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West Side Story, la copie d’un chef-d’œuvre

Spielberg décevant ?


West Side Story, la copie d’un chef-d’œuvre
Richard Beymer et Natalie Wood dans les rôles de Tony et Maria, dans la version de 1961 par Jerome Robbins et Robert Wise © MARY EVANS/SIPA. Numéro de reportage: 51384100_000019.

Le remake du cultissime « West Side Story », par Spielberg, n’est pas du goût de tout le monde…


Après lecture de la critique laudative parue récemment sur Causeur.fr, du remake par Spielberg du génial « West Side Story » de Robert Wise et Jerome Robbins, je pense qu’il est important de faire entendre une voix différente.

En effet, si vous avez vu et aimé la version de 1961, il y a de grandes chances pour que cette copie vous déçoive. Certes Steven Spielberg est un immense cinéaste, et on lui pardonnera bien volontiers de s’être autorisé ce remake. La question est : à quoi bon ? Est-ce qu’un compositeur s’est essayé à un remake de la 9e de Beethoven en modifiant légèrement l’orchestration, en ralentissant quelques mesures, en accélérant quelques autres, en remplaçant la soprano par un haute-contre, en optant pour l’ut mineur plutôt que le ré mineur initial ? La réponse est évidente.

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Des lourdeurs

Un tel projet ne pouvait avoir de sens que s’il constituait une vrai re-création, ou bien s’il apportait au film initial un souffle nouveau, par des moyens techniques contemporains, qui auraient permis des effets et des mouvements d’appareil impossibles au début des années 60.

Mais non, globalement Spielberg filme comme dans les années 60, en moins inspiré. La caméra dans le film initial possédait une virtuosité et une inventivité ici jamais atteinte. Le rythme du récit, l’enchaînement des séquences, la dynamique irrésistible de l’ensemble, tellement vivant, jeune et créatif, tout dans l’original était bluffant d’inventivité, de musicalité, comme porté par une inspiration constante.

Le remake au contraire est dépourvu de cette légèreté qui faisait le charme de l’original. Le décor de quartier en cours de démolition participe à l’évocation d’une réalité sociale qui imprègne le film et alourdit ce qui est avant tout une œuvre lyrique, un opéra. Certes cette histoire est ancrée dans le Manhattan des années 50 et dans les affrontements de bandes, comme le Roméo et Juliette de Shakespeare est ancré dans les luttes familiales de Vérone. Mais l’intérêt, comme dans toute grande œuvre, est avant tout dans une dimension universelle qui va bien au-delà d’une analyse psycho-sociologique. La dimension opératique, intemporelle et universelle, est l’essence de cette œuvre, qui dans sa version originale débute d’ailleurs par une longue ouverture musicale et visuelle, un extraordinaire prélude ici abandonné.

Un Spielberg timide

L’original est un opéra en décors réels, mais qui s’autorise à utiliser sans la cacher la dimension « studio » quand elle sert la mise en scène, de même qu’elle ménage constamment des transitions habiles du réalisme à l’onirisme, comme le font magnifiquement tous les grands réalisateurs de films musicaux, Minnelli ou Donen par exemple.

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Spielberg n’ose pas ces envolées. La rencontre entre Maria et Tony, dans le bal, se fait dans l’original par une disparition progressive, magique, du décor et de tous les autres danseurs qui restent simplement en arrière-plan, comme corps de ballet mettant en valeur le pas de deux de nos héros sur fond étoilé. Chez Spielberg Tony et Maria, ne s’isolent pas « magiquement », ils se rencontrent plus prosaïquement (et c’est certes plus réaliste) dans une partie isolée de la salle de bal.

Dans la scène finale de l’original les amis de Tony essaient de soulever son corps, devant Maria agenouillée, comme ils trébuchent légèrement dans cet effort, les amis de Bernardo se précipitent et c’est tous ensemble qu’ils soulèvent le corps, réunis dans un même respect, une sorte d’affection spontanée. Et pendant qu’ils s’éloignent quelqu’un dépose un châle sur la tête de Maria qui devient une sublime et digne Madone. Dans le remake, les amis de Tony soulèvent son corps et tandis qu’ils l’emmènent sur leurs épaules, les amis de Bernardo s’associent au cortège funèbre en posant leur main sur le cadavre. Là où tout coulait dans une dramaturgie psychologiquement et symboliquement convaincante, la nouvelle version va au plus simple et l’on perd forcément en finesse et en émotion.

Chez Spielberg il n’est pas un plan, pas une séquence, dont on puisse dire qu’il apporte quelque chose de nouveau, d’inattendu, qui puisse revivifier l’original et justifier cette tentative de faire un « West Side » contemporain. Bien sûr, il y a quelques vagues modifications scénaristiques, quelques retouches sur certains personnages, un contexte social modifié. Tout cela comme pour justifier cette nouvelle version. Bien sûr, si l’on ne connaît pas l’original on peut apprécier la copie qui reste un bon film.

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Mais le « West Side Stor »y de Robert Wise et Jerome Robbins reste à ce jour une œuvre unique, inimitable, une miraculeuse réussite cinématographique, musicale et chorégraphique qui fut récompensée par 10 oscars et qui a été projetée sans interruption à Paris, au cinéma Georges V pendant près de cinq années. À se procurer d’urgence en Blu-Ray pour ceux qui ne le connaissent pas encore.

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Réalisateur de films d'entreprises et institutionnels. Organisateur de spectacles.

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