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Des contradictions de la République et de l’idolâtrie dans l’islam

La perte de repères


Des contradictions de la République et de l’idolâtrie dans l’islam
Manifestations des Indonésiens musulmans suite aux déclarations de Macron défendant le droit à la caricature, Jakarta, 2 novembre 2020. © INA Photo Agency/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA30241760_000003

Michel Orcel explore deux paradoxes du conflit qui nous oppose à l’islamisme: la République oublie qu’elle est la fille de la Terreur, tandis que l’islamiste ne se rend pas compte qu’il commet le péché d’idolâtrie en condamnant les caricatures.


L’épouvantable décapitation d’un professeur de collège au prétexte qu’il avait choqué la foi religieuse de quelques adolescents nous invite à observer d’abord que c’est au seul concept de République que nos hommes politiques se réfèrent pour condamner cette exécution. Référence absurde, car il existe toutes sortes de républiques où la liberté ne s’exerce pas, et surtout parce qu’aucun régime n’a mieux développé que la Révolution française la décapitation de masse pour justifier une idéologie totalitaire.

La République française n’est pas un principe, mais un régime

Et qu’on ne nous rétorque pas, comme certains, qu’il y a rupture entre la Révolution et la Ve République : sa devise, son hymne, ses principes, sa négation des corps intermédiaires, son centralisme, sa prétention à créer un homme nouveau délivré de toutes contingences naturelles ou historiques (« mariage pour tous », lois dites bioéthiques, extension de l’avortement, PMA « pour toutes et tous », etc.), enfin le gouvernement actuel d’un parti si autoritariste qu’il en est venu à réprimer violemment des manifestations pacifiques, contrôler nos plus simples sorties ou interdire momentanément l’exercice du culte, montrent assez que notre République est historiquement la fille de la Révolution jacobine.
La République française n’est pas un principe, mais un régime ; et la France transcende de loin l’histoire si récente et si meurtrière de ce régime-là. Ce n’est donc pas tant la République que bouleverse cette décapitation (une république qui, à travers l’immigration, est largement responsable, par laxisme, angélisme, calcul ou complicité, de l’émergence d’un islamisme aujourd’hui meurtrier) que la France : le vin, la musique, la politesse, la galanterie, la pensée libre, ne sont pas républicaines, mais françaises.

Évidemment, aménager la loi pour de petits groupes (les juifs de France au XIXe siècle, par exemple) est tout à fait concevable : l’ancienne France était même fondée sur des privilèges divers et variés, qui respectaient les coutumes locales, les droits corporatifs, les libertés communales. N’ayons pas peur de dire que la réification des personnes à l’état d’individus interchangeables telle que l’a conçue et voulue la République rousseauiste et jacobine – Georges Bernanos ou François Furet, pour ne citer qu’eux, l’avaient bien vu – a fait le lit de tous les terrorismes.

L’islam contemporain est-il en mesure de nous respecter ?

Les mesures radicales qu’il serait nécessaire d’adopter pour endiguer la terreur islamiste qui gagne notre pays (mesures que je ne suis pas seul à préconiser mais qui semblent impossibles dans le cadre législatif européen), ce n’est pas un islamophobe, loin s’en faut, qui les soutient ici. Si la civilisation musulmane est endormie depuis plusieurs siècles, on ne saurait ignorer ses très riches apports, pas plus que l’abondance et la profondeur de sa poésie et de sa mystique, par exemple. J’aime et respecte l’islam – que j’ai longuement fréquenté –, et la figure de Lyautey m’est très chère. Pour protéger l’islam marocain des insolences coloniales, il fit édicter l’interdiction des lieux de culte aux non-musulmans. Mais la France n’est pas un pays musulman et nous devons aux fidèles de cette religion le respect qu’on doit à tout homme, dans la mesure où il accepte notre culture et nos lois. Or telle est la question qui se pose aujourd’hui : l’islam contemporain est-il en mesure de nous respecter ? L’islam d’aujourd’hui – c’est-à-dire le fondamentalisme islamique – a-t-il encore quelque chose à voir avec l’islam traditionnel, historiquement si proche de nous encore, et si amical : pensons aux unités musulmanes de l’armée française actives jusqu’à la guerre d’Indochine, à leur double allégeance manifestée notamment dans leurs insignes et leurs devises (« Allahou akbar »[tooltips content= »5e Régiment de tirailleurs algériens. »](1)[/tooltips] ! ou « Dieu, l’islam et la France »[tooltips content= »200e bataillon de pionniers nord-africains. « ](2)[/tooltips]), aux harkis, ou même aux vieux et respectueux Algériens transplantés en France que nous avons tous connus dans notre jeunesse ?…

