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Portrait d’un héros français


«Dans une guerre de contre-insurrection, il y a 20 % de travail militaire et 80 % de travail civil »

Soyons directs, comme le sont les militaires : le commandant David Galula n’a pas la place qu’il mérite dans le paysage intellectuel français. Salué aux États-Unis comme le plus grand théoricien de la guerre révolutionnaire après Clausewitz, reconnu par le général Petraeus récemment nommé à la tête de la C.I.A. comme l’inspirateur de son manuel sur la contre-insurrection, étudié à Westpoint, David Galula, tant par sa vie aventureuse que par le génie de sa pensée, aurait dû, aurait pu susciter la curiosité et même l’admiration de ses compatriotes. Ce ne fut pas le cas. Tentons de comprendre pourquoi.

Galula naît à Sfax (Tunisie) en 1919 et entre à Saint-Cyr en 1939. Affecté au 1er régiment des Zouaves, il assiste impuissant à la défaite, avant d’être rayé des cadres de l’armée  » en application des lois portant sur le statut des juifs « . Il n’y fera jamais allusion. Il doit au général Giraud d’être réintégré dans l’armée avec le grade de lieutenant et de prendre part à tous les combats en France, puis en Allemagne.

En 1945, il est affecté en Extrême-Orient. Il apprend le mandarin et voyage en Mandchourie où seigneurs de la guerre, nationalistes chinois et Japonais s’affrontent encore. Prisonnier des communistes chinois, il aura l’occasion d’étudier sur le terrain la pensée et les stratégies des maoïstes. Il voit le péril mondial que représente le communisme, ce qui ne contribuera pas à sa popularité en France. Sa participation, navrée, à la guerre d’Algérie, non plus. Saisissant très vite que la partie est perdue, il demande à être détaché aux États-Unis. Face au refus de ses supérieurs, il demande sa mise en disponibilité. Il donnera des conférences à Westpoint, rédigera deux ouvrages directement en anglais Pacification in Algeria 1956-1958 et surtout Counterinsurgency Warfare : Theory and Pratice, avant de mourir en 1968.

L’anticommunisme viscéral de David Galula a trouvé un réel écho dans l’Amérique de la guerre froide. Rien de tel, en revanche, dans une France où le parti communiste jouit d’une popularité extravagante et où bien des intellectuels, à commencer par Sartre, sont fascinés par le maoïsme. Galula, en outre, pressent que la religion, l’Islam en particulier, constituera dans l’avenir un ferment d’insurrection plus dangereux encore que les nationalismes. Qui, en France, était capable d’entendre les prophéties de David Galula ?

Comme le note le général David Petraeus, toute théorie militaire échafaudée en l’absence d’expérience vécue est vaine. Galula, poursuit-il, présente donc comme Clausewitz la particularité d’avoir accumulé une grande expérience de la guerre tout en possédant les qualités intellectuelles et philosophiques suffisantes pour arriver à dégager au profit des générations futures les caractéristiques de conflits dont il a été le témoin.

Sa principale intuition, note encore Petraeus, est que, contrairement à la guerre conventionnelle au cours de laquelle le principal enjeu est la puissance respective des adversaires, toutes les forces de contre-insurrection doivent avoir pour but la protection de la population indigène. Que ce soit à Bagdad ou à Kaboul, on a pu mesurer l’ampleur de l’effort à fournir, même avec la boussole conceptuelle de David Galula. Il était possible de prouver à des populations soumises à des idéologies collectivistes que leur prospérité serait plus grande dans une économie de marché.

Mais que valent les arguments matériels face à l’offensive spirituelle du Djihad ? Tout l’enjeu des années à venir tourne autour de cette question. Comme l’écrit David Galula, la guerre est un phénomène social encore bien plus complexe que le jeu d’échec. Nul joueur n’a jamais trouvé d’ouverture garantissant la victoire et nul n’en trouvera jamais. Reconnaissons à Galula d’avoir été un stratège hors pair, même si in fine les vainqueurs sont vaincus par leur victoire même.

David Galula est traduit en français aux éditions Economica.



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