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Donald Trump et les économistes de l’Aix du bien

Le Cercle des économistes contre Trump pour "un monde apaisé"


Donald Trump et les économistes de l’Aix du bien
Donald Trump entouré de ses homologues lors du sommet de l'Otan à Bruxelles, 11 juillet 2018. SIPA. 00867480_000041

Trois jours avant le déplacement houleux de Donald Trump à Bruxelles pour le sommet de l’OTAN, le Cercle des économistes se réunissait à Aix-en-Provence. L’occasion d’accuser le président américain de tous les maux dans le but de faire naître un « monde apaisé »


Les commentateurs de tout poil commencent à comprendre qu’ils n’avaient pas tout compris de la stratégie de Donald Trump. Il avait pourtant annoncé ses intentions pendant sa campagne présidentielle et il fait ce qu’il avait annoncé. Ou presque : car les méchantes querelles que le clan Clinton entretient au sujet d’une éventuelle russian connection l’empêchent pour l’instant (et jusqu’aux élections de mi-mandat en novembre) de développer son plan de coopération avec Poutine. Pourtant, loin des stratégies torturées de Bruxelles ou de Paris, de la langue de bois et de la pensée unique, Donald Trump fait ce qu’il veut et réussit tout ce qu’il entreprend. Sans doute parce qu’il a du bon sens, sous ce masque de scène destiné à ses électeurs.

Otan en emporte la Chine

Son passage à Bruxelles, les 11 et 12 juillet, pour une réunion de l’OTAN a été déstabilisant pour les pantouflards et les carriéristes de la défense, les partisans de la routine sans génie. Donald Trump s’en est notamment pris avec vigueur à l’Allemagne de Brunehilde-Merkel (en cours de suicide politique), qui non seulement est à la tête d’un pays qui ne cesse d’augmenter son bénéfice commercial sur le dos des Etats-Unis mais qu’il accuse aussi d’être « complètement contrôlée par la Russie » et de payer à cette même Russie « des milliards de dollars pour ses approvisionnements en énergie ». Pendant que « nous [l’OTAN et les Etats-Unis] devrions payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ? ». Il aurait même pu ajouter que les observateurs de l’économie russe constatent que les grandes entreprises allemandes ne respectent pas les sanctions internationales, post-crise de Crimée.

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Donald Trump aurait même menacé (il avait évoqué pendant sa campagne l’obsolescence de cette alliance) de quitter l’OTAN si les membres de l’organisation ne font pas un effort d’augmentation des dépenses militaires. Car son souci prioritaire c’est la Chine, et il ne veut pas que l’Europe ou l’OTAN, lui absorbent l’énergie économique, diplomatique, militaire dont il a besoin pour contenir Xi Jinping : il sait qu’il doit poser des barrages dans le Pacifique avant qu’il ne soit trop tard.

Le Cercle des économistes redoute un « embrasement mondial »

Trois jours auparavant se célébrait à Aix-en-Provence la grand-messe annuelle mièvre et désuète des économistes officiels : des universitaires, des chefs d’entreprises, des « gourous à toute heure », des lobbyistes et larbins en tout genre, des journalistes eux aussi officiels… Tous prudemment auto-cooptés. Les thèmes se voulaient soigneusement interrogateurs : une débauche de points d’interrogations. Mais, entre les lignes, une rafale de crédos libéraux, libre-échangistes, financiaristes, européistes, mondialistes, et, évidemment, anti-Trump.

La Session 29, par exemple, s’intitulait : Vers un choc des nationalismes ? ; et la Session 30 : Existe-t-il une réponse globale aux migrations ? L’ennemi clairement assigné est « la montée des nationalismes qui avait secoué le XXème siècle », que « la construction de l’Union européenne avait… pour objectif politique d’endiguer ». Mais « depuis le début des années 2000 pourtant, les signes indiquant le retour du sentiment de préférence nationale se multiplient et menacent cet idéal ». On note un choix des mots connotés qui suggère la réponse simpliste : Bruxelles c’est bien ; l’intérêt national c’est mal. Laissez-nous faire ; nous, nous savons. « La résurgence des pulsions nationalistes se révèle comme un phénomène international. Partout, en Chine, en Russie et, bien évidemment, aux États-Unis, le discours néo-nationaliste (d’où sort-on cela ?) prend de l’ampleur et freine brutalement (sic) l’élan d’ouverture (sic) et de libre-échange qui a animé les précédentes décennies. Au-delà des rivalités commerciales exacerbées, doit-on alors craindre un embrasement régional ou pire, mondial (sic) ? »

Au diable l’avarice, visons haut : une bonne guerre mondiale ! « Les populations, et leurs représentants politiques, semblent rejeter de plus en plus violemment (sic) les visions de coopération internationales ou d’ouverture des frontières. Les particularismes culturels se sont-ils renforcés à mesure du recul des prérogatives de souveraineté nationale ? Peut-on donc conclure à l’échec de l’expérience européenne ? Cette montée du nationalisme entraînera-t-elle des nouvelles formes de conflits (économiques, commerciaux, militaires)? Devons-nous repenser les formes de gouvernances supranationales pour répondre aux inquiétudes et aux tentations de repli sur soi ? »

« Lutter contre les populismes »

Tiens, on a oublié de qualifier le repli de « frileux »… Mais, plus loin on veut heureusement « lutter contre les populismes au Nord, mais aussi au Sud, que ces mouvements migratoires provoquent. » Et donc lutter contre la conséquence mais pas contre la cause ?

