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Taser, un choc salutaire


Taser, un choc salutaire

Le « Taser », une chance pour les délinquants ? La question est évidemment scandaleuse pour les professionnels de l’indignation qui n’ont pas manqué de dénoncer en boucle la décision du ministre de l’Intérieur d’autoriser la police municipale à s’équiper de « pistolets à impulsion électrique ».

Il est vrai que le moment choisi pour publier le décret au JO – au lendemain des obsèques de la jeune policière municipale tuée à Villiers sur Marne – n’est pas du meilleur goût. On peut déplorer que le gouvernement surfe sur l’émotion provoquée par ce fait divers pour faire passer cette mesure controversée. Sans doute espérait-il éviter ainsi le chœur des pleureuses toujours promptes à dénoncer l’Etat répressif et les violences policières. C’est raté. La Ligue des Droits de l’Homme s’insurge contre la « politique de la peur », tandis qu’Amnesty International souligne à nouveau « le risque de non respect des normes internationales relatives au recours à la force ainsi que de la Convention des Nations unies contre la torture ».

Coïncidence malencontreuse, c’est également hier qu’était publié le rapport 2010 dans lequel Amnesty déplore, sans rire, que la situation des droits de l’homme n’évolue pas en France. Au chapitre « violences policières », l’association évoque le cas d’un homme mort en 2009 dans un commissariat. Certes, c’est un de trop. Mais quand la police se fait insulter, agresser à coups de projectiles et tirer dessus, il faut peut-être se féliciter qu’il y en ait un seul. La réalité, c’est que notre police est républicaine dans un contexte qui l’est de moins en moins.

Cela dit, le décret « Taser » ne satisfera pas ceux à qui il s’adresse, les policiers municipaux. En effet, face à des malfrats prêts à tuer, la seule solution, ce sont des policiers bien formés et autorisés à se défendre. Or, l’affaire de Villiers-sur-Marne montre qu’on risque de voir se constituer une police à deux vitesses. On comprend mal pourquoi 30 % des policiers municipaux sont armés : soit ils sont là pour aider les vieilles dames à traverser et mettre des PV, auquel cas ils n’ont pas à être armés du tout, soit ils font le même boulot que leurs collègues de la Police nationale et ils doivent bénéficier de la même formation et des mêmes outils.

De fait, la sécurité fait partie des missions régaliennes de l’Etat et on préfèrerait nettement que, face à la violence criminelle, l’Etat demeure le seul détenteur de la violence légitime. Reste qu’on ne reviendra pas en arrière. Et les voyous, eux, ne font pas la différence entre les uniformes. Municipal ou national, pour eux, un flic est un flic.

Personne ne croit, du moins faut-il l’espérer, que le « Taser » fera des miracles. On voit mal à quoi il servirait contre des individus équipés d’armement lourd. Pour autant, on ne saurait conclure à son inutilité. En effet, les malfaiteurs prêts à devenir des meurtriers – et meurtriers de policiers – pour échapper à la prison restent heureusement l’exception. Du reste, au-delà de leur médiatisation compréhensible, les morts de policiers en service sont, sur la longue période, plutôt en diminution. En revanche, ce qui disparaît de notre univers mental, c’est la peur du gendarme. On ne respecte plus l’uniforme : certains trouvent cette évolution réjouissante ; elle est plutôt terrifiante. Même les Bobbies anglais, symboles d’une société si policée qu’elle pouvait presque se passer de police, ont dû se résoudre à s’armer. Dans un monde civilisé, la peur de l’autorité suffisait : celle-ci n’avait pas à s’exercer par balles. Dans un monde qui s’ensauvage, c’est le « Taser » qui est une arme civilisée.

Face à la rébellion, que peuvent et que doivent faire les policiers ? Est-il préférable qu’ils tirent à balles réelles ou qu’ils neutralisent les récalcitrants ? Aujourd’hui, ils ne peuvent rien faire. Résultat, les atteintes à l’autorité, en particulier les refus d’obtempérer, ont augmenté de 43 % entre 2003 et 2008 et les violences physiques contre la police nationale de 34 %.

Nous avons la chance de vivre dans un pays de libertés. Et ces libertés ne sont pas menacées par les caméras de surveillance mais par ceux qu’elles surveillent. Les honnêtes gens n’ont pas peur de la police, ils ont peur des voyous. Il faut que les voyous aient peur de la police et si le « Taser » leur fait peur, tant mieux. Ceux qui criaient hier « police partout justice nulle part » devront bien admettre que quand la police n’est nulle part, c’est la barbarie qui est partout.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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