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Les conservateurs du monde entier orphelins

Quid du trumpisme après Donald Trump?


Les conservateurs du monde entier orphelins
Les Trump et leur fils Barron en août 2020 © CNP/AdMedia/SIPA Numéro de reportage: 00977094_000003.

En France, les supporters du président sortant se demandent ce qu’il adviendra du trumpisme, après Donald Trump. Au terme de cinq jours complétement fous, nous connaissons enfin le nom du 46e Président des Etats-Unis d’Amérique. Qui n’aurait très probablement pas été élu sans le Covid-19. Récit.


Ce ne sera donc pas Donald Trump, sauf énième retournement de situation improbable, mais le démocrate Joe Biden qui sera élu aux Etats-Unis, au terme d’une campagne âpre marquée par la pandémie du « virus chinois » pour paraphraser le malheureux magnat de l’immobilier et l’hystérie mondialisée Black Lives Matter.

L’ancien vice-président d’Obama

Soupçonné de sénilité par des Républicains qui souhaitaient l’envoyer en maison de retraite, Joe Biden est à 78 ans le président élu le plus âgé de l’histoire des Etats-Unis. Peu connu sous nos latitudes en dépit de décennies passées au Sénat, où il fut entre 2001 et 2009 à la tête de l’important comité des Affaires étrangères, Joe Biden passa de l’ombre à la lumière internationale au cours de ses huit années en tant que fidèle vice-président de Barack Obama qui lui voue une amitié sincère, comme il l’a prouvé en mouillant la chemise dans les derniers moments de la campagne. Si d’aucuns s’interrogeaient au départ sur ses capacités à fédérer les Démocrates à son âge et en étant issu de la ligne la plus centriste d’un parti de plus en plus radicalisé par la ligne progressiste « woke », l’ancien sénateur du Delaware a su faire montre d’une habileté certaine, ciblant précisément les Etats et les comtés qui lui permettraient de l’emporter sur le fil.

Il serait bon que nous Français sortions des postures imposées. Nous ne sommes ni des hommes sojas de la Silicon Valley gobant toute la propagande progressiste, ni des rednecks branchés sur Q-Anon!

Qu’on ne s’y trompe pas: Donald Trump aurait très probablement été réélu sans le Covid-19 qui a faussé la donne. En janvier, les Etats-Unis affichaient une insolente santé économique. Le revenu moyen y avait augmenté et le chômage diminué. The Donald pouvait aussi se targuer d’un excellent bilan en matière de politique étrangère, domaine où son inexpérience faisait pourtant craindre le pire à une majorité d’observateurs quand il entra en fonction. Malin, sachant manier carotte et bâton, il prouva notamment lors de la crise iranienne qu’il n’était pas un va-t-en-guerre type « faucon » mais un négociateur plutôt malin qui ne voulait surtout pas engager son pays dans une nouvelle guerre. Les voyants étaient donc en vert, les midterms ne s’étant d’ailleurs pas mal passées pour les Républicains. Mais la grande histoire est toujours imprévisible.

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La tragédie s’est jouée en deux actes pour Donald Trump. D’abord avec le déclenchement de la crise du Covid-19, épidémie que le président américain a mal comprise et qu’il a certainement négligée trop longtemps. Les Démocrates ont su surfer sur la maladie, qui leur fut d’une grande aide pour encourager leurs ouailles à faire un usage massif du vote par correspondance. Ensuite, Donald Trump a été confronté aux plus importants troubles civils depuis a minima la Guerre du Vietnam. La mort de l’Afro-Américain George Floyd au cours d’une intervention policière à Minneapolis a été l’élément déclencheur de six mois d’émeutes ayant conduit à l’instauration d’une situation insurrectionnelle dans de nombreuses grandes villes démocrates telles que Portland ou Seattle où une zone autonome appelée Chaz fut le théâtre d’un incroyable chaos et d’un cortège de violences dignes du film de série B American Nightmare.

Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates au Congrès américain, ploie le genou en hommage à George FLoyd, Washington, 8 juin 2020. © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA
Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates au Congrès américain, ploie le genou en hommage à George FLoyd, Washington, 8 juin 2020 © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA

Donald Trump a eu un vrai vote d’adhésion, pas Joe Biden

Ces évènements majeurs ont créé un contexte défavorable au président sortant qui a permis aux Démocrates de ne même pas avoir le besoin de présenter un programme politique. L’élection est en effet devenue un référendum centré sur la personnalité de Donald Trump. L’occupant de la Maison-Blanche jusqu’en janvier prochain bénéficiait et continuera à bénéficier d’un soutien total de ses partisans qui adhèrent tant aux idées qu’il défend qu’à sa personnalité. Si de nombreux électeurs de Joe Biden ont voté contre Donald Trump, ils sont très rares parmi les électeurs de Donald Trump à avoir voté contre les démocrates. Ils ont d’abord et avant tout voté pour Donald Trump. Magnétique, remarquable en meeting et doté d’une inébranlable confiance en lui, le New-Yorkais a créé une vague qui marquera l’histoire de son pays et du monde. Il n’a pas été celui qui a créé les fractures américaines mais celui qui les a dévoilées sous des yeux ébahis.

