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Sciences-Po Grenoble, l’IEP dont le prince est l’étudiant

Propos recueillis par Céline Pina


Sciences-Po Grenoble, l’IEP dont le prince est l’étudiant
© D.R.

À l’instar de la municipalité, Sciences-Po Grenoble est un vivier de militants islamo-gauchistes. Les syndicats étudiants y exercent un régime de terreur sur les professeurs et la direction qui préfèrent ne pas moufeter, par opportunisme ou conviction. Vue l’ambiance, mieux vaut ne pas déplaire. Les professeurs Vincent Tournier et Klaus Kinzler en ont fait les frais. Première partie: témoignage de Vincent Tournier.


En mars 2021, Sciences-Po Grenoble a été secoué par un scandale révélateur de l’emprise de l’extrême gauche à l’université et des méthodes fascisantes avec lesquelles elle impose le silence et installe son pouvoir. Les noms de deux professeurs avaient été placardés sur la façade de l’école avec ce slogan : « Des fascistes dans nos amphis, l’islamophobie tue ». Leur tort : avoir osé dire que le terme « islamophobie » n’était pas scientifique et renvoyait au militantisme et non à une réalité sociale. Le rapport de l’inspection diligentée par le ministère suite à cette histoire évoque un climat de peur qu’un syndicat et son principal responsable ont installé au sein de l’institution sans susciter aucune réaction de la part de la direction. Causeur a voulu savoir ce qu’il était advenu des deux professeurs menacés de mort, Vincent Tournier et Klaus Kinzler.

Vincent Tournier © D.R.
« Il y a un avant et un après. » Entretien avec Vincent Tournier, maître de conférences de science politique à Sciences-Po Grenoble

Causeur. Avant le scandale de l’affichage, y a-t-il eu des signes indiquant que votre personne ou votre enseignement étaient contestés ?

Vincent Tournier. Je n’ai pas du tout anticipé la crise. Je n’étais pas très impliqué dans la vie interne de Sciences-Po. J’animais un cours sur l’islam. Deux ou trois ans avant les faits, la direction m’avait prévenu que des étudiants syndiqués avaient voulu le faire interdire. À l’époque, la direction m’avait invité à ne pas donner le sentiment de mettre tous les musulmans dans le même sac, ce qui m’avait tellement paru aller de soi que j’ai cru que cette histoire était réglée. Je n’ai pas su exactement ce qu’ils me reprochaient, mais je sais que certains constats passent très mal. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on évoque l’importance des mariages consanguins dans le monde musulman, même en s’appuyant sur les analyses de la grande résistante et anthropologue Germaine Tillion, que nul ne peut soupçonner de racisme ou quand on décrit l’importance du fondamentalisme religieux, même si là encore il existe des données concordantes.

Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que votre nom avait été affiché sur la porte de l’IEP assorti d’une association d’ « islamophobie » ?

Au départ, j’ai pensé que l’affaire allait rester strictement locale, mais très vite elle a pris une dimension nationale. À partir de ce moment, votre propre histoire vous échappe. Vous devenez le professeur menacé de mort : vous êtes soit la victime d’une cabale islamo-gauchiste pour les uns, soit le salaud dénoncé à bon escient par des étudiants justiciers pour les autres. Même quand vous êtes victime d’un acte violent, vous devenez celui par qui le scandale arrive : cela vous isole. C’est comme si vous étiez marqué au fer rouge. Il y a un avant et un après.

Comment avez-vous vécu la réaction de vos collègues, des étudiants, de la direction ?

Dans un premier temps, tous ont condamné la délation par voie d’affichage. Mais assez vite une lecture politique a émergé qui nous a attribué la responsabilité de la crise. Certains collègues ont même été très loin dans la critique, nous déniant le droit de parler d’islam. On voit aussi se mettre en place des réflexes prévisibles comme la volonté de protéger l’image de l’institution. Le pire, c’est que malgré le scandale provoqué par ces collages, les étudiants, notamment le leader de l’Union syndicale[1], ont assumé leur cabale lors d’une conférence de presse, en considérant que « des personnes concernées – donc des personnes musulmanes ou affiliées à l’islam » avaient été choquées par certains écrits. À aucun moment ils n’ont entrepris de faire marche arrière ou d’admettre leurs torts.

A lire aussi : Le casse-tête du recrutement de nouveaux enseignants

Comment un syndicat étudiant peut-il exercer une telle influence ?

Il y a sûrement plusieurs raisons, mais il est clair que les différentes réformes de l’enseignement supérieur ont eu pour effet de donner aux représentants étudiants une place très importante au sein des conseils d’administration. La montée en force de l’évaluation des enseignements les incite à penser qu’ils disposent d’un droit de regard sur la pédagogie. Il est même prévu que les étudiants ne peuvent être sanctionnés lorsqu’ils dénoncent des discriminations, ce qui encourage à organiser une sorte de traque généralisée. On sous-traite aux étudiants la lutte contre les discriminations ou contre les violences faites aux femmes. Ceux-ci peuvent se sentir investis d’une mission de contrôle ou d’épuration qui vient conforter une radicalité déjà très présente. Les autorités universitaires n’ont alors plus vraiment la légitimité pour s’opposer à ces dérives. S’ajoute à cela la présence d’enseignants très politisés, y compris dans les instances de direction, ce qui crée un environnement propice aux dérapages.

Comment expliquer l’influence de syndicats très gauchistes sur les étudiants ?

La sélection des étudiants se fait certes par Parcoursup, mais l’un des facteurs de sélection, le plus discriminant, est l’engagement. Cela tend à favoriser des étudiants militants, immergés dans le monde associatif et politique. La diversité du recrutement en a pâti. On oublie aussi que le système tend désormais à sacraliser l’étudiant. Nombre de professeurs, pour conserver leur crédibilité, doivent faire preuve de prudence, voire de complaisance idéologique à l’égard des étudiants.

Et aujourd’hui, où en êtes-vous ?

Je travaille toujours à Sciences-Po Grenoble, mais mon cours a été supprimé faute d’étudiants. Je le regrette car je considère que ce sujet est aujourd’hui essentiel pour la société française. J’ai été placé pendant un temps sous protection policière suite à cette affaire. C’est une impression paradoxale. D’un côté c’est inquiétant, car cela vous rappelle la menace qui plane sur vous, mais de l’autre c’est très rassurant de voir arriver la cavalerie. D’autant que les gardes du corps sont souvent éminemment sympathiques et admirables. Sur un plan personnel, je n’ai pas flanché moralement, sans doute parce que je ne me suis jamais senti coupable de quoi que ce soit.


[1]. Le syndicat gauchiste mis en cause dans le climat délétère régnant à Sciences-Po Grenoble dont les agissements ont été dénoncés par le rapport de l’inspection diligentée par le ministère.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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