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ABCD de l’égalité : la guerre du genre aura bien lieu


ABCD de l’égalité : la guerre du genre aura bien lieu

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Après la campagne appelant à retirer les enfants de l’école pour protester contre la théorie du genre, enseignée dès la maternelle à travers le programme ABCD de l’égalité, la réponse des autorités ne s’est pas fait attendre. « Rumeur », tel est l’élément de langage soigneusement choisi, et largement repris dans les médias, pour désigner une prétendue paranoïa collective qui se serait répandue sans aucun fondement sérieux. « L’Education nationale refuse totalement la « théorie du genre » » a carrément déclaré Vincent Peillon. À d’autres !

« Théorie du genre » est un concept popularisé par les auteurs catholiques et répandu sur les réseaux à la suite des manifestations anti-mariage pour tous. Il consiste à voir dans les initiatives gouvernementales autour de l’égalité des sexes, une stratégie politique unifiée visant à la destruction systématique de toute différence sexuelle. Contrairement aux gender-studies, qui ne sont que l’étude plus ou moins objective des constructions sociales de genre, la théorie du genre possède une dimension normative : il faut déconstruire ce qui est construit. Or, il semble que ce soit bien l’objectif du gouvernement qui souhaite déconstruire les stéréotypes genrés inconscients, pour « œuvrer à l’égalité réelle des sexes ». L’idée de base implicite étant qu’il y a effectivement un lien entre représentations symboliques (les filles jouent à la poupée) et inégalités réelles (les femmes ont des salaires inférieurs aux hommes), ce qui est loin d’être évident.

Certes, nous n’en sommes pas, comme le prétendent certains anti-gender excités, à l’enseignement de la masturbation en maternelle, mais pourtant, loin d’être une simple rumeur, l’abolition de la différence sexuelle (et même la différence tout court)  à l’école est bien l’objectif réel qui ressort du dispositif « ABCD de l’égalité » mis en place conjointement par l’Education Nationale et le Ministère du droit des femmes.

Il est plus qu’instructif de se plonger dans les détails de ce programme réjouissant. Sur le site du Centre National de Documentation Pédagogique, on trouve plusieurs « outils pédagogiques » mis à disposition des professeurs pour se « donner tous les moyens de déconstruire, par le savoir, les préjugés qui s’opposent à l’égalité véritable ».

L’impitoyable égalité ne s’arrête pas aux portes de la classe et poursuit les bambins jusque dans la cour de récréation. Ainsi, une fiche technique de six pages, propose, schémas à l’appui, de redéfinir les règles du gendarme et du voleur dans le sens d’une plus grande égalité des chances.

« En EPS, les jeux traditionnels ne peuvent être utilisés de manière classique, où les plus faibles sont éliminés, c’est contraire à l’éthique de l’école ! » (Qu’est ce que cette fameuse « éthique de l’école », nous n’en saurons pas plus, mais passons.) Il faut donc imaginer « des jeux où les perdants ne sont pas éliminés » et « bannir la situation de domination/humiliation du « chef » d’équipe qui choisit ses co-équipiers (les plus faibles, souvent des filles, étant choisis en dernier ». Les enfants doivent être considérés comme des entités interchangeables sans caractéristiques physiques, et la méritocratie abandonnée au profit d’un strict égalitarisme.

« Ce jeu peut apparaître très agressif aux enfants timides, notamment aux filles qui n’ont pas l’habitude des confrontations, parce qu’il est mouvant (il y a des déplacements dans tous les sens) et que le gendarme a un pouvoir symbolique de mort (« je te prends ta vie ») ». Brrr… on tremble déjà des traumatismes qu’on dû subir les marmots avant que la pédagogie s’en mêle.

Il faut donc appliquer une stricte « égalité des chances entre gendarmes et voleurs », insister sur l’usage de la stratégie plutôt que sur celui de l’agilité, tout ce qui est « physique » étant systématiquement dévalorisé comme trop déterministe.

Autre belle invention de nos budgétivores désœuvrés, la « danse scolaire du Petit Chaperon Rouge » ; où les filles sont incitées à jouer le loup et les garçons les chaperons, « la lutte contre les stéréotypes (passant) d’abord par la mixité des rôles loup-Chaperon »

Mon préféré reste la grande destruction pédagogique de la « figure de la belle ».

Ah, la figure de la Belle, cet imaginaire dominant, qui, de Blanche-Neige à la Belle au bois dormant en passant par Cendrillon, participe au « renforcement de stéréotypes précocement institués dans les pratiques de diffusion à l’école et dans les médias ».

En effet, dans les « contes patrimoniaux » (entendre Perrault, Grimm et cie) « la belle a un rôle passif du faire valoir du héros », elle ne se définit « que par ses critères de beauté » et véhicule donc une image de la femme soumise et improductive attendant désespérément que le mâle dominant vienne tuer le non moins dominant dragon.

Soulignons tout de même que personne ne se souvient des princes de Walt Disney, créatures lisses et effacées qui n’ont pour simple attributs que la beauté, tandis que l’histoire retient le nom des Belles.

Contre ces métarécits réactionnaires, il faut donc privilégier « des réécritures qui font la part belle  à l’émancipation du personnage féminin », des « princesse qui ne veulent pas se marier », laides pauvres ou méchantes, bref « loin des princesses sages et conventionnelles ».

L’arsenal éducatif abonde d’autres outils pour modeler l’indifférenciation des âmes enfantines: montrer que Louis XIV, en véritable drag-queen, portait des souliers à talons et des rubans, raconter l’histoire d’Hector, l’homme extraordinairement fort qui tricote, faire danser les garçons et jouer au rugby les filles. Bref, « tendre vers une culture commune » dans le grand bain de l’indulgence et surtout, beaucoup, mais alors beaucoup, de pédagogie.

Rien de bien méchant, pourrait-on dire. Mais tout le problème est que pendant que les serviteurs du grand Mammouth s’ingénient à éduquer des bons petits soldats de l’égalité, ils négligent leur instruction (1 élève sur 5 en sixième serait illettré).

Or, je préfère un monde où les filles se rêvent en princesses mais apprennent à lire, qu’un monde d’analphabètes où tout le monde jouerait au rugby ensemble.

 

*Photo : LECARPENTIER-POOL/SIPA. 00652846_000005.



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Journaliste au Figaro, elle participe au lancement de la revue Limite et intervient régulièrement comme chroniqueuse éditorialiste sur CNews.

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