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Sarkozy, Hollande : c’est celui qui dit qui est


C’est celui qui dit, qui est. La dernière fois que j’ai prononcé ça, je devais avoir 7 ans, être à bout d’arguments et ne pas avoir encore une maîtrise totale d’une bonne droite pour répondre à une pimbêche à couettes qui avait dû me moquer.

Qu’on se rassure, l’usage de cette antienne ne s’est ni perdu, ni cantonné aux cours de récré. C’est même devenu top tendance dans la campagne présidentielle.

Dernier épisode en date : le président sortant, qui dans un de ces faux off dont il a le secret, balance que François Hollande est « nul », et « que ça commence à se voir. » Comme ça, froidement. Off complaisamment repris par l’ensemble de la presse, trop contente de se débarrasser enfin des attentats de Toulouse et Montauban et d’une semaine d’angoisse à ne plus en pouvoir de spéculer sur les causes, les moyens et les conséquences.

Dans la demi-seconde, c’est-à-dire le temps qu’il faut pour que l’info soit reprise par le twitter de journalistes en vue, le candidat socialiste est interrogé sur cette saillie. Questions auxquelles il assurera ne pas vouloir répondre – comme d’habitude. Avant d’assortir aussitôt cette non-réponse d’un commentaire cinglant -comme d’habituuuuude : « Ça se rapporte toujours à celui qui l’emploie. » Soit, en bon français de CM1: c’est celui qui dit qui est.

On aurait pu penser que le 860ème épisode de ce petit jeu s’arrêterait là. Mais pas vraiment, puisque immédiatement après le chœur des vierges effarouchées de la politique a glapi, dénonçant les insultes du PS et la campagne de caniveau de l’UMP à moins que ce soit l’inverse.

D’ici peu je sens qu’on va aller vers une campagne sans « insultes », à supposer que « nul » en soit une. François Hollande est capable de prendre ça à la rigolade. Il serait moins tendu par l’enjeu, il aurait arrosé la presse d’un bon mot comme il savait faire avant. Là, fini de rire, soyons sérieux, prenons la mine sombre. La situation est grave, le chômage, le terrorisme et le réchauffement climatique supposent qu’on arrête vraiment de rigoler. Il va de soi que l’indignation et les demandes d’excuses 24 heures sur 24 ne valent pas que pour le PS et l’UMP, y’a qu’à voir le super numéro de duettistes entre Le Pen et Mélenchon…

La menace d’une campagne sans outrage, voire d’une journée mondiale sans insulte politique se profile. Vous croyez que j’exagère ? Même pas : aux Etats-Unis, on y est quasi, alors que la campagne présidentielle commence sérieusement. Car figurez vous, que Robert De Niro (oui évidemment, c’est autre chose que Pierre Arditi, ou Mathilde Seigner) qui soutient Barack Obama a osé faire une blague lors d’une soirée de collecte de fonds la semaine passée. En annonçant l’arrivée de la première Dame, Michelle Obama il a lancé ça face caméras: « Callista Gingrich, Karen Santorum, Ann Romney… Pensez-vous vraiment que le pays soit prêt pour une First Lady blanche? C’est trop tôt, n’est-ce pas ? »

Patatras, le lendemain matin, les candidats républicains lui ont sauté à la gorge : Newt Gingrich a récupéré l’histoire, demandant au président Obama de « s’excuser » pour les propos « inexcusables » de Robert De Niro qui « divisent » le pays. Comme Newt Gingrich, Rick Santorum a condamné les propos de Robert de Niro, « un homme d’Hollywood ». Michelle Obama elle-même, enfin sa porte-parole, a participé à la curée contre l’acteur drôle et joué au pisse-vinaigre, qualifiant la blague de Robert De Niro « d’inappropriée »[1. Un grand bravo au passage à l’épouse de Mitt Romney qui, à la surprise générale a volé immédiatement à la rescousse de Robert De Niro : « J’ai ri. J’ai pris cette blague pour ce qu’elle était : une blague » a dit Ann Romney avant de déplorer que dans le monde politique « nous prenons tout tellement au sérieux et nous réagissons tous de façon exagérée à certaines choses »]. Pardonnez-moi de vous ramener à cette réalité brutale, amis obamaniaques.
Voici donc le grand acteur sommé de s’excuser : il n’avait voulu, avec ce ton satirique, ni « blesser, ni embarrasser quelqu’un ». Robert De Niro, pour faire court est nul. Ah, non ça c’est interdit.

Malgré ces excuses d’une sincérité et d’une crédibilité quasi-soviétiques, aux USA, la controverse sur blague drôle-qui-ne-voulait-blesser-personne a pris des proportions délirantes. Au point que le comédien et animateur Bill Maher, qui ne se cache pas d’être de gauche, a publié une tribune dans le New York Times. Déroulant jusqu’au bout les indignations surjouées de la gauche et de la droite US, il suggère aux deux camps de créer vite un « Dimanche sans injures ni demandes d’excuses ». Qu’il fasse gaffe, ça pourrait donner des idées à certains ici. Et pas pour de rire.



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