Accueil Politique Robert Ménard: « L’attentisme de la droite hors les murs, j’en ai assez! »

Robert Ménard: « L’attentisme de la droite hors les murs, j’en ai assez! »

Entretien avec le maire de Béziers


Robert Ménard: « L’attentisme de la droite hors les murs, j’en ai assez! »
Robert Ménard le 28 septembre 2019 à Paris lors de la "Convention de la droite" © Michel Euler/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22382970_000024

Selon Robert Ménard, il n’y avait pas franchement besoin d’une convention pour connaître les priorités politiques de la droite de la droite. Alors que Marion Maréchal a indiqué qu’elle ne se présenterait pas aux élections présidentielles, le maire de Béziers est lassé des débats, s’estime isolé et appelle son camp à se mobiliser sur le terrain. Entretien.



Martin Pimentel. A la
Convention de la droite, les discours des uns et des autres étaient apocalyptiques. Mais paradoxalement, les différents intervenants avaient le sourire, car toutes ces idées « patriotes » ou « nationales » ont le vent en poupe, et ils le savent. Vous, vous sembliez plus pessimiste. Vous avez parlé pendant 15 minutes et avez tancé vos petits camarades. Alors que vous étiez réunis avec des gens qui ont des idées proches des vôtres, vous vous êtes plaint d’être terriblement « seul ».

Robert Ménard. Je suis seul parce que j’ai envie d’avoir des gens à mes côtés qui nous aident à conquérir un certain nombre de villes dans quelques mois et qu’ils n’étaient pas là. Pour tout vous dire, les débats tenus dans ce genre d’enceinte ne m’intéressent plus. J’ai envie qu’on fasse rêver les gens, qu’on ne soit pas les éternels pessimistes, les éternels rabat-joie ! Ceux qui voient le verre à moitié vide ! Cessons avec ces descriptions apocalyptiques du monde de demain. Plutôt que de pérorer en haut de leurs tribunes, que mes amis se lancent dans le combat politique ! Aujourd’hui, les idées, nous les avons. Les combats à mener, nous les connaissons. On sait ce qu’il faut faire depuis longtemps, mais il nous faut maintenant les gens pour s’en occuper, ce qui est une toute autre affaire. C’est pour cela que j’étais exaspéré samedi. Il nous faut parvenir à mettre un visage sur celui ou celle qui, demain, incarnera nos idées. J’aimerais que ma « famille » politique parvienne à enthousiasmer les gens, qu’elle tienne un discours réaliste qui fasse écho aux difficultés des gens (cessons, par exemple, de parler « remigration », ce qui n’a aucun sens), qu’elle prenne ses responsabilités et désigne notre candidat.

Vous vous trouvez donc bien seul à Béziers, et pour ce qui est du national, vous réclamez un visage qui incarne les idées de la droite, un chef qui montrerait le chemin. Mais, ce chef ce n’était pas Marine Le Pen ?
Marine Le Pen reste quelqu’un d’étonnant ! J’ai été sidéré par sa capacité à se relever de son calamiteux débat de l’entre-deux tours. Je n’aurais pas parié sur sa capacité à revenir sur le devant de la scène au bout de deux ans. Elle a réussi de ce point de vue-là, c’est sûr. Mais recommencer un face à face Le Pen / Macron, c’est perdre la bataille d’avance…

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Vous vous moquez de ceux qui se piquent de faire de la « métapolitique ». Si Marine Le Pen n’est plus la solution, vers qui se tourner ? Marion Maréchal n’a-t-elle pas eu raison de vouloir renouveler les idées d’abord ?
Si j’avais le nom, je vous le donnerais. Je dis simplement qu’il faut arrêter de parler politique, qu’il faut « faire de la politique. » Aujourd’hui, quand nous expliquons qu’il faut gagner la bataille culturelle, c’est parce que nous sommes bien incapables de gagner la bataille politique. Il faut arrêter de se gargariser avec Gramsci. Dans les années 20, il était en prison en Italie. Personne d’entre nous n’est en prison… Si j’en crois certains, notre civilisation serait menacée, une révolution anthropologique serait en cours… Si c’est vrai, mobilisons-nous tout de suite pour changer les choses. J’ai l’impression que nous avons tenu des débats sur le sexe des anges samedi à Paris. Cette convention a été une espèce de longue lamentation. Personnellement, je ne me préoccupe pas de la situation, je veux m’en occuper. Je le fais dans ma ville, je veux qu’on le fasse au niveau de la France.

