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Facebook, le déclin de l’empire américain

Qui se souvient de MySpace?


Facebook, le déclin de l’empire américain
Mark Zuckerberg sur le perron de l’Élysée, après sa rencontre avec Emmanuel Macron, Paris, 10 mai 2019. © Denis Meyer / Hans Lucas / AFP

Malgré ses recettes impressionnantes et un nombre d’utilisateurs en hausse, l’empire Facebook commence à montrer des signes de faiblesse.


« Mais où sont les médias sociaux d’antan ? » pourrait chanter quelque Villon moderne. Bebo, Capazoo, Friendster, Google+, Orkut, Yik Yak… qui connaît aujourd’hui ces noms représentant un échantillon des nombreuses plates-formes sociales dévorées par le Béhémoth, Facebook ? Même MySpace, le plus grand réseau social dans le monde entre 2005 et 2008, n’est plus que l’ombre de lui-même. Réunissant un plus grand nombre d’utilisateurs que la population de n’importe quel pays (2,3 milliards), dégageant des bénéfices mirifiques grâce à la recette de ses publicités ciblées (plus de 16,6 milliards de dollars en 2018) et se préparant à lancer sa propre cryptomonnaie, Libra, Facebook n’est pas une nation, mais un empire. Pourtant, les premiers signes de faiblesse indiquent que le plus vaste des médias sociaux pourrait un jour suivre ses anciens rivaux dans l’oubli.

Certes, le nombre des utilisateurs semble augmenter, mais c’est grâce aux nouvelles recrues dans les pays en développement. Dans les pays développés, le nombre stagne ou baisse et c’est de ceux-là que Facebook tire la plupart de ses bénéfices. Depuis 2017, Facebook a perdu 15 millions d’utilisateurs américains. Plus crucial encore, le volume d’activité aux États-Unis et en Europe, c’est-à-dire le nombre de « posts », de partages et de « likes » est en train de chuter. Certains utilisateurs, en particulier dans les jeunes générations, suppriment l’appli de leur smartphone. Pour l’instant, cela n’a pas douché l’enthousiasme des annonceurs qui continuent à enrichir Facebook, mais ce désengagement finira par avoir des conséquences.

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Les raisons de cette désaffection varient entre la défiance et l’ennui. Le scandale de Cambridge Analytica en 2018, la rapidité de la diffusion des fake news et l’exploitation abusive des données de ses utilisateurs ont terni l’image de Facebook. Celle-ci a encore souffert de la révélation cette année des traumatismes vécus par les modérateurs qui filtrent les vidéos véhiculant des messages de haine ou montrant des crimes abominables. Ce qui n’a pas empêché le terroriste néozélandais de Christchurch, le 15 mars dernier, de diffuser en direct l’attaque de la première des deux mosquées. Pour comble, une étude américaine sur la satisfaction des usagers montre qu’elle diminue dramatiquement, les fonctionnalités de Facebook étant considérées comme ringardes en comparaison de celles d’autres médias sociaux.

L’ironie, c’est que certains de ces autres médias appartiennent au groupe Facebook, Inc.

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Instagram, acquis en 2012, connaît une expansion soutenue. En y transférant certaines des fonctionnalités de son plus grand réseau, Mark Zuckerberg essaie d’ailleurs de faire d’Instagram un Facebook bis. Pourtant, Instagram, comme WhatsApp, acquis en 2014, génère beaucoup moins de revenus que Facebook. Zuckerberg parle de fusionner ses différentes messageries – Messenger, WhatsApp et celle d’Instagram – en un seul service pour mieux protéger les données des utilisateurs, mais il se peut que ce soit pour mieux protéger son groupe contre le démantèlement que de plus en plus de politiciens appellent de leurs vœux. Depuis une douzaine d’années, la toute-puissance de Facebook nous a fait oublier que le temps détruit tout, même les empires. Comme le dit Volney, dans son livre de 1791, Les Ruines, méditant sur la poussière laissée par la Grèce et par Rome : « Voilà ce qui reste d’une vaste domination : un souvenir obscur et vain ! »

Octobre 2019 - Causeur #72

Article extrait du Magazine Causeur




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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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