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Son style a donc fait de lui l’homme à abattre. Haï par les grands médias nationaux qui ont rompu avec leur neutralité traditionnelle, Donald Trump a subi pendant quatre ans les feux de l’intelligentsia mondialisée de la côte Est et de Californie. C’est en partie ce qui explique son omniprésence sur Twitter, principal moyen pour lui de faire entendre sa voix sans un filtre déformant. Dépeint en tyran inspiré par Adolf Hitler, Donald Trump a été attaqué judiciairement, psychiatrisé par ses opposants, ridiculisé par les humoristes de talk-show et brandi en repoussoir par les sociologues de salon des universités américaines devenues terrain de jeu de l’extrême-gauche lancée en croisade contre « le patriarcat blanc ». Le Président Trump a incarné à lui seul le « mâle blanc occidental » honni, jusqu’à l’absurde et jusqu’à la nausée.

Et pourtant, il a recueilli 3 millions de suffrages de plus en 2020 contre Joe Biden qu’en 2016 contre Hillary Clinton. Donald Trump a été extrêmement résilient parce qu’il portait l’idée qu’il fallait « rendre sa grandeur aux Etats-Unis » et qu’il a convaincu ses électeurs qu’il était le seul en mesure de le faire. En un sens, il y est parvenu. Jamais une élection américaine n’avait suscité une telle participation. Avec 66,9 % d’Américains ayant accompli leur devoir civique, l’élection présidentielle de 2020 a battu un record. Grâce à Donald Trump. Qu’on l’aime ou qu’on le haïsse, l’homme a réveillé l’Amérique en agitant ses instincts les plus profonds, en lui montrant qu’elle devait se battre pour ne pas perdre sa place d’Empire qu’elle occupe depuis les années 50 comme l’avaient prévu le président Woodrow Wilson et son proche conseiller Franklin Delano Roosevelt.

Trump le candidat des travailleurs

Donald Trump a, au fond, continué les politiques prises par Barack Obama qui avait lui aussi senti que le centre de gravité du monde se déplaçait de l’Atlantique vers le Pacifique. Contrairement à ce qu’a dit l’ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis au soir du scrutin sur BFM TV, le « néo-isolationnisme » prôné par Donald Trump s’inscrivait dans la continuité de l’administration Obama, à quelques nuances prés. Joe Biden va devoir lui aussi mener une guerre commerciale à la Chine, préalable à un duel de longue durée qui devrait rythmer le vingt-et-unième siècle. Il ne pourra pas pleinement y arriver car il n’a pas pleinement saisi que la Chine mise depuis le début sur l’effondrement anthropologique et culturel de l’Occident. Elle sait que nos sociétés sont fracturées et que les forces de leur dissolution sont choyées, écoutées et toujours gagnantes à long terme.

En février 2020, à Hangzhou (Est de la Chine), un volontaire prend la température d'un conducteur de scooter © AP/SIPA Numéro de reportage: AP22425472_000001
En février 2020, à Hangzhou (Est de la Chine), un volontaire prend la température d’un conducteur de scooter © AP/SIPA Numéro de reportage: AP22425472_000001

Lors de son deuxième discours après le vote, Joe Biden a appelé le peuple américain à s’unir et à rester soudé, souhaitant fermer le chapitre des divisions. C’est assez bien vu, quoiqu’attendu. Croit-il toutefois pouvoir aisément manœuvrer l’activisme progressiste le plus radical ? En vieux routier de la politique américaine, Joe Biden sait parfaitement qu’il sera pris entre le marteau et l’enclume, entre le Sénat qui devrait rester républicain, la Cour suprême et … les émeutiers qui l’ont porté au pouvoir et ont massivement voté pour lui. Ou plutôt, contre Donald Trump. Ce dernier l’a parfaitement assimilé, ripostant immédiatement en dénonçant « les grandes fortunes démocrates » et les « médias » comme Twitter qui placent des avertissements sous ses tweets ou les networks qui interrompent ses discours. Il s’est alors dit le candidat des « travailleurs simples », leur opposant implicitement les élites vivant dans les grandes métropoles.