Mardi, Marion Maréchal affirmait qu’elle ne sera pas candidate en 2022, fin du suspense. Zemmour a de son côté bien des ennuis, est-ce un fiasco, cette convention de la droite ?
Je ne dirais pas que cette Convention a été un fiasco. C’est toujours bien de se retrouver entre nous dans un monde qui nous est souvent hostile… Mais, avant même qu’elle ne démarre, nous savions pertinemment que Marion Maréchal ne serait pas candidate en 2022 même si son entourage entretenait une espèce de suspense. Cette fois, elle l’a dit explicitement. Par ailleurs, personne ne peut sérieusement imaginer qu’Eric Zemmour va se présenter à la présidentielle. Ça ne tient pas debout ! Ce n’est pas son truc et ce n’est pas ce qu’on attend de lui.

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Vous avez dit samedi être le maire d’une ville « dont les citoyens se font traiter de ploucs », d’une ville dont « la vie des petites gens est bousillée par les racailles », une ville où deux tiers des enfants sont issus de l’immigration. Ne péchez-vous pas parfois par misérabilisme quand vous évoquez votre ville ?

Vous ne citez qu’une partie de ce que j’ai dit. Nous avons en même temps révolutionné Béziers. Venez voir ce que nous avons fait de Béziers en cinq ans. Vous ne la reconnaîtrez pas ! Sur les neuf derniers mois, le pourcentage de chômeurs a davantage diminué à Béziers qu’à Montpellier. C’est-à-dire que même sur le terrain économique, ne relevant pourtant pas des prérogatives du maire, nous sommes en train de gagner. Mais surtout, nous avons redonné aux Biterrois la fierté de leur ville. Je pointe dans mes discours les difficultés mais aussi les réussites de ma ville, et affirme qu’il faudrait employer la même méthode au niveau national. Mais j’y reviens, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Quand je me suis présenté à la mairie de Béziers, je ne me suis pas vraiment posé de questions. Suis-je trop jeune, trop vieux ? Trop intellectuel ? Pas assez peut-être ? Trop de Béziers, ou pas assez ? A un moment, arrêtons de nous poser ces questions. L’attentisme qui caractérise la droite hors les murs, j’en ai assez !

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En 2016, vous aviez déjà réuni des conservateurs, c’était le mouvement Oz ta droite, qui avait accouché d’une vaste liste de propositions. Marine Le Pen n’était pas présente. Marine Le Pen a été largement battue au second tour de la dernière présidentielle. Le week-end dernier, à Paris, cette fameuse Convention de la droite a rassemblé peu ou prou les mêmes gens. Comme une impression que l’histoire se répète…
C’est vrai qu’on a l’impression de radoter. C’est pour cela que j’ai dit à la tribune que je ne reviendrai plus. Je ne vais pas revenir tous les trois ans pour répéter la même chose. Je veux changer les choses. Tant qu’on n’aura pas trouvé quelqu’un qui incarne notre courant de pensée, ça ne sert à rien. La France est un pays dont la clé de voûte est à l’Elysée. La présidentielle est le rendez-vous décisif. Tant qu’on n’aura pas pris conscience de ça et qu’on ne se donnera pas les moyens de trouver celui ou celle qui sera capable de gagner cette bataille, tout le reste n’a guère d’importance. De plus, j’ai le sentiment que les discours qui ont été tenus à Paris ce samedi ont donné de notre courant une image caricaturale.

On va parler d’Eric Zemmour, dont visiblement vous ne partagez pas le pessimisme. Alors qu’une nouvelle cabale médiatique s’abat sur lui, vous lui portez secours et écrivez « il parle rude mais il n’est absolument pas raciste. Si on condamne Zemmour, on condamne la liberté d’expression ». Si Zemmour n’a pas tort selon vous, n’a-t-il pas tout de même commis une maladresse ?
Je ne veux pas entrer dans ce genre de considérations. Je ne veux en aucun cas me retrouver dans le camp de ceux qui sont en train de le lyncher. J’ai des désaccords avec Eric mais sa liberté d’expression, c’est ma liberté d’expression. Le défendre, c’est me défendre. Alors ces voltairiens qui n’aiment la liberté d’expression que quand c’est la leur et celle de leurs petits copains… qu’ils aillent se faire voir !

Etes-vous optimiste quant à vos chances d’être réélu en mars ?
Croyez bien qu’on va se battre ! Les Biterrois sont contents, me semble-t-il. Nous leur avons prouvé que nous pouvions bien gérer une ville de 80 000 habitants, lui redonner son lustre, assurer la sécurité de ses habitants… Aujourd’hui, les Biterrois sont les meilleurs ambassadeurs de leur ville. C’est ma plus grande fierté et le secret de futures réussites. Mais j’aimerais que ce scénario puisse se reproduire ailleurs. Dans d’autres villes mais aussi à un autre niveau… Je me répète encore une fois, il nous reste à trouver l’homme ou la femme qui incarnera notre combat et le fera réussir…

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