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La rousse incendiaire


La rousse incendiaire
Take me to town (1953) de Douglas Sirk © Collection Christophel / Universal International Pictures.

Sortie en DVD d’un western méconnu de Douglas Sirk, maître du mélo hollywoodien.


Les éditions Elephant Films ont la bonne idée de sortir une salve de trois films de Douglas Sirk éclairant une facette plus méconnue de son talent. Le cinéaste reste effectivement dans les mémoires comme le maître du mélodrame, à juste titre tant ses films sont sublimes, alors qu’il s’essaya à d’autres genres, notamment la comédie. L’excellent Qui donc a vu ma belle ? et le hawksien No Room for the Groom (une comédie de la frustration comme dans Allez coucher ailleurs) avaient déjà bénéficié d’une sortie chez Carlotta autrefois. Mais, avec La Séductrice aux cheveux rouges, voici une nouveauté qui se déroule dans un vrai cadre de western.

Emprisonnée avec son complice Newt, la flamboyante Vermilion O’Toole (Ann Sheridan) parvient à s’échapper d’un train en marche et se réfugie dans une petite ville où elle doit donner un spectacle de cabaret. Elle est abordée par les trois petits garçons de Will Hall (Sterling Hayden) qui aimeraient voir leur père se remarier. Pour échapper aux griffes du shérif, elle accepte de se réfugier chez cet homme, absent pour le moment…

Formidable et scandaleuse Ann Sheridan

La Séductrice aux cheveux rouges demeure sans doute un film mineur dans l’œuvre de Sirk mais il est constamment plaisant et bénéficie d’une mise en scène enlevée. Les rebondissements sont assez amusants, notamment lorsque la belle citadine se voit dans l’obligation de protéger les bambins contre un ours belliqueux, et l’on est séduit par le formidable abattage d’Ann Sheridan, l’inoubliable héroïne d’Allez coucher ailleurs, mélange de gouaille dans sa manière de s’adresser aux moutards et d’irrésistible séduction. Le ton est résolument optimiste et la fable s’achèvera par une morale très hollywoodienne sans pour autant entacher le souffle de liberté qui a dominé le reste du temps. Car si l’œuvre n’a pas la splendeur des mélos flamboyants de Sirk, elle creuse sur un mode mineur certaines de ses thématiques.

En effet, Vermilion O’Toole est, à l’instar de Barbara Stanwick dans Demain est un autre jour et surtout All I Desire, celle par qui le scandale arrive. Dans la mesure où Will Hall est le pasteur de la petite communauté puritaine où elle débarque, elle fait vraiment figure de diable dans le bénitier, adepte de la grasse matinée et d’un mépris affiché pour toutes les conventions. A ce personnage exubérant, Sirk oppose les dames patronnesses du coin, notamment une vieille fille secrètement amoureuse de Hall et qui aimerait devenir son épouse. Même si c’est sur un registre plus léger, le cinéaste souligne avec justesse le poids du regard de la communauté sur l’individu qui ose affirmer son indépendance et sa liberté, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une femme. Le récit pourrait tourner au vinaigre, notamment lorsque les amis de Hall tentent de le dissuader de s’engager dans une liaison pareille et qu’ils finissent par se battre juste avant un sermon très amusant.

Un film léger qui fait du bien

On songe alors à tous ceux qui cherchaient à s’opposer à l’union « contre-nature » de la veuve Jane Wyman avec son jardinier dans Tout ce que le ciel permet. Mais contrairement à ses mélos où ce sont souvent les enfants les plus récalcitrants et qui jugent leurs mères, les garçons de Hall sont ceux qui cherchent à provoquer la rencontre et le remariage de leur père, en dépit des convenances. Ce point de vue enfantin donne au film son caractère fantaisiste et léger comme dans cette scène de la baignade avec une petite équipe vêtue du même maillot confectionné par Vermilion. Mais ce ton n’empêche pas Sirk de s’intéresser une fois de plus à un personnage féminin extrêmement fort et libre, bravant aussi bien le shérif à ses trousses que la morale imbécile des « braves gens ».

La Séductrice aux cheveux rouges (1953) de Douglas Sirk avec Ann Sheridan, Sterling Hayden. (Editions Elephant films).



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est cinéphile. Il tient le blog Le journal cinéma du docteur Orlof

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