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Renaud Camus, Richard Millet : le bal des proscrits


Renaud Camus, Richard Millet : le bal des proscrits

Renaud Camus défend Richard Millet

Pour le lecteur qui découvrit Richard Millet avec Le Chant des adolescentes (1993), merveilleux portraits des collégiennes qu’il voyait chaque jour dans sa classe à l’époque où il était professeur de français, ou Renaud Camus avec Roman roi (1983), roman sur un pays imaginaire d’Europe qui ressemblait au Portugal et à la Roumanie, le choc est assez rude depuis quelques années.
Ces deux écrivains ont plus d’un point commun : l’amour de la langue et le sentiment que le monde que nous connaissons disparaît. Dans leur œuvre, ils attribuent, pour l’essentiel, ce changement de civilisation, cette décadence, à une immigration de peuplement qui dissout l’identité française dans le multiculturalisme. Certains pensent que ces thèmes ont envahi leurs livres au détriment de tout le reste, qui en faisait l’indiscutable beauté. Les deux écrivains y ont gagné d’autres lecteurs qui les instrumentalisent en les mettant au service d’un combat plus idéologique qu’esthétique.[access capability= »lire_inedits »]

Il nous a semblé intéressant de demander à Renaud Camus ce qu’il pensait de Richard Millet et de ses pages sur Breivik. Renaud Camus a en effet une certaine ancienneté dans les procès en sorcellerie. En 2000, cet écrivain encore confidentiel publie, comme à son habitude, son Journal, en l’occurrence celui de l’année 1994, intitulé La Campagne de France. Alors que rien n’avait choqué sa petite et fidèle phalange de lecteurs, certains censeurs médiatiques décidèrent que Renaud Camus était antisémite sur la foi de passages où il observait que l’émission « Panorama » comportait beaucoup de collaborateurs juifs et que, de ce fait, y étaient traités très souvent, trop souvent, des sujets en rapport avec la questions de la Shoah. Malgré la défense d’Alain Finkielkraut, d’Élisabeth Lévy ou encore de Dominique Noguez, La Campagne de France reparut presque aussitôt dans une édition expurgée par Fayard. L’alerte avait été chaude. Elle n’empêcha pas Renaud Camus de continuer à écrire et dire ce qu’il pensait de notre monde sans la moindre autocensure.

De plus en plus préoccupé par la disparition de la culture française dans une manière de totalitarisme petit-bourgeois du goût qui abîme la langue, les mœurs et les paysages, il crée en 2002 le Parti de l’in-nocence où, progressivement, se dévoile une lecture ethnique de la société française et des prises de positions clairement anti-multiculturalistes.
Aboutissement logique de cette démarche, et cette fois-ci davantage par conviction que par provocation, lors de l’élection présidentielle, Renaud Camus appelle à voter Marine Le Pen dans une tribune du Monde en avril 2012. La réaction de Fayard ne se fait pas attendre, qui annonce ne plus publier ses livres. Elle suit celle de P.O.L, son éditeur historique, qui avait déjà décidé, avant même cette tribune du Monde, de se séparer de Renaud Camus.

Cette seconde « affaire Camus » souleva beaucoup moins de protestations, alors qu’elle pose de façon beaucoup plus aiguë cette question : qu’est-ce qu’un écrivain peut dire ou ne pas dire, aujourd’hui, s’il tient à continuer d’exister ? On est aussi en droit de se demander, de manière flagrante et brutale chez Millet, et plus bathmologique[1. Renaud Camus appelle « bathmologie », d’après une intuition de Barthes, la « science des degrés » à l’intérieur de certains discours où, un peu à la façon du champagne, le goût ou une partie du goût se révèle à un moment postérieur à la première gorgée. Tout discours peut et doit se contredire, se moduler en fonction des circonstances, de manière à le faire progresser vers une certaine vérité qui n’aura pour autant rien d’absolu.] chez Renaud Camus, s’il n’y a pas dans leur démarche une recherche du scandale qui tendrait à démontrer par l’absurde qu’il y aurait un indicible, voire un inaudible, actuellement, sur ces questions, y compris en littérature. L’auteur de ces lignes, en radicale opposition avec les idées de ces écrivains qu’il a aimés et qu’il aime encore, souhaiterait qu’il n’en soit rien, ne serait-ce que pour leur donner tort.[/access]

Septembre 2012 . N°51

Article extrait du Magazine Causeur



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