Parmi les officiants : Jacques ATTALI (Positive Planet – sic); Mario MONTI (Ancien président du Conseil, Italie); Augustin de ROMANET (Groupe ADP) ; Augustin LANDIER (Le Cercle des économistes); Sylvie KAUFFMANN (Le Monde) ; Coordinateur : Olivier PASTRÉ (Le Cercle des économistes); Rémy DESSARTS (JDD).

La session 31 : Quel leadership dans le monde de demain ? et la session 32 : Comment L’Europe va-t-elle inspirer le Monde (sic) ? avaient été dévolues à un panel tout aussi sélectionné : Benoit COEURÉ (Banque centrale européenne) ; Philipp HILDEBRAND (Black Rock) ; Robert MALLEY (International Crisis Group) ;  Susanna CAMUSSO (Confédération générale italienne du travail); Pierre-André de CHALENDAR (Saint-Gobain) ; Sigmar GABRIEL (Ancien ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne) ; Ross MCINNES (Safran) ; Jean PISANI-FERRY (Le Cercle des économistes) ; Anne-Sylvaine CHASSANY (Financial Times),  Hélène REY (Le Cercle des économistes).

Le questionnement, ici, visait plus expressément Donald Trump : « Pendant sept décennies, les relations économiques internationales se sont organisées sur la base des principes fixés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Construit à l’initiative des États-Unis, le système multilatéral a servi de cadre au développement des échanges, à la diffusion du progrès technique et à la recherche de solutions coordonnées aux problèmes d’action collective induits par le développement des interdépendances et la raréfaction des ressources communes. Malgré les difficultés du projet d’intégration européen […] l’Europe occupe toujours une place centrale dans l’échiquier géopolitique mondial (sic). Il semble cependant qu’elle soit menacée par la Chine, la Russie et les États-Unis. L’Europe, ralentie par un système de décision à 27, peut-elle réellement peser et préserver ses valeurs ? Depuis le début des années 2000, cependant, les signes annonciateurs d’un délitement de l’ordre international se sont multipliés sur fond de rivalité croissante entre Chine et États-Unis : échec des négociations commerciales multilatérales engagées à Doha, méfiance grandissante de l’Asie émergente à l’égard du FMI, incapacité de la communauté internationale à s’accorder sur des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre ».

« L’arrivée de Donald Trump accélère la décomposition de l’ordre économique mondial »

Et enfin : « L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche accélère la décomposition de l’ordre économique mondial : les États-Unis ne sont plus certains que le système multilatéral serve leurs intérêts, et multiplient des initiatives qui sont autant de coups de boutoir à son encontre. S’agit-il simplement d’une phase dangereuse, ou le chaos actuel (sic) est-il porteur de ruptures irréversibles dans le système international ? Le modèle européen demeure cependant un exemple unique d’union inter-États dépassant largement le seul cadre du libre-échange. Ses institutions constituent ainsi une source d’inspiration indéniable sur le plan de la stabilité politique, de la protection des citoyens, de la promotion des droits de l’homme, du modèle social ou encore du partage des richesses entre États. Mais pour conserver son image pionnière et lutter contre les démocraties illibérales (?) […] la politique extérieure de l’UE a-t-elle un vrai poids stratégique ? L’Europe de la défense peut-elle relancer le mouvement fédérateur européen ? Le Brexit constitue-t-il un précédent, ou vaccinera-t-il au contraire les États membres contre toute velléité de sortie ?Le principal bénéficiaire de cette situation semble être la Chine, qui a su à la fois s’affirmer comme une puissance économique globale soucieuse de faire vivre le multilatéralisme, et comme acteur de la disruption d’un système dont les règles ont été fixées par d’autres. Tantôt pilier de substitution, tantôt architecte d’une recomposition, Pékin développe graduellement sa vision de l’ordre économique mondial de demain. La Chine doit-elle être regardée comme un partenaire dans la recherche de nouveaux équilibres, ou comme un adversaire qui n’a accepté de se plier aux règles communes que pour autant qu’elles servaient ses intérêts immédiats ? Quant à l’Union Européenne, elle est de tous les grands acteurs la plus attachée à un système multilatéral fondé sur des règles, dans lequel elle tend à voir une réplique de son propre fonctionnement interne. Elle cherche à affirmer sa place sur la scène internationale mais hésite sur la voie à suivre : doit-elle s’opposer à l’unilatéralisme américain ? Construire un partenariat avec la Chine ? Ou au contraire s’accommoder des foucades de Washington (sic), au nom de la solidarité des intérêts et des valeurs ? ».

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Ce sac de nœuds gordiens emberlificoté par nos graves « penseurs » vient d’être tranché d’un maître coup de sabre politique par Donald Trump : on a déjà sa réponse; une réponse incontournable ; mais les Européens et le Cercle des économistes en sont encore à poser les questions. Or les peuples, désormais, écartent ces questions et adoptent directement les bonnes réponses : les Pays Bas ont rejeté l’accord sur l’Ukraine, l’Italie a annoncé qu’elle rejetterait le CETA. Le TAFTA sans doute ; les accords de Dublin… Que restera-t-il bientôt du monde élucubré sur la base de paradigmes qui ont échoué ?



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