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Splendeurs et misères de la Justice

Quand l’institution judiciaire a la main tremblante, on ne peut parler « d’État de droit », mais de laxisme institutionnel.


Splendeurs et misères de la Justice
Pexels / Diego Caumont

En France, il vaut mieux être le malfaiteur que la victime. La dévotion bigote et craintive à l’Etat de droit nuit gravement à la Justice et assure trop souvent une indulgence excessive envers les criminels.


Victor Hugo nous a habitués à éluder la douleur des victimes, pour préférer le récit pathétique du dernier jour d’un condamné. La France meurtrie qui est la nôtre reproduit ce réflexe hugolien, et ignore le dernier jour pur d’une fille qui a perdu son innocence au bout de six ans d’existence, au profit d’un suspect dit « mineur isolé » que l’on présente comme un « ado » ou un « jeune », passé à tabac par le père de l’enfant, lequel devra comparaître au tribunal correctionnel pour violences aggravées.

S’il est indiscutable que la vengeance privée ne peut à échelle globale se substituer à l’État, on ne peut, humainement, s’empêcher de ressentir comme une injustice les blâmes sociaux infligés au père, que constituent le placement en contrôle judiciaire et un passage en garde-à-vue. Pour justifier cette situation largement asymétrique comparativement à d’autres situations où l’impunité triomphe, certains invoquent comme une incantation « l’État de droit », parfois au mépris de la Justice. Il paraît donc nécessaire de revenir sur ces deux notions tirées de la théorie juridique continentale, afin de mieux considérer les fausses splendeurs de l’État de droit, et les réelles misères de la Justice.

Si une société pleinement pacifiée ne peut exister, l’État a pour mission minimale d’enrayer la criminalité surnuméraire causée par des non-nationaux

L’État puise sa légitimité dans la sécurité que son existence apporte aux citoyens. A ce titre, tout manquement à cette obligation fondamentale engage au moins philosophiquement la responsabilité de la puissance publique qui s’est avérée impuissante à honorer la mission pour laquelle elle a été instituée. En ce sens, parmi les normes à valeur constitutionnelle, on retrouve l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui énonce que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme », au rang desquels figure le droit à la « sûreté ». Ici comme ailleurs, il est inutile de fanfaronner sur les droits de l’homme si l’on s’évertue à en extraire uniquement ce qui profite aux malfaiteurs, au grand dam des victimes qui subissent cette double-peine démoralisante.

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Toutefois, si la criminalité zéro relève de la fantasmagorie au sein d’une société, la position consistant à rejeter toute identification des délinquants en vue d’y percevoir des récurrences dans les profils n’est pas tenable. Les sots et les ignorants qui, avec goguenardise, clament que la fin de l’immigration ne signerait pas la fin de la criminalité, répondent au-delà des espérances de ceux qui ont la sanité d’esprit de pointer la sur-représentation des profils étrangers parmi les auteurs d’actes pénalement répréhensibles. Il ne s’agit pas de croire en une société angélique et utopique où l’homme est un agneau pour l’homme, il s’agit de préserver le pays de la part superfétatoire de sa délinquance qui est causée par des étrangers, fade évidence qui paraîtrait risible auprès d’un Fouché ou d’un Clemenceau.

En conséquence, lorsqu’un acte susceptible de recevoir une qualification pénale est commis par un récidiviste qui n’a pas été assez lourdement condamné, ou par un étranger en situation irrégulière qui n’a pas quitté le territoire à temps, il n’y a rien d’indécent à pointer les manquements de l’État, c’est un minimum démocratique.

Un État de droit qui s’éloigne du concept de Justice

Si tous nos magistrats étaient pétris du sentiment de la Justice, et s’ils avaient lu correctement les grands auteurs classiques que l’on a honorés durant des siècles, les victimes de viols et d’agressions sexuelles ne vivraient pas sous la crainte permanente de revoir leur tortionnaire qui échappe trop souvent à la sanction pourtant prévue par le Code pénal, et les « mineurs isolés » ne répandraient pas tant de malfaisance sur le territoire qui les accueille benoîtement. Parce que dans un pays légal où le droit règne, ce ne sont pas ceux qui le violent chaque jour qui établissent leurs lois scélérates, c’est le Parlement.

