi grave, on en rirait presque.

Et il y a de quoi. La semaine dernière, l’Ayatollah Khamenei précisait qu’il faudrait continuer à lutter contre les Etats-Unis même en cas d’accord sur le nucléaire. Quant au sémillant Président Rohani – dont le monde entier loue la modération – ce dernier a conduit la manifestation annuelle de la « Journée de Al Qods », une véritable marche de la haine au cours de laquelle les manifestants criaient « mort aux Etats-Unis », « mort à Israël » et brulaient des drapeaux américains et israéliens. Rien de bien original en somme, mais quelle modération et quel signe de bonne volonté de la part des dirigeants iraniens au beau milieu des négociations… Le 12 juillet dernier, en prévision de l’accord alors acquis à 90%, le même Président Rohani signait un décret interdisant toute visite et tout accès à un site militaire. Ça promet.

Ne rêvons pas, la signature de cet accord ne changera pas la nature du régime iranien, mais permettra en revanche à ce dernier de récupérer environ 150 milliards de dollars d’avoirs gelés à l’étranger (la prime à la signature) et de continuer, avec plus de facilité encore, à financer les mouvements terroristes, type Hezbollah, Hamas et autres mouvements rebelles chiites Houthis au Yémen. Autant dire que cet accord va aider à stabiliser la région…

Les sanctions internationales seront levées progressivement dès le premier semestre 2016. Mais en contrepartie de quoi exactement ?

Les obligations imposées à l’Iran seront les suivantes : diminuer ses capacités d’enrichissement d’uranium des deux tiers, réduire le stock d’uranium enrichi détenu sur son territoire de 6000 kg à 300 kg ainsi que le nombre de centrifugeuses, et modifier le réacteur de la centrale d’Arak pour limiter sa capacité de production de plutonium. C’est bien.

Problème : le mécanisme de vérification des sites nucléaires, notamment et surtout militaires, ne permet pas de s’assurer que l’Iran respecte ses engagements. Les visites inopinées ne sont pas autorisées mais les inspecteurs auront la possibilité de se rendre sur les sites de production s’ils disposent d’éléments leur permettant de penser que des activités nucléaires non déclarées seraient en cours. Et encore, l’Iran pourra alors s’y opposer, et il faudra un vote à l’unanimité d’une commission internationale pour forcer la visite, ce qui laissera d’autant plus de temps aux Iraniens pour faire disparaître ce qu’il y a de gênant. D’autant que la Russie et la Chine – alliés assumés de l’Iran – feront partie de cette commission. Les Mollahs peuvent dormir tranquilles.

Enfin, et si tant est que ces visites de vérification aient lieu, gardons à l’esprit l’efficacité toute relative des contrôles des organisations internationales. Pour mémoire, le démantèlement du programme syrien d’armes chimiques placé sous la responsabilité de l’OIAC avait débuté en septembre 2013 pour prendre fin le 30 juin 2014. En mai 2015 pourtant, le régime de Bachar el-Assad était responsable d’une nouvelle attaque au chlore sans que cela n’émeuve trop les progressistes de tout poil. On comprend mieux le sourire béat de Mohammad Zarif, le ministre des affaires étrangères iranien, à la terrasse du Palais Cobourg.

Les optimistes, les naïfs et les idiots auront tôt fait de rappeler que la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient à ce jour est Israël, et qu’il n’y a pas de raison qu’elle soit la seule. On objectera qu’Israël est aussi la seule démocratie du Moyen-Orient, et que si elle existe encore aujourd’hui c’est peut-être bien parce qu’elle est la seule puissance régionale à être dotée de l’arme nucléaire. On ajoutera qu’Israël ne finance ni ne promeut le terrorisme, ne répète pas à qui veut l’entendre qu’elle souhaite rayer ses voisins de la surface du globe et propose même – quel culot ! – son aide à l’Iran quand des séismes y font plusieurs milliers de morts (notamment en 2003, 2012 et 2013).

Alors oui, les Israéliens ont des raisons légitimes de s’inquiéter. Et le reste du monde ferait bien de s’inquiéter aussi un petit peu. Car en dépit des commentaires les plus nombreux, cet accord repose bien sur la confiance que l’on peut accorder à l’Iran, c’est-à-dire à un régime qui soutient financièrement et militairement Bachar el-Assad, le Hezbollah et le Hamas, commandite des attentats un peu partout dans le monde – Buenos Aires en 1994, Liban en 2005 (l’assassinat de Rafic Hariri), Europe en 2012 (Bourgas) et 2015 (Chypre) pour n’en citer que quelques-uns –, réprime les manifestations dans le sang, emprisonne les journalistes et exécute les opposants politiques.

La perspective que ce régime-là obtienne la bombe atomique peut à juste titre chagriner les Israéliens et le reste de la région. Il faudra redoubler de vigilance et espérer que l’Iran saisisse cette chance pour en faire profiter son peuple plutôt que pour nourrir ses visées expansionnistes. Car c’est un pari bien risqué qu’ont fait les 5 +1. Mais c’est toujours plus facile quand on n’est pas le premier visé.

*Photo : SIPANY/SIPA/sipausa.sipausa_15638785/1507230311



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