Des « minorités » ethniques disputées

Il y a un peu de ça dans ce scrutin quand on observe attentivement la carte électorale. L’Amérique rurale est rouge, les centres villes et les côtes sont bleues. Est-ce à dire que Donald Trump était le candidat de l’Amérique modeste ? Pas exactement. Les Américains les plus aisés ont voté Trump, même si cette analyse doit être tempérée avec le vote Afro-Américain qui fausse la donne et relativisée aussi avec le niveau d’études qui n’est pas toujours corrélé au niveau de revenus aux Etats-Unis. Globalement, si les hommes blancs avaient été les seuls à voter, Donald Trump aurait obtenu plus de 400 grands électeurs. A contrario, il n’en aurait même pas eu un seul si les hommes noirs avaient été les seuls à voter. On entend pourtant depuis quelques jours une petite musique qui nous dit que Trump aurait eu le « vote des minorités ». Pourquoi alors n’a-t-il pas gagné l’élection ? C’est là que les choses se complexifient grandement.

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Oui, Donald Trump a progressé chez les hommes Afro-Américains, enregistrant un score record. Il est passé de 13 % dans cet électorat en 2016 à 18 % en 2020. En Floride, il a aussi gagné grâce au vote dit « latino » qui l’a placé en tête en raison de la forte présence numérique de Cubains et de Vénézuéliens très anti-communistes. En revanche, le président sortant a perdu quelques milliers de voix chez les ouvriers blancs de la fameuse « rust belt » qu’Hillary Clinton avait négligée. Ce sont ces électeurs-là qui ont fait défaut à Donald Trump et lui ont enlevé la victoire qu’il espérait ; ceux du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvanie dont Joe Biden est natif. Ils sont revenus au bercail démocrate, rassurés par le profil de Joe Biden l’amateur de muscle cars vintages capables de différencier une Ford de 1965 d’une Ford de 1964.

Sans cette petite mais majeure différence d’avec l’élection de 2016, la question des votes par correspondance aurait à peine été effleurée puisque Donald Trump aurait gagné. Cette pratique est choquante vu de France. Elle a « perverti l’élection » comme l’a démontré Gérald Olivier. Elle est génératrice de fraudes, par des petites mains radicalisées tentées de sortir des bornes légalistes que suivent généralement les Américains pour « lutter contre le fascisme ». Dans certains Etats, le décompte des voix a duré une éternité. Parfois, les identités ne sont pas vérifiées dans certains bureaux de vote, les votes par correspondance ne sont pas toujours cachetés par l’US Postal, etc. Les recours en justice permettront de savoir. Reste que Joe Biden a gagné. Il a même gagné assez largement, en nombre de grands électeurs comme en nombre de suffrages exprimés. Ne faisons pas l’erreur de comparer cette élection avec l’élection Kennedy / Nixon de 1960 qui avait été entièrement truquée par la mafia.

Trump a posé de précieux jalons

Nous ne sommes pas Américains, inutile de nier la vérité. Il serait d’ailleurs bon que les Français sortent des postures imposées par la narration de l’Oncle Sam. Nous ne sommes ni des hommes sojas de la Silicon Valley gobant toute la propagande progressiste mensongère, ni des rednecks branchés sur Q-Anon persuadés que les élites démocrates font des sacrifices rituels dans les sous-sols du Pentagone pour s’attirer les faveurs de Baphomet… Du reste, il n’est pas impossible d’envisager que les équipes de Donald Trump aient pris au sérieux les sondages d’août qui le donnaient distancé. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ont retenu les électeurs républicains de voter par correspondance… afin d’être en tête le mardi soir pour pouvoir contester les résultats jeudi.

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Quoi qu’il en soit, nous Français pouvons et devons garder la tête froide. Donald Trump était un avantage dans les combats anthropologiques existentiels que nous avons nous aussi à mener. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un œil à l’affreux wokisme des médias américains qui ont unanimement désigné la France comme coupable des attentats islamistes qu’elle subit depuis cinq ans en raison de sa défense de la laïcité et de son « racisme ». Quelle réjouissance était-ce d’avoir la gouaille franche et le bon sens de Donald Trump pour aborder ces questions à la Maison-Blanche. Le trumpisme survivra partiellement à Donald Trump qui n’a d’ailleurs pas dit son dernier mot puisqu’il va créer une « Trump TV ». Ses supporters ne désarmeront pas, peut-être même se radicaliseront-ils pour une partie d’entre eux. Il peut aussi compter sur sa famille et tous les élus au Congrès de son ère, lesquels s’inscriront dans la ligne de fracture qu’il a posée. Il faut s’attendre aussi à ce qu’une légende noire de l’ère Trump soit écrite, comme naguère le faisaient les historiens romains pour les Empereurs du passé. Son héritage divisera car l’homme a divisé et continue de diviser.

Donald Trump va partir. Il va multiplier les recours, certes. Ils ont peu de chances d’aboutir à une annulation des élections ou à une victoire de Trump. Certains de ses conseillers n’y croient d’ailleurs plus. Pourquoi alors s’entêter ? Pour poser des jalons pour la suite. Toutes les déclarations de Donald Trump sont des messages politiques lancés pour l’avenir. La lutte interne aux Etats-Unis n’est que le prélude d’une lutte à mort en Occident. Gardons le fond, pas la forme.

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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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