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L’ouragan Jef

Quand il répond à la presse italienne, Jean-François Delfraissy devient l'anti-Sibeth


L’ouragan Jef

Bonne nouvelle, le président du conseil scientifique semble avoir été choisi pour ses qualités de médecin. Pas vraiment rompu à l’exercice de la communication politique, sa performance de ce côté aura parfois sonné à contretemps du la donné par l’orchestre gouvernemental. Des couacs qui sonnent drôlement justes.


Sans langue de bois

Jean-François Delfraissy n’est pas un perdreau de l’année. À 72 ans, le président du Conseil scientifique sur le coronavirus affiche une longue et brillante carrière d’immunologue. Mais depuis le début de la crise sanitaire, son inexpérience politique le fait régulièrement contredire les autorités qu’il est censé conseiller. Passé inaperçu dans les médias français, l’entretien qu’il a accordé le 12 avril au quotidien La Repubblica a dû faire pousser des hauts cris à l’Élysée et Matignon. Sans la moindre particule de langue de bois, Delfraissy commence par y tacler – sans la nommer – Sibeth Ndiaye, qui avait douté de l’efficacité du système de soins italien. « Je ne me suis jamais senti supérieur à l’Italie, je n’ai aucune leçon à donner à mes collègues italiens, j’en aurais plutôt à recevoir. » S’il confie avoir recommandé un confinement général dès le 10 mars, instruit par le précédent lombard, le professeur concède : « Si nous avions eu une capacité quotidienne de cent mille tests, peut-être aurais-je suggéré d’agir différemment. Mais ce n’était pas le cas. Le 10 mars, la capacité de la France était de trois mille tests par jour. Le confinement n’était pas la meilleure solution, mais la moins pire. »

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Bon scientifique, mauvais communiquant ?

Certains ont dû entendre les oreilles d’Édouard Philippe siffler. Et ce n’est pas fini. Doit-on porter des masques ? Là encore, Delfraissy vend la mèche : « Aussi bien l’OMS que le gouvernement français ont eu du mal à admettre la vérité, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de masques pour tous en quantité suffisante. Je suis convaincu que les masques sont un des instruments essentiels du déconfinement. » Quelques jours plus tard, à la mi-avril, le même glissait à une commission parlementaire que nos 18 millions de vieux et personnes fragiles seraient confinés sine die, s’attirant un recadrage public de l’exécutif. Miracle, le 26 avril, Delfraissy déclare au Figaro : « Il est temps que le confinement se termine », et confirme l’échéance présidentielle du 11 mai. On ignore ce qui s’est dit dans les palais lambrissés de la République mais si, comme l’a formulé le philosophe Karl Popper, la scientificité d’une thèse se mesure à sa réfutabilité, Jean-François Delfraissy est indubitablement un grand scientifique.

A relire: La technocratie, les médecins et les politiques

Mai 2020 – Causeur #79

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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