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Mon royaume pour une maison!

« Une maison, un artiste », en diffusion sur France 5


Mon royaume pour une maison!
La maison de Michel Bouquet à Etais-la-Sauvin (89) sur France 5 © Dorothée Poivre d'Arvor

En ce moment, France 5 diffuse la saison 13 de l’excellente série documentaire « Une maison, un artiste » et nous invite à découvrir les refuges entre autres de Jeanne Moreau, Simone Veil, Michel Bouquet, Pierre Loti1 ou encore René Goscinny. Monsieur Nostalgie voit dans l’attachement à la maison individuelle, une manière de vivre pleinement sa citoyenneté


Durant l’agitation, quand la rue brûlera demain, dans les pétards et les mots d’ordre, le manifestant d’un jour pensera à un coin de paradis, rien qu’à lui, par la pensée il s’échappera de la tourmente du mal logement, il s’évadera de la masse ; il aura beau marcher dans la foule au milieu d’autres anonymes, son esprit ira se nicher ailleurs, dans un endroit secret, au fond de nos provinces, au pays de ses ancêtres ou dans un lieu découvert par hasard au gré d’un voyage, d’une lecture, d’une dérivation, quelque chose de modeste et de chaleureux où il pourra déposer son barda d’emmerdements. Enfin, respirer. S’extraire et se poser, sans que l’on vienne le juger, le tancer, le taxer, le chagriner, le soumettre à des plans indignes. La propriété privée n’est pas une atteinte à la citoyenneté, au contraire. N’est-ce pas un droit vital que d’aspirer au retrait et au foyer serein ? Tous les Hommes méritent de trouver leur escale permanente. On plaint sincèrement ceux qui errent sans point de fixation intellectuel et charnel. Le rêve de posséder une maison individuelle qui fut salement moqué par des disjoncteurs, des perturbateurs endoctrinés, traverse toutes les couches de notre société. Il est commun aux honnêtes gens. Peu importe le niveau des ressources, le besoin d’attacher le destin de sa famille à un morceau de terre est largement partagé dans notre pays. Posséder un toit à soi, dans un lieu librement choisi, avec un bout de jardin, un cèdre, une cheminée, une cuisine, quelques tommettes, un logis à soi où la vie ne semblerait ni vaine, ni bouchée, une vue sur un champ, un massif, une rue biscornue, un point d’eau, sur des tuiles ou des ardoises, c’est avoir déjà réussi sa vie. Un but atteint. S’être accompli en donnant aux siens un ancrage et une destinée. Quelle fierté pour des parents !

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L’adage populaire ne dit-il pas : mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres ? Une maison est la première pierre d’une histoire longue. Ceux qui ne comprennent pas cet élan, qui détestent le confort « petit-bourgeois » des autres alors qu’eux-mêmes se gobergent dans la multipropriété, veulent empiler les humains verticalement, les indifférencier. Chez eux, l’Homme est une statistique froide, on le place, le déplace, le fait grimper de force dans une tour, lui octroyant royalement des sanitaires et une lucarne. L’Homme n’est pas qu’un figurant, qu’un opérateur macro-économique commandé à distance. Son émancipation passe par l’achat d’un pavillon de banlieue ou d’une longère à la campagne, il se révèle à lui-même en retapant une masure, en creusant son propre terrier. L’immobilier et le patrimoine sont des sujets sensibles en France. Mais une large partie de la population s’accorde au moins sur un point : habiter quelque part pour être dans ses murs. Même E.T. l’extraterrestre pointait de son doigt courbé sa lointaine maison et nous brisait le cœur. On est curieux des lieux de vie car ils disent tout de nous, de notre sensibilité, de notre fanfaronnerie, de nos joies et de nos tristesses. Nos maisons, celles que l’on a désirées follement, que l’on a héritées et pour lesquelles on s’est endettés, sont nos miroirs. Elles projettent l’image que l’on se fait de soi. Notre meilleur profil. On y met souvent nos peurs et nos envies.

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C’est pourquoi la série « Une maison, un artiste » diffusée sur France 5, actuellement dans sa 13ème saison (visible gratuitement sur le site France TV) est un rendez-vous charmant, hors du temps, une bulle de champagne dans la grisaille des programmes. En 26 minutes, nous découvrons le lieu préféré d’un Français « célèbre » disparu. Il y a une part de curiosité de connaître les intérieurs de nos personnalités. Ces maisons sont belles mais pas trop belles. Il ne s’agit pas d’un concours de demeures somptuaires quoique certaines aient un cachet certain. Elles peuvent être spacieuses comme la villa de Jeanne Moreau à la Garde-Freinet dans le Var, normande et douillette comme celle de Simone Veil à Cambremer, festive à l’image de l’inoubliable Jean-Marc Thibault à Marseille, panoramique comme l’appartement du XVIème arrondissement de René Goscinny avec vue sur la Tour Eiffel, l’amateur de paquebot transatlantique pouvait laisser voguer son imagination. Dans cette 13ème saison, j’ai un faible pour la maison de village de Michel Bouquet et surtout de sa Juliette (Carré) à Etais-la-Sauvin dans l’Yonne. Une bâtisse rurale, simple, propice à la compréhension des grands textes. Demain, chacun, manifestant ou pas, aura la vision de sa maison idéale dans le coin de sa tête, très loin des dissolutions et des votes de confiance.

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  1. Retrouvez un article de deux pages de Julien San Frax sur la maison de Pierre Loti à Rochefort, dans le magazine Causeur du mois ↩︎



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Journaliste et écrivain. Dernières publications : "Tendre est la province", (Équateurs), "Les Bouquinistes" (Héliopoles), et "Monsieur Nostalgie" (Héliopoles).

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