La Justice, du latin jus, qui signifie « droit », a très vite été associée à la dichotomie fondamentale entre le juste et l’injuste. Selon la conception aristotélicienne retenue à l’époque où l’Occident savait encore lire, la justice désigne le « suum cuique tribuere », soit « à chacun selon son droit ». Chaque individu doit recevoir la part qui lui est due par les méfaits ou les bienfaits dont il s’est rendu l’auteur. Cet axiome a irrigué l’ensemble de nos droits civil et pénal, et la justice est avant tout une conception du bien, lequel existerait par nature selon ces théories jusnaturalistes. Suivant ces paradigmes, la justice est aussi un sentiment, et c’est celui-ci qui nous conduit à être émotivement dérangés à la vue d’un père vengeur en procès. Il faudra attendre le passage de la Raison pour comprendre que, dans le cadre d’une affaire judiciaire, un acte gravissime ne pardonne pas l’acte moins grave qu’il engendre en guise de mesure de rétorsion, et que si l’État veut rester crédible en général, il doit agir au particulier, sous peine de voir la société soumise à l’empire des émotions privées que chacun érigerait en droit objectif.

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L’État de droit quant à lui est un concept importé de l’histoire juridique prussienne, lorsqu’à la fin du XIXe siècle les juristes parlaient de «Rechtsstaat», pour caractériser l’État dont l’ensemble des autorités agit en se conformant effectivement aux règles de droit en vigueur. En d’autres termes, l’État de droit désigne la situation juridique et politique par laquelle l’État respecte le droit qu’il a édicté. Par exemple, un gouvernement qui par omission mettrait en péril la sécurité de ses sujets en ne punissant pas à la hauteur de leurs infractions les malfrats, est un gouvernement qui ferait rire une assemblée de juristes intelligents.

Quand la justice est sacrifiée sur l’autel galvaudé de l’État de droit

Aussi les notions de Justice et d’État de droit peuvent être complémentaires, mais lorsque l’une s’extravase de son domaine, elle peut s’avérer strictement nocive pour l’autre.

Dans le prolongement de cette idée, un État de droit excessivement soucieux des droits – évidemment légitimes – de la défense et dont les juges craignent à ce point la lourde condamnation des voyous, porte une atteinte gravissime à la Justice, qui exigerait que les nuisibles à la société fussent dûment punis, et les citoyens honnêtes protégés. Donc, à bon entendeur, quand l’institution judiciaire a la main si tremblante et le front suintant lorsqu’il s’agit de prononcer des peines d’emprisonnement, on ne peut parler « d’État de droit », mais de laxisme institutionnel. Dans la continuité de ces renoncements, la notion «d’État de droit» se sentirait trahie de voir le nombre prodigieux de malfaçons qui salissent la justice pénale. En ce sens, la conversion à outrance des crimes en délits, dont le phénomène de correctionnalisation est le corollaire procédural, la prolifération des qualifications trop légères relativement aux faits litigieux, et d’une façon plus transversale, la gigantesque impunité dont jouissent les racailles cajolées par la tiédeur d’un régime craintif, n’ont rien à voir avec le révéré « État de droit » qui ne semble pouvoir s’épanouir que dans les manuels ou les bouches de ceux qui ne l’ont pas compris. De surcroît, le refus aveugle et hypocrite de voir le lien entre immigration et délinquance est également un affront porté à un État fondé sur le droit. Ce dernier point est d’ailleurs l’abcès à percer : il faut être bien intellectuellement limité pour n’être pas en mesure de concevoir l’établissement d’un tel lien autrement que par un motif raciste. Les raisons de cette sur-représentation ne tiennent pas à la « race » – à laquelle d’ailleurs, contrairement à la gauche antiraciste, la droite française a l’intelligence de ne pas faire référence -, mais plutôt aux différences de mœurs, de cultures et de pratiques entre des populations qui n’admettent pas les mêmes standards d’égalité entre les hommes et les femmes ou encore qui n’admettent pas un sens européen aux termes de « consentement » ou de « viol ». A y bien regarder, sans doute un biais paternaliste et raciste empêche ces belles âmes de rendre les extra-européens responsables de leurs gestes…

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Lorsque le tribunal administratif de Paris, cet été, a considéré qu’un prédicateur islamiste ne devait pas être expulsé du territoire français, motif tiré d’une violation de son droit à la vie privée et familiale, l’État de droit a violé la Justice, et heureusement que le Conseil d’État est venu rétablir l’honneur. Car une justice digne n’aurait pas attendu vingt ans pour expulser manu militari ce purgatif de l’islamisme ayant fomenté une armée de jeunes radicalisés. Aussi, en ce genre d’affaires, ce ne sont pas les délinquants et les criminels qui échappent à la Justice, ce sont les juges. Il est donc pathétiquement don quichottien de s’apitoyer chaque mois sur les «atteintes à la laïcité» commises dans les établissement scolaires, si l’on ne dispose d’aucun autre recours que celui consistant à fasciser la droite lucide qui ose chaque jour combattre ce qu’une fulgurance d’un instant a appelé l’hydre islamiste. Sur ce sujet, comme dirait Baudelaire, «nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ; nous nous faisons payer grassement nos aveux, et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux, croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches». Bref, au sein d’un État de droit qui se respecte, le père Olivier Maire présiderait encore ses messes, et Lola serait à l’école.



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