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Euthanasie : un Homme, combien d’éléphants ?


Euthanasie : un Homme, combien d’éléphants ?

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Mardi matin, la commission présidée par le Professeur Didier Sicard remettait au Président Hollande ses conclusions concernant le traitement de la fin de vie. Curieux rapport que celui-là, qui écarte l’euthanasie dite active car elle franchirait « la barrière d’un interdit » mais qui propose qu’une sédation terminale puisse être administrée par les médecins aux patients qui l’auraient demandé de façon réitérée. On se demande où est la différence. La mission Sicard propose en outre une réflexion sur le suicide assisté, soit la possibilité laissée à un malade incurable d’absorber un produit létal.

Puisque le législateur de cette mandature semble avoir fondé la toute puissance de la loi sur la suprématie de la volonté individuelle, il semble malheureusement bien vain d’aller expliquer aux partisans de l’euthanasie que le socle du contrat social repose sur la protection de l’homme contre les autres mais aussi contre lui-même. En légiférant contre ce qui fait son objet, la société signe elle aussi son arrêt de mort. On peut bien prétendre au nom de la doctrine existentialiste que personne ne peut décider à la place de l’autre et que par conséquent il revient à chacun de faire ce choix en âme et conscience. Mais on sait bien que la fonction de la loi, c’est de normaliser, voire d’universaliser. Or en posant le droit à l’euthanasie, on fait du choix de certains une norme générale et impersonnelle, valable non seulement pour soi-même mais pour tout le monde. Comme le passage à le mort est bien un des seuls états où chacun se retrouve seul avec soi-même, il faudrait plutôt le préserver de toute structure imposée et laisser chacun faire le choix de sa propre existence.

Osons avancer une hypothèse dérangeante : et si l’euthanasie était à notre société moderne ce que furent les machines à la société industrielle ? Acceptée comme un outil d’apaisement aux souffrances, elle deviendrait un outil de régulation des populations inutiles ou coûteuses ? L’utilité économique comme passe-droit à la transgression la plus ultime, c’est ce que défendaient le juriste Karl Binding et le médecin Alfred Hoche dans l’Allemagne nazie, soucieux de tuer les coûts d’une médecine impuissante devant   les « vies sans valeur », les « existences superflues », les « esprits morts», les « enveloppes humaines vides » et utilisant une sémantique qui rappelle curieusement celle d’aujourd’hui : « aide aux mourants », « libération par la mort », « euthanasie », « action caritative ». En octobre 1939, Adolf Hitler  enjoindra ainsi aux médecins « d’accorder une mort miséricordieuse aux malades qui auront été jugés incurables selon une appréciation aussi rigoureuse que possible ».

Mardi matin, au moment même où le Professeur Sicard remettait son rapport, on apprenait que la décision d’euthanasier deux éléphantes tuberculeuses appartenant au cirque Pinder était suspendue. L’annonce de leur abattage avait provoqué un tollé  et la grâce présidentielle avait même été sollicitée tandis qu’une pétition rassemblait plus de 15 000 signatures. Qui ne s’est jamais vu proposer au Maghreb d’échanger sa dulcinée contre des milliers de chameaux ? En France, toute une population ne vaut même pas deux éléphants.

*Photo : Sanofi Pasteur.



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