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« L’ensauvagement et l’agro-industrie se complètent »

Entretien avec José Bové


« L’ensauvagement et l’agro-industrie se complètent »
José Bové, ancien député européen. Photo : D.R.

José Bové, ancien député européen, a répondu aux questions de Causeur concernant les projets à la mode de réensauvagement de la France. Quelle est la position de la confédération paysanne sur la réintroduction du loup ?


Causeur. Quel crédit ont aujourd’hui les projets de réensauvagement au ministère de la Transition écologique, selon vous ?

José Bové. Ils sont pris au sérieux. Il y a des liens évidents entre l’administration et les associations qui ont redonné une jeunesse à ces projets. L’idée de rendre des espaces sauvages à la nature n’est pas nouvelle. Elle rejoint une vision également assez ancienne qui divise le pays en territoires sauvages et en territoires agro-industriels. Si on met de côté les réalités humaines, sociales et culturelles de l’agriculture, oui, 20 ou 25 départements suffisent à nourrir la France. On concentre l’élevage dans l’Ouest, les céréales dans le Bassin parisien… Quant aux éleveurs de montagne et de moyenne montagne, dans ce schéma, ils sont payés pour animer des circuits de découverte de la nature « sauvage ». On refait Yellowstone ou Yosemite, en oubliant, du reste, qu’il a fallu se débarrasser des Indiens pour créer ces parcs.

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Les éleveurs d’aujourd’hui seraient les Indiens d’hier ?

Ils se laisseront moins faire…

De nombreux témoins pointent leur méfiance grandissante envers les pouvoirs publics et en particulier l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Le problème est que l’Office n’accepte pas que les paysans puissent avoir leur propre analyse de la réalité de leur territoire, en particulier sur le loup. Sur les causses, l’Office parlait d’un loup, les éleveurs étaient certains qu’il y en avait plusieurs, les analyses ADN ont montré la présence d’une meute.

Quelle place tient le loup dans ces projets de réensauvagement ?

Nos paysages sont une construction commune de l’homme et de la nature, le produit d’un équilibre fragile. Les défenseurs du retour des grands prédateurs ont une volonté très claire de détruire cette cohabitation. Ils entretiennent le fantasme d’une nature qui se porte mieux quand personne ne s’en occupe. Le loup sert à mettre les éleveurs devant le fait accompli. Il est là, il faut lui laisser de la place, comme s’il était la biodiversité. Mais les orchidées qui poussent sur les causses sont tributaires des moutons  ! Sans troupeaux, le paysage se renferme.

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La Confédération paysanne a beaucoup débattu en interne avant de définir une ligne sur le loup. Y a-til débat aujourd’hui dans l’écologie politique sur le réensauvagement ?

Je n’ai jamais adhéré à aucun parti, mais je sais que la réflexion est en cours au niveau européen, en particulier en Allemagne. Les retours d’expérience montrent que les choses ne se passent pas exactement comme les partisans de l’ensauvagement l’espèrent, quand l’homme se retire  ! C’est un sujet dont il va falloir débattre.

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Article extrait du Magazine Causeur




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