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Face à l’islamisme, Kamel Daoud célèbre l’art occidental

La pudibonderie islamiste ne passera pas


Face à l’islamisme, Kamel Daoud célèbre l’art occidental
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Faut-il encore présenter Kamel Daoud ? Chroniqueur au Point et auteur de Meursault, contre-enquête, il est l’objet d’une fatwa lancée en 2014 par un sinistre barbu. Dans son livre  Le Peintre dévorant la femme, il célèbre l’art occidental et le beau sexe face à la pudibonderie islamiste.


« Qu’est-ce qu’une vieille église pour un touriste moderne ? Une pierre tombée du ciel et sur laquelle il s’adosse pour sourire », fait remarquer Kamel Daoud dans Le Peintre dévorant la femme en allusion aux grappes de touristes arpentant la très faste basilique Notre-Dame de Fourvière à Lyon. En ce début d’août caniculaire, les touristes n’ont pas dérogé à la règle. Venus de toute l’Europe se faire prendre en photo devant l’étincelante église, ils semblaient avoir définitivement apostasié la chrétienté pour embrasser la religion du selfie.

Islamistes vs Picasso

La splendide ville de Lyon abrite aussi un musée des beaux-arts où se niche une Venus tout de bronze d’Aristide Maillol. Deux modestes auréoles en guise de seins, des hanches qui s’affaissent certes, il n’en reste pas moins que devant un tel étalage de chair et l’air faussement naïf de la jeune femme, je me suis demandé quelle aurait été la réaction d’un islamiste. L’Algérien Kamel Daoud s’est déjà emparé du sujet il y a deux ans dans Le Peintre dévorant la femme. En confrontant un djihadiste aux femmes à poil de Picasso, il s’interroge sur le rapport de force entre l’art et les fous d’Allah.

Faut-il encore présenter Kamel Daoud ? Chroniqueur au Point et auteur de Meursault, contre-enquête, il est l’objet d’une fatwa lancée en 2014 par un sinistre barbu dénommé Abdelfattah Hamadache. Au pays où un autre gardien du Coran s’est rendu célèbre pour avoir condamné la consommation des cornets de glaces pour les femmes dans la rue, un barbu armé d’un burin et d’un marteau a défiguré et décharné visage et seins d’une femme de pierre en décembre 2017. La statue fut achevée à Sétif par le dénommé Francis de Saint-Vidal en 1898. Le barbu a mutilé la nudité, la féminité et la perpétuation de la vie. Tel Abdellah, le personnage imaginé par Kamel Daoud, il a signifié aussi une énième déclaration de guerre à l’Occident, cet Occident qui a trahi Dieu en se prenant pour le créateur, cet Occident qui a voulu le dépasser avec ses machines, ses vitrines et ses femmes nues.

« L’Occident est un nu »

Aux yeux de l’illuminé qui prend sa colère pour une guerre sainte, l’étalage de chair nue des toiles de Picasso incarne cette détestable hérésie qui laisse croire que notre corps nous appartient. Selon la loi de Dieu, le corps de l’homme ne lui appartient pas et encore moins s’il s’agit d’une femme. Celui qui osera imiter le geste de la conception divine sera donc maudit. Or, l’Occident peint le nu, « l’Occident est un nu. Abdellah voudra le convertir à la voie juste et à la volonté de son Dieu, le rendre décent […] le missionnaire n’est plus l’Occidental qui veut convertir les barbares, les « autres », mais l’Autre qui débarque chez l’Occidental et veut le convertir au nouveau Dieu colérique. L’Occident n’est plus une expansion mais une rétraction. Il n’est plus ordonnateur mais sommé ». La nudité est un scandale, les femmes qui font bronzer leurs cuisses sur les plages de Nice sont un scandale, l’impertinente assurance des Demoiselles d’Avignon est un scandale, « l’Occident est une femme et il faut voiler cette femme ». Tous au musée!

En 2015, sous nos yeux effondrés, les splendeurs antiques de la cité de Palmyre étaient sciemment réduites en poussière par l’État islamique. « Dans cet élan de purification monstrueuse, l’art est vu comme l’hérésie première, matérielle, la distance exacte de l’égarement par rapport à la voie de Dieu. Pour le croyant inquiet, il est la distraction impardonnable dans cet univers de la soumission stricte. L’art est le murmure du diable, la tentation, la parade à peine dissimulée de la licence sexuelle. Car l’art mène à l’érotisme, au sexe, à l’impureté, au mélange nocturne, à la multiplication contraire de l’unicité », énonce brillamment Kamel Daoud.

Gardien de la mémoire

Comme il nous le rappelle, danses, musiques, peintures, arabesques ou autres ondulations restent un luxe que d’obscurs purificateurs rêvent d’éteindre à jamais. Comme il nous le rappelle, le musée n’est pas qu’un divertissement pour des gens souhaitant se cultiver mais un gardien de la mémoire des hommes. L’art est « la déclamation de l’intime, une exposition dit-on à juste titre. Quand cette intimité est refusée, tout l’art est déclassé vers le vice ou la solitude. Les artistes fuient, se déguisent, sont tués ou s’exilent. Ils deviennent expression de la liberté refusée ». Lisez vite Le Peintre dévorant la femme et surtout, profitez des expositions estivales et allez remplir les musées! L’idée qu’un allumé pourrait brûler une toile de Picasso en se filmant en direct sur Facebook n’est malheureusement pas totalement farfelue.

Kamel Daoud, Le peintre dévorant la femme, Babel

Le peintre dévorant la femme

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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