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Je ne serai pas le premier à répondre par la négative. Dans l’islam traditionnel, le djihad offensif était considéré comme désormais clos depuis le XIVe siècle. Seul l’agression du dar al-islam appelait à la guerre sainte (l’Algérie avec le grand Abdelkader, qui, une fois défait, devint un ami de la France et un défenseur des chrétiens de Syrie, en est le meilleur exemple). Ajoutons que terorisme et suicide sont rigoureusement contraires à la tradition musulmane du « petit » djihad (la guerre sainte). Même le précédent des Assassins (Hashashins), auquel certains ont eu recours pour trouver une généalogie au djihadisme moderne, est tout à fait inopérant, non seulement parce qu’il s’agissait d’actions émanant d’une minuscule secte ismaélite, mais aussi parce que leurs victimes n’étaient que des souverains. D’autres facteurs marquent donc la rupture doctrinale entre l’islam ancien et l’islamisme qui se développe chaque jour un peu plus dans le monde musulman.

Islam : l’ancien et le nouveau

Le facteur essentiel est très évidemment la mondialisation, et son corollaire : la puissance des États les plus riches. Le wahhabisme saoudien, qui, voilà un siècle encore, n’était qu’une petite secte hérétique de l’islam, a diffusé sa doctrine dans le monde musulman, soit directement, soit à travers la mouvance salafiste, qui en est dogmatiquement très proche. Alors que l’ancien islam présentait un éventail très varié de coutumes et de croyances ainsi qu’une littérature foisonnante (juridique, littéraire, spirituelle), le fondamentalisme favorise l’extrême pauvreté de la pensée et l’adoption de règles passe-partout, fort commodes pour enrôler les masses incultes, en jouant sur le réflexe communautariste de l’oumma. Et il n’est pas peu curieux d’observer que la secte wahhabite, qui passe son temps à lutter contre toute vénération qui ne s’adresse pas à Dieu (la majorité des sanctuaires et lieux historiques de La Mecque ont été détruits, et le tombeau même du prophète a été menacé, sous prétexte qu’ils suscitent des vénérations idolâtriques), n’a eu d’autre résultat que de favoriser, non seulement la mondialisation du « voile », mais l’idolâtrie de la figure du prophète…

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Sans revenir aux origines de l’islam et en s’en tenant à l’histoire canonique, la figure de Mahomet a été à la fois contestée, et très tôt vénérée. Vénérée comme celle d’un homme choisi par Dieu, comme un véhicule de la parole divine ; mais jamais comme un dieu, cela va de soi. Cette vénération, associée à l’iconoclasme sémite (partagé avec le judaïsme), a beaucoup réduit la représentation picturale du prophète, dont on trouve cependant de belles et nombreuses traces (le visage découvert ou voilé d’un linge blanc) dans le monde persan, l’Inde moghole ou l’empire ottoman. Si elle n’est pas courante, la figuration du prophète jouit donc d’une réelle tradition. Par ailleurs, le prophète de l’islam s’est toujours gardé de se comparer aux grands prophètes juifs, notamment Jésus, « Verbe de Dieu » (IV, 171), dont les miracles sont chantés dans le Coran, et annonce clairement : « Je ne suis qu’un simple mortel, envoyé par Dieu à mes semblables » (Coran XVII, 93). Si la tradition légendaire lui attribue quelques prodiges, le prophète admettait lui-même que son seul miracle était la descente du Coran – ce qui revenait à attribuer le miracle à Dieu et à confirmer la nature purement humaine de son envoyé.

Le paradoxe du péché d’idolâtrie

Ce petit excursus nous permet de revenir à l’objet de cet article : l’islamisme – même s’il a déjà gangréné les représentations officielles (les Musulmans de France, le CCIF, etc.) – ne représente heureusement pas la pensée de tous les musulmans français, dont beaucoup sont parfaitement intégrés à notre culture.

On comprend néanmoins que la masse des fidèles, même modérés, puissent être violemment choqués par des caricatures auxquelles leur histoire ne les a pas habitués ; mais, en s’enflammant contre elles au point de justifier le meurtre de leurs auteurs ou de ceux qui les colportent, les fondamentalistes (et ils sont de plus en plus nombreux : les services secrets viennent d’en avertir l’Élysée) commettent sans en avoir conscience le péché le plus condamnable de l’islam : l’idolâtrie.

Ils divinisent le prophète et se font ainsi les spectateurs d’une adoration qui, aux yeux de l’islam, est considérée comme impie. Ajoutons que ces musulmans auraient beaucoup à apprendre des chrétiens occidentaux, lesquels, depuis des décennies, supportent les railleries les plus ordurières au sujet du Christ (notamment dans Charlie Hebdo), parce qu’ils savent bien que ces figurations ne sauraient affecter en quoi que ce soit la nature du Dieu infini dans lequel ils croient.

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Michel Orcel est écrivain, éditeur et psychanalyste.

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