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Zemmour, Aristote et l’archange


Zemmour, Aristote et l’archange
Eric Zemmour en Normandie, 19 février 2022 © SICCOLI PATRICK/SIPA

Le vent soufflait fort, samedi, dans la baie du Mont-Saint-Michel. Les pieds sont mouillés et le vent plaque les pantalons sur les jambes. Nous sommes à la limite de la Bretagne et de la Normandie. Une France moyenne dont l’envoyé spécial de Causeur brosse un tableau précis.

Zemmour n’est pas allé chercher loin ses idées : on les connaît. Leur force est qu’elles naissent, ce jour, dans une boue digne des campagnes napoléoniennes, devant un carré de sympathisants, non dans des salles chauffées par les applaudissements ou sous le soleil d’Austerlitz. Les opposants se moquent. Comme le dit Arnaud Benedetti dans Le Figaro : « Ce meeting n’a pas encore délivré son enseignement… ce sont les petites troupes qui entreprennent le destin. » Écoutez les discours tenus par de Gaulle : ils sont simples, voire simplistes. De même, les propos de Zemmour sur la grandeur de la France à reconquérir — la sortie inéluctable du commandement intégré de l’OTAN ; l’entourloupe des sous-marins australiens ; Macron jouant Matamore devant Poutine — tout cela sur fond de Mont-Saint-Michel balayé par la tempête, quel moment fort, justement ! Zemmour sait que c’est la ténacité qui paie. Méditons ses propos, tenus avec foi, répétés inlassablement, sans effet de communication. Et cherchons plutôt, chez ce lecteur de Pascal, autant que vous et moi, « la pensée de derrière ».

Le Mont Saint-Michel s’inscrit dans « un destin » français. On y vient, depuis le IXème siècle, de toute l’Europe, en pèlerinage. L’abbaye, située sur le chemin de Compostelle, n’est-elle pas l’étape obligée des pèlerins du Nord de l’Europe ? Quant à Saint Michel Archange, s’il est, pour tous les chrétiens, le chef de la milice céleste qui triomphe du mal, il a une spécificité très française : c’est une des « voix » de Jeanne d’Arc à qui il apparaît. Il incarne une énigme historique qui scelle « un destin français ». Que l’on croie au ciel ou qu’on n’y croie pas.

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La France ne s’est pas faite en 1789. Comme l’auteur du Génie du christianisme, qui repose non loin, au Grand Bé, Zemmour sait que la liberté est, en premier, la fille du christianisme et non pas des Lumières. Et que c’est même le péché politique originel de Macron, technicien et banquier, de ne pas avoir en mémoire cette idée, ou de raccrocher à notre histoire une catholicité désossée, quand il en a besoin. Cette idée, en revanche, tient au cœur de Zemmour. C’est une ligne de force de sa vision politique de la France : il est le seul candidat à l’avoir et à s’y tenir.

« La pensée de derrière » : c’est Aristote. En 2008, une polémique fait rage à propos du livre : Aristote au mont Saint-Michel sous-titré « Les racines grecques de l’Europe chrétienne » Dans ce livre, l’historien, Sylvain Gouguenheim, soutient l’idée que, contrairement au politiquement correct, la transmission de la culture européenne (les traductions de la philosophie grecque), ne devait pas grand-chose à l’islam. Que n’avait-il dit ! L’auteur aurait-il franchi un Rubicon de la décence, en disant que la transmission de la philosophie grecque serait partie de moines du Mont-Saint-Michel ? Nous n’entrerons pas dans cette polémique où l’historien fut traité de « néo croisé d’extrême droite », et sa pensée de complotiste. Son livre, qualifié de pétard et de brûlot, digne du café du commerce. L’historien fut sidéré et ulcéré par une telle violence. A présent seuls quelques philosophes retardés — il y en aura toujours— louent El Andalouz, comme la patrie heureuse de la pensée européenne pour ne pas dire le berceau de notre langue.

On le voit, Zemmour, loin d’avoir déserté, samedi, son terrain favori, continue à enraciner deux idées qui ne vont plus de soi dans notre pays : le christianisme comme levier politique, et non pas simple partie prenante dans « un débat sur la laïcité » ; la pensée gaullienne formulée ainsi par le Général : « Au fond des victoires d’Alexandre, il y a toujours Aristote ». La France est une terre chrétienne, de civilisation gréco-romaine. Quel lieu plus approprié que le Mont Saint-Michel battu des vents pour le dire ? 

Ce samedi 19, la voix des éléments parlait plus fort que les micros et les cris programmés. Une tempête balayait la France. On dut retarder le meeting d’une heure. Le nom de la tempête ? Celui d’une Néréide : « Eunice » qui signifie : la belle victoire. Tout le monde le sait : l’enjeu des élections est civilisationnel.      

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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