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Les classes prépa « BL » sont une chance pour tous les bons élèves


Les classes prépa « BL » sont une chance pour tous les bons élèves
Le lycée Henri IV à Paris, mars 2007. SIPA. 00542265_000026

En réaction à l’article de Jean-Paul Brighelli sur les classes préparatoires « BL », je propose de détourner un dicton connu, et de le prier de ne pas « jeter l’eau du bain BL avec le bébé-Macron ».

Faire de cette section une pure école d’héritiers, une fabrique à dominants, dans une problématique bourdivine, est extrêmement partiel, réducteur, et pour tout dire injuste. On peut d’ailleurs se demander pourquoi, avec un tel regard sur ces classes, l’auteur de l’article n’a pas démissionné.

Ce n’est pas (seulement) la prépa des élites

Pour y avoir moi aussi enseigné, (au lycée Faidherbe à Lille), avoir fait partie des « pionniers » de ce qui s’est appelé à l’origine « khâgne S », avant de devenir « BL » et pour cela avoir bien connu certains de ses fondateurs (Guy Palmade, Marcel Roncayolo, Henri Lanta…) , je peux témoigner qu’une telle orientation est aux antipodes de ce qu’étaient leurs intentions, mais bien éloigné aussi du rôle effectivement joué par cette filière dans le paysage des classes préparatoires. Il n’est pas convenable de jeter l’opprobre sur cette formation dans le seul but d’en faire la pièce maîtresse d’un réquisitoire à charge contre nos élites, et particulièrement contre notre nouveau président ! Comme si tous les étudiants qui en sortaient étaient formatés à l’image de ce modèle !

Il est en particulier choquant de lire que les « prépas de proximité de la France périphérique » ne sont là que pour fluidifier le fonctionnement des « grands centres » et consolider leur hégémonie, en berçant d’illusions les « petits pauvres locaux ». Ces formules méprisantes négligent le fait que ces sections offrent aux bons élèves des classes moyennes, et même – dans un nombre de cas non négligeable – de familles modestes, souvent issus de la filière bac ES, un enseignement de haut niveau qu’ils ne trouveraient nulle part ailleurs.

Même s’ils peinent plus ou moins en mathématiques et ne peuvent prétendre raisonnablement décrocher le « grand concours » (l’ENS), ils sont alors outillés pour réussir d’autres concours, Sciences Po, ENSAE, écoles de commerce de province, voire pour poursuivre des études à l’université, dans de très bonnes conditions. Je pourrais en citer beaucoup qui ont fait ensuite d’excellentes carrières universitaires, et dont l’un (de mes anciens élèves passé donc par la fac) est même devenu un sociologue connu.

La pluridisciplinarité n’est pas une posture, c’est une ouverture

Pour ce qui est du contenu de cette formation, et du profil culturel des élèves qui en sortent, tout n’est pas faux dans la description de M. Brighelli. L’effet pervers de la pluridisciplinarité est forcément le saupoudrage des connaissances, l’impossibilité d’approfondir, le survol un peu superficiel de multiples domaines… Mais de là à réduire tout cela à une culture de l’esbroufe, de la posture, de l’arrogance intellectuelle et de la manipulation des masses, il y a un pas à ne pas franchir.

Il faut d’abord prendre en considération le « bon côté » de la médaille. Ces horizons disciplinaires variés sont autant de portes ouvertes vers des formes de connaissance qui sont de nature à attiser les curiosités. Il n’est sûrement pas mauvais que de futurs cadres dûment dotés de compétences mathématiques aient des ouvertures du côté des Sciences sociales, mais aussi des Lettres, de la Philosophie, voire des Langues anciennes. Le fait de multiplier les approches de la réalité a toutes chances de stimuler l’esprit critique. L’accession aux responsabilités pourra alors être accompagnée d’une plus grande propension à la distance, à la réflexion éthique, à la remise en cause…

Il est légitime d’émettre des critiques (que je partage en partie) concernant les mentalités des membres de nos classes dirigeantes, et le scepticisme est pertinent concernant la qualité autosuggérée et amplifiée par les médias de la culture du premier d’entre eux. Mais affirmer que la fabrication de telles « élites » est la vocation de la filière d’enseignement supérieur que constituent les hypokhâgnes et khâgnes BL n’est pas soutenable, et relève d’une vision idéologique dépassée. Parce qu’elles offrent des débouchés intéressants à des élèves d’origine modeste ; parce qu’elles favorisent la prise de conscience de certaines réalités sociales, il serait au contraire plus judicieux de revendiquer d’en augmenter le nombre.



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est professeur honoraire de sciences sociales en classes préparatoires.

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