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Les Français doivent-ils avoir honte de ce qu’est devenu leur cinéma?


Les Français doivent-ils avoir honte de ce qu’est devenu leur cinéma?
Jamel Debbouze et Florence Foresti, stars du Box office français, en 2011 © NIVIERE/SIPA Numéro de reportage: 00628028_000041

Notre cinéma est une caste qui aime cracher sur ceux qui la font vivre. De plus, si le cinéma français se met à jouer les puritains, le reste du monde le boudera.


Le spectacle affligeant de la cérémonie des César écorne un peu plus le petit monde du cinéma français. Un microcosme arrogant, dont la médiocrité n’a d’égale que la part d’argent public qui le nourrit.

Premier constat qui donne une idée de sa qualité : notre cinéma s’exporte moins bien qu’avant. Les chiffres communiqués par Unifrance attestaient en 2018 d’une baisse de 47% des entrées à l’international. Quand on sait que ces résultats ne tiennent en réalité qu’à la réussite de blockbusters produits par Luc Besson – films calibrés sur le modèle américain, au casting anglo-saxon, et qui incarnent absolument tout sauf l’esprit français – on se demande légitimement où sont les succès flamboyants de nos génies auto-proclamés du 7ème art. Pourtant, avant eux, de grands cinéastes et acteurs brillaient bien au-delà de nos frontières. René Clément et ses deux oscars du meilleur film en langue étrangère. Jean-Jacques Annaud, Bertrand Blier, Régis Wargnier entre autres, ont aussi remporté la statuette. On pense à Simone Signoret, Juliette Binoche, Marion Cotillard. Puis évidemment The Artist, qui en 2011 a presque tout raflé.

Un cinéma subventionné

Le talent a précédé la génération qui s’est exhibée aux Césars 2020, et il leur fait cruellement défaut. Alors que Truffaut reste adulé au Japon, les rétrospectives de Pialat s’étalent sur plusieurs jours à Los Angeles. Godard, Rohmer et Audiard ont été récompensés dans toute l’Europe. Que dire de l’oeuvre de Roman Polanski, dont le talent éclipse en une scène les kilomètres de pellicule des Foresti, Jamel and co ? Or, depuis 2013 et le prix décerné à Michael Haneke (Amour, production franco-autrichienne avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva et Isabelle Huppert), Hollywood boude nos créations. La caméra victimaire de Ladj Ly – rentré bredouille de Californie – n’aura, malgré l’immense soutien médiatique, pas su vaincre le mauvais sort.
Le cinéma français excelle néanmoins dans trois domaines : le népotisme, la morale, et l’obtention de subventions publiques.

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Sous perfusion du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), dont le budget est constitué à 82% de taxes – considérées juridiquement comme des aides d’État –, nos pépites cinématographiques peuvent prendre forme. Ainsi, en 2018 ces prélèvements représentaient 671 millions d’euros, sur un budget de 813 millions. Tout le monde met la main à la pâte : spectateur quand il achète un billet, opérateurs télécoms, éditeurs, chaînes de télévision. À plusieurs reprises, Bruxelles a jugé illégale cette aide.

Mais il n’y a pas que le CNC. En 2012, la Cour des comptes a constaté sur dix ans une hausse de 680% du soutien fiscal dont profite le secteur. Pour que les cinéastes puissent assouvir leur soif de création, le plafond du crédit d’impôt a été relevé, et sa part a au final doublé entre 2012 et 2018. Sur cette même période, la proportion d’argent public dans le cinéma français est passée de 15,6% à 22,3%.

Un petit monde clos

Avec ces centaines de millions d’euros, à quoi avons-nous droit ? Censée représenter la diversité, cette industrie inspire la consanguinité quand on regarde certaines distributions. Sans grande culture cinématographique, on se perd dans des prénoms qui portent le même nom, allant jusqu’à croire que certains « artistes » ont le don d’ubiquité pour investir tous les plateaux à la fois ! Notre cinéma reçoit, à l’unanimité du jury, la palme de l’entre-soi. Beaucoup de jeunes réalisateurs, à jamais sur le carreau, dénoncent – jusque dans les colonnes de Telerama – le copinage, les lignées, et un manque suffocant de renouvellement des visages.

Passant son temps à se regarder le nombril, tout ce beau monde va, par acquis de conscience et entre deux navets, nous sortir des longs-métrages moralisateurs avec pour objets fétiches les migrants, la femme opprimée et la banlieue. Et comme toujours, on aura droit à une charge contre le provincial raciste, la B.A.C. aux méthodes de Gestapo, le citoyen véreux, ou le retraité ignare – quand il n’est pas mari violent.

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Infatigables donneurs de leçons, toujours prompts à défendre les nobles causes, nos acteurs et réalisateurs phares se sont empressés de signer une tribune dans Le Monde au moment de l’hystérie qui suivit l’épisode mettant en scène Julien Odoul et la femme voilée au conseil régional de Bourgogne. Omar Sy, Marina Foïs, Mathieu Kassovitz, Géraldine Nakache, … Personne ne manquait à l’appel. Mais où étaient leurs plumes indignées, quand au Bataclan, notre jeunesse se faisait transpercer les chairs au AK-47 ? Alors qu’ils ne cessent de prendre la parole pour dénoncer l’injustice, le racisme organisé et la barbarie d’État, ils se terrent dans le silence à chaque fois que le terrorisme arrache à la vie d’innocents citoyens.

Quand on prend conscience de tous ces éléments, cela ressemble à un mauvais film, voué à un échec certain. Et je ne doute pas que si des Français raisonnables étaient aux manettes de cette production – que l’on pourrait appeler « L’arnaque du cinéma français » –, avec un modèle économique douteux et un casting aussi bancal, ils renonceraient à sa sortie !

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