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Crise économique : quelques bons chiffres ne font pas le printemps


Crise économique : quelques bons chiffres ne font pas le printemps
Jean-Luc Gréau est économiste, ancien expert du Medef. Il a notamment publié : La Trahison des économistes (Gallimard, 2008).
Jean Luc Greau crise grece

Après quatre ans de rigueur, le Grèce semble enfin voir le bout du tunnel, d’après ses créanciers, l’UE et le FMI. Un retour de la croissance (0.6%) est même prévu pour 2014, après six années de récession. The Economist parle de  « grecovery ». Et si l’austérité fonctionnait en Europe ?
Les prévisions du FMI, de l’OCDE ou de la Commission européenne sont régulièrement démenties par les faits. Leur approche surdétermine l’importance de la psychologie dans la conjoncture économique. Ces grandes instituions s’efforcent donc de prévoir la sortie du tunnel en 2013, 2014 ou 2015 en espérant créer une prophétie auto-réalisatrice.
Ceci dit, on ne peut pas exclure que la Grèce se stabilise à un niveau très bas de production et d’emploi, comme tous les pays victimes d’une dépression économique. Mais ce ne serait qu’après avoir perdu un cinquième de sa production et vu son taux de chômage passer de 8 à 27% de la population active. J’ajoute que les chiffres du chômage ne tiennent pas compte des conséquences du vieillissement de la population. Or, cette mutation démographique, qu’accentue la baisse de la fécondité, améliore mécaniquement les performances de l’emploi : il y a tellement de départs à la retraite que certains jeunes peuvent pourvoir un poste sans entraîner de création d’emploi supplémentaire. Autrement dit, si la population européenne était moins vieillissante, la situation de l’emploi pourrait être encore plus catastrophique.
Je serai encore plus pessimiste s’agissant de la dette publique. Les projections officielles nous disent que les créances de l’Etat grec vont gonfler durant au moins un an, avant une stabilisation éventuelle. Comment ce pays s’y prendra-t-il pour rembourser une dette qui atteint presque le double de celle de la France ?
La Grèce a engagé un vaste programme de privatisations pour assainir ses dépenses. Cette stratégie, couplée à la baisse du coût du travail, peut-elle relancer ses exportations et sa croissance ? 
Compte tenu du ralentissement général de l’économie mondiale[1. Croissance réduite en Chine, de 2% aux Etats-Unis, de 1% au Brésil, stagnation de l’Inde et récession continue en Europe. Les dominos européens tombent les uns après les autres : Espagne (pays entré le premier en récession), Grèce, Irlande, Portugal, Italie, et maintenant la France et les Pays-Bas, en nette récession sur un an.], aucun pays européen ne peut compter sur la prospérité de ses voisins pour accroître ses exportations de manière importante et durable. En Grèce, l’investissement des entreprises continue de décliner et l’on ne voit pas comment la compétitivité pourra être consolidée à long terme.
Le FMI a estimé dans un rapport que Chypre devrait pouvoir renouer avec la croissance en 2015, après trois ans de profonde récession, à condition de respecter un programme d’austérité sévère. L’effort d’austérité, installé à temps, paie t-il dans le cas chypriote ? 
Le pays vient tout juste de s’effondrer. L’une des deux grandes banques, qui totalisaient 45% du PIB officiel, est mise en liquidation. Et les effets de l’austérité sont à venir. Sa faillite est estimée à 23 milliards d’euros, chiffre supérieur au montant du PIB qui était estimé à 18 milliards. Si Chypre survit, ce sera grâce au tourisme, après avoir connu une chute dramatique de la production comptable et de l’emploi.
Un jour après que la zone euro ait confirmé un sixième trimestre consécutif de récession, le Japon a publié un solide +0,9 % de croissance. La politique d’assouplissement monétaire du nouveau gouvernement Abe semble fonctionner. Suffit-il de faire marcher la planche à billets pour sortir de la crise ?
Les nouveaux dirigeants japonais se sont lancés dans une politique sans précédent de création monétaire : doublement de la masse monétaire sur un an. Résultat : le yen a baissé de plus de 20% vis-à-vis du dollar. En outre, cette nouvelle politique monétaire semble avoir redonné confiance au consommateur nippon, ce qui explique le bon chiffre de la production au premier trimestre. Mais le pays reste très tributaire de la demande externe, et celle-ci est menacée par le ralentissement général du monde.
Puisque l’Allemagne tient mordicus à l’euro fort, sommes-nous condamnés à  choisir entre l’austérité et la sortie de l’euro ?
La sortie de l’euro ne serait pas une sanction mais une aubaine ! L’Allemagne tient à tout prix à ce que la France reste dans l’euro ! On parle de l’arrivée de Wolfgang Schaüble à la tête de l’Eurogroup. Auquel cas, nous aurions le gouvernement économique européen que réclame Hollande, mais sous direction allemande. Tout cela est compliqué et obscur à la fois. 

 



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Journaliste au Figaro, elle participe au lancement de la revue Limite et intervient régulièrement comme chroniqueuse éditorialiste sur CNews.

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